21 JOURS pour des relations positives #17. Attachement

Ça fait longtemps que je veux écrire un article sur l’attachement, cette théorie élaborée par John Bowlby dès les années 50 et vérifiée scientifiquement par la suite… et je ne me sentais pas prête, je me disais que je devais encore y travailler… Aujourd’hui, même si je ne sens pas plus prête, je me lance, sans doute grâce à ma coiffeuse ce matin, à qui j’ai commencé à raconter de quoi il s’agissait et dont les yeux s’ouvraient tout grands, passionnés, et en qui ça avait l’air de résonner. Même si je ne suis pas une « experte », je peux quand même essayer de transmettre ce que moi, j’en ai compris.

Le style d’attachement que chacun·e de nous développe dans ses relations adultes nous vient en grande partie des relations qu’on a entretenues avec nos premières figures d’attachement dans notre enfance : pour la plupart d’entre nous, nos parents, et le plus souvent, singulièrement notre mère.

Un enfant à l’attachement dit « sécure » (ou « sécurisé » en bon français) se sent libre d’aller explorer le monde : il sait qu’à tout moment, il peut revenir à son « port d’attache« .
On le voit quand on observe des tout-petits qui partent en courant dans un parc par exemple : ils regardent souvent malgré tout derrière eux pour vérifier que leur parent les suit du regard, ou les suit tout court. C’est un jeu : ils s’éloignent… tout en sachant qu’ils sont en sécurité, que leur parent veille sur eux : c’est leur « base de sécurité« . Et en cas de stress, de chute, de danger… ils reviennent en courant ! Ils savent que leur parent sera là pour les rassurer, les consoler, les prendre dans les bras.

(C’est ce qu’on voit sur le schéma que j’ai fait ci-dessus : sur le tracé du haut, l’enfant quitte sa base sécure, pour explorer le monde. Il dit à son parent : Regarde-moi, soutiens-moi dans mes expérimentations, encourage-moi !
Sur le tracé du bas, l’enfant dit à son parent : Rassure-moi, console-moi, prends-moi dans tes bras, quelque chose m’a effrayé·e, je suis en stress, dis-moi que tout va aller bien.) 

Des scientifiques ont fait des expérimentations avec des enfants de un an. On les mettait dans une pièce avec leur parent, puis leur parent partait, s’absentait quelques minutes. Les enfants dits « sécures » pleuraient quand leur parent partait, puis rapidement, se remettaient à jouer. Quand leur parent revenait, ils se précipitaient sur eux pour leur faire un câlin, accueillir leur retour… puis ils repartaient jouer. Tranquilles, quoi.

Il existe en réalité un attachement dit « sécure », et un attachement dit « insécure », qui se décline en trois sous-groupes :

  •  l’attachement dit « évitant »
  •  l’attachement dit « anxieux » ou « ambivalent »
  • l’attachement dit « désorganisé ».

Les enfants dits « évitants », quand leur parent part, ne pleurent pas.
Et quand il revient, ils font à peine attention à lui.
En gros : Pas besoin de toi, je me débrouille très bien tout·e seul·e.

Les enfants à l’attachement « anxieux » ou « ambivalent » s’accrochent à leur parent quand il part : ils ont peur qu’il ne revienne pas.
Et quand il revient, ils sont incapables d’aller jouer dans leur coin : ils restent collés à leur parent, au cas où il reparte.

Les enfants à l’attachement « désorganisé » sont les plus en souffrance : ce sont en général ceux qui viennent de familles hautement dysfonctionnelles, où un parent boit, ou tape, où on ne sait jamais à quoi s’en tenir, où parfois le parent est là, parfois pas, et parfois, il peut être celui-là même à l’origine du danger alors que son rôle est de protéger l’enfant. L’enfant, en danger, ne sait vers qui se tourner, et disjoncte. En général, le parent qui provoque ça chez son enfant, est lui-même en état de « disjonctage ».

Tout ça est transgénérationnel et intergénérationnel, transmis de parents à enfants.

On estime qu’environ 60% de la population auraient un attachement dit « sécure ». Il en resterait 40% à l’attachement « insécure ».

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L’idée, c’est donc qu’on reproduit à l’âge adulte le style d’attachement principal que l’on a connu enfant. Sachant qu’on peut développer des attachements différents avec différentes personnes de notre enfance (chacun de nos parents, mais aussi nos grands-parents par exemple, ou toute figure importante et stable de notre enfance)  ET – et c’est là le plus important à mon sens – qu’on peut changer de style d’attachement : comme tout ce qui est lié à notre cerveau, on peut le travailler, le faire évoluer, le réparer.
Chouette ! C’est ça, la bonne nouvelle !

