Comme je l’ai développé dans mes articles #8 sur le droit inaliénable de chacun·e à se définir soi-même et #9 sur l’importance de nos limites psychiques, si quelqu’une prétend me définir ou me qualifier de l’extérieur, projetant en réalité sur moi son jugement, son point de vue, ses pensées… ielle est dans l’absurde, dans du non-sens, mais aussi déjà dans une forme d’abus, cherchant (même inconsciemment, bien sûr) à outrepasser mes limites psychiques.
Or c’est malheureusement l’un des modes de communication les plus répandus dans notre société et notre culture.
Quand quelque chose nous dérange, nous blesse, nous met mal à l’aise… on a appris à en chercher la cause à l’extérieur de nous, au lieu de la chercher à l’intérieur.
Un parent dont l’enfant chante et danse joyeusement autour de lui, s’il est fatigué, inquiet, pourra lui dire : Arrête de faire du bruit comme ça, tu m’énerves ! Ou tu me fatigues ! Alors qu’à un autre moment, de bonne humeur et en pleine forme, il aurait tout aussi bien pu se mettre à chanter et danser aussi !
La formule juste n’est donc pas Tu m’énerves ou Tu me fatigues, mais bien Je suis énervée ou Je suis fatiguée.
Et… ça change tout, évidemment, pour l’enfant.
Dans le premier cas, l’enfant se sentira « responsable », voire « coupable » de l’état d’énervement ou de fatigue de son parent, puisque celui-ci le lui a dit – et que tout ce que dit son parent, l’enfant le croit, naturellement.
Dans le deuxième cas, l’enfant saura que les émotions ou l’état émotionnel de son parent lui appartient, et qu’en effet, parfois ielles réussissent à être en connexion positive… et parfois pas, mais que l’enjeu ne repose pas sur ses épaules.
D’ailleurs, l’avez-vous remarqué ? Souvent la première question qu’un enfant pose quand ielle nous sent énervé·e est : Est-ce que c’est à cause de moi ? Est-ce que j’ai fait quelque chose ?
Chacun·e a le devoir d’assumer la responsabilité de ses propres émotions – et réactions : ne pas chercher la cause de mon état émotionnel à l’extérieur, mais s’interroger sur quel besoin non satisfait en moi se révèle ainsi dans ce que je ressens en moi comme une émotion désagréable ou pénible à éprouver (tristesse, peur ou colère).
Car si je cherche à projeter sur un·e autre la responsabilité de ce que je ressens, je vais aussi, à coup sûr, abîmer la relation entre nous.
Un des premiers préceptes que j’aime mettre en avant, qui nous arrive tout droit d’Hippocrate et me paraît encore incroyablement inspirant, est Primum non nocere : D‘abord… ne pas nuire !
Quand on le rapporte au langage et à la communication verbale, cela donne notamment… le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable.
On parle ici d’éthique du langage, ou d’éthique de la parole.
Avant de parler, se poser la question : à quoi ce que je m’apprête à dire va-t-il servir ? Vais-je améliorer la relation ? Faire du bien à la personne ? Comment se sentira-t-ielle après avoir entendu ce que je m’apprête à lui dire ?
C’est le fameux dicton de nos grands-parents : tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler !
Si j’éprouve le “besoin” d’émettre une critique ou un jugement à l’égard de quelqu’un·e d’autre… peut-être peut-il alors être utile d’appuyer sur le bouton STOP ? S‘arrêter et prendre le Temps d’Observer avant de Poursuivre : de quoi ce “besoin” – qui m’appartient – est-il révélateur ?
C’est là où les outils développés par Marshall Rosenberg dans ce qu’il a appelé la communication non-violente (CNV) trouvent toute leur utilité.
En particulier lorsqu’il attire notre attention sur le fait qu’une attitude ou une parole agressive de la part de quelqu’un·e est le plus souvent ce qu’il nomme : “l’expression tragique d’un besoin non satisfait”.
Mon “devoir” alors, si je souhaite entretenir avec mes proches (ou moins proches) des relations harmonieuses, est de prendre conscience de ces besoins non satisfaits en moi… et d’apprendre à les exprimer de façon que l’autre puisse les entendre : sans le juger, le critiquer, le dévaloriser, ou l’accabler de reproches.
Car quand quelqu’un·e entend ce qui ressemble à un reproche, un blâme, ou un jugement, quelle est le plus souvent sa réaction ? C’est une ré-action, précisément, car comme elle se sent (à juste titre) « attaqué·e » – et donc, en danger -, instinctivement et de façon réflexe, son amygdale s’active, et la personne va chercher, pour se protéger, soit à se justifier, soit à attaquer en retour, soit à fuir la discussion, souvent par crainte de ne l’envenimer ou se disant que, de toute façon, cela ne servirait à rien d’entrer sur ce terrain.
Autrement dit, et dans tous les cas, s’adresser à quelqu’un·e sous la forme d’une fléche décochée à son encontre, est bien la meilleure manière de… nuire à la communication, et par là-même, à la relation.
Que souhaite-t-on ? Souhaite-t-on maintenir le lien, aller dans le sens de la relation… ou avoir raison, et que l’autre se retire la queue basse en signe de soumission, ou bien encore que cela nous mène tout droit à un combat de coqs ?
La véritable question que l’on a à se poser est en effet bien celle-ci : quel but poursuit-on ? Que souhaite-t-on pour la relation à court, moyen et long terme ? De quoi a-t-on envie ?
Hâte de lire vos commentaires.
Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle
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