Voyage en Polyamorie #9. 7. Le Ventre de la baleine

Le « Ventre de la baleine » (cf Pinocchio !), c’est une image qu’utilise James Campbell dans son Héros aux 1000 visages pour parler de « the inmost cave » : la grotte, la caverne, au fond de laquelle le héros s’affronte au dragon. Sauf que comme j’ai depuis le début de ce voyage opté pour une métaphore de la pleine mer, loin des terres rassurantes de la monogamie (#2), l’image de la grotte paraissait plus compliquée à utiliser.

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Cette fameuse grotte, c’est celle à propos de laquelle je fais dire à mon personnage dans LUTINE ce que j’ai moi-même compris, grâce au Parcours de l’héroïne – ou la Féminité retrouvée de Maureen Murdoch, de la différence entre le voyage du héros et celui de l’héroïne (les polarités masculine et féminine s’entendant comme nos animus / anima : la part masculine en nous, la part féminine en nous – celle tournée plus vers l’extérieur et la conquête de nouveaux territoires d’un côté ; celle tournée plus vers l’intérieur, et la connaissance de notre inconscient, de l’autre) :

« Ce que je comprends de la différence entre le héros et l’héroïne, c’est que le héros part à l’horizontale pour combattre le dragon au fond de sa caverne. Et l’héroïne, elle, descend dans les profondeurs de la terre, dans ses entrailles, à la recherche de la Grande Déesse, la Déesse des origines, la Déesse de la créativité. Comme ça, elle peut remonter en étant réconciliée avec elle-même – et sa féminité.« 

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[Évidemment, le film étant une comédie, et mon propos étant de me moquer de mon propre personnage qui est loin d’avoir un comportement éthique exemplaire, c’est dit et joué de façon à ce qu’on se moque un peu d’elle.
D’où la réponse que lui fait la comédienne à qui elle tente d’expliquer pourquoi elle ne pourra pas « la couper au montage cette fois-ci« , d’un air un peu inquiet pour elle :  « Ben écoute, du moment que tu sais où tu vas » (ce qui est loin de sembler être le cas…)]

Le voyage en Polyamorie nous invite à descendre en nous-même, à la recherche de qui on est vraiment, au fond, quand on enlève le masque social, quand on enlève les barrières qu’on s’est construites pour se protéger de nos émotions trop violentes, qui peut-être, quand on était enfant, n’avaient pas l’écoute dont on aurait eu besoin pour pouvoir les considérer comme nos alliées, et non nos ennemies (Arrête de pleurer, tu m’énerves ! Oh ça va, c’est pas si grave, non plus ! Je vais t’en coller une, tu comprendras pourquoi tu pleures ! Quand on est un garçon, on ne pleure pas ! Il faut souffrir pour être belle ! Pourquoi tu veux pas faire un bisou à la dame ? Tu es vilain.e ! Dans notre famille, on sait se tenir. Reprends-toi, tu es ridicule. )

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On a décidé de partir en voyage, donc. On a quitté les rives sécurisantes, normées, formatées, de la monogamie imposée par les codes de la société et de la culture (#2),  on a ouvert les yeux sur l’hypocrisie générale de la société et des relations entre les gens (ah, les plaisirs compliqués d’une communication indirecte au lieu d’une communication directe), on a constaté autour de nous que la monogamie était un idéal, que la plupart d’entre nous ne parvenaient pas à atteindre, tout en se sentant coupables, ou indignes (puisqu’on croit que les autres, eux, y parviennent, puisqu’ils mentent tous…) (#3) et on a accepté de se connecter à  notre petite voix intérieure, à notre désir profond de vivre autrement, malgré nos peurs (#4).
Alors on s’est préparé.e (#5) et on s’est lancé.e dans l’aventure (#6). Seul.e, ou bien déjà en relation avec quelqu’un.e. On a créé une relation sur des bases nouvelles, en parlant ouvertement et sans tabous de non-monogamie… ou bien alors, on a remis en cause les clauses d’un contrat préexistant, et on en a rediscuté.

On est convaincu.e que la polyamorie est ce qui nous convient. La polyamorie est féministe, fondamentalement féministe, parce qu’égalitaire. Parce que, comme le dit Meta dans LUTINE : « On ne prend pas des libertés qu’on n’accorderait pas à l’autre. »

On assume de faire ce voyage ensemble avec un idéal de communication, de franchise, d’honnêteté, d’accueil de nos émotions. On tâtonne, on essaie, on fait un pas, on recule, on repart, un autre pas, un pas de côté, deux pas en avant, trois pas en arrière. Petit à petit, en faisant attention à soi et à l’autre. En écoutant nos émotions, nos sensations, en apprivoisant nos peurs, une par une. (#7) On rencontre des obstacles, on se cogne à nos doutes, nos insécurités, ça tangue, on a parfois le mal de mer, mais on garde le cap (#8).

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Super ! C’est super, ça, ça donne carrément envie ! Sauf que ça, c’est… la théorie. Et qu’en pratique, c’est euh… comment dire ? Moins… lisse.
Parce que comme le dit mon personnage dans LUTINE : « La théorie, c’est une chose. Les émotions, c’est… plus compliqué à gérer. » 

Le ventre de la baleine, en termes dramaturgiques, c’est l’œil du cyclone, le cœur de la tempête. C’est le moment où le héros – ou l’héroïne – se confronte à soi-même et à ses plus grandes peurs (le dragon). C’est le moment où ielle affronte sa mort symbolique.

Dans la vraie vie, c’est le moment où on se dit qu’on n’y arrive pas, qu’on n’y arrivera jamais, que c’est trop dur, qu’on souffre trop. C’est le moment où on a peur de perdre l’autre, où on croit devenir dingue quand ielle passe la soirée dans les bras d’un.e autre. C’est le moment où on a mal partout, la boule au ventre, la gorge nouée, le dos bloqué (je sais de quoi je parle…).

C’est le moment où on se voit agir comme un monstre ou une sorcière, où on crie, on pleure, on est en colère, on en veut à l’autre parce qu’ielle est rentré.e avec un quart de retard sur l’horaire annoncé et qu’on a eu le temps de se dire : Ça y est, je le savais, ielle est tellement bien avec lui/elle, qu’ielle préfère déborder sur le cadre prévu, au risque que je fasse une crise. Je ne compte plus, je compte moins.

Ou alors, si votre mode d’expression de vos émotions, c’est au contraire de ne pas les exprimer, de les rentrer, de les refouler, de refuser de les voir en face, c’est le moment où vous vous cachez sous votre carapace, le moment où plus rien ne semble vous toucher, où vous êtes planqué.e derrière un masque de façade, et où en réalité, vous êtes enfermé.e en vous-même, et où l’autre ne sait plus comment vous atteindre.

C’est le moment où vos émotions ont pris le contrôle  et vous ne comprenez même plus ce qui vous arrive. Le moment où le cerveau du bas s’est déconnecté de votre cerveau du haut (vous avez vu Inside Out (Vice Versa en français) ? Si non, achetez le DVD !) et où ils ne communiquent plus. Les mots que vous vous entendez dire ne viennent plus de votre cerveau rationnel, mais sont dictés par vos émotions primaires qui sont aux commandes.

Ce sont tous ces moments où on se met en ranking, pour reprendre les mots de Elaine N. Aron dans The Undervalued Self : quand on se compare à l’autre. Quand on bascule en mode « je bats en retraite, je rentre en moi-même, je ne suis qu’un.e nul.le« , comme un animal qui, après avoir subi une défaite, se soumet, pour ne pas risquer sa vie s’il continuait à se battre.
Or (phrase à réciter comme un mantra) : toute comparaison est toxique, toujours.

