Plutôt qu’un article de théorie sur la gestion des émotions (j’en ai déjà rédigé plusieurs et je vous invite à vous y reporter : « 13 JOURS de pensée positive #7« , « Nos émotions au cinéma« , « Voyage en Polyamorie #11. Spirale positive ; vous en trouverez d’autres en tapant « Émotions » dans l’onglet de recherche), j’ai envie aujourd’hui de donner un exemple concret d’une situation vécue il y a peu. Et pour que le lien avec ce que j’appelle une relation « positive » soit plus clair, il ne s’agira ni d’une situation en rapport avec la polyamorie, ni en rapport avec un enfant : on verra bien alors qu’il s’agit d’une posture générale d’accueil des émotions dans la vie, que ce soit avec un·e adulte, un·e enfant, dans un couple, une famille – ou même avec quelqu’un·e que vous ne connaissez pas dans la rue.
Pendant les vacances de la Toussaint (c’est donc vraiment récent), mon aimé et moi-même avons emmené ma fille, 7 ans, au jardin d’Acclimatation : elle avait envie d’une « fête foraine« . Un manège, deux manèges, trois manèges… tout allait plutôt bien. Ce n’était juste pas moi qui montait avec elle, car ces « trucs » qui secouent dans tous les sens pour créer des sensations – et spécifiquement des sensations de peur – dans le corps, ça fait bien longtemps que j’y ai renoncé…
(Parenthèse : je me souviens de la dernière fois où je suis montée dans un manège type montagne russe pour « faire comme les autres », et soi-disant « m’amuser » : c’était avec le père de mes enfants, sans doute au tout début de notre histoire, car je devais être dans la phase : « j’essaie de paraître cool« , au lieu de préférer être simplement moi-même. C’était donc… il y a vingt ans !
Sur le manège lui-même, j’ai cru… que j’allais mourir. Littéralement. Quand j’en suis descendue, j’ai vomi et pleuré, beaucoup. Dans le genre « cool », je pouvais repasser !
Ce jour-là, j’ai décidé qu’on ne m’y prendrait plus (comme le corbeau de La Fontaine) et que plus jamais, je ne monterais dans un manège que je ne « sens » pas. Fin de la parenthèse).
Retour au jardin d’Acclimatation, où ma fille, donc, s’éclatait avec son beau-père – qu’elle présente aussi souvent comme « l’amoureux de sa mère ». Jusqu’au moment où je les vois aller en direction d’un nouveau manège. Un truc euh… où des nacelles sont tenues par des chaînes…
Quand on est dessus, ça donne ça :
Mais quand on est en-dessous, voilà ce qu’on voit :
À vrai dire, je n’ai pas « réfléchi »… J’ai juste « vu » et senti monter lentement mais de manière inexorable en moi une bouffée d’angoisse : petit à petit, j’ai senti mes jambes flageoler, mon cœur s’accélérer, ma respiration se saccader… Rapidement, je n’ai plus pu parler, je suffoquais, j’étais en train de m’étouffer. Plus capable de prononcer un mot, bien incapable de dire : « Euh… je crois que je préférerais que vous ne montiez pas dans celui-ci… » Non, c’était bien plus radical que ça : une véritable « panic attack » – ça devait être ça.
C’est à ce moment-là que mon aimé, se retournant vers moi, m’a aperçue, me débattant avec mon corps envahi – j’imagine – de cortisol et d’adrénaline, au point où ils me paralysaient complètement. Je ne pouvais juste plus communiquer autrement que par des signaux physiques de détresse.
Il est aussitôt venu vers moi, a rassuré ma fille, soudain bien sûr un peu inquiète de me voir dans cet état, et c’est lui qui a prononcé les mots auxquels je n’avais plus accès : « Tu ne veux pas qu’on monte là-dedans, c’est ça ? Tu as peur ? »
Alors j’ai senti que, comme il semblait comprendre ce qui m’arrivait, je pouvais à nouveau contacter mon néo-cortex – mon cerveau rationnel – je pouvais « ré-intégrer » mon cerveau gauche et mettre des mots sur la panique de mon cerveau droit et j’ai réussi à dire : « J’ai peur que vous tombiez et que vous mourriez. »
Il n’a pas cherché à me rassurer, pas cherché à « rationaliser », à me dire : « Mais enfin, tu penses bien que ce n’est pas dangereux, ils ne laisseraient pas les gens monter dessus sinon » – ça aurait été bien inutile, et vous pensez bien que je me l’étais déjà dit. Aucune « rationalisation » ne pouvait m’empêcher de penser, moi : « Oui, mais si justement, aujourd’hui, il y a un accident ? »
Non, il a juste « accueilli » mon émotion, et il l’a « expliquée » à ma fille, qui, à son tour, commençait à pleurer : « Mais moi, je veux vraiment y aller sur ce manège… ».
