21 JOURS pour des relations positives #13. Écoute empathique

Aujourd’hui, 13 novembre, jour de commémoration. « Com-mémoration » : le fait de se souvenir ensemble. Il ne s’agit pas de « mémoire », mais de « mémoration », mot qui paraît plus actif. On agit ensemble le fait de se souvenir ensemble. C’est important pour chacun·e de nous, c’est important pour la communauté : ça fait partie des éléments qui nous soudent les un·es aux autres.
Il est important d’ancrer ces souvenirs traumatiques dans nos mémoires autobiographiques, comme le faisait remarquer il y a deux jours Muriel Salmona, psychiatre spécialisée dans les troubles traumatiques dans un nouvel article du Nouvel Obs’.

Un traumatisme, en effet, s’inscrit directement dans nos mémoires traumatiques, sans passer par l’hippocampe, qui permettrait de le traiter et de l’envoyer dans notre mémoire autobiographique.
En parler, en reparler, revenir dessus, entendre les autres en parler… est certes douloureux, mais fait partie du chemin de résilience. Il nous faut nous accompagner les un·es les autres.

Une écoute empathique, active, me paraît un pré-requis d’une relation positive. L’empathie est la capacité à comprendre et ressentir ce que ressent quelqu’un·e d’autre, sans pour autant se laisser envahir par ses propres émotions.

Une écoute empathique est une écoute où on écoute l’autre, en recevant ce qu’ielle dit et exprime, sans chercher à intervenir, aider, ou conseiller. Juste être là, dans une présence bienveillante. Et c’est à la fois une des choses les plus simples et les plus difficiles à faire.

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J’ai vu il y a deux jours le film Le Client d’Asghar Farhadi, le réalisateur d’Une séparation, mais aussi du Passé et de À propos d’Elly, remarquables. L’histoire : une femme est agressée chez elle, dans l’appartement dans lequel elle vient tout juste de s’installer avec son compagnon. Lui est présenté comme un homme ouvert, intelligent émotionnellement, attentif à sa femme et aux émotions des autres : il est professeur, et comédien. Sauf que face au traumatisme qu’a subi sa femme, il est démuni, il ne sait plus faire, et il craque… parce qu’il ne connaît pas le fonctionnement du cerveau.
Il lui reproche notamment à un moment ce qu’il ressent de sa part comme une « incohérence » : elle refuse qu’il la touche la nuit… mais reste collée à lui la journée. Il l’interprète donc avec sa propre grille de lecture, par rapport à lui-même, et sans être attentif aux messages que elle lui envoie.
Car bien sûr, aucune « incohérence » dans son comportement dissocié : elle a été agressée et ne supporte donc plus le contact physique qui doit lui faire revivre l’agression… et par ailleurs, elle est terrifiée à l’idée de rester seule dans la journée, car vivant dans la peur que ça ne recommence.

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Seule solution dans ce cas, comme face à tout trauma : écouter, accompagner, entendre ses émotions à elle – et cela prendra du temps avant qu’elle ne puisse à nouveau se sentir en sécurité.
Quand il juge, prescrit, conseille, reproche… (tu pourrais ceci ou cela, prendre sur toi, faire des efforts…), elle se referme sur elle-même, repart dans la chambre, s’assoit sur le lit, lui tourne le dos. Ce n’est pas de la mauvaise volonté de sa part : elle n’a juste plus accès à ses fonctions cognitives habituelles, elle est comme un oiseau tombé du nid, en totale sidération, en panique.
Petit à petit, à ne pas être à l’écoute de sa femme, à faire passer ses priorités à lui avant celles de sa femme, à ne pas tenir compte de ce qu’elle lui demande, il se coupe d’elle et de leur relation.
Le Client est un film tragique… et poignant.

Aujourd’hui, 13 novembre, jour de commémoration et de souvenir. Partage, émotion, compassion, empathie, solidarité. Et résistance. Amour, tendresse, plaisir, célébration et présence à la vie.