On est au plus bas, on est au plus mal. On se confronte à ses plus grandes peurs. On a l’impression qu’on va y laisser sa peau, que notre relation ne s’en remettra jamais. C’est le moment où on dit : « J’ai joué, j’ai perdu. » On regrette, on n’aurait jamais dû, on veut revenir en arrière. Mais parfois, l’autre n’est pas d’accord. Parce qu’il y a maintenant une troisième personne concernée, il y a des sentiments nouveaux, des désirs nouveaux.
Alors on lâche prise.  On s’avoue vaincu.e. C’est fini.

Le ventre de la baleine, c’est symboliquement la rencontre avec la Déesse des origines, à la fois la Déesse de la Créativité, mais aussi celle de la Destruction.

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C’est aussi en général le moment que choisit votre entourage pour vous faire remarquer que « Évidemment, à quoi t’attendais-tu d’autre ? C’est foireux depuis le départ, votre truc ! »
Quand ce n’est pas votre psy, à qui vous demandez de l’aide, qui se fait le porte-parole de la société et de la culture : revoilà le « Vous êtes immature, infantile », que nous a raconté mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui a entrepris le voyage avec moi.
[Si vous n’avez pas lu ses articles, jour après jour, sous les miens, foncez-y : c’est passionnant, d’autant plus que son parcours de vie est bien différent du mien, et qu’elle nous raconte une histoire et un voyage qui n’ont absolument rien à voir avec ceux que je vous propose ici, vous invitant d’autant plus, me semble-t-il, à trouver votre propre voie, votre propre voix.
Plus nous serons à nous raconter, plus ça pourra aider les autres, celles et ceux qui en sont encore au tout début du voyage… ou bien précisément celles et ceux qui en sont ici-même, au cœur de la tempête, des doutes et des regrets.]

C’est le moment où, comme le dit mon personnage dans LUTINE« Le gouffre, le fond du gouffre, je vois assez bien. Mais comment je remonte, moi ?« 

Réponse, ou ébauche de réponse… demain !

Et vous, est-ce que ça vous est déjà arrivé, de croire que vous alliez y rester ? Que tout était fini, que vous avez joué aux apprenti.e.s sorcier.e.s et que la vie s’est bien jouée de vous et vous a « puni.e » (encore une de ces satanées petites voix de votre enfance et de votre parent intérieur normatif).
Vous les entendez, toutes ces petites voix qui vous assaillent, qui vous harcèlent ? Qui vous jugent, qui vous condamnent ? Comment les accueillez-vous ? Est-ce que vous savez distinguer parmi elles, votre « petite voix intérieure », celle de votre pulsion de vie intérieur, de votre élan vital ?

Au plaisir de vous lire dans les commentaires ci-dessous, dont l’espace vous est réservé.
Et à demain, avec amour et bienveillance.
Isabelle

Voyage en Polyamorie #6. 5. Le Départ

Nous voilà prêt.e.s à nous embarquer pour ce voyage en terre inconnue, à franchir le premier seuil comme il est dit dans Le Voyage du héros, à… larguer les amarres.

On s’est réveillé.e de notre rêve bercé d’illusions et de contes de fée (#2), on ne croit plus au mythe du prince charmant (ni de la princesse), ni à l’Amour pour toujours… (#3) et pourtant on a encore envie de croire en l’amour, parce que l’amour est ce qui fait tourner le monde, c’est l’énergie de vie en nous, c’est ce qui donne du sens à notre vie.
On a envie de croire en des relations nouvelles entre les gens, où on pourrait être nous-même, où l’autre pourrait être lui/elle-même, dans l’accueil, la tolérance, la bienveillance. On s’est connecté.e à notre désir propre, à cette petite flamme en nous, on a commencé à lire, à réfléchir, à rencontrer des gens qui vivent autrement. Et ça semble possible. Et on a envie. (#4)

On a peur, pourtant. Et si on n’y arrivait pas ? Et si, pour nous, ça ne marchait pas ? Et si on allait se brûler les ailes ?

Un des livres qui de tout temps m’a le plus aidée, que j’ai lu et relu plusieurs fois et qui continue à m’inspirer, est Feel the Fear and Do It Anyway de Susan Jeffers (traduit épouvantablement par Tremblez, mais osez ! Rien qu’à l’écrire, j’en ai les poils qui se hérissent…).
Il y a tout dans ce livre : accueillez votre peur, accueillez votre émotion, vos sensations, acceptez la peur en vous, n’attendez pas qu’elle disparaisse pour agir ou vous mettre en mouvement, car quand on fait quelque chose qu’on n’a pas l’habitude, quand on s’embarque pour une terre inconnue, quand on sort de notre zone de confort… on a peur et c’est normal !

La peur est une émotion, et les émotions sont nos alliées, elles sont là pour nous rappeler d’être vigilant.e, qu’il peut y avoir un danger, un risque auquel on n’avait pas pensé. On est aux aguets.
– Certes, parfois « trop » : parfois notre peur réagit fort parce que notre mémoire se souvient, qu’une situation lui en rappelle une autre, qui nous a laissé un souvenir désagréable.
Parfois aussi, on a peur d’avoir peur. On se souvient d’une réaction un peu douloureuse qu’on a pu avoir devant une situation similaire… et on a peur de partir en vrilles à nouveau. Alors on tente de se protéger de l’émotion.
Parfois, on la déguise, aussi. On cache notre peur par de la colère, ou de la tristesse. Quand vous êtes triste ou en colère parfois… demandez-vous quelle peur se terre peut-être derrière ?

Dans tous les cas, l’idée est : n’attendez pas que votre peur ne soit plus là pour bouger ! Car sinon… vous pourriez bien faire du sur-place pendant longtemps encore.
Ressentez la peur en vous et… faites-le quand même ! Do it anyway! Just DO IT! GO FOR IT!

Quand on sort de notre zone de confort, on a peur : c’est normal. La peur peut être un moteur. Un signal fort que justement, c’est par là qu’on doit chercher. Là que se terre le monstre que l’on veut débusquer. Le monstre vert de la jalousie par exemple. Le monstre de nos insécurités profondes. Nos ombres, dirait Jung.

Si on cherche à fuir nos ombres, si on cherche à les cacher, si on les refoule… elles nous rattraperont d’une manière ou d’autre autre, sans doute bien plus violemment que si on décide de les regarder en face, et d’avancer côte à côte avec elle.

Moi et ma peur, on avance main dans la main. On a peur, mais on y va quand même. Parce qu’on sait qu’au cours de ce voyage, on va grandir. On va apprendre, on va changer, on va se rapprocher de nous-même. « Connais-toi toi-même« , comme dirait l’autre. Alors on y va.

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Selon votre situation, les enjeux en présence vont être bien différents. Ce n’est évidemment pas pareil de se « lancer en polyamorie » quand on est célibataire (on peut être « solo-poly », tout comme on peut être « poly » sans être en relation avec personne), ou quand on est « en couple », ou tout du moins dans une relation implicante, dans laquelle des émotions fortes sont en jeu.

Qu’on soit un tout jeune couple, une toute nouvelle relation… – on vient de se rencontrer, et l’un.e dit à l’autre : « J’aimerais que nous parlions de comment nous gèrerons quand l’un.e de nous aura envie d’être en relation avec quelqu’un.e d’autre ». 

Ou bien alors vous rencontrez quelqu’un.e et précisément, ielle est déjà en relation avec quelqu’un.e d’autre : c’est la première fois que ça vous arrive et vous ne savez pas comment réagir. L’autre vous dit : Ne t’inquiète pas, mon/ma partenaire est au courant, on est poly, c’est ok pour lui/elle que je sois en relation avec toi. – Hein ? Quoi ? Mais j’ai rien demandé, moi ! Et si moi, je n’ai pas envie d’imaginer que quand tu me quittes, tu vas le/la retrouver, et peut-être… lui raconter ce qu’on a fait ensemble ?!

