21 JOURS de Mindsight #21 : Une semaine après…

Me voilà au seuil de mon 21ème jour du défi que je me suis lancé : 21 jours d’affilée d’au moins 5 mn de méditation par jour et d’attention portée à la mindsight, relayées par un article quotidien.
Étonnamment, je n’ai pas « senti passer » ces 21 jours.

En réalité, depuis une semaine, nos sensations, sentiments intérieurs, agendas personnels… ont été bouleversés. Nous sommes passés en mode « réactif », de manière inconsciente, automatique. Que nous nous soyons laissés happer par les informations ou les fils négatifs sur les réseaux sociaux, comme une addiction dont on sait qu’elle est nocive mais à laquelle on n’arrive pas à s’abstraire, ou au contraire que nous ayons choisi d’y échapper pour nous en protéger… depuis une semaine, nous sommes en réaction.

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Quand notre corps a subi une violence, un accident, un coup… on y fait attention, on en prend soin. Ça devrait être la même chose pour notre psychisme. Il est important de ne pas vouloir faire « comme si rien ne s’était passé ».

Affirmer « la vie continue » comme en déni de la violence qui nous a été faite à tous, sans prendre le temps de s’interroger sur nos sensations intérieures, nos ressentis, nos peurs, nos angoisses, c’est prendre le risque qu’ils se réveillent en nous plus tard, et sans que nous ayons alors moyen de les comprendre.

Prendre le temps de s’observer, de s’écouter, de parler, de partager ses émotions et ses ressentis, de pleurer… c’est important. C’est même essentiel.

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À moindre échelle, je me souviens d’une histoire racontée par Isabelle Filliozat dans un de ses livres sur les émotions : l’histoire d’un couple qui avait failli avoir un accident de voiture. Une fois sains et saufs, et le premier choc de sidération passé, la femme avait crié, et beaucoup pleuré. L’homme, lui, lui disait et se disait : « Tout va bien, on est vivants » et ne comprenait pas sa réaction qu’il jugeait « excessive », voire hystérique.

Sauf que voilà… la femme n’a eu aucune séquelle de cet accident, elle avait évacué sur le moment ses émotions de peur et de panique, sa peur rétrospective que ça aurait pu être infiniment plus grave (je crois qu’un camion leur avait foncé dessus sur une petite route au bord d’un précipice). Tandis que l’homme, lui, a continué à faire des cauchemars et des insomnies, n’arrivait plus à travailler, ni à se concentrer… et a fini par débarquer en détresse dans le cabinet d’Isabelle Filliozat quelques mois plus tard.

Parlant, non ?

Dans le même ordre d’idée, je me souviens, il y a quelques années, de la réponse que m’avait faite ma psy, Christel Petitcollin, spécialiste des violences psychologiques, à qui j’avais demandé : « Comment ça se fait que je ne m’habitue pas, qu’à chaque parole agressive ou méprisante, j’en souffre toujours autant ? » Elle m’avait répondu :

« Quand on reçoit un coup comme un coup de poing, un choc physique, on a mal : notre corps ne s’habitue pas. Une violence verbale, un choc émotionnel… c’est comme un coup de poing que reçoit notre psychisme. C’est normal d’en être affecté.e. Même si, vous verrez, mieux vous irez, plus vite vous vous rétablirez à chaque fois. »
C’est cela qu’on nomme résilience.

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La résilience est un apprentissage. Nous ne sommes pas toutes et tous égaux devant elle. Celles et ceux d’entre nous qui ont un attachement sécure à leurs parents, dont les parents ont répondu aux besoins émotionnels dans leur enfance, en les écoutant, en accueillant les émotions et en mettant des mots dessus… ont acquis ces mécanismes d’auto-protection et se remettent mieux d’un choc.

Celles et ceux d’entre nous, en revanche, qui ont eu ce qu’on appelle un attachement « insécure » (évitant, ambivalent ou désorganisé), dont les parents n’ont pas su ou pas pu accueillir les émotions quand ils étaient en détresse enfants, voire ont provoqué ces sentiments de détresse chez eux… ne savent pas s’auto-apaiser : chaque choc, chaque violence, sont susceptibles de les mettre en difficulté. Et ils mettront plus de temps à s’en remettre. Voire resteront traumatisés.

images-1Voilà pourquoi il est important de répondre à la détresse de nos enfants, et d’être attentif/ve à la nôtre. Quand un enfant, par exemple, fait une « crise », lui dire : « Calme-toi ! Tant que tu ne seras pas calmé, je ne te parlerai pas« , c’est rajouter de la violence et de la rupture là où il est déjà en grande difficulté, et qu’il se sent déjà mal d’être mal, et de faire une crise.

C’est plus encore quand ils sont en crise que quand ils vont bien, que nos enfants ont besoin de nous : accueillons leurs émotions, leurs failles, sachons répondre à leurs besoins (« besoins » n’est pas « caprices »). Quand un.e enfant est en crise, sur la « low road« , victime de son « cerveau du bas », connectons-nous à lui/elle émotionnellement, ne crisons pas nous-mêmes à notre tour et au contraire restons calme et connecté.e : prenons-le/la dans nos bras.

De même que quand un.e enfant s’est fait mal physiquement, on le/la soigne ; quand un.e enfant est en détresse psychique, accueillons sa détresse. Prenons-le/la dans nos bras.