Avec amour, compassion et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS de Mindsight #9 : En quête de sens

Qu’y a-t-il de commun entre regarder un film au cinéma, faire l’amour, lire un bon livre, passer une soirée chaleureuse avec des ami(e)s, rire avec ses enfants ou encore travailler sur quelque chose qui vous passionne sans plus vous rendre compte du temps qui passe ?

C’est le fait d’être à 100% à ce que vous faites, totalement présent. De vivre intensément ce moment, avec toute votre attention focalisée sur une seule et unique chose. D’accueillir ce qui vient comme ça vient.

Hier soir, je suis allée au cinéma, voir un film entièrement financé en financement participatif sur Touscoprod, comme  LUTINE, mon propre film : EN QUÊTE DE SENS.

Et j’ai vécu cette expérience intensément. EN QUÊTE DE SENS est un voyage initiatique, l’histoire de deux copains d’enfance dont l’un faisait du cinéma, et l’autre bossait dans une grosse entreprise à New York. Jusqu’à ce qu’ils décident tous les deux de faire ensemble ce film. Leur voyage les a emmenés en Inde, au Mexique, en Bolivie, en France, aux États-Unis…

Partant du constant qu’une minorité détient la majorité des richesses de ce monde, que si on continue à épuiser les ressources de notre planète, notre survie en tant qu’espèce est menacée, en se demandant au départ comment produire autrement, puis comment vivre autrement, ils ont recueilli aussi bien des sages que des scientifiques, les mêmes réponses : la solution est à trouver en chacun de nous. 

Le film nous montre des gens qui ont décidé de vivre autrement, de produire autrement. Qui méditent. Qui partagent. Qui rient. Qui profitent de la vie, ici et maintenant.
Car comme le dit l’un d’eux, le plaisir peut s’acheter dans un magasin, mais pas le bonheur. Ni le rire d’un enfant.

Ils nous encouragent à méditer nous aussi, à nous interroger, à prendre du « time-in« , comme le dit Dan Siegel. À travailler, réfléchir, partager, produire… autrement ! À changer de paradigme !

Après toutes ces images de paysages sublimes et de nature, de sages et de méditants, les quelques plans à la fin du film où les deux réalisateurs reviennent à Paris… nous font soudain et violemment prendre conscience du monde de dingues dans lequel on vit, là, tous les jours, sans plus même nous en rendre compte.

Ce film est un voyage au bout du monde, une quête initiatique, qui au final nous ramène à nous-mêmes : et nous, comment choisissons-nous de vivre ?

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Je ne peux que vous encourager à aller voir ce film en salles (à Paris, il passe encore plusieurs fois par semaine au cinéma L’Entrepôt), pour partager avec d’autres cette expérience collective qu’est le cinéma, pour vivre avec d’autres ce moment d' »épiphanie » qui m’a été donné de vivre hier soir.

Et si le film n’est pas encore programmé près de chez vous, vous pouvez décider d’organiser une projection ! Vous pourrez aussi, dès la semaine prochaine, vous procurer le DVD. Enfin, les réalisateurs organisent le 22 novembre une grande journée de partage à Paris, qui commencera à 14h par la projection du film : voir leur événement sur Facebook.

Pour vivre autrement, penser autrement, produire autrement. Pour nous, pour nos enfants, pour nos petits-enfants.

Au plaisir, et hâte de lire vos commentaires,
Isabelle

 

 

 

Nos émotions au cinéma !

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler… d’un film américain ! Voilà des mois que je l’attendais et… quelle merveille, en effet, que ce nouveau film des studios Pixar-Disney !

Vraiment, n’hésitez pas, courez-y, de 5 à 99 ans ! À voir et revoir en famille, en couple, entre amis, mais aussi à discuter, et même… à rêver.

Depuis que je l’ai vu (déjà deux fois !), j’y pense en effet très souvent, et c’est là, la force des animateurs de Pixar : je visualise désormais ma colère sous la forme de ce petit bonhomme rouge qui explose régulièrement :

Mes enfants sont sortis de la salle la première fois en disant :
– « C’est fabuleux ! » (le grand, 10 ans)
– « Moi, j’ai pas aimé ! (…)  Non, je blague ! J’ai a-do-ré ! » (la petite, 6 ans)

Un des (immenses) mérites de ce film est de nous aider à prendre conscience que notre cerveau est tout sauf rationnel, et que dans la plupart des situations, nous sommes en réalité mus, non par notre « raison », contrairement à ce qu’on voudrait croire, mais par nos émotions.