Ou bien encore vous êtes en couple, en couple « classique », en couple « mono » – théoriquement mono. Et là, un.e des deux dit à l’autre : Chéri.e, j’ai bien envie d’aller brouter l’herbe du voisin (ou de la voisine, c’est plus rigolo pour la métaphore !). Comment vous réagissez ? Comment – pour utiliser le 3ème accord toltèque – ne pas le prendre personnellement ? Ne pas vous sentir visé.e ? Comment ne pas penser : Ça y est, je le savais, ça devait arriver un jour, je ne lui suffis plus…? Comment rester zen, serein.e et répondre : Mais oui mon/ma chéri.e, vas-y, éclate-toi, je t’attends à la maison pendant ce temps ?

Ou bien encore – et bien souvent, c’est bien ainsi que cela se passe : vous êtes en couple, et l’un.e des deux a déjà franchi le pas… mais sans vous, sans vous le dire. Aie. Ouille. C’est là où ça fait le plus mal. La trahison. Le mensonge. La duperie. La tromperie. L’adultère. Le fameux.
Là aussi, deux options : soit ielle a des remords, et vous en parle de lui/elle-même. Ça fait mal, très mal… mais vous choisissez de prendre cet aveu pour ce qu’il est : une preuve d’amour et de confiance. Et vous vous demandez comment reconstruire à partir de là.
Soit, pire : vous découvrez le pot-aux-roses. Ça fait très mal. N’empêche : ielle vous promet que ça ne remet pas en cause votre relation, qu’ielle vous aime toujours… et vous aussi vous l’aimez, et vous décidez de tenter l’aventure ensemble, main dans la main.

Je suis sûre que vous avez encore bien d’autres situations bien différentes à me suggérer…

Dans tous les cas, et quelle que soit votre situation de départ… vous vous embarquez. Ça y est. On monte sur le navire, on largue les amarres. Ou comme dit Florence Servan-Schreiber, dans 3 Kifs par jour (un autre de mes livres de chevet !), on « jette son sac par-dessus le muret ». On s’engage. You take a committment.

Waouh ! Et le bateau prend le large. Le vent souffle, la terre ferme s’éloigne. C’est… chaud ! Il va falloir apprendre à tenir debout alors que ça tangue, à ne pas tomber par-dessus le bord, à gérer le mal de mer. Tout un nouvel apprentissage. Des émotions qu’on ne connaissait pas. Des situations inédites. Et on se demande si on va « réussir », si on va être à la hauteur de ses propres espérances…

C’est là qu’on peut à nouveau utiliser un accord toltèque, le 4ème : prenez l’engagement envers vous-même… de faire de votre mieux ! Et, comme le dit Susan Jeffers (je ne me lasse pas de Susan Jeffers, j’adore !) : Embrace Uncertainty ! Assumez de ne pas savoir où le vent va vous porter, accueillez l’inconnu, souriez au monde avec grâce et courage.

À demain pour… les premiers obstacles, épreuves, remous, gros vents !

Et vous, regardez-vous vos peurs en face ? Les acceptez-vous ? Les accueillez-vous comme vos alliées pour mieux vous connaître ? Ou bien vous font-elles peur et les fuyez-vous ? Ou bien encore tentez-vous de les dissimuler à vos propres yeux et à ceux des autres, des fois qu’elles leur feraient peur, à ielles aussi ?

N’oubliez pas : je vous attends dans l’espace des commentaires ci-dessous, hâte de vous lire !

Avec amour et bienveillance.
Isabelle

Voyage en Polyamorie #5. 4. Préparation

4ème étape de ce voyage en polyamorie, on n’en est encore qu’au tout début – prise de conscience qu’on vit dans un monde qui semble marcher la tête à l’envers, où les gens qui prétendent s’aimer se font des reproches, se jugent, se blessent les uns les autres ; un monde et une société où, comme l’écrit Miguel Ruiz dans Les Quatre Accords toltèques, les gens sont guidés par la peur plutôt que par l’amour… et où la peur des un.e.s alimente la peur des autres ; un monde où règne la « guerre des sexes », où on essaie de nous faire croire que « les hommes sont comme-ci, les femmes comme ça » et qu’on ne pourra jamais s’entendre ; un monde où on nous dresse les un.e.s contre les autres, les prétendus prédateurs contre les prétendues proies, les bourreaux contre les victimes (allez donc voir Zootopie : quel film merveilleux, pour petit.e.s et grand.e.s) ; un monde de pénurie (Vous n’avez droit qu’à un.e seule partenaire, et ça, pour le plus longtemps possible : alors choisissez bien !) plutôt que d’abondance (Nous sommes des milliards sur terre : c’est sûr qu’il y en a beaucoup parmi ceux/celles-ci avec lesquel.le.s vous pouvez avoir envie de faire un bout de chemin) ; un monde où nous dit que « il faut souffrir pour être belle » (hein ?), que « qui aime bien châtie bien » (quoi ?) et que « on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois » (ah bon ?) ; un monde où on mesure la réussite d’une relation à sa durée et non au bonheur qu’elle nous procure jour après jour…

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Et puis un jour, cette petite flamme de vie tout au fond de nous qui nous souffle que « c’est sûr, il y a nécessairement une autre manière de vivre et d’être en relations les un.e.s avec les autres« . Sauf que, aller à l’encontre de tout ce qu’on nous a toujours appris et asséné depuis qu’on est tout.e petit.e… demande du courage, de la force, de l’énergie et une sacrée dose de confiance en soi.

Alors peut-être plutôt qu’aller « contre » et se définir en négatif, on peut choisir d’aller « avec », dans le sens de ce qu’on sent, nous, au fond de nous.

Le changement commence par moi-même. Si je me change, moi, et que les autres me voient heureux.se ainsi… peut-être qu’ielles se poseront des questions à leur tour et auront envie de changer aussi… – ou pas : ça leur appartient, et ielles sont libres.
Moi aussi.

« Je ne sais pas où je vais… mais j’y vais. »

Alors c’est décidé, on se lance, on veut vivre autrement, libre. Ce qui ne veut pas dire seul.e, mais en relations avec d’autres personnes qui, comme nous, auront fait ce choix de vivre selon leur cœur, en suivant leur intuition, et non les injonctions de ces milliers de petites voix à l’intérieur de leur tête, héritées de nos ancêtres, de nos pairs, de nos peurs ; d’autres personnes qui respecteront nos choix, nous accepteront tel.le.s que nous sommes, sans essayer de nous changer ; d’autres personnes avec lesquelles on pourra être nous-même, et de plus en plus nous-même.

On a décidé de s’embarquer dans ce voyage vers l’inconnu, mais – restons raisonnable – pas n’importe comment, quand même. Alors on se prépare. On se documente, on fait des recherches sur Internet, on lit, on participe à des forum, on visionne des films. D’autres l’ont fait avant nous, d’autres vivent déjà différemment, et si d’autres l’ont fait, et ont l’air heureux.ses ainsi, alors pourquoi pas nous ?

En termes de dramaturgie, cette étape que j’appelle « La Préparation au voyage » correspond dans The Writer’s Journey, à la rencontre avec un « mentor » ou un guide.

Pour moi, c’est quand, après m’être conformée pendant des années à la norme de la monogamie (#2) et en avoir payé le prix (#3), quand soudain après « l’incident déclencheur » qu’a représenté ma séparation d’avec le père de mes enfants (#4), j’ai ouvert les yeux et me suis sentie renaître à 40 ans (ça, c’est pour donner de l’espoir aux plus jeunes !), un de mes proches amis m’a parlé pour la première fois de ce que lui appelait « polyamour » : m’ouvrant alors la porte sur tout un autre monde possible.

[Rappelons que plutôt que « polyamour », je préfère moi, parler de « polyamorie« , « amours plurielles », lutinage ou bien encore « relations non-exclusives consensuelles et éthiques » tandis que mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, propose, d’après Brigitte Vasallo, universitaire espagnole : « relations non-monogames inclusives » ; et des Américains : CNM pour Consensual Non Monogamy. Ouf !

La réalité est que dès qu’on sort du cadre normé pré-établi – et implicite par défaut – de la monogamie et des relations exclusives (si j’ai une relation avec toi, je renonce à toutes les autres), on n’a rien dit d’autre que : puisqu’il n’y a plus ce cadre implicite, à nous de définir le cadre explicite qui nous convient.]

