Voyage en Polyamorie #10. 8a. Remonter à la surface

Alors voilà, c’est la crise : le ventre de la baleine, le cœur de la tempête, l’œil du cyclone, le  fond de la caverne – ou du gouffre.

On est parti.e.s confiant.e.s et plein.e.s d’espoir (bien qu’avec aussi quelques appréhensions), on a quitté les rives sécurisantes de la monogamie érigée en norme sociétale et culturelle (#2), on a vu le monde avec des yeux nouveaux (#3) et on a choisi de suivre notre petite voix intérieure qui nous disait qu’on avait envie d’essayer autre chose, de vivre autrement (#4). On s’est préparé.e, on a lu, discuté (#5) et on s’est lancé.e dans l’aventure (#6). Bien sûr, on savait qu’en naviguant sur des eaux inconnues (#7), on allait rencontrer des obstacles, aussi bien internes (faire face au monstre vert de la jalousie, qui nous renvoie à nos insécurités) qu’externes (le jugement et les a priori des autres) (#8), qu’on allait devoir travailler sur nous-mêmes… Mais on ne s’attendait pas à d’aussi grandes difficultés et au ventre de la baleine (#9).

[NB. Bien sûr, il y en a pour lesquel.le.s tout se passe plus en douceur, et tant mieux : je vous invite à lire les articles de mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui publie dans les commentaires sous chacun de mes articles, car son voyage est bien différent du mien. J’ai, moi, précisément choisi d’écrire pour les cas où c’est douloureux, et où on peut en arriver à se dire qu’on s’est trompé.e, que finalement c’était une mauvaise idée, voire qu’on souhaite renoncer au voyage.]

Une fois qu’on est parti.e, cependant, il est parfois difficile de « revenir en arrière »…  Et de toute façon, le « monde ordinaire » qu’on a choisi de quitter ne sera plus jamais le même. Sans compter bien sûr qu’en général, on n’est pas non plus tout.e seul.e dans ce voyage…
Et puis… renoncer ? Non, parfois, c’est vraiment important, on sait que c’est là qu’on veut aller, on ne croit pas / plus à la monogamie et au monde de l’hypocrisie, on a besoin de relations nouvelles, honnêtes, en conscience. On veut y arriver.

Souvent, ce qu’on découvre au fond de la caverne, c’est… soi-même. Le voyage en Polyamorie nous invite à nous regarder en face, et à décider en conscience, ce que l’on souhaite de la vie et des relations.

Et c’est là, que fort.e de cette nouvelle résolution et de ce désir profond, on accepte qu’on ne peut pas toujours tout faire tout.e seul.e et que parfois – souvent, toujours – on a besoin d’aide. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, en élevant ses enfants qu’on apprend à être parent, en faisant qu’on apprend à faire, en vivant en Polyamorie qu’on devient poly. L’amour, les relations amoureuses, ça s’apprend.

Dans les livres, dans les films, on nous raconte souvent la rencontre amoureuse, le moment où deux personnes « tombent » amoureuses. C’est l’amour des débuts, l’amour souvent passionnel, parfois fusionnel, la passion (Françoise Simpère dans  LUTINE, dit de la passion : « C‘est une pathologie de l’amour, qui heureusement se guérit, et passe  » !) C’est le éros grec des débuts. Or l’amour, l’amour durable, se construit dans la durée, précisément.
L’amour, si on reprend la définition qu’en donne Barbara Fredrickson dans Love 2.0 et qui me parle particulièrement, est un moment d’émotion positive partagée entre deux (ou plusieurs) personnes. Et le « sentiment d’amour » dans une relation (la philia grecque, l’intimité, cet amour mutuel où l’on se veut du bien, le même entre deux ami.e.s) se construit à partir de tous ces petits moments d’émotions positives partagées, jour après jour.
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L’amour, les relations, l’art des relations, c’est comme tout, ça n’est pas donné, pas inné, ça s’apprend, ça se transmet, ça se partage. Certain.e.s sont plus ou moins « doué.e.s » dès le départ, ils ont eu des débuts dans la vie plus heureux, ont connu un attachement sécure à leur(s) parent(s) ou à leur figure de référence, D’autres, nombreux/ses, ont malheureusement plutôt un attachement insécure (anxieux, évitant ou désorganisé), et pour celleux-ci, c’est plus compliqué de faire confiance, et de lâcher prise dans la relation amoureuse.

La bonne nouvelle, et ce que nous apprennent depuis peu les neuro-sciences, c’est que le cerveau est malléable, toute la vie. Qu’on peut avoir connu un attachement insécure, et évoluer vers un attachement sécure.

Et ce qui est sûr, c’est que la polyamorie nous invite à un travail sur nous-même, à regarder en face nos modes de fonctionnement et nos réactions « automatiques », qui sont parfois de fuite ou d’attaque quand on se sent – ou qu’on se croit – en danger et qu’une situation réveille en nous le souvenir (souvent inconscient, mais le corps, lui, se souvient) d’une situation antérieure douloureuse.

Parfois, la polyamorie peut en effet nous confronter à des situations où on se sent en totale panique ou angoisse, et où on n’a alors plus qu’une seule envie : que ça s’arrête.   Et la réaction que l’on nous a apprise, depuis toujours, c’est d’en accuser l’autre : si je souffre, là, c’est parce que l’autre a fait quelque chose. Sauf que non, ce n’est pas comme cela que ça marche.