« C’est qui qui parle, là ?«  est en effet une des questions que l’on peut désormais s’adresser à soi-même en visualisant la réponse sous l’aspect d’un petit personnage Pixar quand on sent une émotion se manifester en nous, sous la forme d’une sensation physique : un nœud à l’estomac, la gorge qui se serre, la sensation soudaine d’étouffer, le cœur qui s’accélère, la respiration qui saccade…

Ou, comme le formule Isabelle Filliozat : Que se passe-t-il en moi ? 

Et souvent, il suffit de porter attention à cette sensation physique en nous, de la reconnaître pour ce qu’elle est… pour l’aider à passer : les émotions demandent avant tout à être acceptées et accueillies.

C’est une autre des merveilles de ce film : donner enfin toute la place qui lui revient à la tristesse. En effet, la chasser, la fuir, la refouler … est la meilleure manière pour nous couper de nos émotions, à nos risques et périls. Au contraire, la reconnaître, l’accueillir… nous permet de renouer avec nous-mêmes.

Nos émotions sont nos alliées : accueillons-les, et elles nous guideront vers nous-mêmes.

Au plaisir, et… bon film !
Isabelle

Amour, sexualité et transgénérationnel

Parce que, défiant toutes les croyances du marketing marchant formaté et formatant, CECI EST MON CORPSle formidable film écrit, réalisé et interprété par Jérôme Soubeyrand avec la complicité de Marina Tomé, est encore en salles cette semaine, à Paris pour la 12ème semaine consécutive au cinéma La Clef, poursuivant sa carrière à Toulouse, et gagnant semaine après semaine de nouvelles salles en province à la demande des exploitant·es, et – chose nouvelle et étonnante – des nombreux spectateur·trices qui « réclament » à leur cinéma préféré de le programmer… plutôt que de vous en parler en post scriptum, j’ai décidé d’en faire le sujet même de cet article.

Ce film a en effet changé ma vie… littéralement, réellement. Des films, j’en vois, et j’en ai vus, plusieurs par semaine depuis plus de trente ans, et un pareil bouleversement n’arrive pas si souvent… C’est pourtant pour moi le sens même de ce qu’est l’art, ou de ce que devrait être l’art : un artiste partage sa vision du monde, ses interrogations, ses passions, ses doutes, et parfois, réussit ce petit miracle de faire bouger, évoluer, vaciller, éclairer d’un jour nouveau… les vies de ses spectateurs.

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CECI EST MON CORPS raconte l’histoire de Gabin, un curé monté à Paris depuis son Ardèche natale parce qu’il est tombé amoureux d’une actrice lors d’un stage de développement personnel : un émoi nouveau pour lui – ou qu’il a refoulé depuis de nombreuses années – et qui soudain, le bouleverse.

Mais au-delà de ce sentiment et de ces émotions d’amour qui l’envahissent totalement, ce que Gabin va découvrir dans la maison du bonheur dans laquelle il débarque à Paris… c’est aussi le plaisir sensuel, sexuel, de l’union des corps, ce plaisir de faire l’amour : le curé amoureux va découvrir les joies et l’extase que procure l’amour physique, à cinquante ans. Il en a des années à rattraper – et il a envie d’apprendre.

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L’une des forces indéniable de ce film, est de présenter la petite communauté joyeuse, accueillante et bienveillante dans laquelle Gabin s’intègre somme toute assez simplement, comme allant de soi : Marlène, dont il est amoureux, partage en effet sa vie amoureuse et sexuelle entre Émilie, très éprise d’elle (étonnante Laetitia Lopez, au sourire contagieux) et Christian, son amant par ailleurs marié ; le quatrième pilier de leur « famille » étant Renato (Christophe Alévêque au meilleur de sa forme), homo et travesti quand il est lui-même, jouant parfaitement les banquiers à l’extérieur.