Pour moi, c’est donc cet ami qui venait lui-même de découvrir le mot et le concept grâce à une amie américaine, qui m’a donné à lire mes premiers livres sur le sujet : ceux, en français, de Françoise Simpère (qui m’a la joie et l’honneur de témoigner dans mon film) : Aimer plusieurs hommes et Le Guide des Amours plurielles ; et celui qui a servi de référence en anglais pendant des années avant d’être enfin traduit en français il y a deux ans : The Ethical Slut (La Salope éthique).

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J’en ai ensuite découvert quelques autres, dont ceux de Yves-Alexandre Thalmann, que je trouve très accessibles pour une première approche (et plus courts que The Ethical Slut) : Vertus du polyamour et Les 10 plus gros mensonges sur l’amour et la vie de couple.
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Ensuite, j’en ai dévoré un paquet, et s’il y a parmi vous que ça intéresse, je pourrais vous en parler plus précisément. Si aujourd’hui, je ne devais en retenir que deux… allez, disons trois, ce serait More Than Two (très pratique et concret, plein d’histoires et d’erreurs à ne pas commettre), Opening Love (sur un aspect plus spirituel) et Sex At Dawn (qui démonte un par un les mythes sur lesquels sont construites les injonctions à la monogamie qui prévalent dans nos sociétés).

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Vous trouverez aussi sur le site de LUTINE des liens vers des documentaires ou des reportages qui ont été réalisés il y a quelques années.

Il y a désormais aussi de nombreux sites, blogs et forum sur Internet, à commencer par l’incontournable polyamour.info, mais aussi amours.pl et polyamour.be en Belgique, et puis les groupes Facebook.

Vous trouverez dans de très nombreuses villes (Paris, mais aussi Lyon, Toulouse, Strasbourg…) des « cafés poly« , conçus sur le modèle des « café philo », où l’on discute des relations plurielles, mais aussi maintenant souvent des goûters, et l’été des pique-niques, et depuis peu, des groupes de parole et de soutien (toutes infos sur l’onglet « événements » de polyamour.info).

Enfin, un endroit où rencontrer d’autres gens qui, comme vous, ont envie de vivre autrement, et avec la sécurité de l’anonymat, est le site de rencontres sur Internet okcupid.com (« cupid » signifiant en anglais « Cupidon », le dieu de l’amour, et non l’avarice !).

[Okcupid mériterait que j’y consacre un article entier : je me contenterai aujourd’hui de glisser quelques notes pratiques dans les commentaires. Juste en quelques mots : le site est gratuit, il offre la possibilité d’indiquer si on souhaite des relations monogames ou non, on peut y indiquer « open relationship » et même lier son compte à celui de son/sa partenaire ; et les pourcentages de « matches » (pour lesquels on détermine soi-même l’algorithme, en fonction de ce qui – pour vous – est important, très important ou pas important) marchent : répondez à au moins 100 ou 200 questions (pour que ça ait un minimum de valeur) et… amusez-vous ! ]

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C’est petit à petit, au fur et à mesure de mes lectures, de mes rencontres, de mes discussions, en me cherchant, en me confrontant à mes doutes, mes ambivalences, mes peurs, mais aussi aux autres, aux doutes, ambivalences et peurs des autres… que je me suis rapprochée de moi-même, de qui je suis vraiment, au fond, que j’ai pu mieux définir ce que j’attendais de la vie et d’une relation.

Si au début, on ne sait pas toujours ce qu’on veut, parce que tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne sait pas toujours que ça existe, ou que c’est possible… en tout cas, on sait ce dont on ne veut plus : trop de compromis, concessions, sacrifices, au prix de soi-même, de son bien-être et de son libre-arbitre.

À nouveau, quoiqu’on fasse, on ne peut pas et on ne pourra pas changer les autres. On ne peut que se changer soi-même.
Si on prend envers soi-même l’engagement de s’aimer, de se respecter, d’assumer ses responsabilités, d’être honnête… alors on rencontrera des gens qui auront le même respect envers eux-mêmes et envers la relation qu’on pourra nouer ensemble.

Et vous, où en êtes-vous de votre préparation ? De vos réflexions ? Vous sentez-vous prêt.e à sauter le pas ? Car on embarque… demain !

Au plaisir de vous lire dans les commentaires : l’espace ci-dessous vous est réservé !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #4. 3. L’Éveil à moi-même

Pour celles et ceux qui prendraient le train en marche, nous voici arrivé.e.s à la 3ème étape de ce Voyage en Polyamorie que je me suis engagée à écrire en 21 jours d’articles d’affilée.
Après l’exploration du monde ordinaire de la monogamie érigée en norme (#2), un jour, il arrive (après un accident, une maladie, une séparation, ou bien… une rencontre) qu’on voit le monde différemment, tel qu’il est, et non plus tel qu’on a voulu nous faire croire qu’il était – c’est ce que j’ai appelé « la Désillusion » (#3).

J’aurais aussi pu choisir d’adopter les étapes proposées par Kim Hudson dans  The Virgin’s Promise – je ne crois pas que je me ferais jamais à ce titre, mais le bouquin est top, décrivant les étapes du voyage de l’héroïne (la part féminine en nous), plus tourné vers l’intérieur que celui du héros (le fameux côté du héros qui « part avec son épée chasser un dragon au fond de sa caverne » avec lequel j’ai toujours eu un peu de mal à m’identifier !).

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Elle appelle l’étape #1 du « monde ordinaire » : The Dependant World (le monde de la dépendance). On est en couple, ou on aspire à être en couple, ou on se demande pourquoi on « n’arrive pas » à être en couple  : on se conforme souvent malgré tout à ce que la société, nos parents, la culture, attendent de nous. C’est confortable, rassurant, sécurisant… mais on en est en partie dépendant.e. Parce que si on cherche à y échapper, l’amour, la reconnaissance, l’appartenance au groupe y étant conditionnels… on sait qu’on risque gros. Autrement dit, on n’est pas libre.

Son étape #2 est alors « le prix de la conformité » (The Conformity Price) : celui que payent au prix fort les gens qui enchaînent les couples (théoriquement) monogames, en se disant que « Si ce couple n’a pas marché, c’est parce que ce n’était pas le/la bon.ne », mais sans jamais se remettre en cause eux-mêmes, ou se poser de vraies questions.
Celui que sont prêt.e.s à payer celles et ceux qui trompent leur conjoint.e, parce que leur désir intérieur est trop fort, trahissant ainsi le contrat d’exclusivité qu’ielles ont passé, sans pour autant vouloir prendre le risque de remettre en cause leur « monde de dépendance », parce qu’ielles y trouvent leur compte, d’une manière ou d’une autre : ils trichent, mentent, vivent à deux vitesses. Combien de temps peut-vivre en se cachant derrière un masque ?
Le prix de la conformité est aussi celui de ces personnes qui s’ennuient dans leur couple, qui y sont frustré.e.s, voire qui y sont malheureux.ses et s’y sont résignées (j’ai connu).

C’est alors qu’on arrive à l’étape #3 : le réveil (ou l’éveil) de la conscience. Le retour à soi. Le moment où l’on se (re)connecte enfin à soi, à son vrai soi. Où on prend conscience de cette petite voix intérieure qui vous dit que : « Il doit bien y avoir autre chose au dehors, quelque chose en plus. » Que « ça n’est juste pas possible de continuer comme ça » que « si vous ne faites rien, vous allez vous flétrir à l’intérieur. »

J’ai souvent dit que pendant des années, j’avais l’impression d’être « morte à l’intérieur » : je n’étais plus moi-même. Je gérais le quotidien, je vivais en pilote automatique, mais je n’avais plus de désirs, plus d’envies ; plus de vision de moi à long terme, plus de projet de vie, plus de petite flamme intérieure.

