De mon droit à ce qu’on me foute la paix !

Article en réaction à la tribune parue dans le Monde le 9 janvier 2018 à propos de « la liberté d’importuner ». Parce que j’avais besoin d’écrire  tout ça quelque part. 

Au « droit de se laisser importuner », j’oppose, moi, j’assume et je revendique, mon droit à ce QU’ON ME FOUTE LA PAIX !

Si j’ai envie ou besoin qu’on me laisse tranquille, mon droit le plus légitime, mon droit intrinsèque en tant qu’être humain… c’est qu’on me laisse tranquille.

« Mon corps, c’est mon corps ! », disait déjà une ritournelle qui empouvoirait les enfants au Québec en 1986 : « Tu as ton corps à toi, Laisse-moi le mien. »

Mon corps m’appartient. Personne n’a le droit d’y toucher sans mon consentement explicite. C’est compliqué à comprendre, ça ?

Comment ça, on devrait apprendre à nos petites filles à se méfier, se protéger, à… ne « pas provoquer » ? Hein ?

Et si on commençait par expliquer à nos enfants, quel que soit leur genre, à se respecter les un·es les autres ? À se respecter soi, et à respecter l’autre en tant qu’autre, qui a autant de droits et de légimité à « être », et à avoir ses propres désirs, envies ou besoins… que moi ?
Et si l’autre, son besoin, c’est qu’on lae laisse tranquille, alors mon devoir à moi, c’est de lae laisser tranquille !

Non, je n’ai pas envie qu’on « m’importune ». Par définition. Le mot « importuner » lui-même dit bien ce qu’il veut dire, avec tout le dérangement, le malaise, l’intrusion, qu’il contient :

Importuner

  1. Déplaire, ennuyer, fatiguer par des assiduités, des discours, des demandes, une présence hors de propos.
  2. (Par extension) Déplaire, ennuyer, en parlant de choses qui sont hors de propos ou semblent hors de propos. Synonymes : contrarier, embêter, (Vulgaire) emmerder, ennuyer, (Vulgaire) faire chier, (Familier) faire suer, (Familier) gonfler, pomper l’air, (Familier) casser les pieds, (Familier) prendre la tête.

La réciprocité comme point de départ de toute relation, ça vous dit quelque chose ?

Ça va bien au-delà du « non, c’est non » : à l’instar des Québécois·es, je prône le « sans OUI, c’est NON ». SANS OUI explicite, clair, enthousiaste… c’est NON.

Si j’adresse la parole à une personne et qu’elle ne me répond pas… c’est probablement qu’elle n’a pas envie de me parler. Et je considère alors de mon devoir… de la laisser tranquille !

Voulant relire la tribune à l’origine de ma colère, j’ai soudain réalisé qu’en réalité, elle ne mettait pas en avant, comme je l’ai fait au début de cet article, le « droit de se laisser importuner » (c’est d’ailleurs en effet leur « droit » le plus légitime : si les cent femmes qui ont signé ce texte  – et toutes celles qui sont d’accord avec elles – revendiquent le droit de se laisser importuner, qu’elles  l’assument et le signalent aux personnes avec lesquelles elles entrent en contact : « avec moi, tu peux insister, même lourdement ». Ça les regarde.)… mais bien au contraire – et ça en dit long, ô combien ! – la « liberté d’importuner » !

On ne parle pas, on ne se place pas, du même « point de vue » – et c’est en tant que cinéaste, que je vous parle ici.

En effet, je me place, moi, de mon point de vue, je parle de mon droit à ce qu’on me foute la paix si je souhaite qu’on me foute la paix… tandis que les signataires de cette tribune se placent, elles, du point de vue de l’autre, de celui qui importune, de celui qui dérange, qui agresse, qui pose problème.

En signant cette tribune, c’est à ces personnes-là qu’elles s’adressent indirectement, en leur disant : « venez, n’hésitez pas, vous avez le droit, c’est votre liberté d’embêter, de déranger » (le sens premier d’importuner : comme un moustique qui vous tourne autour, prêt à vous piquer : agaçant, non ? C’est pourtant bien cela, que signifie « importuner »).

Je ne suis pas d’accord, profondément, intrinsèquement. Car ma liberté… s’arrête là où commence celle de l’autre. Point. Et, comme renchériraient mes enfants quand ielles se moquent de moi en m’imitant : « C’est non négociable ».