C’est là, alors, qu’il faut nous armer de patience et d’indulgence, et d’abord envers nous-même. Avancer pas à pas. Avec empathie, compassion et bienveillance. Commencer par repérer, prendre conscience de nos fonctionnements. Puis dés-apprendre nos réactions automatiques, dé-construire, pour re-construire, autrement. De manière plus sécure.

Alors évidemment, il est souvent difficile de s’aventurer seul.e dans ce terrain inconnu, où l’on peut parfois être rattrapé.e par des émotions d’une violence telle que l’on en est le/la premier.e surpris.e.

Quand on est en couple, et qu’on voit l’autre être bouleversé.e par de telles émotions, ça peut être tout aussi secouant. On peut (réaction apprise) se sentir coupable, proposer soi-même de repartir en arrière.

C’est là que l’aide et le soutien d’une communauté prend toute son importance. Voir, savoir, lire, entendre… que d’autres sont passé.e.s par là avant, et qu’il est possible de s’en sortir. Possible d’avancer, de progresser, de trouver un chemin vers la lumière.

Et cette communauté peut vous donner des outils, des pistes, des lectures. Les jours prochains seront consacrés à quelques-uns de ces outils de développement personnel pour des relations plus harmonieuses avec nous-même et les autres.

Aujourd’hui, je veux vous parler de cette communauté poly, qui désormais, existe.
L’intérêt d’avoir un mot commun (polyamour ou polyamorie dans les pays francophones, polyamory dans les pays anglophones), bien que par ailleurs on parle donc aussi de relations plurielles, ou multiples, ou non-exclusives, consensuelles et éthiques, est bien de créer ce vocabulaire commun, avec ces concepts communs, et des outils.

Si vous habitez un hameau dans la campagne, vous avez malgré tout Internet (sinon ne seriez pas en train de lire ce blog). Et donc accès à toutes sortes d’informations, et de blogs, sites, forum. Vous n’êtes pas seul.e.
Si vous tapez « aimer plusieurs personnes » sur un moteur de recherche, par exemple, vous allez très vite arriver sur les livres de Françoise Simpère, qui ont aidé tant d’entre nous, et très vite sur ce nouveau mot, qu’on entend cependant de plus en plus dans les médias : polyamour.
Et alors, très vite, vous tomberez sur le site polyamour.info. Qui est une mine d’infos, précisément, et notamment pour les événements : tous les cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole… y sont répertoriés.
Vous pouvez vous inscrire à la newsletter, et recevoir chaque mois les infos et la liste des différents événements.
Vous pouvez aller poser une question, de manière anonyme si vous le souhaitez, sur le forum.
C’est un forum, donc parfois des gens prennent l’initiative de répondre… d’une manière qui leur appartient. Mais le site est « modéré », de façon très sérieuse. Les modérateurs sont compétents, consciencieux, présents. Et communiquent entre eux.

Parallèlement au forum de polyamour.info, vous pouvez demander à rejoindre l’un des nombreux groupes sur Facebook : polyamour ou polyamour Paris, ou Poly Lyon… et tant d’autres. Là aussi, les groupes sont modérés.

NB : si, suite à l’un de vos posts, vous êtes contacté.e par quelqu’un.e en MP (message privé) qui vous dérange, n’hésitez pas à le signaler aux modérateurs ! Le groupe polyamour sur Facebook n’est pas un site de rencontres ni de drague ! Il y a d’autres espaces pour cela. C’est en étant chacun.e de nous vigilant.e et en osant dénoncer les comportements non éthiques, que l’on créera petit à petit un espace safe autour de nous.

Au-delà d’Internet, il y a donc nombre de rencontres dans la vraie vie : cafés poly (on y parle de polyamorie), goûters poly, pique-nique poly, soirées Poly Pop In à Paris une fois par trimestre, groupes de parole et de soutien.

Et la communauté est internationale ! Mon film LUTINE m’a permis de m’en rendre compte et de vivre des moments très forts avec les communautés poly locales à Rome, Lisbonne ou San Francisco. Et ce n’est pas fini. Je suis en contact avec les communautés poly à Barcelone, Milan, Vienne, New York, Montréal, Varsovie…

Réaliser que dans tous ces pays, où l’on parle des langues si différentes, ce sont les mêmes outils que les gens ont développés pour apprendre à vivre en Polyamorie… est très émouvant.

Si vous choisissez de vous engager en Polyamorie… ne restez pas seul.e. Rencontrez d’autres gens qui, comme vous, ont fait ce même choix et ont peut-être défriché quelques chemins embourbés avant vous : ils auront des « trucs » à vous transmettre, soyez-en sûr.e. Et ielles seront heureux.ses de partager avec vous. Car eux/elles-mêmes auparavant ont été aidé.e.s par d’autres. L’information circule, libre, gratuite, désintéressée. Et rien que pour ça, déjà, ça fait chaud au cœur d’intégrer une communauté poly, de gens a priori bienveillants, tolérants, ouverts, accueillants.

Et vous, où en êtes-vous ? Êtes-vous déjà en contact avec d’autres « poly » ? Avez-vous connaissance d’événements près de chez vous ? S’il n’en existe pas… vous pouvez les créer, et créer autour de vous la communauté dont vous avez envie et besoin. Sans doute d’autres autour de vous n’attendent que ça et seront ravi.e.s de vous rejoindre. Au plaisir de lire vos témoignages dans les commentaires ci-dessous : l’espace vous y est réservé.

À demain pour de nouvelles aventures en Polyamorie,
avec amour et bienveillance,
Isabelle