Ce n’est que lorsque je suis sortie de cette longue hibernation intérieure… que j’en ai pris conscience. Quand on est dans le noir, on finit par s’habituer, et on oublie qu’à l’extérieur, le soleil brille. Quand je suis revenue à moi-même… que j’ai (re)découvert la force, la brillance, l’énergie de la vie en moi et à l’extérieur de moi… quel bonheur, quel soulagement. Et en même temps, au début on est ébloui.e, cela prend du temps de se réhabituer à la lumière, de refaire confiance à sa petite flamme intérieure, de se laisser guider par la voix de son désir, de son intuition.

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J’en connais certain.e.s qui, une fois sorti.e.s de la boîte – pour ne pas dire « cage » – dans laquelle ielles étaient enfermé.e.s depuis toujours, parce qu’ielles s’étaient toujours conformé.e.s à ce que leurs parents et la société, puis leur époux.se, patron, enfants attendaient d’eux/elles… ne savent pas dans quelle direction avancer. Ielles ont toujours habité leur boîte/cage, ielles ne se sont jamais posé la question de leur désir propre : de quoi ont-ielles envie eux/elles ? Qu’est-ce qui les fait vibrer ? Qu’est-ce qui réveille à l’intérieur leur petite flamme ?

Quand on a été tenu.e prisonnier.e toute sa vie des désirs des autres, quand on a toute sa vie chercher à les anticiper, pour leur faire plaisir, être accepté.e, éviter la réprimande, les gros yeux, le déshonneur, la peur de ne pas être à la hauteur des attentes… comment savoir ce qui vous convient ? Comment ne pas paniquer à l’idée de décider pour sa propre vie ? Va-t-on partir à gauche ? Ou bien à droite ? Ou bien encore ce tout petit chemin broussailleux qui semble nous appeler, nous. Mais… et si nous ne rencontrions personne sur ce chemin, si nous nous retrouvions tout.e seul.e, si nous étions exclu.e de la société des gens « bien » puisqu’on a décidé de « vivre sa vie » et que soudain ils risquent de nous rejeter ?

On commence à se poser des questions qu’on ne s’était jamais posé avant : qui je suis MOI ? Qu’est-ce que je veux, MOI ? Qu’est-ce qui me rend heureux.se ? Est-ce que cette relation-là me permet de me sentir moi-même, ou est-ce que je me sens entravé.e dans mes mouvements ? Est-ce que je sens que je suis libre de quitter cette relation à tout moment, et que la personne ne me retiendra pas par des mesures de rétorsion, de la culpabilisation, des mots méchants ?

On commence à s’interroger sur ce qu’est l’amour, l’amour vrai, l’amour véritable. On nous a fait croire que l’amour, c’était appartenir à quelqu’un, renoncer à sa liberté. Mais l’amour, le vrai amour, ne nous maintient pas en cage.

On lit Le Conte chaud et doux des Chaudoudoux : quelle merveille ! Où on comprend physiquement la différence entre les chaudoudoux, qui sont en nombre infini et font chaud et doux quand on en reçoit, et les « froids-piquants », que les gens préfèrent s’échanger quand ils ont peur de manquer de chaudoudoux (parce que sans chaudoudoux, on meurt), mais qui, quand on les prend dans ses mains, font tout froid et piquent.

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On comprend qu’on ne peut jamais changer les autres. Que si on veut changer notre monde, c’est à nous de travailler sur nous-mêmes, à nous de changer.
Le changement… commence par moi-même.
Alors… on se prépare au changement : ça sera l’enjeu de l’article de demain.

Et vous ? Êtes-vous connecté.e à votre petite voix intérieure, faites-vous confiance à votre intuition, ou bien vous sentez-vous parfois envahi.e par toutes ces voix normatives (de vos parents, de vos professeurs, de vos ami.e.s), qui vous disent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, qui veulent vous faire croire qu’elles savent mieux que vous ce qui est bon pour vous ?

Vous aussi, racontez-nous votre voyage intérieur vers vous vous-même, vers plus de vous-même. Où en êtes-vous ? L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : hâte de vous y lire.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

Voyage en Polyamorie #3. 2. Désillusion

3ème jour de mon voyage en Polyamorie, étape n°2, et déjà je ne suis plus seule, certain.e.s d’entre vous m’ont en effet choisi de m’emboîter le pas et ont commencé à écrire leur propre carnet de voyage. Chouette ! Mon cœur se remplit de joie et de gratitude ! Nous sommes en effet des animaux sociaux et réfléchir à des relations éthiques et en conscience n’a de sens que dans le cadre de relations, précisément : nous sommes tous interconnecté.e.s et interdépendant.e.s.

Hier, j’ai évoqué la première étape de ce qui constitue le parcours d’un héros ou d’une héroïne, au sens archétypal du terme. Chacun.e de nous est le héros ou l’héroïne de sa propre histoire : c’est nous qui écrivons le récit de notre vie, qui nous inscrivons dans une histoire transgénérationnelle, qui transmettons à nos enfants (et/ou à nos ami.e.s ou lecteurs/trices) l’histoire que nous nous racontons sur nous-mêmes. Écrire une fiction ne consiste ni plus ni moins qu’à vouloir organiser, ordonner, donner du sens, là où la vraie vie en a rarement.

Tout récit commence par : « Il était une fois… » et nous présente le « monde ordinaire » du héros ou de l’héroïne. Jusqu’au jour où…
C’est ce « jusqu’au jour où… » qu’on appelle en dramaturgie un « incident déclencheur« .

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En effet, un jour, on voit. On voit le monde ordinaire tel qu’il est vraiment. On réalise que le mythe du prince – ou de la princesse – charmant.e est un mythe, précisément. Que si soi-même, on se sent à l’étroit dans son couple, ou bien qu’on en est sorti.e, qu’on n’a pas envie de s’engager ou se ré-engager dans une relation exclusive (qui exclurait, de fait, les autres), ce n’est pas nécessairement parce qu’on a soi-même un problème alors que les autres semblent « y arriver » très bien (Qu’est-ce qui ne va pas avec moi ? C’est moi qui ne suis pas aimable, moi qui ai un problème), mais peut-être bien que l’ensemble de notre société repose sur un idéal – celui de la monogamie (Je renonce à tous/tes les autres pour toi, en échange du fait que toi aussi, tu renonces pour moi à tous/tes les autres) – en réalité inatteignable pour la plupart d’entre nous.

C’est quand je me suis séparée du père de mes enfants, quand je me suis autorisée à choisir la vie en moi, qu’un ami proche a pour la première fois devant moi prononcé le  mot : « polyamour ».

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[Ouvrons une parenthèse : je n’aime pas ce mot de « polyamour ». En anglais, le mot qui a été créé dans les années 90 pour décrire ces relations intimes (amoureuses ou non, sexuelles ou non) non-exclusives consensuelles et éthiques, qui allaient « plus loin » que le libertinage dans l’ouverture d’un couple (le libertinage étant traditionnellement associé à des relations avant tout sexuelles, alors que là, des sentiments sont possibles, et une relation poly peut être asexuelle), mais qui pouvait aussi se rapporter à des relations intimes hors de cette référence normative au couple (c’est en ce sens qu’une intervenante dans LUTINE dit que la polyamour « déconstruit l’idée même de couple »), le mot qui a été créé, donc, est polyamory.

« Polyamory » est un parfait barbarisme, un mélange contre nature entre du grec (poly) et du latin (amor). Certes, il y a cette racine « amor », n’empêche que : ce n’est pas « poly-love ». Et tous/tes les Américain.e.s n’ayant pas étudié le latin à l’école, quand on leur parle de polyamory, sont obligé.e.s de se poser la question : de quoi parle-t-on ?
Les francophones, eux/elles, quand on leur dit « polyamour », croient immédiatement comprendre qu’il s’agit d’être amoureux.se de plusieurs personnes. Et que par exemple, quelqu’un.e qui serait amoureux de son amant.e serait poly. Eh bien, non !
Si on utilisait « polyamorie » (comme les Allemands utilisent « die Polyamorie » – et non « die Polyliebe »), les francophones seraient obligé.e.s de se poser cette même question : de quoi parle-t-on ?