MARLENE-EMILIE LITCes gens s’aiment, se soutiennent, s’entraident. Ils sont gentils et bienveillants les uns envers les autres. Ils se réjouissent du bonheur de celleux qu’ils aiment, et sont plein de compassion devant leurs peines. Et ça fait du bien

Ça fait du bien à nos neurones-miroirs… – vous  savez, ces neurones qui font que quand on assiste à une scène, on ressent les mêmes émotions que celleux que l’on regarde ; ces neurones qui expliquent le fondement même, sans doute du théâtre et du cinéma : l’identification aux personnages et à leurs émotions.

Dit autrement : on sort du film ragaillardi·e, joyeuxe, avec des envies de dévorer la vie à pleines dents, d’aimer et d’être aimé·e, de partager, de rire, de faire l’amour. Et c’est tellement rare ! Un vrai « feel-good movie« , au sens plein et généreux du terme.

Mais Jérôme Soubeyrand va plus loin : en effet, au-delà de la fiction qui parle d’amour et de sexualité comme on en parle rarement au cinéma (comme il le dit lui-même : au cinéma, on parle beaucoup d’amour, ou bien alors de sexualité – problématique – mais rarement d’amour ET d’une sexualité épanouie et heureuse…), au-delà de la comédie, donc, il nous invite à réfléchir, en montant en parallèle des séquences documentaires : il interviewe d’une part les philosophes Michel Serres et Michel Onfray à propos des épîtres à Saint-Paul (fondement de la répression judéo-chrétienne contre le « péché de chair »), d’autre part Bruno Clavier, psychogénéalogiste (auteur des Fantômes familiaux), au cours d’une séance étonnante de thérapie transgénérationnelle.

C’est sans doute cette collusion entre une fiction joyeuse – et néanmoins profonde – et la résonance transgénérationnelle dans la vie de l’auteur lui-même… qui est à l’origine du bouleversement que cela a provoqué en moi. J’ai en effet vu le film début décembre… et depuis me suis plongée dans ma propre généalogie, remontant les générations, cherchant à en comprendre les répétitions, les non-dits, les forces et les faiblesses.

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J’ajouterai, pour celles et ceux d’entre vous qui sont comédien·ne·s ou caressent le désir d’oser se montrer devant une caméra… que le film nous offre de très belles et émouvantes séquences de jeu, car Marlène anime un atelier de théâtre, et cherche notamment à illustrer, à travers une performance de Gabin, la différence entre le vrai et le vraisemblable.

Enfin, CECI EST MON CORPS, bien que ce ne soit pas son sujet principal, mais plutôt son « décor », nous parle de polyamorie (ou polyamour), cet art de vivre des amours plurielles avec le consentement de toutes les personnes concernées. À ce propos, je ne peux que vous encourager vivement à assister samedi 28 février à 16h (*) à une nouvelle projection du film au cinéma La Clef, suivie d’une rencontre-débat  avec Jérôme Soubeyrand et Laetitia Lopez d’une part, Meta Tshiteya et Aurélien Selle, cofondateur·trices de l’association Polyfamilles et moi-même d’autre part, en tant que réalisatrice de la comédie documentaire LUTINE

Au plaisir de vous y retrouver peut-être ?

Isabelle

(*) Attention, réservation conseillée : ccommealamaison@gmail.com

PS. Si tout cela vous parle, je me permets de vous indiquer ici plusieurs ouvrages qui m’ont beaucoup touchée : Femme désirée, Femme désirante de Danièle Flaumenbaum, qui a inspiré Marina Tomé pour écrire le personnage de Marlène, et qui mérite à lui seul un article entier ; de même que Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ?, de feu son compagnon Didier Dumas ; et les livres de référence de Anne Ancelin Schützenberger, notamment Psychogénéalogie – Guérir les blessures familiales et se retrouver soi

Et pour le plaisir, et parce que je ne m’en lasse pas : la bande-annonce :

Vous pourrez retrouver ici tous les extraits et vidéos sur le site officiel du film, ainsi que d’autres critiques enthousiastes, notamment d’Alain Riou, critique cinéma au Nouvel Obs’.