Depuis trois jours, il me paraît difficile de parler d’autre chose que de ce qui est lié, de près ou de loin, aux attentats. L’onde de choc est loin d’être terminée, et ne le sera sans doute jamais totalement. Nous voilà entrés dans une nouvelle phase de notre histoire, où nous ne serons sans doute plus jamais totalement sereins. Nous vivions protégés de la violence du monde, dans une sorte de cocon confortable.
Comme me le fait remarquer depuis trois jours mon fils de 10 ans : « Toi quand tu étais petite, il n’y avait pas d’attentats. » C’est vrai. Nous allons devoir apprendre à vivre avec, avec nos peurs, nos incertitudes… et cette violence potentielle, virtuelle, autour de nous.
Un des livres qui m’a le plus aidée à aller de l’avant, à avancer avec mes peurs, et non à attendre qu’elles disparaissent pour bouger, est Feel the Fear, and Do It Anyway de Susan Jeffers : ressentez la peur, comprenez qu’elle est « normale », que c’est une réaction physiologique de notre corps pour nous protéger ou nous avertir d’un danger… et allez-y quand même : foncez, bougez, avancez !
Un autre livre remarquable de Susan Jeffers est Embracing Uncertainty. L’idée maîtresse en est que, de toute façon, nous n’avons aucun contrôle sur ce que la vie nous réserve : on peut la perdre en un quart de seconde, parce qu’un dingue en a décidé ainsi. Alors lâchons prise, cessons de prétendre vouloir tout contrôler tout le temps, tout imaginer, anticiper, prévoir.
Mon fils (encore lui) me disait hier : « On va avoir peur tout le temps maintenant, je ne veux plus aller au concert. » À quoi j’ai répondu : « En effet, si ça se trouve, je mourrai dans un attentat dans 15 ans. Mais que j’aie peur ou non pendant les 15 ans à venir, ça ne changera rien. Alors autant en profiter pour vivre d’ici là ! »
Susan Jeffers propose quelques petits « trucs » à se rappeler pour lâcher prise sur nos illusions de contrôle. Par exemple, rajouter à tout ce qu’on dit : « – ou pas ».
- « Je suis sûre qu’il reviendra… – ou pas.«
- « Je pense qu’elle va s’en sortir… – ou pas.«
- « À tous les coups, ça va marcher !… – ou pas.«
Ça le fait aussi avec « J’espère« , qu’elle propose de remplacer par : « Je me demande si... » (Remplacer « I hope » par « I wonder« ).
- « J’espère qu’il va me rappeler » devient : « Je me demande si il va me rappeler…« .
- « J’espère qu’il fera beau demain » : « Je me demande si il fera beau demain…«
- « J’espère qu’elle va s’en sortir » : « Je me demande si elle va s’en sortir.«
Ça nous permet d’être ouvert à ce que nous réserve la vie. Être ouvert, curieux, bienveillant, tolérant. A-t-on une autre option ?
La phrase-fétiche que j’ai héritée de Susan Jeffers est : « Whatever happens, I’ll handle it« . Pour laquelle, depuis que je l’ai adoptée, j’ai du mal à trouver une traduction qui me satisfasse complètement : Quoiqu’il arrive, quoique la vie me réserve, quelles que soient les épreuves que la vie me présentera… je ferai face, je m’en sortirai.
Seule la mort est irréversible.
Aujourd’hui, la France entière – sauf quelques irréductibles – a observé une minute de silence. En hommage aux morts et aux blessés de vendredi, en signe de soutien et de solidarité avec leurs proches, pour marquer notre empathie et notre compassion.
Pendant une minute, Paris a paru moins bruyant. Dans ma rue, les travaux se sont arrêtés, les voitures paraissaient plus lointaines et moins nombreuses, on n’entendait rien d’autre… que les rires et les cris des enfants de l’école maternelle, dispensés, eux, de cette minute de deuil et de partage.
C’était émouvant. Non seulement bien sûr de penser à l’horreur absolue des attentats et à ces vies fauchées par l’absurdité et le fanatisme de quelques-uns… mais aussi de penser qu’au même moment, nous étions des millions à partager ces pensées. Une minute de silence et de méditation. En conscience. Toutes et tous ensemble. Un immense message d’amour et de compassion. Un moment d’amour partagé.
On peut choisir de penser aux horreurs de la vie et à tout ce qui nous fait peur… ou alors on peut choisir de se connecter à l’amour.
Je redoutais un peu l’épreuve de l’école aujourd’hui pour mes enfants, et tout particulièrement pour mon fils, hypersensible s’il en est. Je craignais les stupidités et les peurs diverses des parents dont les enfants allaient se faire écho auprès de lui. Je me demandais dans quel état émotionnel j’allais le retrouver.
Eh bien… il était serein, et presque joyeux. Il s’est précipité sur le frigo en disant : « La vie est belle puisqu’on n’est pas mort dans les attentats ! »
Embracing Uncertainty… Restons ouvert(e) à ce que la vie nous propose. Accueillons la vie en nous comme un cadeau sans cesse renouvelé.
À demain, avec amour, bienveillance et compassion.
Isabelle
Et ma fille, ce soir (6 ans) :
« Maman, si tu vas au café, tu vas mourir.
– Mais non…
– Si, parce que tu cours pas assez vite ! »