Me voilà donc lancée dans mon rythme de croisière… sans avoir cependant, contrairement à mon Voyage en Polyamorie, une idée générale de la direction dans laquelle je compte aller au cours de ces 21 jours. Et c’est bien, je crois, précisément la raison pour laquelle j’ai décidé d’écrire cette série d’articles : pour me contraindre, jour après jour, à réfléchir à ce thème qui me travaille de plus en plus.
En effet, quand je parle de « relations positives », je ne pense pas seulement à des relations amoureuses ou « sexo-affectives » – comme le disent nos ami·es espagnol·es relayé·es en France par Élisende Coladan (si vous ne connaissez pas son site et son blog sur les relations « non-monogames consensuelles », je vous invite à aller y faire un tour) : je pense en réalité, à toutes les formes de relations.
Il peut s’agir de relations entre ami·es, entre parents et enfants, entre élèves et professeur·es, ou comme je préfère dire : entre apprenant·es et enseignant·es, de relations de travail, de voisinage, de famille élargie, ou même encore de simples rencontres que la vie met sur notre chemin.
Qu’attendons-nous de la vie et de nos relations ? Comment avons-nous envie d’entrer en relation avec les autres ? Comment avons-nous envie qu’ielles entrent en relation avec nous ?
L’autre jour, une personne s’est adressée à mon aimé en lui disant : « Oh, tu t’es fait couper les cheveux ? Quel dommage ! Je t’aimais mieux avec tes cheveux plus longs ! »
Rhalala… Quel intérêt de dire ça ?
Le pire, c’est que je suis sûre que son point de vue, elle a voulu dire une gentillesse : à quel point elle l’avait trouvé beau deux jours plus tôt… sauf qu’elle l’a tournée par la négative. Et si on lui avait fait remarquer qu’il s’agissait en réalité d’une critique (à quoi bon lui dire qu’elle le trouve « moins beau », puisque c’est trop tard : les cheveux ont été coupés), elle l’aurait reçu – à juste titre – comme une critique à son tour.
On a donc choisi de ne rien dire, et de répondre par un simple « nous, ça nous plaît comme ça. »
Il y a des personnes dont le mode de relations ressemble à « ça » tout le temps. Ce n’est pas qu’elles sont « méchant·es » : juste qu’elles ne savent pas faire une remarque uniquement positive. Elles croient peut-être que quand on aime ou apprécie quelqu’un·e, il est de notre « devoir » de lui faire remarquer à chaque fois qu’on pense qu’ielle peut améliorer quelque chose.
Sauf que… qu’est-ce que qu’on reçoit d’elles en face ? Une critique.
Et que se passe-t-il dans notre cerveau quand on reçoit une critique ?
Selon notre histoire, notre bagage personnel, notre travail sur nous-mêmes, ou bien notre état émotionnel du moment, on sera capable de se rendre compte que la critique appartient à la personne qui l’émet et ne nous engage pas personnellement… ou pas.
Si c’est la x-ième remarque que l’on nous fait dans la journée, il y a des chances, par exemple, que ce soit celle de trop : non pas qu’on la prenne personnellement, mais parce qu’à force, cela finit par miner.
Imaginons-nous ce que ressent un·e enfant à qui son parent fait ainsi constamment des remarques : Oh, tu as mis cette robe-là ? Je préfère l’autre ! Pourquoi tu mets tes cheveux de côté, tu es tellement plus joli·e avec la raie au milieu ? C’est bien, tu as mis le couvert, mais tu as oublié les verres, etc. etc.
Comment va-t-ielle construire son estime de soi ?
Plus tard, ielle trouvera « normal » que ses relations, amicales, amoureuses ou professionnelles, læ critique à nouveau : ielle pensera que c’est « pour son bien », que cette personne « l’apprécie » et cherche à l’aider.
Et c’est comme ça que petit à petit, on en vient à accepter des choses en réalité inacceptables.
Un des mantra que je répète à ma fille de 7 ans, c’est : Tu as le droit de penser ce que tu veux, pas de le dire. Ne dis quelque chose que si tu penses que ça va faire plaisir ou que ça va vraiment servir à quelque chose.
À défaut d’avoir un plan de route pour ce voyage sur 21 jours, j’ai choisi aujourd’hui de me faire une carte, selon le principe des mind maps (cartographie de la pensée, ou encore carte heuristique), proposées à l’origine par Tony Buzan, et dont j’ai redécouvert le plaisir et la puissance ces derniers jours lors de la formation que j’ai suivie sur « Cerveau et Apprentissage » avec l’Atelier des Parents.
De quoi va-t-il être question pendant ces 17 jours restant ? De tout ça :
Pour moi, ces principes de respect, bienveillance, communication positive, honnêteté, accueil des émotions, non jugement, éthique… valent aussi bien pour nos relations amoureuses, que pour nos relations avec nos enfants ou nos élèves.
Et en réalité, il me semble que dans la société dans laquelle on vit – cette société patriarcale basée sur les rapports de force, de pouvoir et de hiérarchie (autrefois, l’homme obéissait à Dieu, la femme à son mari et l’enfant à ses parents… Si ce n’est plus le cas aujourd’hui, combien considèrent pour autant que l’enfant a autant droit au respect que l’adulte ? L’élève autant que l’enseignant·e ? L’employé·e que lea patronne ?) – c’est révolutionnaire pour bien des gens.
Pour les enfants, on entend de plus en plus parler d’éducation ou de discipline positives… et heureusement. Pour les entreprises, on commence à entendre parler d’entreprises libérées. Pour les relations de travail, de voisinage, amicales… on entend de plus en plus parler de communication non-violente… mais qui applique ces principes à nos relations amoureuses ?