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Soyons notre propre parent bienveillant, traitons-nous nous-même comme si nous étions notre meilleur.e ami.e.

La violence qui nous a été faite à toutes et à tous la semaine dernière, quel que soit le degré auquel on a été ou non touché.e personnellement, est une violence psychique terrible. On a soudain été confronté.e à la mort, à la conscience de notre mort un jour, et de celle de nos proches, à cette conscience qui, en temps normal et pour nous en protéger, reste inconsciente.

imagesSoyons indulgent.e, bienveillant.e, accueillant.e envers nous-même.
La résilience est un apprentissage. Et la bonne nouvelle que nous transmettent les neuro-sciences, c’est que : on peut apprendre à tout âge.

imagesAvec amour, bienveillance et compassion,
à demain.

Isabelle

 

21 JOURS de Mindsight #20 : Méditation de bienveillance

Depuis hier, je me sens comme « en résistance ». J’alterne entre des moments où je me sens « speed », où j’ai l’impression que tout m’agresse (alors je « résiste », au risque d’agresser les autres sans même m’en rendre compte sur le moment), soit au contraire où je m’effondre… et où alors après, je me sens complètement vannée, comme sonnée.
L’un entraînant l’autre comme dans une réaction en chaîne, sans doute, je vis des montagnes russes émotionnelles.

Entre les deux, travaillant sur moi, je réussis malgré tout régulièrement à me connecter à moi-même, à mon centre, et à l’amour en moi. Je m’accepte alors telle que je suis, avec mes failles, mes fragilités, mes blessures, mon hypersensibilité à fleur de peau, et sans doute un stress post-traumatique réactivé ces jours-ci par le contrecoup des attentats, et qui expliquerait ces états d’alternance.

M’observant sans concessions mais avec bienveillance, j’ai pris conscience que quand je me sens agressée et que je passe en mode défensif pour tenter de minimiser les sources de stress supplémentaires autour de moi, je peux moi aussi agresser mes interlocuteurs, sans même en avoir conscience… et participer ainsi à créer un monde de violence autour de moi – qui est ce que précisément je cherche à fuir.

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La colère que je ressens en moi est souvent projetée, provoquée par l’idée de ce que j’attends de l’autre ou de comment je voudrais qu’il soit ; sans le voir tel qu’il est vraiment. Si quelqu’un ne se comporte pas avec moi comme je le voudrais, je me sens agressée, non respectée… et si je le lui renvoie, je l’agresse à son tour : c’est un cercle vicieux dans lequel je ne peux recevoir à mon tour que de la violence – dont le malaise en moi est la cause première.

La pratique de la mindsight consiste à se voir soi-même (insight), voir en l’autre (empathie) et avoir une vision de notre interconnection et de notre interdépendance. Nous formons un tout avec les autres.
Si j’agresse l’autre, je m’agresse moi-même : si je suis en mode défensif, je renvoie à l’autre de la défiance, et pour peu qu’il soit lui-même peu emphatique, il le ressent comme de l’agression, et m’agresse à son tour – pour se « défendre », prétend-il.

Il ne s’agit certainement pas de tout accepter sans réagir. Mais de ne pas réagir tant qu’on ressent de la colère en nous. La colère est comme un bébé : quand elle se réveille, quand on la sent se réveiller en nous, il faut en prendre soin.
Il nous faut retrouver notre calme et notre sérénité AVANT de réagir : si l’on réagit sur le mode de la colère, elle a de fortes chances de nous déborder… et de nous revenir en boomerang.

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La méditation de bienveillance (lovingkindness en anglais) permet de se connecter aux autres en tant qu’êtres humains, comme nous animés du désir de vivre heureux et d’être protégés de la souffrance.
Nous sommes tous vulnérables, tous faillibles, tous sur terre en même temps et soumis aux mêmes aléas : que nous soyons riche ou pauvre, jeune ou vieux, bien portant ou malade, notre vie peut s’arrêter d’une seconde à l’autre parce qu’un autre en aura décidé ainsi.

Si les attentats de cette semaine nous bouleversent tant, même quand on n’est pas touché « directement », même si l’on a essayé de s’en protéger du mieux que l’on a pu… c’est aussi parce qu’ils nous renvoient à ce que notre inconscient essaie de nier le reste du temps : l’immortalité en nous n’est qu’une illusion, en réalité nous sommes mortels, et la mort peut nous faucher, nous ou celles et ceux que l’on aime, à chaque coin de rue, à chaque instant.

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Dans la méditation de bienveillance, l’idée est de se connecter en pleine conscience à quelqu’un(e) que l’on aime et dont sait qu’il/elle nous aime, de se connecter à cet amour et cette bienveillance dont on se sent alors rempli(e) et entouré(e).
De lui souhaiter, comme on se souhaite à soi-même, d’être serein, en santé et en sécurité.

Puis de se connecter à une personne que l’on ne connaît pas vraiment (par exemple que l’on croise parfois dans la rue), et de lui souhaiter d’être serein, en santé et en sécurité.

