Une relation éthique correspond, pour moi, à un contrat librement consenti entre deux personnes, et constamment renouvelé : autrement dit, renouvelable, et renégociable, à tout moment.
NB. Pour une fois, je ne parle donc pas ici des relations parents / enfants, dans lesquelles, par définition, l’un·e des partenaires est sous la dépendance de l’autre.
Le modèle de l’ascenseur relationnel continue à s’imposer comme une certaine « norme » implicite pour une relation, et « on » nous fait croire (notre culture, notre société) que, dans une relation dite amoureuse, l’exclusivité « va de soi ».
Il n’y a cependant qu’à regarder les chiffres impressionnants des sondages sur les infidélités et les divorces (selon les sources, on oscillerait entre 50 et 80% de personnes qui disent avoir trompé leur partenaire au moins une fois après cinq ans de relation) pour se convaincre que ce n’est juste pas le cas.
Pourquoi alors qu’aujourd’hui, les enjeux pour les unes et les autres qui ont conduit à cette norme de l’exclusivité dans le mariage – la dépendance financière des femmes, et le fait que les hommes voulaient être sûrs de transmettre leur patrimoine à leurs enfants biologiques – n’ont plus lieu d’être (les femmes sont autonomes et on a la contraception),
la non-exclusivité est-elle encore la « norme » implicite dans une relation ?
Parce qu’à mon sens, même si elle est communément partagée, la non-exclusivité reste encore « tabou » : en réalité, comme on ne sait pas qu’il est possible de vivre des amours plurielles autrement que dans l’adultère, l’idée de non-exclusivité reste associée à l’adultère, tandis que l’adultère lui, est associé à des sentiments de honte et de culpabilité (d’avoir menti et triché d’un côté, d’avoir été trompé·e de l’autre).
Autrement dit, même si on en rit sur les scènes de théâtre et que Gleeden s’affiche dans le métro, ce n’est pas pour autant que les « vrais » gens en parlent avec leurs ami·e·s quand ça leur arrive à eux : comme ils pensent être les seul·e·s à qui ça arrive, ils en ont honte, donc à leur tour, ils n’en parlent pas, et confortent ainsi le mythe.
Autrement dit, l’adultère… ça n’arrive qu’aux autres.
Alors qu’il me semble que s’il n’était plus si tabou, si on regardait en face les chiffres de la non-exclusivité non-éthique, si on admettait que ça peut nous arriver à nous, et qu’il n’y a pas nécessairement à en avoir honte, alors on pourrait alors bien plus justement s’interroger sur une manière plus éthique de vivre cette non-exclusivité.
(Mais sans doute y a-t-il aussi là un lien avec le tabou d’un rapport décomplexé, joyeux et positif à la sexualité ?)
Pour moi, une relation est comme un contrat que passeraient entre elles deux personnes adultes et autonomes.
D’un point de vue éthique, moral, personne n’a aucun “droit” sur personne d’autre :
chacun·e d’entre nous est libre, absolument, intrinsèquement, et les émotions, désirs et besoins de l’un·e sont autant légitimes ceux de l’autre.
Chaque personne s’appartient et est libre de mener sa vie comme elle l’entend – du moment qu’elle ne blesse pas intentionnellement quelqu’un·e d’autre.
Quand deux personnes ont envie d’être en relation l’une avec l’autre, il me semble que la première chose à faire est de discuter de la relation : De quoi as-tu envie ? De quoi ai-je envie ? Est-ce compatible ? Peut-on trouver un terrain d’entente entre nous ?
Cela suppose bien entendu que chacun·e ait une idée de ce dont ielle a envie… et on ne le sait pas toujours.
On peut alors convenir de tester ensemble, d’avancer pas à pas, de faire un pas… puis un pas de côté si on le souhaite, puis de revenir en arrière si l’un·e des deux le souhaite : ce serait comme une danse.
Une relation est une co-création, comme une œuvre d’art que l’on créérait à deux, où chacun·e serait co-scénariste de l’histoire que l’on écrit à deux.
Ce qui suppose aussi, donc, que l’un·e peut avoir envie de quelque chose… et l’autre pas. Ou que l’un·e peut avoir envie de parler de quelque chose qui, pour ellui, ne lui convient pas, ou plus, dans le contrat passé initialement, peut-être parce que les conditions ont changé, peut-être parce qu’ielle a rencontré quelqu’un·e d’autre, ou parce qu’ielle a envie de rencontrer quelqu’un·e d’autre.
Il me semble que l’un des éléments importants, voire essentiels, pour moi dans une relation, est de… pouvoir parler de ce qui ne va pas. De ce qu’on voudrait voir changer. Et sans « craindre » la réaction de l’autre, en lui laissant la chance de sa réaction, et éventuellement, de nous surprendre.
Une fois de plus, ne pas projeter, ne pas supposer : personne ne peut savoir à l’avance comment quelqu’un·e d’autre va réagir.
(Si on est habitué·e à ce qu’une personne réagisse en nous renvoyant systématiquement la « faute » sur nous, en nous accusant, nous faisant des reproches, en faisant des crises, des menaces… euh… c’est qu’on n’est malheureusement sans doute pas dans ce que j’ai défini comme une relation « éthique » ou « positive« .)
À partir du moment où on accepte qu’une relation est quelque chose de vivant, et non de figé dans le temps, que la vie est mouvement, la vie est changement, alors on accepte de se remettre en cause régulièrement, et de laisser évoluer la relation à son rythme, et dans la direction dans laquelle les deux personnes concernées sont d’accord pour la laisser évoluer.
On prend alors chaque « épreuve » que la vie nous envoie non plus comme une « épreuve », mais comme une expérience, qui nous permet d’avancer sur notre chemin.
Une relation, pour reprendre l’image de Franklin Veaux et Eve Rickert dans More Than Two, est comme une plante, qu’il faut entretenir, nourrir, et dont il faut prendre soin.
Chaque évolution, chaque modification doit être discutée entre les partenaires, et agréée par les deux. Dans l’absolu respect de leur consentement mutuel – et libre.
Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut être sûr·e que les deux partenaires continuent à s’épanouir dans une relation : en êtres libres et heureux d’être en relation l’un·e avec l’autre.
Hâte de lire vos commentaires.
Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle
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