C’est aussi de cela dont je souhaite parler ici… afin d’apporter ma pierre à l’édifice et de contribuer au changement de paradigme auquel on assiste.
Hâte de lire vos commentaires !
Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle
« J’affirme que ces principes de respect, bienveillance, communication positive, honnêteté, accueil des émotions, non jugement, éthique… valent aussi bien pour nos relations amoureuses, que pour nos relations avec nos enfants ou nos élèves. » : Bien sûr que c’est révolutionnaire. Nos relations avec nos enfants ou nos élèves ne sont généralement pas exclusives. Alors que nous vivons dans un monde où les relations amoureuses le sont généralement. Passer d’un monde où les relations exclusives génèrent toujours plus et immédiatement d' »obligations et empêchements » (c’est chez Françoise Simpère que j’ai pour la première fois lu ces deux mots ensemble) à un monde où obligations et empêchements sont en conscience, est révolutionnaire.
Héhéhé…;-)
21 jours de relations positives et donc troisième jour que je te lis. Je dois dire que je suis toujours à la fois impressionnée par tes réflexions mais également intimidée (je pense que cela me fera encore commettre beaucoup de maladresses). Quoiqu’il en soit, cela me donne matière a réflexions.
Comme je l’ai déjà exprimé, mais je préfère le repréciser, établir des relations avec d’autres personnes est quelque chose de nouveau pour moi. J’ai passé une bonne partie de ma vie à fuir les relations (amoureuses, amicales, familiales) sans même comprendre pourquoi je le faisais.
Ce n’est que récemment que j’ai compris que je le faisais car je me sentais constamment incomprise. J’ai mis cette impression sur le dos de ma transidentité, mais ce n’est qu’un prétexte, ou plus exactement c’est incomplet. Je me suis rendue compte que je devais également mettre ma surefficience dans la balance.
Quoiqu’il en soit, pour me préserver, j’ai arrêté de m’exprimer. Je me suis tue et dans un certain sens, je me suis tuée par la même occasion. N’exprimant pas mes pensées, mes valeurs, mes désirs, j’ai laissé les autres décider à ma place, sans pour autant en être dupe. Je me suis créé un faux self, dans le but de réunir les éléments sociaux et intellectuels nécessaires pour pouvoir évoluer et changer de vie. J’ai mis plus de temps que je l’aurais voulu à atteindre cet objectif.
Aujourd’hui, je ne l’ai atteint que très partiellement, mais c’est suffisant pour que je puisse commencer à explorer ce qui pour moi est un tabou : mes relations aux autres.
Je reviens de loin et j’ai encore tout à apprendre. D’abord je me dois de retrouver ma parole, d’exprimer ce que je ressens. Car j’ai compris qu’il ne peut y avoir de relation sereine ou positive sans communication. Et je dois dire qu’il s’agit d’une chose qui est pour moi très difficile, car cela m’oblige à revenir sur tous les mécanismes de défense que j’ai mis en place ces dernières années.
J’aime ta notion de relations positives, j’aimerais en être déjà capable, mais je me rends à l’évidence, il me reste encore beaucoup a travailler.
Peu importe mon âge, au niveau relationnel, je me resserve le droit d’être débutante.
J’aime beaucoup la mind-map, c’est synthétique et cela me permet de clarifier mes idées, et donc les points qu’il me reste à travailler.
Je te souhaite bon courage, je te sais très occupée.
Merci pour tes écrits et le partage de tes réflexions, elles permettent d’apporter des éléments supplémentaires aux miennes.
Céline
Merci Céline pour ton témoignage et ton partage, qui me touchent beaucoup. Je suis heureuse de peut-être un peu contribuer, à ma façon, à ton voyage vers toi-même. Sois la bienvenue ici, tes commentaires sont toujours riches et émouvants pour moi, parce que je les reçois comme profondément authentiques. C’est à la fois essentiel pour moi… et si rare dans notre monde, dans lequel les gens semblent en effet se méfier les un·es des autres (et à juste titre, évidemment, souvent) et cultiver les sourires de façade. Merci pour ce partage de tes vulnérabilités, te lire m’encourage à continuer ma quête vers plus de justesse… <3
J ai un peu tiqué sur le « Ne dis quelque chose que si tu penses que ça va faire plaisir. »
Sans doute par projection – mon propre parcours étant de l’ordre de « sortir du ‘faire plaisir’ pour plus d’authenticité / oser dire ce qui se passe pour moi sans peur de créer du déplaisir chez l’autre. »
Merci pour ces articles toujours riches.
Oui, je comprends, évidemment. C’est loin d’être une injonction généralisable à toutes les situations, bien sûr. Je pensais en l’occurrence plus à : ne pas faire de critiques gratuites, ce qui ne signifie pas « n’exprime pas tes émotions si elles sont importantes pour toi. »
Dans la lignée d’un : « à quoi ça sert de dire à quelqu’un que tu l’aimes mieux quand il a les cheveux longs, alors qu’il sort de chez le coiffeur, et que de toute façon, il ne pourra rien y changer ? »
Cela va-t-il faire plaisir à la personne ? Ou, plus vraisemblablement la mettre mal à l’aise ? Et toi-même, te sentiras-tu mieux ? As-tu réellement besoin d’exprimer cette émotion de déception ou de tristesse ?
Dit autrement, et comme cela s’adressait à ma fille de 7 ans : je préfère quand elle me dit « Maman, j’aime beaucoup ta robe violette », le jour où je mets ma robe violette (positif), plutôt que quand elle me dit, le jour où je mets ma robe grise : « Maman, je préfère quand tu mets ta robe violette »…;-)