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Puis de penser à une personne avec laquelle on a des rapports plus compliqués, plus douloureux. Et de lui souhaiter à son tour d’être serein(e), en santé et en sécurité.
Selon la personne que l’on choisit, ce n’est pas toujours simple : on voit alors parfois ressortir des rancunes, des colères, des sentiments de défiance… Ce sont autant de précieux indicateurs qui nous permettent de savoir précisément où l’on doit travailler sur nous-mêmes.

Enfin, on se connecte à tous les êtres vivants que porte cette planète. Et on leur souhaite d’être en sécurité, en santé, et sereins.

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Et on se sent soudain porté(e) par tout cet amour et cette bienveillance en nous.

Il se dit (et il est apparemment prouvé) que si l’on pratique régulièrement cette méditation de bienveillance, notre cœur va s’ouvrir, s’agrandir, s’apaiser.
Que la prochaine fois que l’on croisera une personne avec laquelle on a des relations compliquées, on devrait être moins sur la défensive, plus ouvert(e) au dialogue : on aura alors plus conscience que chacun(e) fait de son mieux, avec les moyens et l’histoire qui sont les siens, et cela devrait nous aider à échapper à la colère en nous.

C’est tout le bien que je me souhaite. Et que je vous souhaite.

Avec amour et bienveillance.

À demain,
Isabelle

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21 JOURS de Mindsight #18 : Mindsight à 10 ans

Ce soir, en lisant les quelques lignes écrites à l’école par mon fils de 10 ans à qui la maîtresse avait demandé d’écrire son ressenti après les attentats, j’ai eu l’intuition de véritablement comprendre ce qu’était la « mindsight« , dont je tente de saisir les enjeux depuis maintenant 18 jours : cette compétence de l’esprit à

  • se voir, ou voir à l’intérieur de soi-même (insight),
  • donc aussi voir, pouvoir se projeter à l’intérieur de l’esprit des autres (empathie)
  • et plus largement voir les relations entre les gens, et la façon dont on est interdépendants les uns des autres : ce que Daniel Siegel appelle « intégration » ou « moralité » et qui est à la base de la bienveillance et de la compassion.

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Je me suis alors dit que, plutôt que de tenter un nième exposé théorique, le mieux – et sans aucun doute le plus efficace tout en étant le plus touchant – était de vous transmettre directement ces quelques lignes écrites par mon fils à l’école (avec son autorisation, bien évidemment… et ses fautes d’orthographe.)

« Les attentats. 

Ce que je ressens.
Moi, la première sensation que j’ai ressenti, c’était de la tristesse ou je sais pas, de la peur ? Je l’ai appris samedi matin, ma mère m’a raconté et, j’ai pleuré, beaucoup pleuré. Puis, je me suis calmé et j’en ai beaucoup parlé avec ma mère :

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Pourquoi ? pourquoi tant de haine, pourquoi tant d’abomination ? c’est la question qui me tournait et qui me tourne toujours dans la tête. Ces gens pourquoi font-ils tant de maleur et tant de mort. Mais, maintenant regardez tous ces gens qui nous soutiennent comme les anglais qui chanter la marseillaise ou qui était peint aux couleurs françaises hier. Pendant la minute de silence je pense que l’on envoyer une immense vague d’amour dans toute la france et le message que l’on envoyer c’était de la résistance au problème qui vie en ce moment.
Ce qu’ils veulent eux c’est nous tuer à l’intérieur pour eux gagner de la puissance mais non je ne suis pas d’accord. Il ne faut pas leur donner ce plaisir, il faut continuer à vivre et vivre sans cette peur des terroristes car les terroristes sont en vrai des hommes très derranger assurément mais des hommes qui à mon avis ont été mal aimé ou mal traité pendant leurs enfances. Mais il faut nous proteger de cette folie et penser plutôt à tous les gens qui restent au lieux de tous les gens qui ont quittés tragiquement. La france est forte, l’amour triomphera. »

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Paraphrase :
– Insight : capacité à se voir soi-même, à repérer ses sensations, à mettre des mots sur ses émotions : « de la tristesse ou je sais pas, de la peur ? » ;
à voir son esprit en action, à identifier ses pensées comme étant des pensées : « la question qui me tournait et qui me tourne toujours dans la tête » ;
« je ne suis pas d’accord », « il faut continuer à vivre et vivre sans cette peur des terroristes »

Empathie : capacité à voir ce qu’il se passe en l’autre, à se projeter dans la tête de l’autre :
« Ce qu’ils veulent eux c’est nous tuer à l’intérieur pour eux gagner de la puissance »,
« les terroristes sont en vrai des hommes très derranger assurément mais des hommes qui à mon avis ont été mal aimé ou mal traité pendant leurs enfances.
 »

Intégration et « moralité« , bienveillance et compassion : se voir comme faisant partie d’un tout, de la société, de la planète, vouloir le bien des autres et de l’humanité plus largement :
« regardez tous ces gens qui nous soutiennent« ,
« Pendant la minute de silence je pense que l’on envoyer une immense vague d’amour dans toute la france et le message que l’on envoyer c’était de la résistance… »,
« penser plutôt à tous les gens qui restent »,
« La france est forte, l’amour triomphera. »

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D’après Daniel Siegel, ce qui fait la différence entre les résilients et les autres, c’est, quelles que soient les épreuves parfois terrifiantes auxquelles on a été exposé, cette capacité à raconter et à donner du sens à notre vie. C’est être capable de récit autobiographique, dans lequel on intègre nos sensations et émotions (cerveau droit) tout en les nommant (cerveau gauche), c’est donner des faits factuels (logique du cerveau gauche) tout en le réinscrivant dans un temps personnel (cerveau droit) : « la première sensation que j’ai ressenti, c’était de la tristesse ou je sais pas, de la peur ? » ; « Pendant la minute de silence je pense que l’on envoyer une immense vague d’amour dans toute la france ».