Une relation, pour être positive, heureuse, saine, équilibrée, sereine… ne peut être que RÉ-CI-PRO-QUE. C’est même le B-A-BA des relations positives :  la confiance, le respect et… la réciprocité.

Si j’ai envie d’être avec quelqu’un·e et qu’ielle n’en a pas envie… alors à moi de gérer mes émotions, ma frustration, ma tristesse, ma colère. Si quelqu’un·e n’a pas envie de me voir ou d’être en relation avec moi alors que moi j’en ai envie… mes émotions m’appartiennent. Cette personne n’est en rien « responsable » de ce que je ressens, quelle que soit la violence des émotions que je ressens en moi, et qui peuvent être désagréables, c’est entendu. En effet, le rejet peut me faire revivre des émotions douloureuses de mon enfance, quand les personnes qui s’occupaient de moi n’étaient pas à mon écoute, ne validaient pas mes émotions, n’étaient pas en empathie avec ce que je ressentais. Certes.

Mais ça ne fait pas de la personne qui n’a pas voulu de moi… une mauvaise personne. Et ça ne me donne certainement pas le « droit »  d’insister jusqu’à ce qu’elle cède – par lassitude, ou par peur – et encore moins le droit de lui « forcer  la main », de l’obliger d’une quelconque manière – en la touchant, en la harcelant, en lui faisant peur de vivre encore pire… – à entrer en relation avec moi.

Il est temps, plus que temps, d’apprendre à nos enfants, et donc à nous de commencer par être pour elleux des « role models » à nous respecter les un·es les autres. Afin que chacun·e d’entre nous puisse se sentir en SÉCURITÉ dans le monde. Car c’est là, pour moi, l’essentiel d’une relation sereine et heureuse entre deux personnes : que chacune se sente entendue dans son altérité, respectée dans son intégrité, et… en sécurité.

D’un côté, l’amour  : le respect et la confiance me permettent de me sentir en sécurité.
De l’autre, le monde de la peur, de la méfiance, de l’insécurité.
On ne peut construire une relation saine… si on ne sent pas en sécurité.

C’est cela qu’il faut apprendre à nos enfantsquel que soit leur genre – : à se respecter les un·es les autres.

Et leur faire entendre, comprendre, ressentir profondément et admettre une bonne fois pour toutes, que : sans OUI explicite, c’est NON.
Si c’est « peut-être » : c’est NON. Si c’est « je ne sais pas, je ne suis pas sûr·e, peut-être plus tard, si tu veux, si ça te fait plaisir » : c’est NON. Si c’est sans réponse : c’est NON.

Et pour pouvoir vivre – si on le souhaite – une sexualité libre, joyeuse, ludique, positive, cette sexualité libre et sans entraves pour laquelle je milite depuis des années, il est impératif que notre OUI puisse être un vrai OUI, un OUI enthousiaste, un « Fuck yes!« .
Et pour que notre OUI soit un vrai OUI, il est impératif que nos NON soient entendus, et respectés.

 

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21 JOURS pour des relations positives #4. Besoins fondamentaux

Vous connaissez sûrement les besoins de base définis par ce qu’on appelle la « pyramide de Maslow » : d’abord les besoins « physiologiques » (boire, manger, dormir), puis les besoins de sécurité (avoir un abri, se sentir sans danger), ensuite les besoins d’appartenance et d’amour (l’importance du réseau social, de « compter » pour les autres), et seulement ensuite les besoins d’estime et d’accomplissement de soi.
pyramide-de-maslowJ’ai découvert cette semaine, en suivant une formation sur « Cerveau et Apprentissage » avec Gervais Sirois et Sylvie Dubé, qui nous sont venus tout droit du Québec grâce à une invitation de l’Atelier des parents, une autre théorie, d’un autre psychologue : la « théorie du choix » de William Glasser. Et intuitivement, elle me correspond mieux.

En effet, pour lui, les besoins fondamentaux sont tout aussi importants les uns que les autres, sans ordre de priorité.
Et si je les ai découverts cette semaine en rapport avec l’apprentissage, j’ai le sentiment qu’ils vont aussi m’aider pour mieux définir ce que j’appelle une relation « positive » : une relation dans laquelle chacun·e se sent en sécurité, en confiance, où ielle peut déposer ses craintes et ses faiblesses, où chacun·e sent qu’ielle compte pour l’autre et peut compter sur l’autre.

