Entre les élections américaines le 9 et le premier anniversaire des attentats du 13 novembre, nous voici pile au milieu : le 11 novembre. Il y a pile cent ans, en 1916, on était au beau milieu de la guerre de 14-18.
Mes quatre arrière-grands-pères ont fait la guerre. Deux étaient originaires d’Ardèche, deux de l’Allier. Ils étaient nés en 1890, 1895, 1896,1899. Ils sont devenus instituteurs, percepteur des impôts, agriculteur.
Le premier a enchaîné trois ans de service militaire avec quatre ans de guerre. Il ne s’en est jamais remis, et a fait une tentative de suicide. C’est en lui faisant promettre que plus jamais il n’attenterait à ses jours que celle qui est devenue mon arrière-grand-mère lui a proposé de l’épouser.
Le deuxième a reçu un éclat d’obus dans le genou : il en a gardé une jambe raide toute sa vie, sur laquelle j’aimais m’asseoir quand il me racontait des histoires.
Le troisième a reçu un éclat d’obus dans son coude… et n’a jamais plus pu s’en servir.
Le quatrième, plus jeune, s’est enrôlé volontaire… et a été remobilisé en 1940.
Quelles vies !
Quand on les a enrôlés dans l’armée, ils avaient entre 18 et 21 ans.
Des enfants.
Quel rapport avec les relations positives, me direz-vous ?
Ma certitude que c’est en travaillant chacun·e de nous sur nous-mêmes, en étant nous-mêmes des « role models » de communication non-violente et positive dans nos relations avec nos enfants, nos conjoint·es, nos collègues, nos voisin·es… qu’on a le plus de chances de, petit à petit, transformer la société autour de nous.
Un des credo de l’association ManKind Project (MKP, et en France mkpef.org) dont mon aimé fait partie est : changer le monde, un homme à la fois. Et j’ai en effet eu l’impression, le jour même où il a rencontré ces autres hommes qui travaillent sur eux-mêmes, dans la solidarité, la compassion et la bienveillance les uns envers les autres, insistant sur le non-jugement et la tolérance, que non seulement sa vision du monde avait changé, mais aussi ses relations avec les autres, et notamment les autres hommes.
Notre société élève les hommes dans la compétition les uns envers les autres, la rivalité : « l’un… ou l’autre ».
Et si c’était « l’un ET l’autre » ? Et si, au lieu d’être rivaux, ennemis, concurrents, ils étaient compagnons, solidaires, frères ?
Si, au lieu de se comporter comme des gorilles, à qui sera le plus fort et remportera la femelle… les hommes se comportaient comme des bonobos, en partenariat, complicité, compassion ?
Henri Cartan, le doyen des mathématiciens européens quand je l’ai filmé en 1995, m’a raconté son souvenir de l’armistice de 1918 : le 11 novembre 1918, il avait 14 ans.
Plus jamais ça. Travaillons, chacun·e de nous, à la paix. Pour reprendre la citation de Gandhi : Soyons le changement que nous voulons voir.
Et pour rendre cet article plus vrai, plus juste, plus fort… je vous glisse ci-dessous les livrets militaires de mes quatre arrière-grands-pères.
Hâte de lire vos commentaires.
Commémoration, amour et paix.
Isabelle
Est ce que Man Kind project existe en France/ à Paris ?
Merci pour ce nouvel article !
Oui, mkpef.org
Quel bel hommage ! Je pense que tu as raison : soyons en paix avec nous-même et les autres, cessons de croire que la violence, la rivalité et l’écrasement des autres est « normale » et qu’on ne peut faire autrement et le monde ira mieux.
Tout cela me rappelle un jour où je racontais à une connaissance qu’un « ami » avait utilisé contre moi des confidences (et attention, pas des confidences anonymes, des confidences importantes) pour me faire des reproches. Sa réponse : « c’est toujours comme ça. »
Oui et donc, on passe et on continue, on n’enseigne pas que ce n’est pas normal, que c’est scandaleux qu’on ne fait pas ça ?
Oh, c’est terrible, ce que tu racontes… Ça donne surtout une idée des croyances ancrées chez ta « connaissance » : ielle a dû avoir une vie et des relations pas vraiment sécures ni sécurisantes…
Et pour répondre plus directement à ta question : non, on ne passe pas, et non, on ne continue pas, et oui, on dénonce, encore et toujours. En tout cas, c’est mon point de vue.
Ce n’est pas « normal », en effet, et pourtant oui, c’est courant, malheureusement, et la société nous a ainsi habitué·es et élevé·es, dans cette culture patriarcale où certain·es ont plus de pouvoir que d’autres et donc se sentent légitimes pour critiquer, écraser, rabaisser…
À nous de changer ça, une personne à la fois. Et je commence par moi-même, et je choisis mes relations, et je transmets à mes enfants, et à qui veut me lire, m’écouter, ou voir mes films…;-)