Du passé (« j’ai pleuré, beaucoup pleuré »), du présent (« la question (…) qui me tourne toujours dans la tête« ), du futur (« l’amour triomphera« ).
Une vision de soi, des autres, et de l’humanité en général.

Waouh. Voilà, il me semble que grâce à ces quelques lignes d’un enfant de 10 ans, on comprend mieux ce qu’est la mindsight, cette capacité que l’on peut développer en soi, à voir à l’intérieur de soi (insight), voir et ressentir l’intérieur des autres (empathie), et voir la société et l’humanité dans son ensemble, pour œuvrer dans la direction du bien commun (intégration, moralité).

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Au moment de s’endormir, des images revenaient à sa mémoire, des pensées le hantaient, il se sentait angoissé, il avait peur de ne pas réussir à s’endormir. Alors on a fait une grenouille, la grenouille n°6 : « Premier secours ».
À la fin de ces quelques minutes de méditation accompagnée, la voix de Sara Giraudeau disait :
« Toi et ton corps, vous êtes forts et solides. Tu peux supporter beaucoup. Tu es comme un jeune arbre, souple et fort. Beaucoup de choses peuvent te toucher, mais tu es fort. On ne peut pas facilement te renverser. Aie confiance. »
Il s’est endormi en quelques minutes à peine, en me tenant par la main.

À demain,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS de Mindsight #17 : Résilience

Cet après-midi, j’ai eu l’impression de « bugger ». Alors que depuis trois jours, j’avais le sentiment rassurant d’avoir « assuré » (en « réussissant » à ne pas regarder les images ou lire les commentaires, ne pas m’identifier aux victimes, protéger mes enfants, continuer à travailler sur moi-même avec ces articles de mindsight ), cet après-midi, j’ai « buggé ».

J’ai enfin lu – afin de le partager – l’article essentiel de Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en psychotraumatologie et victimologie, sur le stress post-traumatique et les aides à apporter aux victimes directes et indirectes des attentats, et je me suis interrogée sur moi-même.

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Étais-je en déni ? Étais-je en fuite ? Est-ce qu’à force de vouloir « me protéger », j’étais en réalité en train de refouler de manière inconsciente des émotions violentes, qui par ailleurs se manifestaient en moi par un terrible mal de ventre, et cette sensation de malaise diffus – je tournais en rond, me sentais mal, n’arrivais pas à me mettre au travail ?

J’ai alors pris la décision de faire deux choses : dans un premier temps, une méditation, dans l’espoir qu’au moins, respirer profondément soulagerait mon mal de ventre. J’ai choisi une méditation de gratitude de mon amie Elisabeth sur sa page Mieuxêtre-au travail ; et puis de faire ce que je fais quand vraiment ça ne va pas, mais que j’en suis encore consciente : écrire dans mon journal, que je tiens, bon an mal an, depuis mes douze ans.

Et j’ai écrit. Mes premiers mots ont été :
« Bon. J’ai l’impression de « bugger ». Je suis en mode « bug ». Dans ces cas-là, comment on en sort ? Accepter. »
Suit tout un dialogue entre moi et moi – un questionnement, une réflexion.

En réalité, je me sentais « partagée » entre deux options : d’une part, accepter l’émotion en moi (ne pas la refouler ou la rejeter, au risque de la voir revenir en force, mais par un chemin détourné), car, je le sais maintenant, une émotion a besoin d’être entendue, reconnue, accueillie ; d’autre part, ne pas non plus me « laisser aller » aux émotions négatives (ou supposées telles : il serait plus précis d’écrire « désagréables »), car – ça aussi, je le sais maintenant – une pensée négative entraîne une pensée négative (de même qu’une pensée positive entraîne une pensée positive) : dans un cas comme dans l’autre, ce sont des spirales qui nous aspirent, vers le haut ou le bas.

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Depuis vendredi soir, je résistais : tenir bon, protéger avant tout les enfants, et pour protéger les enfants, être « bien » moi-même, écrire des articles positifs qui pourraient aider ceux qui en avaient besoin, recevoir mes ami(e)s. Depuis vendredi soir, tout s’était bien passé. Étonnamment bien passé, même. Les enfants avaient l’air d’aller bien.
Est-ce pour cela que je me suis enfin autorisée à relâcher la pression sur moi-même et à lire quelques posts et articles… qui m’ont rendue malade ? Ou est-ce que c’est parce que déjà je n’allais pas bien que je me suis laissée aller à lire des posts et articles… qui n’ont fait que m’atteindre un peu plus ?

Soudain, tout ce que je pouvais vivre, écrire… m’est apparu comme incroyablement dérisoire. Comment parler de mes « petits problèmes » alors que tant, et si proches, souffrent dans leur chair ?