Ces besoins fondamentaux seraient – pour Glasser – au nombre de cinq :

  1. Survie (sécurité)

    L’enjeu étant d’assurer un environnement qui protège la sécurité et la dignité des personnes, il s’agit avant tout de réduire les sources de stress, et notamment les menaces et les coercitions : que chacun·e se sente en sécurité et ait le choix de vivre comme ielle l’entend, sans se sentir jugé·e, critiqué·e ou menacé·e (de perdre quelque chose par exemple, que ce soit la relation, l’amour, la sécurité, la confiance).

  2. Amour et Appartenance 
    Il est fondamental que l’on puisse compter les un·es sur les autres : dans un couple, une famille, une classe, dans des relations de voisinage, de bureau… On n’insistera jamais assez sur l’importance du réseau social : l’être humain est un animal social, qui ne peut pas survivre seul, et tout passe par la relation. D’où l’importance bien sûr de la communication positive, et de se former à la résolution de conflits. Important aussi de célébrer les moments de réussite, de partage, de créer du lien.
  3. Pouvoir (compétence)
    Il est important de pouvoir sentir qu’on a du contrôle sur sa vie. L’un des plus grands facteurs de stress est la sensation d’être à la merci d’autres ou des événements. Et comme on ne contrôle pas les autres, commençons par nous contrôler nous-mêmes en faisant en sorte que nos émotions et nos pulsions ne nous débordent pas.
    Chacun·e a besoin de se sentir autonome, de pouvoir fixer son cadre, ses limites, d’être responsable. Il est important aussi que chacun·e puisse s’auto-évaluer, par opposition avec un jugement extérieur qui viendrait valider ou invalider un comportement. On apprend de ses erreurs, qu’on transforme alors en expériences (les récompenses extérieures sont le pendant positif des punitions, en fonctionnant sur le même principe : une autorité extérieure prétend nous « juger » valable ou non).
  4. Liberté 
    De choisir, de prendre des risques, de penser et agir autrement, d’en assumer les conséquences. Si quelqu’un·e se sent enfermé·e, piégé·e, coincé·e dans un couple, pas libre de choisir ses activités, ses sorties, ses fréquentations… on ne peut pas dire que la relation soit « positive ».
  5. Plaisir
    C’est peu dire que j’ai été heureuse de voir apparaître ici le plaisir comme un des « besoins fondamentaux » de l’être humain. En effet, pour moi, le plaisir a toujours été central – et le titre de mon premier long-métrage, Tout le plaisir est pour moi, n’est en rien le fait du hasard. Le plaisir à vivre, à faire, à apprendre, à jouer, à travailler, à aimer, à partager… m’a toujours semblé être l’un des éléments-clés, moteurs de la vie. Sans plaisir, pas d’apprentissage, pas de curiosité, pas de partage spontané.
    Si on ne doit faire les choses que parce que l’on « doit » les faire, précisément, si on sent qu’on n’a « pas le choix », si on ne maîtrise pas les éléments de sa vie, si on se sent « coincé·e », alors pas de plaisir, qui est au cœur même de la motivation de l’être humain pour avancer dans la vie.

4_besoins-fondamentaux

Une relation positive, pour moi, répond au minimum à ces cinq besoins fondamentaux : on doit s’y sentir bien, libre d’être soi-même, de pouvoir explorer, on doit éprouver du plaisir à passer du temps, à échanger avec l’autre, on doit aussi pouvoir se sentir libre de lui dire : « Ce soir (ou ces quelques jours, cette semaine), j’ai besoin / envie d’être seul·e, ou je préfère ne pas te voir » (pour telle ou telle raison) sans que l’autre ne se sente directement remis·e en cause ou ne se mette en position de nous faire du chantage affectif (« Je suis puni·e ?« , « Si tu m’aimais, tu ne me demanderais pas une telle chose« ) : on doit avoir envie de partager, on doit pouvoir se sentir libre d’exprimer ses émotions, ses faiblesses, ses failles, sans crainte d’être jugé·e, critiqué·e, dévalorisé·e, voire attaqué·e ou blessé·e.

Gardons peut-être en tête ces cinq besoins « fondamentaux » de l’être humain, à chaque fois que nous avons besoin d’évaluer une relation : est-ce que chacun de ces cinq besoins est satisfait ?

Hâte de lire vos commentaires et ce que cela vous inspire : l’espace ci-dessous vous est réservé, ça compte vraiment pour moi d’avoir vos retours et vos questionnements, qui m’encouragent à aller plus loin, et à approfondir mes réflexions.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle