Hier, 14 novembre, j’ai eu 47 ans. La veille, j’avais pensé à un article sur le temps qui passe, notre cerveau obligé de s’adapter en un temps record à toutes ces nouvelles technologies qui défient notre capacité d’attention… Et puis, le choc.
La journée d’hier a été consacrée en grande partie à protéger les enfants, et à trouver des mots pour tenter de leur expliquer l’inexplicable, accueillir leurs larmes, leur révolte. Les apaiser aussi, quand, malgré nos efforts, ils ont été bouleversés par les paroles non filtrées d’autres adultes plus enclins à se laisser aller à leurs propres angoisses. J’ai ainsi lu à mon fils de dix ans mes deux derniers articles. Et lui aussi a été bouleversé par les mots de sa petite sœur dans l’après-midi : « ALLO, LA VIE ?! »
Une autre grande partie de ma journée a été consacrée à préparer des gâteaux pour ma soirée. En effet, après m’être interrogée un court instant pour savoir si je devais maintenir ma fête ou non… j’ai vite choisi de répondre oui, trois fois oui ! En effet, si une partie de moi est profondément blessée et pourrait avoir tendance à se replier sur elle-même, une autre partie de moi sait que dans ces moments-là, pour moi, rien ne vaut les ami(e)s et le partage. Là aussi, j’ai le choix.
Je peux choisir de me laisser happer par toutes ces nouvelles, regarder les images des événements tourner en boucle sur les télés, me gaver d’informations diverses, de témoignages douloureux. Je n’ai allumé la radio qu’une seule fois, le samedi matin : j’y ai entendu, sur France Inter, un reportage que j’aurais préféré m’éviter. Cela m’a servi de leçon.
Me faire du mal à moi-même en invitant dans mon imagination ces images de violence, de peur et de souffrances, ne sert à rien. Et je préfère m’en protéger.
Comprendre, oui. Analyser, regarder les choses en face, oui. Être dans la compassion, l’empathie, la solidarité, bien sûr. Mais souffrir en m’auto-infligeant toutes ces informations détaillées et émotionnelles… est un choix que je peux faire – ou pas.
De même, demain, la minute de silence nationale – et même internationale – prévue à midi m’apparaît évidemment nécessaire. Vitale, même.
Là aussi, nous avons le choix.
Nous pouvons choisir de la vivre en pure et totale identification et compassion avec les victimes, penser à quel point la vie est injuste, le destin tragique, le monde horrible, et les terroristes, des monstres. Et pleurer, souffrir, angoisser.
Nous pouvons aussi choisir d’être en compassion avec les victimes et leurs proches… et ressentir cette solidarité entre nous, cette minute d’amour partagée par des millions de gens au même moment. Nous pouvons choisir de nous connecter à cette source d’amour immense qui, le temps de cette minute de silence, va nous dépasser, nous porter, nous transporter.
C’est ce que j’ai proposé à mes enfants : d’accueillir leurs larmes, bien sûr, dans l’empathie et la compassion, et de choisir de penser qu’au même moment, les autres enfants, mais aussi leurs parents, les gens dans la rue, dans les magasins, dans les bureaux, dans les gares… allaient toutes et tous s’arrêter de parler, de manger, de courir, de travailler… pour, pendant une minute, vivre toutes et tous ensemble cette même émotion d’amour et de compassion… et de trouver ça beau et fort et émouvant.
Devant la haine et les armes, choisissons l’amour et la lucidité. Ne nous laissons pas déborder par nos émotions : apprenons à les accueillir et à vivre avec elles.
Avec amour et bienveillance.
À demain,
Isabelle.