Bien sûr, je le sais depuis longtemps : quand je lis des articles sur les violences psychologiques et les effets du stress post-traumatique, mes neurones-miroirs entrent en résonance – une pensée négative entraîne une pensée négative – et je sombre rapidement.
Bien sûr, je sais aussi maintenant que je peux me servir des outils de la mindsight  pour remonter, et notamment de la « wheel of awareness » (la roue de la conscience – je reviendrai dessus dans un jour prochain) pour choisir de porter mon attention à tel ou tel endroit de la roue.

Mon souci de l’après-midi était cependant : dans quelle mesure n’étais-je pas en train de « fuir », en refusant de regarder les choses en face et d’accueillir le choc, la tristesse et la colère en moi ? Avais-je raison d’avoir voulu me protéger, ou était-ce une stratégie d’évitement qui allait me rattraper en boomerang ?
Et du coup, est-ce que comme pour me sentir moins coupable d’aller « bien », j’avais soudain besoin de « me rendre malade » à mon tour ?

J’en suis même arrivée à me demander si ce que je vivais là – ce sentiment de malaise de trouver mes préoccupations dérisoires à côté de celles des autres, bien plus graves – ne pouvait pas être à moindre échelle un des symptômes de la « culpabilité du survivant » : ne plus oser vivre, rire, être joyeux et célébrer la vie en nous, parce que d’autres sont morts – et que ça aurait pu être nous ?

On fait partie d’un tout, on est lié(e)s les un(e)s aux autres. On a toutes et tous vendredi, été blessé(e)s dans notre humanité. Ce n’est pas la France en tant que telle qui a été visée (je n’en peux plus de ces drapeaux tricolores sur Facebook, que je vis comme autant de replis identitaires, voire nationalistes), mais la liberté, la joie de vivre, la démocratie.

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Dans l’attentat contre Charlie Hebdo, c’était la presse, la liberté d’expression, la créativité qui avaient été visées. On pouvait répondre par des actes de révolte, par de la politique. Là, c’est tout le monde, et de manière aveugle et gratuite : des victimes « choisies » au hasard, parce qu’elles étaient là ce soir-là. Et ça aurait pu être nous.

***

Ma fille de 6 ans, à table hier soir :
« Maman, tu vas aller au café et tu vas mourir !
– Mais non…
– Si ! Parce que tu cours pas assez vite ! »

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Tout cela n’a en effet aucun sens.
Être visé(e) juste parce qu’on prend un verre en terrasse, c’est absurde.

***

Je me suis alors demandé si ce n’était pas cette terreur, cette absurdité que je fuyais depuis quelques jours : surtout ne pas m’identifier, ne pas imaginer les blessures, les traumatismes des autres. Me réjouir d’être en vie, qu’aucun de mes très proches n’ait été touché. Parce que je suis une éponge émotionnelle. Me protéger. Certes.

Mais est-ce qu’en me « protégeant », je n’étais pas en train de refouler et,  dans une moindre mesure, et à ma petite échelle, de me dissocier ?

Je me souviens, un soir juste après Charlie, j’avais voulu continuer à vivre ma vie « normalement »… J’étais allée au cinéma. Et puis dans la salle, soudain, d’un coup, j’avais été comme « rattrapée », secouée de sanglots incontrôlables et d’une violence inouïe. Je ne pouvais plus m’arrêter… alors que le film était plutôt une comédie : clairement, ma réaction dans la salle n’avait rien à voir avec le film.

Cet après-midi, j’ai pris conscience, en versant quelques larmes décalées devant mon ordinateur, que depuis vendredi soir, je n’avais quasiment pas pleuré : est-ce que mon mal au ventre était un symptôme de mes émotions refoulées ?

Comment trouver le juste équilibre entre accueillir mes émotions et ne pas me laisser entraîner pour autant dans le gouffre sans fond de leur spirale négative ?

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Sans doute, une solution : ce que j’étais – ce que je suis – en train de faire : parler, raconter, s’observer, partager – de la mindsight en action.
Et voir des ami(e)s, faire des câlins, partager là encore, se ressourcer à l’humanité des gens qu’on aime et qui nous aiment. Ne pas rester seul(e) et plonger petit à petit en broyant du noir.

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Alors merci à mes ami(e)s, qui aujourd’hui sur Facebook ont reconnu leur tristesse et ont écrit : « Je ne sais pas vous, mais moi je n’y arrive pas. » Ils m’ont permis de m’autoriser à moi-même de reconnaître que c’est dur. Merci à Muriel Salmona qui fait un travail de salubrité publique. Merci à tous les témoignages d’amour et de solidarité. 

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***

Cet article correspond finalement à peu de choses près à mes pages de doute et d’auto-analyse de l’après-midi à peine remaniées…

Un des outils essentiels de la mindsight que met en avant Daniel Siegel est précisément ce « journal writing« , que Julia Cameron, dans Libérez votre créativité (ou The Artist’s Way), parce qu’elle nous encourage à les écrire le matin, appelle les « morning pages » : c’est ce qui permet de mettre de l’ordre dans ses pensées, de prendre du recul sur soi-même, de mettre des mots sur ses émotions (« name them to tame them« , formule Daniel Siegel : « les nommer pour les apprivoiser »), et donc « intégrer » les deux parties de notre cerveau, le cerveau droit émotionnel (celui qui a subi le choc de plein fouet) et le cerveau gauche langagier.

Les résilients sont ceux qui peuvent donner du sens à leur récit de vie. Ce qui compte est la manière dont on raconte et dont on donne du sens à sa vie, quelles que soient les épreuves que l’on a traversées.
Si l’on reste dans notre cerveau droit émotionnel, on peut être submergé  par des émotions ; si l’on n’est que dans notre cerveau gauche et qu’on rationalise tout, notre récit factuel ne s’intègre pas dans notre autobiographie. On a besoin des deux parties de notre cerveau, le langagier et l’émotionnel, pour donner du sens à notre récit de vie.

Parler, écrire, raconter, partager… permet de mettre des mots sur des émotions, et peu à peu, de ne plus se laisser dominer par elles.

Je ne peux que vous encourager à lire le magnifique – et très dur – article de Muriel Salmona daté du 15 novembre : comment aider les victimes, directes ou indirectes, des attentats, à reprendre possession de leur vie, petit à petit, avec patience, bienveillance, amour et compassion.

À demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

21 JOURS de Mindsight #16 : Minute de silence

Depuis trois jours, il me paraît difficile de parler d’autre chose que de ce qui est lié, de près ou de loin, aux attentats. L’onde de choc est loin d’être terminée, et ne le sera sans doute jamais totalement. Nous voilà entrés dans une nouvelle phase de notre histoire, où nous ne serons sans doute plus jamais totalement sereins. Nous vivions protégés de la violence du monde, dans une sorte de cocon confortable.

Comme me le fait remarquer depuis trois jours mon fils de 10 ans : « Toi quand tu étais petite, il n’y avait pas d’attentats. » C’est vrai. Nous allons devoir apprendre à vivre avec, avec nos peurs, nos incertitudes… et cette violence potentielle, virtuelle, autour de nous.

Un des livres qui m’a le plus aidée à aller de l’avant, à avancer avec mes peurs, et non à attendre qu’elles disparaissent pour bouger, est Feel the Fear, and Do It Anyway de Susan Jeffers : ressentez la peur, comprenez qu’elle est « normale », que c’est une réaction physiologique de notre corps pour nous protéger ou nous avertir d’un danger… et allez-y quand même : foncez, bougez, avancez !

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Un autre livre remarquable de Susan Jeffers est Embracing UncertaintyL’idée maîtresse en est que, de toute façon, nous n’avons aucun contrôle sur ce que la vie nous réserve : on peut la perdre en un quart de seconde, parce qu’un dingue en a décidé ainsi. Alors lâchons prise, cessons de prétendre vouloir tout contrôler tout le temps, tout imaginer, anticiper, prévoir.

Mon fils (encore lui) me disait hier : « On va avoir peur tout le temps maintenant, je ne veux plus aller au concert. » À quoi j’ai répondu : « En effet, si ça se trouve, je mourrai dans un attentat dans 15 ans. Mais que j’aie peur ou non pendant les 15 ans à venir, ça ne changera rien. Alors autant en profiter pour vivre d’ici là !  »

Susan Jeffers propose quelques petits « trucs » à se rappeler pour lâcher prise sur nos illusions de contrôle. Par exemple, rajouter à tout ce qu’on dit : « – ou pas ».

  • « Je suis sûre qu’il reviendra… – ou pas.« 
  • « Je pense qu’elle va s’en sortir… – ou pas.« 
  • « À tous les coups, ça va marcher !… – ou pas.« 

Ça le fait aussi avec « J’espère« , qu’elle propose de remplacer par : « Je me demande si... » (Remplacer « I hope » par « I wonder« ).

  • « J’espère qu’il va me rappeler » devient : « Je me demande si il va me rappeler…« .
  • « J’espère qu’il fera beau demain » : « Je me demande si il fera beau demain…« 
  • « J’espère qu’elle va s’en sortir » : « Je me demande si elle va s’en sortir.« 

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Ça nous permet d’être ouvert à ce que nous réserve la vie. Être ouvert, curieux, bienveillant, tolérant. A-t-on une autre option ?

La phrase-fétiche que j’ai héritée de Susan Jeffers est : « Whatever happens, I’ll handle it« . Pour laquelle, depuis que je l’ai adoptée, j’ai du mal à trouver une traduction qui me satisfasse complètement : Quoiqu’il arrive, quoique la vie me réserve, quelles que soient les épreuves que la vie me présentera… je ferai face, je m’en sortirai.

Seule la mort est irréversible.

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Aujourd’hui, la France entière – sauf quelques irréductibles – a observé une minute de silence. En hommage aux morts et aux blessés de vendredi, en signe de soutien et de solidarité avec leurs proches, pour marquer notre empathie et notre compassion.

Pendant une minute, Paris a paru moins bruyant. Dans ma rue, les travaux se sont arrêtés, les voitures paraissaient plus lointaines et moins nombreuses, on n’entendait rien d’autre… que les rires et les cris des enfants de l’école maternelle, dispensés, eux, de cette minute de deuil et de partage.

C’était émouvant. Non seulement bien sûr de penser à l’horreur absolue des attentats et à ces vies fauchées par l’absurdité et le fanatisme de quelques-uns… mais aussi de penser qu’au même moment, nous étions des millions à partager ces pensées. Une minute de silence et de méditation. En conscience. Toutes et tous ensemble. Un immense message d’amour et de compassion. Un moment d’amour partagé.