Je me demande si, en réalité, les relations « positives » telles que je cherche à les définir, ne se rapporteraient pas à un style d’attachement sécure, ou tout du moins qui s’en rapprocherait le plus possible — car donc, on peut y travailler en conscience.

En effet, il s’agit :
– d’avoir suffisamment confiance en soi-même et en l’autre pour se sentir libre et autorisé·e d’explorer le monde – et de læ laisser explorer le monde (base sécure) ;
parce qu’on sait qu’en toutes circonstances, nos émotions seront accueillies et non jugées, et qu’en cas de stress ou de besoin, on pourra se tourner vers l’autre pour un soutien et un accueil (port d’attache).

Quelqu’un·e à l’attachement évitant… a du mal à se lier à quelqu’un·e d’autre durablement, ne fait a priori pas confiance, se sent seul·e, et quoiqu’il arrive, pense qu’ielle ne peut compter que sur lui/elle-même.
Quand ielle se sent rejetée, pas assez aimé·e, jalouxe… ielle va avoir une réaction que j’identifie à la fable du Renard et des Raisins de Jean de La Fontaine : De toute façon, ils étaient verts. Autrement dit : Je n’ai pas besoin de toi.
Pour peu que ce soit dit un peu agressivement, l’autre se sent à son tour rejeté·e, non désiré·e… et c’est un cercle vicieux.

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Quelqu’un·e à l’attachement anxieux ou ambivalent… va typiquement se sentir en insécurité dès que l’autre s’éloigne : peur de læ perdre, peur de l’abandon. D’où (parfois) un besoin de « contrôle », et surtout, d’être constamment rassuré·e.
Un·e évitant·e et un·e anxieux·e peuvent très bien faire couple pendant longtemps : leurs névroses sont complémentaires.

En Polyamorie, il est clair que le fait que l’un·e ou l’autre dans une relation impliquante soit explicitement amené·e à entrer en relations intimes avec d’autres personnes, oblige notamment à prendre conscience de ses réactions et comportements en cas de stress et… à travailler sur son style d’attachement.

Si à chaque fois que mon/ma partenaire passe une soirée avec quelqu’un·e d’autre, je lea rejette parce que j’ai un style d’attachement évitant (Ah tu as envie de passer la soirée avec un·e autre ? Pas de souci, de toute façon je n’avais pas envie de te voir. Et d’ailleurs, je n’ai pas envie de te voir ce week-end non plus !)… ça va vite devenir fatigant, pour l’un·e comme pour l’autre.
De même, si j’ai un style d’attachement anxieux et que je ne supporte pas l’idée que mon/ma partenaire passe la soirée avec quelqu’un·e d’autre parce que j’ai trop peur de læ perdre, que j’ai besoin d’être en connexion constante pour être rassuré·e… là aussi, les relations vont devenir compliquées à vivre.

C’est là que se rappelle à nous… la bonne  nouvelle !!! On peut travailler sur son attachement et le faire évoluer ! Même si on a, à l’origine et dans notre enfance, développé un style principal d’attachement insécure, on peut, dans une relation et grâce à une relation, construire petit à petit un attachement plus sécure, en repérant nos « triggers« , ces boutons qui nous font disjoncter quand ils sont actionnés : au lieu de chercher à les éviter ou – pire – d’accuser l’autre d’en être responsable, on peut choisir de travailler sur eux et d’avancer ensemble, main dans la main, jour après jour. Waouh !

La polyamorie me semble être un outil puissant de développement personnel, une manière d’avancer sur le chemin de sa vie de manière consciente, grâce aux relations positives que l’on choisit de construire.
Je parle de « relations positives », je crois que j’aurais tout aussi bien pu parler de « relations en conscience« .

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS de Mindsight #4 : Journal de bord

Mardi matin, j’ai euh… crié sur mon fils de 10 ans. Si si. Juste avant de partir à l’école.

