Vous connaissez sûrement les besoins de base définis par ce qu’on appelle la « pyramide de Maslow » : d’abord les besoins « physiologiques » (boire, manger, dormir), puis les besoins de sécurité (avoir un abri, se sentir sans danger), ensuite les besoins d’appartenance et d’amour (l’importance du réseau social, de « compter » pour les autres), et seulement ensuite les besoins d’estime et d’accomplissement de soi.
J’ai découvert cette semaine, en suivant une formation sur « Cerveau et Apprentissage » avec Gervais Sirois et Sylvie Dubé, qui nous sont venus tout droit du Québec grâce à une invitation de l’Atelier des parents, une autre théorie, d’un autre psychologue : la « théorie du choix » de William Glasser. Et intuitivement, elle me correspond mieux.
En effet, pour lui, les besoins fondamentaux sont tout aussi importants les uns que les autres, sans ordre de priorité.
Et si je les ai découverts cette semaine en rapport avec l’apprentissage, j’ai le sentiment qu’ils vont aussi m’aider pour mieux définir ce que j’appelle une relation « positive » : une relation dans laquelle chacun·e se sent en sécurité, en confiance, où ielle peut déposer ses craintes et ses faiblesses, où chacun·e sent qu’ielle compte pour l’autre et peut compter sur l’autre.
Ces besoins fondamentaux seraient – pour Glasser – au nombre de cinq :
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Survie (sécurité)
L’enjeu étant d’assurer un environnement qui protège la sécurité et la dignité des personnes, il s’agit avant tout de réduire les sources de stress, et notamment les menaces et les coercitions : que chacun·e se sente en sécurité et ait le choix de vivre comme ielle l’entend, sans se sentir jugé·e, critiqué·e ou menacé·e (de perdre quelque chose par exemple, que ce soit la relation, l’amour, la sécurité, la confiance).
- Amour et Appartenance
Il est fondamental que l’on puisse compter les un·es sur les autres : dans un couple, une famille, une classe, dans des relations de voisinage, de bureau… On n’insistera jamais assez sur l’importance du réseau social : l’être humain est un animal social, qui ne peut pas survivre seul, et tout passe par la relation. D’où l’importance bien sûr de la communication positive, et de se former à la résolution de conflits. Important aussi de célébrer les moments de réussite, de partage, de créer du lien. - Pouvoir (compétence)
Il est important de pouvoir sentir qu’on a du contrôle sur sa vie. L’un des plus grands facteurs de stress est la sensation d’être à la merci d’autres ou des événements. Et comme on ne contrôle pas les autres, commençons par nous contrôler nous-mêmes en faisant en sorte que nos émotions et nos pulsions ne nous débordent pas.
Chacun·e a besoin de se sentir autonome, de pouvoir fixer son cadre, ses limites, d’être responsable. Il est important aussi que chacun·e puisse s’auto-évaluer, par opposition avec un jugement extérieur qui viendrait valider ou invalider un comportement. On apprend de ses erreurs, qu’on transforme alors en expériences (les récompenses extérieures sont le pendant positif des punitions, en fonctionnant sur le même principe : une autorité extérieure prétend nous « juger » valable ou non). - Liberté
De choisir, de prendre des risques, de penser et agir autrement, d’en assumer les conséquences. Si quelqu’un·e se sent enfermé·e, piégé·e, coincé·e dans un couple, pas libre de choisir ses activités, ses sorties, ses fréquentations… on ne peut pas dire que la relation soit « positive ». - Plaisir
C’est peu dire que j’ai été heureuse de voir apparaître ici le plaisir comme un des « besoins fondamentaux » de l’être humain. En effet, pour moi, le plaisir a toujours été central – et le titre de mon premier long-métrage, Tout le plaisir est pour moi, n’est en rien le fait du hasard. Le plaisir à vivre, à faire, à apprendre, à jouer, à travailler, à aimer, à partager… m’a toujours semblé être l’un des éléments-clés, moteurs de la vie. Sans plaisir, pas d’apprentissage, pas de curiosité, pas de partage spontané.
Si on ne doit faire les choses que parce que l’on « doit » les faire, précisément, si on sent qu’on n’a « pas le choix », si on ne maîtrise pas les éléments de sa vie, si on se sent « coincé·e », alors pas de plaisir, qui est au cœur même de la motivation de l’être humain pour avancer dans la vie.
