Aujourd’hui, je vais vous parler de polyamorie.
– Hein ? De poly-quoi ? Tu veux dire « polyamour » ?
– Non non, je dis bien « poly-amorie ». Je vais parler de polyamorie.
Bon. Je vous propose, avant de parler de ce dont il s’agit (ça sera l’objet de l’article de demain : Polyamorie : de quoi parle-t-on ? De relations consensuelles et éthiques), que l’on se mette d’accord sur un petit point de vocabulaire.
En effet, contrairement notamment aux créateurs du site polyamour.info en 2008, je choisis moi, de « traduire » en français le néologisme américain « polyamory » non pas par « polyamour », mais par « polyamorie ». Comme les Allemand·es et les Néerlandais·es, qui disent « Die Polyamorie« , et non de « Die Polyliebe » (je me dis que si les créateurices du mot « polyamory » avaient voulu parler de « poly-amour », ielles auraient créé « poly-love« ).
Ah, donc « polyamour » ou aujourd’hui « polyamorie » que tu nous proposes, est une traduction à l’origine d’un néologisme américain ?
Voilà. Polyamory est à l’origine composé d’une racine grecque – poly : plusieurs – et d’une racine latine – amor : amour (on est d’accord, ça ne se « fait pas », de mélanger comme ça le grec et le latin : c’est pourquoi certain·es proposent « multiamory« ou « polyphilia« !). Et en même temps… ben voilà, quoi : le mot existe et est même entré dans le Oxford Dictionary (certes avec une définition foireuse : personne n’est parfait·e…).
OK. Va pour polyamory. Mais donc, pourquoi « polyamorie » et non « polyamour » ?
Parce qu’en français, quand on entend le mot « amour », on pense souvent à l’Amour avec un grand A ; autrement dit, la passion amoureuse. On pense à « être amoureuxe ».
Or si, quand on choisit de vivre en Polyamorie, il est en effet possible de vivre plusieurs relations amoureuses (au sens de « romantiques ») en parallèle – tant que toutes les personnes concernées sont au courant et d’accord : c’est là qu’on parle d’éthique, et nous y reviendrons, puisque c’est le sujet même de cette série d’articles ! – la polyamorie est en réalité plus largement la possibilité de vivre en parallèle plusieurs relations intimes – qu’elles soient amoureuses ou non, sexuelles ou non – dans un cadre consensuel et éthique.
On peut en effet être « poly » et aromantique, « poly » et asexuel·le.
Quand on parle de polyamorie – i.e. de relations plurielles ou non-exclusives éthiques – on ne parle en effet pas d' »Amour » – en tout cas, pas nécessairement.
Or en français, comme on entend « polyAmour » (et c’est la même chose en italien avec poliamore, et en espagnol avec poliamor), on croit comprendre de quoi il s’agit : de plusieurs « amours » ou relations « amoureuses ». Mais non. Ça peut, mais pas seulement.
De même avec l’adjectif « polyamoureuxe. » En anglais, « polyamorous » ne veut pas dire « être amoureuxe de plusieurs personnes », mais « être attiré·e » par (attracted to) plusieurs personnes (définition dans le Oxford Dictionary: Showing, feeling, or relating to sexual desire. Ah oui, zut, on a dit qu’il était nase pour « polyamory » !)
Comment on fait alors, pour l’adjectif ? Je propose « poly« , tout simplement (ça marche à tous les coups et dans toutes les langues) ou bien alors, comme la forme nominale « polyamorist » en anglais : « polyamoriste » (bon, j’admets, c’est pas très joli…).
POLY-QUOI ?
En anglais, quand quelqu’un·e qui n’a jamais entendu parler de polyamory entend le mot pour la première fois, ielle est obligé·e de poser la question : de quoi s’agit-il ?
En français, en revanche, si on parle de « polyamour », il se peut que la personne se dise : « Si je suis amoureuxe de maon partenaire ET de mon amant·e, ça fait de moi un·e polyamoureuxe. »
Eh bien… non !
Car si l’adultère est (comme la polyamorie) une forme de non-exclusivité, elle est (contrairement à la polyamorie) non-consensuelle… donc non-éthique : puisqu’au moins une des personnes n’étant pas au courant, elle ne peut être d’accord.
Vous me suivez ? (Si non, pas de panique : ce sera tout l’objet de l’article de demain !)
L’idée, en adoptant le mot « polyamorie », est donc de créer la même interrogation chez notre interlocuteurice en français, qu’en anglais : Pardon, tu peux répéter ? Poly… quoi ? De quoi tu parles ? Jamais entendu !
Et hop, le tour est joué, et on peut commencer à définir… et à parler consentement, éthique, tout ça, quoi.
Et ça… c’est pour demain !
Hâte de lire vos commentaires,
avec plaisir, amour et bienveillance,
Isabelle
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Bonjour Isa,
Merci beaucoup pour cet article ! C’est très important de mettre des mots sur les choses. Le langage crée la réalité. Nous avions justement parlé de cela lors du dernier café Poly, et j’y ai beaucoup réfléchi depuis. J’adhère totalement à tes arguments, et tant pis si « polyamoriste » ne plaît pas à toutes les oreilles (argument de traducteur : ce n’est pas pire en français qu’en anglais, à mon avis, donc une traduction acceptable). L’important, c’est qu’il permette de faire la différence – cruciale – entre polyamorie et adultère !!
« tant pis si « polyamoriste » ne plaît pas »
cf ci-dessous
Ping : Désir et… Polyamorie ! – Le Curieux
Bien, vu, j’approuve « polyamorie » pour tes raisons. J’ai moi-même constamment des réflexons sur le vocabulaire trompeur –et souvent c’est comme si c’était volontaire, car ça sert bien nos idéologies dominantes.
Mais « polyamoriste » ne va pas : dans la logique de la langue, ce serait un-e adepte de polyamorisme. Et le polyamorisme, vu la fin en -isme, ce serait sans doute une idéologie : une idéologie de la polyamorie certainement, comme le scientisme pour la science, tu vois ?
Je propose donc « polyamorien-e » à la place, et d’ailleurs il me semble qu’on a pas trop le choix ! (Dommage, car polyamoriste est un terme épicène.)