L’idée ici est de tenir comme un journal de mes 21 jours de mindsight, de voir si progressivement j’avance dans ma vie, si j’arrive à mieux « intégrer » les différentes parties de mon cerveau, à mieux m’observer, et à moins emprunter la « low road » ; pas de faire semblant, de prétendre que j’assure à tous moments, de vous donner des « leçons » : au contraire, de partager avec vous, en tant qu’être humain faillible, et perfectible

Donc voilà. Mardi, quand mon fils, à 8h20, a déboulé comme un bolide dans la cuisine en me reprochant de ne pas l’avoir prévenu qu’il était déjà si tard, et qu’il allait être en retard à l’école, et que c’était de ma faute, etc etc… et alors que de mon côté, j’étais en train d’envoyer un mail qui me stressait, que je ne suis pas « du matin » et qu’en plus, quand je n’ai pas assez dormi, tout me semble parfois déjà une agression, j’ai euh… explosé !
Je l’ai renvoyé dans ses cordes, lui faisant remarquer qu’il était assez grand pour apprendre à gérer son temps le matin, que je ne suis pas à son service, etc etc… Toutes choses que j’aurais pu dire avec le sourire et gentiment. Sauf que je les ai dites en criant. Aie. Pas fière.
Il est parti à l’école, et j’y ai longtemps repensé, d’autant plus que la veille au soir, j’avais écrit ici même à propos des choses qu’on dit ou fait quand on est en colère et qu’on regrette aussitôt… J’étais un bon terrain d’observation pour moi-même.

En réalité, cette fois-ci, j’étais physiquement tellement en colère, qu’il m’a manqué sur le moment ce recul malgré tout nécessaire pour « m’observer » : je n’avais aucune envie de m’observer. J’avais juste envie de crier ma colère. De lui dire que je n’acceptais pas ce mode de relations sous forme d’accusations et de reproches… en le lui reprochant !
Ben oui. On n’est pas toujours cohérent dans ces moments-là.

Donc voilà, c’est comme tout : il y a la théorie, et il y a la pratique !

L’idée ici, n’est pas d’être parfaite – L’Apprentissage de l’imperfection est depuis deux ans un de mes livres de chevet – mais d’avancer : chaque jour de mieux en mieux, et pas à pas. En observant (même après coup) et en cherchant à comprendre, afin de mieux faire la prochaine fois… – ou pas.

Le soir, je suis allée le chercher à l’école, l’ai embrassé et lui ai aussitôt dit : « Je suis désolée pour ce matin. Vraiment. » Ce à quoi il m’a répondu : « Moi aussi, je suis désolé, Maman. J’étais de mauvaise humeur et j’avais peur d’être en retard à l’école. » – « Je sais. Mais j’aurais dû être capable, moi, de te répondre calmement. Si j’ai explosé comme ça, ça n’a rien à voir avec toi, tout à voir avec moi, et mon histoire. Tu n’en es pas responsable. Je te présente mes excuses et te promets de travailler sur moi pour que ça n’arrive plus. »

Alors voilà, je travaille. Je cherche à comprendre. Je réfléchis. Je revis des scènes de mon passé, lointain ou moins lointain. Je crois que j’ai compris aujourd’hui à quel point, sans doute, mon fils me fait revivre des scènes de mon enfance, quand j’avais le même âge que lui aujourd’hui. Que je le vois comme en miroir. Que ces explosions soudaines qui parfois me submergent, ont de grandes chances d’être « héritées ».

Le titre original de cet article était « De l’attachement », parce que ce soir, j’avais envie de vous parler de cette théorie fondamentale de Bowlby que Dan Siegel nous permet de revisiter à la lumière des neurosciences. Sauf que dès les premières lignes, je suis partie sur tout autre chose. Alors pendant un temps, il s’est intitulé « mea culpa » : ça en dit long sur mon sentiment de culpabilité, et le travail qui me reste à faire.

J’ai finalement choisi comme titre celui que vous avez lu : « Journal de bord« . Car l’idée ici n’est pas de me jeter la pierre, mais bien de comprendre ce qui se joue en moi, afin de sortir des ornières et des schémas acquis dans lesquels mon cerveau s’embourbe quand il fonctionne en pilote automatique.

L’un des exercices phares de mindsight que conseille Dan Siegel est en effet d’écrire, de tenir un journal. C’est un peu ce que je fais ici, en le partageant avec vous.
En  espérant que ce travail de réflexion que je mène avec ces 21 jours de mindsight m’aidera à mieux articuler ma vie et mes émotions.
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Ce soir, avec ma fille, nous avons fait cette « Petite Grenouille », la méditation n°2 sur le CD enregistré par Sarah Giraudeau. Je vous l’offre, puisque c’est celle-ci que l’on trouve sur  Internet. Hâte de savoir si elle vous plaît, à vous aussi…

Au plaisir, et à demain.
Isabelle