Une relation positive, pour moi, répond au minimum à ces cinq besoins fondamentaux : on doit s’y sentir bien, libre d’être soi-même, de pouvoir explorer, on doit éprouver du plaisir à passer du temps, à échanger avec l’autre, on doit aussi pouvoir se sentir libre de lui dire : « Ce soir (ou ces quelques jours, cette semaine), j’ai besoin / envie d’être seul·e, ou je préfère ne pas te voir » (pour telle ou telle raison) sans que l’autre ne se sente directement remis·e en cause ou ne se mette en position de nous faire du chantage affectif (« Je suis puni·e ?« , « Si tu m’aimais, tu ne me demanderais pas une telle chose« ) : on doit avoir envie de partager, on doit pouvoir se sentir libre d’exprimer ses émotions, ses faiblesses, ses failles, sans crainte d’être jugé·e, critiqué·e, dévalorisé·e, voire attaqué·e ou blessé·e.
Gardons peut-être en tête ces cinq besoins « fondamentaux » de l’être humain, à chaque fois que nous avons besoin d’évaluer une relation : est-ce que chacun de ces cinq besoins est satisfait ?
Hâte de lire vos commentaires et ce que cela vous inspire : l’espace ci-dessous vous est réservé, ça compte vraiment pour moi d’avoir vos retours et vos questionnements, qui m’encouragent à aller plus loin, et à approfondir mes réflexions.
Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle
Quel message réconfortant tu nous fais passer là ! Que dire de plus ? Je me rends compte en te lisant d’ailleurs, que ces besoins fondamentaux, je m’en suis souvent privée, par insécurité. La joie d’observer ma propre évolution n’en est que plus grande. Je vis actuellement mes relations de cette façon : parfois de manière difficile – notamment la semaine dernière, en revenant de Lille, mes insécurités ont rappliqué violemment et j’ai passé le dimanche de mauvaise humeur, mais grâce à mes amoureux, ma merveilleuse psy, mes écrits et les gens que j’ai croisés sur ma route, tout va bien mieux !
😉
Je suis heureuse de voir qu’on peut envisager la pyramide de Maslow, base de travail qui reste intéressante, mais qui peut évoluer en effet ! Lire votre texte m’a fait du bien car je suis justement en train d’identifier moi-même ce qui constitue des relations positives, quelles qu’elles soient dans nos vies, qu’est-ce qui nous aide à être en contact ou pas etc… et à avancer « ensemble », ou pas… et tirer des conclusions de certaines manières de faire ou d’être qui vont dans le sens d’un « ensemble » ou plutôt d’un repli, car les retours ne sont pas toujours ceux qu’on aimerait ! Nous sommes parfois encore des enfants en puissance qui veulent tout sans rien donner, par caprices etc… Tout dépend de l’éducation et du mode (monde) de construction qui nous a fait, de notre parcours, etc…
Je lis d’ailleurs un livre qui m’aide beaucoup actuellement : « Parents toxiques, comment échapper à leur emprise ». Ces modalités de relations de départ, le modèle d’amour dans lequel on nous a élevé etc… compte beaucoup et conditionne énormément aussi nos manières d’être au monde ensuite.
J’avoue que sans ce livre par exemple, je n’aurais pas réussi enfin à faire un pas de côté de mes « mauvaises habitudes » relationnelles et en serais encore à subir mes « échecs » et chagrins…
Pour revenir à votre propos, je suis heureuse de voir cette pyramide revisitée et surtout partir de besoin fondamentaux, différents et placés à égalité finalement.
Le principe du mind-mapping en couleurs est très joyeux et éclairant, il donne envie de s’engager sur cette voie ! J’avoue pour autant qu’au niveau où j’en suis, j’ai peur que nous soyons dans l’utopie encore, mais j’espère que chaque jour et chaque pas fait peut nous amener à des relations plus positives de manière générale.
Nos « modèles » sont à changer et ça, ça reste difficile et long, voire parfois impossible dans certains cas… Pour les relations de couple, faut-il encore trouver le/la/les partenaires en phase avec ces notions.
Merci pour la contribution et au plaisir de vous lire.
Ah ah, « Parents toxiques… » et de manière générale tous les livres de Susan Forward que j’ai pu lire ont été à chaque fois des révélations pour moi. Celui-ci, j’ai bien dû le lire au moins 4 à 5 fois. Mais celui sur le chantage affectif est remarquable aussi. Quant à celui sur « Ces mères qui ne savent pas aimer », j’en ai pleuré pendant presque deux mois, tellement il y a remué de choses en moi…
Vous pourrez les retrouver sur une des pages de mon « coin-lecture » : http://lutineetcie.com/coin-lecture/violence-ordinaire/
Oui, clairement il est difficile de développer des relations « positives » si on est seul.e à les vouloir et à y travailler. J’ai mis longtemps à le comprendre : en réalité, on n’a de contrôle que sur soi-même, et sur « notre » moitié de la relation.
Ces réflexions sur les relations positives visent en effet à me/nous faire prendre conscience des schémas qui reviennent d’une relation à l’autre. Je crois que si on m’avait enseigné ou permis de réfléchir à toutes ces notions quand j’étais enfant, ado ou même jeune adulte, je me serais épargné un paquet de souffrances et de relations abusives, voire toxiques. C’est à ça que je m’emploie aujourd’hui, pour transmettre, aux autres et à commencer par mes enfants, ce que j’ai appris, compris, expérimenté, intégré, depuis quelques années… depuis que je suis « re-née » avec ma fille.
Bienvenue à vous et ravie de pouvoir éclairer de ma lanterne vos propres réflexions.
Le format du commentaire incite à une réaction à chaud (suite à la lecture). Alors que ce genre de réflexion demande du temps, de l’approfondissement, de la maturation.
Je vais pas m’attarder sur la représentation de Maslow qui m’insupporte passablement, car dans son concept il y a l’idée qu’une être humain n’est pas capable de monter dans la pyramide si tous les besoins inférieurs (de la pyramide) n’ont pas été assouvis. Une représentation linéaire où je vois régulièrement des contre-exemples.
J’ai décidé que je n’évoquerai pas le modèle de Virginia Henderson, qui est le modèle de base de ma profession. Mais qui ne se révèle pas vraiment adapté dans cette réflexion.
Alors, voyons un peu ce modèle.
Ma première remarque concerne la limitation de la mind-map, ou plutôt de la limitation du papier comme support de la mind-map. Ma première envie est de prendre des crayons de couleurs et de faire des flèches partout (ce qui finirait par la rendre illisible).
Je pense que beaucoup des notions exposées entrent en interaction.
Pour obtenir certaines, il faut s’appuyer sur les autres besoins.
Est-ce que l’on peut créer un réseau social sans prendre de risques (sans sortir de sa zone de confiance) ?
Est-ce que l’on peut prendre des risques sans que le besoin de sécurité soit assouvi ?
Bizarrement cela me rappelle la notion d’attachement. Sortir de la zone de sécurité pour explorer tout en pouvant y retourner dès que la situation nous dépasse.
Peut-il y avoir une notion d’autonomie dans son travail et dans ses compétences, sans liberté de choix ?
Peut-il y avoir une liberté de choix sans sécurité ?
Peut-on aimer sans sérénité ?
Peut-il y avoir du plaisir sans confiance ?
Peut-il y avoir de plaisir sans authenticité ?
Peut-il y avoir d’authenticité sans estime de soi ?
Peut-on établir une relation positive sans connaître ses propres limites ?
Peut-on résoudre un conflit sans assumer les conséquences de ses choix ?
Peut-on penser et agir autrement sans s’auto-évaluer ?
Comment effectuer une auto-évaluation sereine sans confiance ?
Pourquoi prendre des risques si ce n’est pas pour au final y trouver du plaisir…
Le plaisir comme moteur de vie et de motivation, vecteur de l’autonomie et l’indépendance, permettant de penser et d’agir autrement, vecteur également de la prise de risques, indispensable à la création d’une relation.
Désolée, je suis un peu partie en roue libre, ce n’est ni structuré ni abouti. Je pense surtout que toutes ces notions sont intimement liées.
Merci Céline pour cette dérive en « roue libre » comme tu dis, elle résonne incroyablement juste et touchante à mes oreilles (et en l’occurrence, à mes yeux…). Ne sois « désolée » en rien, je suis ravie de tes contributions et t’en remercie, elles me touchent beaucoup. Et je suis heureuse d’avoir peut-être, à ma façon, contribué à te mettre sur la piste de ta surefficience… Bienvenue à toi sur ce blog, heureuse de voir que l’on peut s’accompagner sur un bout de chemin…
Je ne connais pas le « modèle de Virginia Henderson » et je serais ravie que tu me le fasses découvrir si tu penses que cela peut être pertinent ici.
Pour les mind-maps : oui oui oui, tu as raison, bien sûr, et je suis totalement débutante en la matière ! J’ose à peine tout juste me lancer, et c’est vraiment une première pour moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai « pris des notes » sous forme de cartographie la semaine dernière, et je me suis vraiment amusée, et pour la première fois aussi, je crois que ça me donne envie de « relire » ces notes après coup. C’est top et ça m’éclate, à vrai dire !
Du coup je me dis que je vais aussi commencer à essayer de prendre des notes de cette manière-là sur les livres que je lis… Affaire à suivre !
Quant à la notion d’attachement : OUI OUI OUI ! Elle est pour moi en effet aussi fondamentale, je l’ai découverte il y a environ deux ans seulement, et elle s’avère un outil précieux pour comprendre mes relations aux autres, mais aussi mieux comprendre parfois les comportements de l’un.e ou l’autre. J’y reviendrai, à coup sûr… Une amie m’a aussi depuis quelques semaines fait parvenir l’état de ses recherches sur les rapports entre polyamorie et attachement, et je n’ai pas encore eu le temps de m’y pencher : c’est sûr, cette série d’articles va me motiver !
Au plaisir de te lire à mon tour.
Isa