On peut choisir de penser aux horreurs de la vie et à tout ce qui nous fait peur… ou alors on peut choisir de se connecter à l’amour.

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Je redoutais un peu l’épreuve de l’école aujourd’hui pour mes enfants, et tout particulièrement pour mon fils, hypersensible s’il en est. Je craignais les stupidités et les peurs diverses des parents dont les enfants allaient se faire écho auprès de lui. Je me demandais dans quel état émotionnel j’allais le retrouver.

Eh bien… il était serein, et presque joyeux. Il s’est précipité sur le frigo en disant : « La vie est belle puisqu’on n’est pas mort dans les attentats ! »

Embracing Uncertainty… Restons ouvert(e) à ce que la vie nous propose. Accueillons la vie en nous comme un cadeau sans cesse renouvelé.

À demain, avec amour, bienveillance et compassion.
Isabelle

 

 

 

 

 

Et ma fille, ce soir (6 ans) :
« Maman, si tu vas au café, tu vas mourir.
– Mais non…
– Si, parce que tu cours pas assez vite ! »

 

21 JOURS de Mindsight #15 : Nous avons le choix

Hier, 14 novembre, j’ai eu 47 ans. La veille, j’avais pensé à un article sur le temps qui passe, notre cerveau obligé de s’adapter en un temps record à toutes ces nouvelles technologies qui défient notre capacité d’attention… Et puis, le choc.

La journée d’hier a été consacrée en grande partie à protéger les enfants, et à trouver des mots pour tenter de leur expliquer l’inexplicable, accueillir leurs larmes, leur révolte. Les apaiser aussi, quand, malgré nos efforts, ils ont été bouleversés par les paroles non filtrées d’autres adultes plus enclins à se laisser aller à leurs propres angoisses. J’ai ainsi lu à mon fils de dix ans mes deux derniers articles. Et lui aussi a été bouleversé par les mots de sa petite sœur dans l’après-midi : « ALLO, LA VIE ?! »

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Une autre grande partie de ma journée a été consacrée à préparer des gâteaux pour ma soirée. En effet, après m’être interrogée un court instant pour savoir si je devais maintenir ma fête ou non…  j’ai vite choisi de répondre oui, trois fois oui ! En effet, si une partie de moi est profondément blessée et pourrait avoir tendance à se replier sur elle-même, une autre partie de moi sait que dans ces moments-là, pour moi, rien ne vaut les ami(e)s et le partage. Là aussi, j’ai le choix.

Je peux choisir de me laisser happer par toutes ces nouvelles, regarder les images des événements tourner en boucle sur les télés, me gaver d’informations diverses, de témoignages douloureux. Je n’ai allumé la radio qu’une seule fois, le samedi matin : j’y ai entendu, sur France Inter, un reportage que j’aurais préféré m’éviter. Cela m’a servi de leçon.
Me faire du mal à moi-même en invitant dans mon imagination ces images de violence, de peur et de souffrances, ne sert à rien. Et je préfère m’en protéger.

Comprendre, oui. Analyser, regarder les choses en face, oui. Être dans la compassion, l’empathie, la solidarité, bien sûr. Mais souffrir en m’auto-infligeant toutes ces informations détaillées et émotionnelles… est un choix que je peux faire – ou pas.

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De même, demain, la minute de silence nationale – et même internationale – prévue à midi m’apparaît évidemment nécessaire. Vitale, même.
Là aussi, nous avons le choix.
Nous pouvons choisir de la vivre en pure et totale identification et compassion avec les victimes, penser à quel point la vie est injuste, le destin tragique, le monde horrible, et les terroristes, des monstres. Et pleurer, souffrir, angoisser.

Nous pouvons aussi choisir d’être en compassion avec les victimes et leurs proches… et ressentir cette solidarité entre nous, cette minute d’amour partagée par des millions de gens au même moment. Nous pouvons choisir de nous connecter à cette source d’amour immense qui, le temps de cette minute de silence, va nous dépasser, nous porter, nous transporter.

imagesC’est ce que j’ai proposé à mes enfants : d’accueillir leurs larmes, bien sûr, dans l’empathie et la compassion, et de choisir de penser qu’au même moment, les autres enfants, mais aussi leurs parents, les gens dans la rue, dans les magasins, dans les bureaux, dans les gares… allaient toutes et tous s’arrêter de parler, de manger, de courir, de travailler… pour, pendant une minute, vivre toutes et tous ensemble cette même émotion d’amour et de compassion… et de trouver ça beau et fort et émouvant.

Devant la haine et les armes, choisissons l’amour et la lucidité. Ne nous laissons pas déborder par nos émotions : apprenons à les accueillir et à vivre avec elles.

Avec amour et bienveillance.
À demain,
Isabelle.

21 JOURS de Mindsight #14 : « ALLO, LA VIE ?! »

Drôle de journée… Où je pensais ne faire que me réjouir d’un bout à l’autre, préparant des bons gâteaux pour mes ami(e)s et mes enfants réunis ce soir à l’occasion de mon anniversaire…  La vie en a décidé autrement, une fois de plus.

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Une partie de moi se réjouit et célèbre la vie… une partie de moi est triste, choquée, et inquiète. Eh bien voilà : précisément. Ce ne sont que des « parties » de moi.
Ma peur, ma tristesse, ma colère… ne sont pas « moi toute entière », ne me « définissent » pas.

Je peux accueillir en moi ces émotions, de peur, tristesse, colère, ces sensations physiques désagréables (car elles ne sont pas « négatives » : elles sont là pour m’alerter, prendre soin de moi), je peux leur laisser en moi la place dont elles ont besoin pour être entendues, reconnues… et en même temps, m’autoriser à vivre pleinement cette journée de célébration pour moi, avec mes ami(e)s et mes enfants !

Souvenez-vous ce qu’il se passe dans INSIDE OUT (Vice-Versa) quand la joie et la tristesse sont envoyées aux oubliettes et que la peur et la colère s’emparent des commandes du cerveau de la petite fille : ce n’est pas cela que l’on se souhaite, ne vivre plus que dans la peur et la colère. C’est précisément ce que les terroristes cherchent à provoquer en nous, ces émotions réactives non contrôlées, qui ne peuvent nous mener qu’à une escalade de parano et de violence de part et d’autre.

Nous avons le choix : nous pouvons décider de garder le contrôle de notre cerveau. Il y a pour ça des outils, que nous enseigne en particulier Daniel Siegel avec la Mindsight. 

Nous ne pouvons pas contrôler nos émotions, bien sûr : elles sont là pour nous aider à vivre, pour nous protéger, pour nous alerter d’un danger. Mais nous pouvons apprendre à les reconnaître en nous, à les accueillir et à vivre avec : nous pouvons les remercier d’être là pour nous – elles sont la preuve que nous sommes vivants ! – et apprendre ensuite à les exprimer autrement. Nous ne sommes pas « obligé.e.s » de céder à la peur et à la colère en nous. Nous pouvons choisir de regarder autrement, autre chose : la vie en nous, l’amour autour de nous.

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Tout à l’heure, ma fille de 6 ans jouait avec un petit enregistreur dans le couloir, et je l’ai soudain entendue crier : « ALLO, LA VIE ?! » et son propre écho lui répondait : « ALLO, LA VIE ?! »

Quelle émotion, soudain, s’est emparée de moi… Une émotion d’amour et de bienveillance.

Amour, bienveillance et compassion, c’est ce que je vous souhaite.

Demain est un autre jour. À demain.
Avec tout mon amour.

Isabelle

21 JOURS de Mindsight #13 : Keep Calm and Carry On

J’étais partie pour un article qui aurait eu pour titre : après « Le Défi de la piscine,  L’Expérience du coiffeur ». Tout cela m’apparaît bien dérisoire maintenant.

Paris est à nouveau la cible de terroristes. Ce mot-là porte en lui-même sa définition : leur objectif est d’instaurer en nous la « terreur ». Alors ne leur faisons pas ce plaisir : restons dignes, et droits, et ne cédons pas à la terreur. Comme les Britanniques sous les bombes pendant la 2ème guerre mondiale, restons flegmatiques : « Keep Calm and Carry On », disait une affiche créée en 1939.

220px-Keep_Calm_and_Carry_On_Poster.svgBien sûr, les émotions sont contagieuses. Bien sûr, les mots reviennent : l’horreur, le cauchemar, l’absolue abomination. Bien sûr, le premier mouvement, naturel, est de penser à ses proches. Depuis une heure, les messages affluent, les textos se croisent : Tout va bien, vous êtes chez vous ? Et puis on pense aux autres. Aux victimes, à leurs proches. On s’imagine que ça aurait pu être nous, notre frère, notre sœur, notre ami(e), notre enfant. On se demande comment des humains peuvent concevoir et agir de tels actes criminels, monstrueux. Et notre esprit s’emballe.

C’est là que les outils de la mindsight, sans doute, sont les plus utiles. Voir ce qu’il se passe en nous.

Si quelqu’un nous appelle en panique totale (c’est comme ça que j’ai été informée des attentats ce soir, par quelqu’un qui voulait « quitter le pays »…), on a beau dans un premier temps savoir que c’est lui qui ne gère pas ses propres émotions sur le moment… c’est pernicieux, et vite contaminant.
J’ai croisé le regard aimant et rassurant de mon aimé qui m’a fait signe de raccrocher alors que j’étais comme « happée » par le stress de mon interlocuteur. J’ai raccroché. Et fondu en larmes. Le choc. Mais aussi son stress, qui pénètre comme une perfusion sous-cutanée, de manière vicieuse, comme un poison qui gagne peu à peu tout le corps.

J’ai observé mes émotions, mes sensations physiques. J’ai décrit cette sensation de poison à l’intérieur de mon corps. Le cortisol ?
Je me suis rappelé à moi-même que les émotions, par définition, sont passagères. Que les sensations, si on les accueille, se dissolvent rapidement.
Pleurer. Évacuer. Et rester calme.

L’humain est ainsi fait. Capable du pire comme du meilleur.
Je préfère penser au meilleur. À tous ces témoignages d’amour que j’ai reçus dans la journée. À tous ceux que j’ai donnés. À tous ces messages qui continuent d’arriver : « Tout va bien ? On vous aime. »

Je vous aime. Paix, amour et compassion.
Comme disent les anglophones : « Loving Kindness« .

Avec amour et bienveillance.
Isabelle