L’éditeur français de La Salope éthique (The Ethical Slut), la « bible » des poly (jusqu’à ce que paraisse il y a un an More Than Two) était parti pour « polyamorie » et s’est conformé au dernier moment à ce qui pratiquait déjà en France – notamment à polyamour.info – me promettant que si « polyamorie » se démocratisait, il changerait la 2ème édition ! Dossie Easton, l’une des deux auteures de The Ethical Slut que j’ai eu le privilège de rencontrer à San Francisco quand j’y ai présenté LUTINE, était furieuse quand je le lui ai raconté : elle aussi, milite pour « polyamorie ».

Outre « polyamorie » et « polyamour », un des mots que l’on utilise en français pour désigner des relations plurielles éthiques est « lutinage « , créé par Françoise Simpère dans son Guide des Amours plurielles : c‘est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi d’appeler mon film LUTINE – en plus du côté « mutin, coquin, malin » qui collait bien à la comédie et au personnage qui tire les ficelles de manière facétieuse (et pas toujours très éthique). C’est un mot que je trouve à la fois ludique et joyeux, il éveille la curiosité, tout en renvoyant phonétiquement à « butinage » et à « libertinage »).
Parenthèse refermée.]

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Mon ami, donc, m’a pour la première fois parlé de ce concept de polyamour / polyamorie / lutinage : la possibilité de vivre des relations non-exclusives consensuelles et éthiques. C’était soudain comme un voile qui se levait et me permettait d’entrevoir derrière tout un monde nouveau. Un monde où chacun.e pourrait être soi-même, où on n’aurait plus besoin de porter un masque ou de faire semblant de se conformer à cette norme normative, un monde où on pourrait être honnête, envers soi-même et les autres. Ne pas mentir, ne pas tricher. Vivre au grand jour. Sans hypocrisie.

Parce que dans le même temps, je découvrais le monde et la réalité d’un certain nombre de personnes adultères. Ces hommes et ces femmes qui aimaient leur conjoint.e et ne souhaitaient en rien la/le quitter, mais qui, sur un chemin parallèle, dans une autre vie que celle que connaissaient d’eux/elles non seulement leur conjoint.e mais aussi souvent leurs ami.e.s proches (et bien sûr leurs enfants), vivaient des amours (ou simples « relations sexuelles ») clandestines.

Bien sûr, j’avais toujours su que ça existait. Mais je croyais, comme le dit une intervenante de LUTINE, que « quand on trompait son conjoint, c’est qu’on ne l’aimait plus », que c’était un signe que la relation était fragile ou malade.
Or je découvrais des hommes qui aimaient leur partenaire de vie – souvent la mère de leurs enfants – et n’avaient jamais envisagé ne serait-ce qu’une seconde, de la quitter : ils l’aimaient elle, mais aussi leur vie avec elle, leur vie sociale, leur vie quotidienne. Ils l’aimaient, quoi, vraiment. Après parfois 12 ans, 15, ou 25 ans de vie commune.

Pourquoi la trompaient-ils alors ? Et comment pouvaient-ils cacher à la femme qu’ils aimaient et avec laquelle ils partageaient leur vie une part si importante d’eux-mêmes, de qui ils étaient, de leurs désirs, de leurs doutes, de leurs émotions ? (Je parle ici d’hommes, mais tout ceci est aussi bien sûr vrai pour les femmes). Ils ne lui en parlaient pas… parce qu’ils avaient peur de la violence de ses réactions, de ses jugements, d’être confrontés à sa souffrance, s’ils lui en parlaient. Ils avaient aussi peur de la perdre, tout simplement. Comme le dit Miguel Ruiz dans La Maîtrise de l’amour, ils vivaient non dans l’amour, mais dans la peur.

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Parce que ces histoires de vie m’ont touchée quand je les ai découvertes, et que je suis tombée de haut par rapport à tout ce que je croyais, je choisis d’en partager quelques-unes avec vous.

J. trompait sa femme depuis 12 ans, après 15 ans de mariage. C’était organisé, systématique, assumé. Il lui est arrivé de tomber amoureux de certaines de ses amantes, il a même songé une fois à quitter sa femme. Il a essayé de lui en parler, ils ont suivi une thérapie de couple. Il en est ressorti que si lui était frustré sexuellement dans leur relation, elle pas. Il a alors eu le choix, puisqu’elle ne voulait pas entendre parler « d’ouvrir leur couple » : la quitter, pour ne plus lui mentir, ou continuer à la tromper. Il a continué à la tromper. Et est toujours très heureux avec elle six ans plus tard.

G. n’avait jamais trompé sa femme en 15 ans de mariage, mais lui aussi était frustré sexuellement et sentait qu’il devait / pouvait y avoir « autre chose ». Au fur et à mesure qu’il s’ouvrait à d’autres expériences, il a pris conscience que sa frustration sexuelle en cachait d’autres au sein de son couple… jusqu’à ce que sa femme, ayant découvert le pot-aux-roses, lui demande de choisir. Il a choisi sa liberté.

A. a trompé sa femme et lui aussi a été découvert. Lui aussi l’a quittée… mais il l’a regretté : il est retourné auprès de sa femme, qui a accepté d’entreprendre avec lui une thérapie de couple. Voilà six ans qu’ils sont à nouveau ensemble – et heureux.

R. n’avait jamais, prétendait-il, trompé sa femme en 25 ans, et quand il avait découvert qu’elle-même l’avait trompé, c’est tout son monde qui s’était écroulé.  Il l’avait trompée à son tour, pour « se reconstruire ». Mais parmi leur bande d’ami.e.s depuis 25 ans, personne n’était au courant, car il avait peur qu’ils ne soient, l’un.e ou l’autre, (mal) jugé.e. Résultat : ils passaient aux yeux de leurs ami.e.s pour un couple modèle et sans histoires. Et si ça se trouve, toutes et tous autour d’eux vivaient dans la même hypocrisie d’un masque social « cache-misère ».

Figure falling down red spiralC’est cette hypocrisie généralisée qui m’a frappée soudain. Si tout le monde fait semblant, triche, ment, parce qu’ielle croit qu’ielle est le/la seul.e à vivre ces difficultés au sein de son couple ou à ressentir des tentations extérieures… alors chacun.e se sent mal et le/la seul.e coupable. Comment sortir de cette spirale négative infernale ?

L’hypocrisie n’est-elle en réalité pas celle de la société toute entière ? « On » veut nous faire croire que la monogamie est « naturelle » à l’homme, quand tout, autour de nous, nous montre le contraire : la plupart des gens aujourd’hui vivent des monogamies « sérielles », enchaînant plusieurs relations (théoriquement) monogames ; le taux de divorces atteint deux couples sur trois dans les grandes villes, et encore : on ne comptabilise que les « divorces » (de gens qui étaient mariés, donc) ; et parmi les couples qui restent ensemble, combien se trompent ? Certains sondages affichent 25%, d’autres 60 voire 80% : dans tous les cas, c’est énorme ; et parmi ceux qui sont exclusifs pour rester fidèles à la parole donnée (ça a été mon cas pendant 13 ans), combien sont malheureux, frustrés, résignés ?

[Pour celles et ceux que ça intéresse, le livre Sex at Dawn remet en cause brillamment et systématiquement la « croyance » que la monogamie est « naturelle », en revenant aux origines de l’humanité.]

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C’est cette soudaine prise de conscience de l’hypocrisie générale de la société, ce voile qui se lève, peut-être quand on atteint un certain âge, qu’on a vu les ami.e.s autour de nous se séparer, se déchirer, se mentir, ou qu’on en a soi-même fait l’expérience, que j’appelle « désillusion » : on ne croit plus aux contes de fée.