Il lui a expliqué qu’une fois qu’elle était montée, il fallait juste que je laisse « redescendre » mon émotion, et qu’on allait trouver ensemble une solution : et faire une « résolution de problème« . Mais auparavant, il m’a juste prise contre lui, sans parler… et mes larmes ont alors pu sortir, en sanglots, me permettant d’évacuer les hormones de stress qui m’avaient envahie.
Une fois que j’ai pu retrouver une respiration à peu près normale, il m’a alors demandé si ça me paraissait possible, tout simplement, de ne pas regarder, pendant qu’ielles montaient sur le manège. J’ai accepté, en hochant la tête et tout en reniflant. J’avais vraiment la sensation d’avoir cinq ans.
Je me suis alors éloignée, dans la direction d’un rayon de soleil. J’ai trouvé un peu plus loin un petit point d’eau avec des canards, et j’ai regardé les canards, le soleil sur le pont, les gens avec leurs enfants. Je me suis réchauffée au soleil. Et j’ai attendu qu’ielles reviennent.
Au bout d’un moment, j’ai commencé à trouver le temps long… et à sentir à nouveau l’inquiétude remonter en moi : et si ielles ne revenaient pas ?
Alors je me suis concentrée sur ma respiration, en pleine conscience. Et j’ai attendu.
Et ielles sont revenus.
Et on a tou·tes les trois été fièr·es de nous, d’avoir su gérer cette crise. Moi, parce que j’avais réussi à surmonter ma peur qu’ils montent sur le manège et que je les avais laissé·es y aller ; ma fille parce qu’elle avait attendu que mes émotions redescendent sans faire de crise à son tour ; et mon aimé, parce qu’il avait brillamment géré ce moment délicat.
Qu’aurait fait une personne avec laquelle j’aurais été dans une relation moins positive ? Elle se serait moquée de moi. Elle aurait haussé les épaules en disant : « Tu es vraiment ridicule. Quel âge tu as ? » ou bien encore : « Tu te donnes en spectacle, j’ai honte pour toi » ; ou bien encore : « Reprends-toi ! Tu imagines le modèle que tu donnes à ta fille ? » ; ou bien tout ça en même temps, sur le rythme d’une mitraillette : ta-ta-ta-ta-ta !
Et qu’est-ce que ça aurait provoqué en moi ? Une rage, une colère de ne pas être comprise, une humiliation, une rancœur. Est-ce que ça aurait contribué à apaiser mon émotion ? Certes non : ça aurait au contraire ajouté de la colère à ma peur. Et vraisemblablement, je me serais mise à crier ou à pleurer encore plus fort, pour les empêcher de monter sur le manège – à moins que je n’aie été complètement sidérée par la panique, en état de choc. Ma fille aurait paniqué à son tour, et l’après-midi, à coup sûr, aurait été gâché. On serait reparti·es du parc en étant tou·tes trois déçu·es et frustré·es, en colère et tristes. Et j’aurais entendu : « Il faut toujours que tu gâches tout. Tu es pire qu’un enfant ! Tu es ridicule, ma pauvre fille. Il faut te faire soigner, tu es pathétique. »
(Ça vous paraît exagéré comme dialogue ? C’est malheureusement du vécu…).
Voilà donc ce que j’appelle l’accueil (positif) des émotions : les accueillir pour ce qu’elles sont – nos alliées. Les remercier (dans le cas de la peur par exemple) de nous alerter d’une situation potentiellement dangereuse. Et les accompagner, à leur rythme.
La méthode TIPI nous apprend qu’en deux minutes d’attention portée à la sensation physique d’une émotion, elle se modifie petit à petit… pour disparaître. À vrai dire, il me semble qu’il ne s’agit ni plus ni moins… que d’une attention au corps portée en pleine conscience.
Au-delà de l’accueil des émotions, voilà ce qu’est pour moi une relation positive : une relation dans laquelle on se sent en sécurité. Dans laquelle on sait que nos émotions seront accueillies pour ce qu’elles sont : des vigies, des alliées, et non des ennemies. Et où la personne en face a suffisamment confiance en elle pour « ne rien prendre personnellement » (3e accord toltèque) : j’y reviendrai.
Pour aujourd’hui… hâte de lire vos commentaires.
Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle