Voyage en Polyamorie #7. 6a. Naviguer en eaux inconnues

Alors voilà, ça y est, on est parti.e.s. On a fait le constat que notre monde ordinaire (#2) celui dans lequel on a grandi et évolué jusqu’à présent, ne correspond plus à nos attentes ou nos espoirs, qu’on ne croit pas / plus aux mythes du prince charmant ou de notre moitié d’orange (#3), parce qu’on n’a jamais eu envie de s’engager durablement dans un couple, ou bien alors parce qu’on en est revenu.e, ou qu’on est en couple et qu’on aime sincèrement son/sa partenaire, mais qu’on a envie d’expérimenter autre chose – que ce ne soit encore qu’une idée, ou bien qu’on ait déjà ressenti ce désir pour quelqu’un.e d’autre et qu’on souhaite être honnête envers soi-même et son aimé.e…

On s’est donc connecté.e à notre désir profond de vivre des relations intimes et amoureuses autrement (#4) et on a commencé à y penser, à en parler, on a peut-être lu des livres, parlé avec des gens qui vivent déjà en Polyamorie, on s’est inscrit.e sur Okcupid… (#5) Et puis un jour, on accueille la peur en nous et… on saute le pas (#6).

Mais sauter le pas, qu’est-ce que ça veut dire ? Évidemment selon la situation amoureuse dans laquelle vous vous trouvez, ça va prendre des formes bien différentes. Admettons par exemple que vous soyez célibataire et sans aucune relation. Cela signifie que la prochaine personne que vous allez rencontrer, vous lui en parlerez, le plus tôt possible : Voilà, j’ai réfléchi, je n’ai encore jamais vécu comme ça, et je ne sais pas comment je vais le vivre, mais j’aimerais que nous puissions parler ensemble de l’éventuelle possibilité de vivre une relation ouverte. Comment se sentirais-tu par rapport à ça ?

Rien que ça, ça peut faire peur. Parce qu’on ne sait pas comment l’autre va le prendre. Et si ça la/le faisait fuir direct ? Bien sûr, c’est un risque. Mais ne vaut-il pas mieux prendre le risque le plus tôt possible de vérifier si on est sur la même longueur d’ondes – ou non – avant que des sentiments soient engagés ?
C’est en effet considérer l’autre comme un.e adulte responsable, et lui permettre de choisir en conscience.

Et donc, à supposer que cette personne vous dise : Ok, je ne sais pas comment je réagirai moi-même, mais je veux bien essayer ; votre « premier pas » sera la première fois que vous, ou lui/elle, vivra une autre relation.

Ce jour-là, tout sera à inventer, ensemble. Qu’avez-vous décidé ensemble ? Avez-vous discuté d’à quel moment vous alliez en parler ? Si c’est vous qui avez envie d’une autre relation, votre partenaire vous a-t-ielle dit à quel moment ielle souhaitait être tenu.e au courant ? Avant, après ? Et si avant, avant comment, avant quand ? Et si après ? Le jour même, ou trois mois après ?

Certaines personnes préfèrent savoir avant même qu’il ne se passe quelque chose, à la moindre attirance – même s’il ne se passera rien après ; d’autres au contraire, préfèrent savoir après, parfois même longtemps après qu’une relation ait commencé, parce qu’à ce moment-là, elles ont déjà constaté, par l’expérience, que cela n’a rien changé à leur relation, et cela fait moins peur que si elles imaginaient avant. 

Et vous ? Y avez-vous pensé ?  Savez-vous ce que vous préféreriez ? Avez-vous envie de savoir… ou pas ? Et si oui, de savoir quoi ? Et à quel moment ?

En réalité, quand on s’embarque en Polyamorie, on s’embarque pour des eaux inconnues, et on n’a pas nécessairement le pied marin. Il va y avoir des remous, des roulis, ça tangue, on a le mal de mer, on n’a pas l’habitude. Il va falloir bien s’accrocher au bastingage.

200188-1On a imaginé la situation d’une toute nouvelle relation de deux personnes qui découvriraient la polyamorie ensemble. Quand il s’agit d’un couple déjà établi, qui s’est construit sur un contrat monogame… et que soudain, l’un.e d’entre eux souhaite remettre en cause les termes de ce contrat, et même si les années de vie ensemble ont créé des liens de confiance très forts entre les deux partenaires, ça n’est souvent quand même pas simple et ça demande beaucoup de patience et d’attention l’un.e à l’autre.

 

Pourquoi y a-t-il tant de gens adultères ? Pourquoi, quand on a envie d’avoir une relation avec quelqu’un.e d’autre, n’en parle-t-on pas avec son/sa partenaire ? De quoi a-t-on peur ?

Bien sûr, on a peur de sa réaction. Comme peu de gens savent qu’on peut vivre en Polyamorie, si vous annoncez à votre partenaire que vous avez envie d’une autre relation, il y a de grandes chances que vous déclenchiez sa peur, voire sa peur panique. Vous avez peur de lui faire du mal, peur que ça ne remette en cause votre relation, peur aussi – admettons-le – que ça ne compromette votre nouvelle relation. C’est tellement plus simple, en réalité, de ne rien dire. Ou bien de ne rien faire, et de seulement rêver à quelqu’un.e d’autre.

Mais soyons honnête : si soi-même on s’accorde le droit – et le plaisir – d’entretenir ouvertement une relation avec quelqu’un.e d’autre quand on est déjà « en couple », alors… cela veut dire que l’on devra aussi faire face à l’éventuel désir de notre partenaire, lui/elle aussi, d’aller voir ailleurs. Et là euh… aie.

Combien d’hommes et/ou de femmes adultères vivent parfaitement la liberté qu’ielles s’accordent à eux/elles-mêmes, mais supporteraient bien plus difficilement d’imaginer que leur partenaire a aussi d’autres relations ?

À partir du moment où l’on choisit de vivre en conscience sa/ses relations, où on choisit l’honnêteté, envers soi-même et envers l’autre, où la liberté que l’on est prêt.e à s’accorder à soi, on est prêt.e à l’accorder à l’autre… c’est là que commence le voyage.

En réalité, un voyage en Polyamorie est avant tout un voyage de développement personnel. C’est une manière radicale et assez puissante d’avancer vers soi-même, vers qui on est, avec ses peurs, ses insécurités, ses ombres, ses ambiguïtés.

On choisit de vivre dans l’amour, le respect et la confiance, et non dans la peur ou l’illusion (Mon partenaire a peut-être d’autres relations, mais je ne veux pas le savoir. OU bien : Je sais qu’ielle est incapable de me tromper. Hm hm… En êtes-vous si sûr.e ? Le jour où on est confronté.e à une réalité à laquelle on avait refusé de penser jusque-là, comment le vit-on ?).

Quand on choisit de vivre en Polyamorie, on choisit d’accepter ses peurs et ses insécurités, de les accueillir, de les regarder en face, et d’écouter ce qu’elles ont à nous apprendre sur nous-même.

Et certes, il y a des chances que le voyage soit mouvementé. Mais il y a aussi des chances que l’on fasse un beau voyage.

Alors concrètement, comment fait-on ? Eh bien… on fait comme on peut ! On fait de son mieux ! On fait un pas… on voit… on observe les émotions, les sensations, on accueille les peurs… on en parle… on ajuste… On fait une pause si nécessaire. Et puis on recommence. Un nouveau pas, une nouvelle expérience. L’un.e va prendre un verre avec une nouvelle personne, par exemple. Et puis on regarde, on observe, on s’écoute, on fait attention à l’autre.

On ne va pas trop vite, on ne force pas la main. On ne se force pas non plus soi-même à aller trop vite sous prétexte que l’autre a l’air d’être plus prêt.e ou d’avoir envie.
On se respecte soi-même, et on respecte l’autre, avec ses incertitudes, ses doutes, ses peurs, ses ambiguïtés. On avance au rythme du plus lent. On prend son temps. Et régulièrement, on fait le point.

Parce que quand on s’embarque pour la Polyamorie, on s’embarque pour l’inconnu. La théorie, c’est bien beau, les idées de liberté, de respect de l’autre, d’honnêteté, de confiance, tout ça tout ça… Oui, mais quand on est soudain confronté.e au fait que l’autre, la personne que vous aimez, avec laquelle vous avez choisi de faire un bout de chemin, a envie d’une autre relation, ou en a déjà une… vous pouvez soudain vous surprendre à réagir d’une façon… à laquelle vous ne vous attendiez pas, mais alors pas du tout. Les émotions prennent le dessus, et elles peuvent être surprenantes !

Et vous, où en êtes-vous ? Si vous êtes déjà en voyage, comment le vivez-vous ? Si vous êtes tenté.e de vous embarquer, mais que vous hésitez encore, de quoi avez-vous peur ?
Hâte de vous lire dans les commentaires : l’espace ci-dessous vous est réservé et vous y êtes le/la bienvenu.e.

Au plaisir et à demain… pour de nouvelles aventures,
Isabelle

3 réflexions sur « Voyage en Polyamorie #7. 6a. Naviguer en eaux inconnues »

  1. J’essaie de rattraper mes lectures…

    C’est bien, tous ces livres (c’est parlant que « Sex at Dawn » ne soit toujours pas traduit en français, alors qu’un tas d’autres versions existent), mais j’ai quand même quelques doutes. Si je peux me permettre une analogie politique, on trouve des personnes « anti-fascistes » qui cherchent à exclure d’autres personnes des débats, pour raisons que l’assistance est supposée trop faible à écouter des arguments trompeurs. Elles cherchent alors à empêcher l’échange d’idées par force brute… parfaitement comme des jeunes fascistes. Ou des féministes qui partent du principe que les hommes dominent les femmes à travers le sexe, qu’on voit en coalition avec des groupes religieux à faire campagne contre la prostitution, en supposant que la voix des prostituées n’est pas valable car ces femmes sont soumises à la patriarchie… ce qui est parfaitement patriarcal.

    En bref, des fois on part scène-gauche avec des belles intentions, pour rentrer scène-droite comme dans un cauchemar des pièces infiniment connectées.

    Donc, quand on commence à chercher à formuler des règles de conduite de polyamorie, je vois ce même schéma : il y a des poly « corrects » et des poly salauds-quand-même, selon le règlement inventé dans chaque séance d’un poly café, puis renforcé par des discours rhétoriques… J’en ai vu un récemment qui proposait de distinguer ce qui est polyamorie de ce qui est « just fucked up. »

    Ok, il faut quand même avoir des idées de ce qui acceptable : demander que son ou sa partenaire reste monogame tout en baisant à gauche et à droite par exemple… mais cela n’exige pas de règlement spécifique. C’est un comportement qui n’est acceptable en aucun domaine de la vie, c’est simplement la règle d’or, fais aux autres comme tu voudrais qu’ils te traitent. En revanche, ouvrir la relation comme étape préalable à partir… ou non ; vouloir garder la non-exclusivité parce qu’on imagine un jour trouver un ou une meilleur.e ; avoir plusieurs relations parce qu’on a le sentiment d’être piégé.e ; insister qu’on a besoin de voir ailleurs même si son partenaire n’est pas d’accord… dans tous ces cas-là, c’est facile de faire remonter la foule, mais enfin c’est une histoire de faire revivre les mêmes peurs qui font le socle du mythe de la monogamie. On ne peut pas garantir ses sentiments futurs, on ne peut pas donner des droits de veto et en même temps supposer de ne pas être dans une relation contractuelle.

    Il faut se méfier de l’envie de recréer le cadre de la monogamie avec tout juste certaines modifications qui ne font pas trop peur. Ou pas… Finalement chacun.e est libre de vouloir sa propre situation, mais pas de demander des conditions sous prétexte que « c’est ça la polyamorie ». Les accords toltèques ne sont pas anodins non plus, on peut s’en servir pour faire n’importe quoi à l’autre (mais ne le prends pas personnellement !) ou d’éviter toute réflexion sur ses actions (ne fais pas des suppositions sur mes motivations !) et nier l’importance de l’empathie.

    Finalement, l’analogie du voyage me semble bonne : on s’informe, on se forme aux épreuves prévues, mais à un certain moment, on part et on accepte ce qui arrive… Pour ceux et celles qui ont passé de longues années amarré.e.s, il y aura toujours la tentation de rentrer à port au premier orage, mais après suffisamment de temps au large, cela devient de moins en moins pensable.

    • Oui oui oui. Moi aussi je me méfie de tout ce qui est « normé », l’idée n’est en effet pas de déconstruire un cadre d’un côté, pour le reconstruire de l’autre. Tout ce que j’essaie de dire ici, c’est précisément qu’il est important pour chacun.e de savoir ce qu’ielle souhaite et attend des relations dans sa vie, comment ielle souhaite vivre, ce qui lui convient à lui/elle. Chaque personne est unique, chaque relation est unique. Et en effet, ensuite, l’importance est l’éthique : se comporter de manière éthique, toujours.
      Oui, tu as raison, bien sûr que les accords toltèques peuvent être détournés par quelqu’un.e qui n’aurait pas ce présupposé bienveillant, emphatique et éthique.
      Snif.

  2. Voyage en Polyamorie #7. Naviguer en eaux inconnues.

    La carte de Tarot du jour est… LE FOU : l’arcane sans numéro. Celui du début et du recommencement. Pour certaines tarologues c’est le n°0 (c’est ainsi qu’il est représenté sur mon Tarot de Marseille – celui de A.E. Waite), pour d’autres le n°22. J’aime y voir la carte qui signale chaque nouveau départ, lorsqu’un voyage commence, quand il s’est accompli et qu’il est nécessaire de partir ailleurs, ou encore lorsqu’en cours de voyage, il devient important de changer de destination. C’est ainsi qu’elle me semble symboliser le mouvement vers l’inconnu. LE FOU est libre, il avance en suivant son intuition et au gré des possibilités de la vie. Il chemine avec juste le bagage qui lui est nécessaire, il sait se débrouiller et affronter toutes les situations. C’est une personne originale et en cela, elle peut surprendre, voire choquer et inspirer le rejet. Il peut représenter une grande liberté, accompagnée d’un brin de folie.
    L’absence de nombre, montre qu’il n’est préoccupé ni par son passé ni par son avenir, il existe pleinement dans l’instant présent (les nombres symbolisant le mouvement du temps). C’est en cela que, pour moi, il représente « la pleine conscience » et l’intuition.
    Je suis un peu comme LE FOU, je pars, je me lance, j’agis sans trop me poser de questions, au feeling. Si je m’étais arrêtée à peser les pours et les contres, à certains moments de ma vie, je n’aurais certainement pas agi, ni osé prendre certaines décisions.
    Je pense qu’avoir connu la peur, la vraie, celle qui prend réellement aux tripes face à l’inéluctable et donne un horrible sentiment d’impuissance, m’a donné la force de prendre certaines décisions, quitte à me tromper, quitte à m’en mordre les doigts. Cependant, de manière générale, je n’ai pas l’habitude de regretter. J’avance et si je me trompe, je me dis qu’il y a toujours une leçon à en tirer.
    Sans avoir idée aucune de ce que pouvait être la polyamorie, ni les relations non-monogames consensuelles, j’ai toujours informé mes futurs partenaires de comment j’étais, du fait que j’avais ou pas d’autres personnes dans ma vie ou que je risquais d’en avoir à un moment ou un autre. Il est arrivé que certains me disent que cela ne leur convenait pas et j’ai ainsi « laissé passer » certaines occasions. Je n’en ai pas eu de regrets J’ai également rencontré des situations où la personne a semblé jouer le jeu, mais soit elle en a profité pour arriver à ses fins et ce n’est pas allé très loin, soit elle a très vite mal supporté la non-exclusivité. . J’ai eu des déceptions bien sûr. Je me suis trouvé impuissante face à certains refus ou incompréhensions. J’en ai souffert. Mais j’ai toujours pensé, par la suite, que c’était mieux ainsi. Et j’ai aussi vécu des moments merveilleux comme celui où un de mes partenaires m’a déposée à l’aéroport où j’allais retrouver un ami/amant. Ou celui où j’ai pu pleurer une rupture sur l’épaule d’un de mes partenaires qui m’a tendrement consolée.
    J’ai aussi appris à ne pas tirer des plans sur la comète et ne pas décider dès le départ comment une relation allait fonctionner ou si elle allait durer ou pas. Il n’en a pas toujours été ainsi, mais aujourd’hui, je vis chaque relation au jour le jour. J’ai connu des ruptures qui semblaient définitives et qui finalement ne l’ont pas été, j’ai aimé passionnément des personnes et vécu des histoires compliquées, qui n’ont pas duré. Mais j’ai surtout vécu, rencontré des personnes qui m’ont, chacune à leur manière, apporté quelque chose. Chacune m’emmenant dans son univers, me permettant d’accéder à d’autres modes de vie et de pensées. Je vis chaque nouvelle relation comme la découverte d’un nouveau pays, d’une nouvelle culture, d’une nouvelle langue, d’un nouvel univers. Et j’ai très vite compris que je pouvais aimer avec des intensités différentes, à des moments différents, de manières différente, plusieurs personnes.
    J’ai avancé sans pouvoir m’appuyer sur l’expérience d’autres personnes comme moi. Oscillant constamment entre l’envie d’être moi et des questionnements sur le fait que je n’arrivais pas à me retrouver dans « les modèles existants » : la monogamie, la serial-monogamie, l’adultère avec mon rôle de « maîtresse », les relations (surtout sexuelles) sans engagement …
    Ma rencontre avec la polyamorie en plus de permettre de me retrouver dans une communauté de personnes vivant les relations de manière similaire à la mienne, m’a apporté un élément d’importance : l’idée de consensus. Avant, je fonctionnais pas mal sur le mode : « c’est à prendre ou à laisser ». Je fonçais tête baissé sans trop me poser des questions et sans en poser à l’autre, par exemple, sur nos modes de fonctionnement, nos attentes. Je pense aujourd’hui que c’est très important d’en discuter auparavant et tout au long de la relation. Qu’il est important de savoir comment chacun s’est construit, dans quel environnement culturel et affectif, quels sont ses attentes, son mode de fonctionnement, ses objectifs, ses souhaits et ses projets. D’apprendre à exprimer ses ressentis, d’oser se montrer vulnérable et de s’entraider pour avancer, de prendre soin de soi et de de l’autre/des autres.
    Chaque nouvelle relation est une « terra incognita » avec tout son potentiel de découverte. Il n’y pas de recette pour bien vivre nos relations. Il y a à les vivre en accord avec soi et avec l’autre/les autres.

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