Pourtant, on veut encore croire en l’amour, et en des relations sincères, honnêtes, éthiques. Demain : le réveil de la conscience.

Si ces réflexions sur l’amour et les relations amoureuses vous intéressent et réveillent en vous des interrogations sur votre propre parcours de vie, n’hésitez pas : rejoignez-nous dans ce voyage vers une nouvelle éthique amoureuse, et racontez-nous vous aussi vos découvertes et vos expériences – l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé

Au plaisir et à demain, pour une nouvelle étape.
Avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

 

Voyage en Polyamorie #2. 1. Le Monde ordinaire

Après 13 jours de pensée positive… devenus 21 et 21 jours de Mindsight, j’ai longtemps hésité au titre à donner à cette nouvelle série de 21 articles d’affilée, où je ne souhaite pas seulement parler de relations plurielles, mais bien plus largement de relations et d’amour. J’ai d’autant moins l’intention de faire ici l’apologie de la polyamorie, que je ne crois pas que ce mode de relations puisse convenir à tout le monde.

Ce que je souhaite en revanche, c’est informer sur un mode de relations qui est possible, et que choisissent d’adopter aujourd’hui de nombreuses personnes, afin d’éviter certaines idées reçues – souvent accompagnées de jugements moraux négatifs – telles que, encore ce week-end, ma grand-mère (que par ailleurs j’adore) : « Ton truc, là, de coucher avec n’importe qui, c’est quand même n’importe quoi ! » (sic).

Quand, en février, nous avons présenté LUTINE à San Francisco, nous avons été surpris de découvrir que là-bas, les adolescent.e.s et jeunes adultes semblent savoir qu’ils ont le choix : ils peuvent choisir la monogamie, ou bien ils peuvent choisir la non-monogamie. Pour un temps donné, ou pour une relation donnée. Ils savent aussi qu’à tout moment, ils peuvent revenir sur leur choix, en discuter, en changer.

L’idée est de lever le voile et les tabous, de regarder les choses en face et les nommer par leur nom (comme je m’amusais à dire au moment de mon premier long métrage Tout le plaisir est pour moi : « Appeler un chat un chat, et un clitoris… un clitoris« ), d’assumer nos choix en prenant conscience que les jugements et les critiques parlent plus de celles et ceux qui les prononcent que de celles et ceux qu’ils/elles visent.

J’aimerais que ces articles de blog puissent accompagner les spectateurs/trices de LUTINE s’ils/elles souhaitent aller plus loin dans les questionnements que réveille le film en eux/elles, et que mes enfants puissent comprendre de l’intérieur ce dont il est question quand on parle d’amours plurielles, avant que d’autres adultes, peut-être sincèrement inquiets pour eux, ne viennent les polluer de leurs jugements négatifs sur la question, en projetant leurs propres angoisses et insécurités sur le sujet.

À nouveau ma grand-mère ce week-end, me posant des questions sur les enfants aujourd’hui adultes de parents notoirement lutins : « Ah ben tu vois, s’ils ont choisi la monogamie, c’est bien qu’ils ont été vaccinés en voyant la vie de leurs parents ! »
Sauf que si je lui avais dit qu’ils étaient devenus non-monogames, elle m’aurait répondu : « Ah ben tu vois, c’est bien ce que je dis, c’est une secte ! »

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Il va être ici question de tolérance, de bienveillance, d’accueil, de non-jugement, de gratitude, d’amour au sens large, de sexualité positive, mais aussi de communication compassionnelle (un autre mot pour CNV : communication non-violente) et d’outils pour accueillir nos émotions tels que TIPI ou la libération quantique.
Il va bien sûr être question de jalousie et d’insécurités, et de : « Concrètement comment on fait quand on sait que l’homme ou la femme qu’on aime est en train de passer la soirée dans les bras d’un.e autre ? »
Il va être ici question de relations, de choix en conscience, d’intentionnalité, de mindfulness, de confiance, de respect. Mais aussi d’impermanence, de changement, d’évolution. Et du fait que parfois, il est bon de laisser évoluer une relation, d’accompagner le changement, de dire oui à ce que la vie nous propose.

Je ne dis pas – ô que non ! – que tout le monde devrait devenir poly… (« Ça serait un beau b… », dixit ma grand-mère). En revanche, il me semble que les outils de communication et de gestion des émotions dont on a rapidement besoin quand on choisit de vivre en polyamorie, sont des outils formidables qui rendent la vie plus belle et plus harmonieuse – que l’on soit poly ou non – et qui gagnent à être connus du plus grand nombre.

J’ai finalement choisi d’appeler cette série d’articles Voyage en Polyamorie, car il me semble que c’est à cela que j’invite mon lecteur : à un voyage, construit sur le modèle classique d’un scénario. Alors, prêt.e.s ? Je ne sais pas vraiment où je vais, mais… j’y vais ! Vous embarquez avec moi ?

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Reprenons au début, donc. Mes enfants. Ma grand-mère. Le monde ordinaire de la monogamie érigée en modèle unique, en « norme » à laquelle se conformer. La culture au sens général du terme : les livres, les romans, les films, hollywoodiens ou non, les « Ils vécurent heureux ensemble et eurent beaucoup d’enfants » de nos jeunes années, qu’on est heureux.se (en tout cas, moi !) de retrouver dans des comédies romantiques.

Les injonctions parentales (ou des voisins, cousins, anciens camarades d’école) telles que « Quand est-ce que tu nous fait un bébé ? », « C’est sérieux avec Machin.e, vous allez habiter ensemble ? », « Quand donc vas-tu enfin te fixer ? », et quand on a le malheur – ou le bonheur, c’est selon ! – d’être séparé.e d’une union précédente avec enfants, c’est, pour reprendre ce que dit le personnage de la mère dans LUTINE : « Tu vas refaire ta vie avec lui ? Parce que pour les enfants, ce serait bien, un peu de stabilité ! » (à quoi mon personnage répond : « On ne refait pas sa vie, on la continue. »)

La peur de ne pas être « comme les autres ». La sensation intérieure de ne pas être comme les autres. Le syndrome du « vilain petit canard », associé à celui de l’imposteur (tiens, on dit comment « imposteur » au féminin ?). La volonté de se fondre dans la masse, de ne pas être remarqué.e.

J’avais tellement peur qu’on s’aperçoive qu’au fond, je n’étais « pas aimable », que le premier qui a bien voulu de moi (après une première rupture douloureuse), je ne l’ai plus lâché. En même temps, quelle idée de vouloir se « mettre en couple » à 17 ans ? Je l’ai trompé, le lui ai dit. Il l’a mal pris – je n’ai pas compris pourquoi.
Je l’ai quitté au bout de quatre ans. Quand j’ai voulu reprendre notre relation, il m’a dit : « Tu connais les conditions ? Exclusivité ! » (qu’on appelait alors « fidélité »). Je me souviens avoir pensé : « En me prévenant que si tu apprends que j’ai une autre relation, tu me quittes, tu m’obliges – de fait – à te mentir. »
J’ai promis, en me promettant de « tenir » le plus longtemps possible. Puis je l’ai à nouveau trompé après trois ans. J’ai fini par le quitter au bout de dix ans : il me semblait que j’avais rempli mon contrat, que j’avais prouvé au monde que je pouvais être en couple. Pour autant, je me voyais pas m’engager durablement – et faire des enfants – avec quelqu’un à qui je mentais.

Quand j’ai rencontré mon compagnon suivant, je lui ai annoncé la couleur : « Je ne crois pas à l’exclusivité à long terme ». Il a prétendu que ça lui convenait… puis a changé d’avis. J’étais amoureuse, j’ai pensé qu’on évoluerait ensemble. Que nenni. Treize ans de monogamie rigoureuse (de mon côté) et deux enfants plus tard, nous nous sommes séparés avec pertes et fracas. La sensation de revenir à la vie pour moi : je suis « re-née » avec ma fille, j’ai le même âge qu’elle.

Je connais donc, comme la plupart d’entre nous, le monde ordinaire de la monogamie. J’ai trompé et j’ai été trompée. J’ai aussi été – longtemps – exclusive. Mais je n’étais pas heureuse. La réussite d’une relation doit-elle se mesurer à sa durée (le fameux « jusqu’à ce que la mort nous sépare ») ou bien alors au bonheur qu’elle nous procure ?

Bien sûr que la monogamie peut apporter bonheur et épanouissement, en plus de la sécurité. Ma grand-mère (l’autre !) a été très heureuse toute sa vie avec son second mari. Ce en quoi je crois cependant, comme le dit un personnage dans LUTINE, c’est que « ça devrait être un choix  » qu’on fait en conscience, un contrat qu’on passe à deux, et non que la société, la culture, les parents, les voisins, le qu’en dira-t-on, le « je veux être comme tout le monde et surtout ne pas me faire remarquer »… nous imposent, consciemment ou non.

Combien d’entre nous se réveillent après de nombreuses années de couple (théoriquement) monogame, ou bien de « Je ne sais pas ce qui ne va pas avec moi, je n’arrive pas à me fixer », avec une sensation de gueule de bois et d’avoir été trompé.e par le mythe du prince – ou de la princesse – charmant.e auquel ils ont voulu croire ?

En termes d’écriture dramatique, cette phrase s’appelle une « accroche » : réponse… demain !

Et n’oubliez pas : l’espace des commentaires vous appartient ! Je vous propose, vous aussi, si vous le souhaitez, de vous embarquer avec moi et mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui me fait la joie de me rejoindre aujourd’hui dans mon aventure d’écriture, pour vous aussi nous raconter votre propre voyage en 21 jours ! Hâte de vous lire ! Rendons ce blog interactif, c’est tout l’intérêt d’écrire comme ça, au jour le jour, en fonction aussi des réactions des un.e.s et des autres.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #1. Engagement

Voilà aujourd’hui pile six mois passés depuis mon précédent engagement sur ce blog et mes 21 Jours de Mindsight : le moment est venu de me lancer un nouveau défi et de repartir en voyage.

Depuis six mois et la fin de la fabrication effective de mon film LUTINE, j’ai commencé à le montrer : j’ai voyagé « pour de vrai », j’ai rencontré mes premiers publics, aussi bien en France qu’à l’étranger. Et je me suis reposée inlassablement la même question au quotidien : et maintenant ?

En réalité, voilà des mois que je bouillonne intérieurement, que je me sens « en gestation » de différents projets, de différentes envies, qui s’imposent – plus ou moins – à moi : j’essaie d’être à leur écoute, de savoir vers moi me poussent mes désirs intérieurs profonds.

Parmi ces désirs, celui de rédiger un « livret » qui enrichirait LUTINE, et que j’ai promis en contrepartie à certain.e.s coproducteurs/trices du film, pour les accompagner dans leurs réflexions et les questions que réveille en eux le film : sur la polyamorie, sa philosophie et ses pratiques.

Un autre désir, que je sens en moi depuis longtemps, est d’écrire – quoi ? Un livre ? Sans doute, sans même encore oser me l’autoriser…- pour transmettre à mes enfants un certain nombre de choses que j’ai comprises depuis quelques années sur la vie et les relations, qui m’aident à être plus heureuse et plus épanouie dans ma vie, jour après jour.

J’écrirais pour eux, certes, comme une sorte de témoignage / testament, mais aussi certainement pour celle que j’étais avant, comme le livre que j’aurais moi-même aimer lire il y a quelques années et qui m’aurait peut-être aidée à naviguer de manière plus harmonieuse parmi les épreuves que la vie m’envoyait – voire à éviter certains écueils.

Et au-delà de mon « younger self » comme l’a appelé Louisa Leontiades dans ses Lessons in Love and Life to My Younger Self, j’écrirais pour celles et ceux qui voudraient emprunter un chemin similaire au mien, et que ça pourrait aider de me lire, comme un carnet de voyage.

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Voici donc venu le jour que je me suis fixé pour commencer ce nouveau saut dans l’inconnu : « Je ne sais pas où je vais, mais… j’y vais« , pour reprendre une des lignes du dialogue de LUTINE. 

Ces nouveaux 21 jours d’articles vont filer la métaphore du voyage, m’inspirant des différents ouvrages qui m’aident parallèlement à écrire mon nouveau scénario : le parcours du héros d’une part (basé sur The Writer’s Journey : Mythic Structure for Writers, de Christopher Vogler), celui de l’héroïne de l’autre (The Virgin’s Promise :  Writing Stories of Feminine Creative, Spiritual, and Sexual Awakening, de Kim Hudson), l’un et l’autre s’entendant au masculin et féminin non au sens littéral, mais correspondant aux parties masculine et féminine en nous – celle qui nous encourage à l’action d’une part, celle qui nous renvoie à notre intériorité de l’autre.

Si je voulais donner un sens et une structure à ces quelques mois de réflexions et de gestation qui m’ont conduite à entreprendre aujourd’hui ce nouveau voyage, je pourrais ainsi en repérer différentes étapes :
1. Mon « monde ordinaire » : je me contente de mon quotidien et de gérer les urgences au jour le jour ; les jours passent et défilent, je ne « produis » rien, je ne suis pas créative ; confortable et rassurant sur le moment…
2. mais petit à petit, de manière d’abord inconsciente, l’insatisfaction et la frustration grandissent en moi. Quelque chose ne va pas, je ne sais pas encore exactement quoi, ni comment y remédier, mais je réalise peu à petit que cette vie « jour après jour » ne me suffit pas ou plus, et je souhaite « autre chose » : avancer en conscience et intentionnellement.
3. « Le Réveil de ma conscience », qu’on peut aussi choisir d’appeler l’incident déclencheur, Awakening ou « The Call to Adventure » : je me connecte à ma voix intérieure, la voix de mon intuition, de mon désir profond, cette petite voix qui un jour me dit : « Tu vas entreprendre un nouveau voyage : 21 Jours en Polyamorie. »
4. Alors je me prépare au voyage : j’y pense, je réfléchis, je lis, j’en parle, je l’annonce, je me documente, je commence à noircir des lignes et des lignes.
5. Et puis un jour, arrive la date du départ que je me suis fixée : aujourd’hui. Et je me lance : parce que c’est ce que je souhaite profondément, parce que ça m’oblige à sortir de ma zone de confort, parce que je sais intuitivement que ça va m’aider à grandir, à avancer en conscience sur le chemin de ma vie. C’est le saut dans l’inconnu, Crossing the Threshhold, mon fameux « Je ne sais pas où je vais, mais j’y vais » – parce que c’est là où mon cœur me porte, là que je me sens vivante… et que si je ne le faisais pas, j’aurais la sensation de passer à côté de ma vie. C’est l’exhilaration des jours de départ (qu’on pourrait traduire en français par : exaltation, euphorie, ivresse) : à la fois appréhension et excitation, et en même temps… c’est trop tard pour se poser des questions : ça y est, c’est parti !

Je sais qu’au cours des vingt jours qui vont suivre, j’aurai certainement l’envie, parfois, de me soustraire à cette publication quotidienne : c’est la raison pour laquelle je prends ici un engagement, non seulement envers moi-même (comme quand je me fixe d’avoir fini le premier jet de mon nouveau scénario à une date précise, mais qu’en réalité, rien ni personne ne m’empêche de la reculer de jour en jour), mais aussi publiquement : en réalité, cet engagement public m’oblige. Et je sais que jour après jour, je serai fière et heureuse de l’avoir tenu.

Je vous propose vous aussi, si vous le souhaitez, de vous embarquer avec moi dans cette aventure et ce voyage : l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé ! Vous aussi, vous pouvez partager avec nous et l’ensemble de la communauté des lecteurs et lectrices de ce blog, votre propre voyage. Soyez les bienvenu.e.s !

À demain, avec amour et bienveillance.
isabelle