Voyage en Polyamorie #11. 8b. Spirale positive

On a quitté les rives de la Monogamie ordinaire (#2), réalisé que les mythes étaient précisément des mythes et qu’une bonne partie des comportements de nos contemporain·es étaient fondés sur des faux-semblants, mensonges et peurs (#3), on a choisi de croire notre petite voix intérieure qui nous disait qu’il devait être possible de vivre autrement nos relations au monde et aux autres (#4) et on s’est préparé.e au voyage du mieux qu’on a pu (#5) avant de se lancer dans l’aventure (#6).

Sauf qu’on a beau se préparer, rien ne vaut l’expérience : c’est en nageant qu’on apprend à nager… pas en regardant des tutos sur Internet ! Une fois qu’on s’est jeté.e à l’eau, ça remue donc bien plus que ce qu’on avait imaginé, que tout ce qu’on avait essayé d’anticiper : courants, contre-courants, obstacles divers et variés qu’on choisit de voir comme autant d’opportunités de nous affermir, de grandir, on affronte nos peurs (#7).

Les automatismes de notre vie d’avant ne nous servent plus à rien : c’est à nous d’inventer de nouveaux codes, de nouveaux modes de relations, tous nos repères ont sauté et… notre entourage historique nous tourne souvent le dos : leur monde n’est plus notre monde, on ne « colle plus » (ce que Kim Hudson dans son livre The Virgin’s Promise appelle « No Longer Fits Her World »), ielles ne nous reconnaissent plus et ne nous soutiennent pas, bien au contraire (ce qu’on cherche à défendre, une nouvelle éthique amoureuse, est bien trop dérangeante le plus souvent pour l’hypocrisie ambiante).
Et si on a l’impudence, à un moment un peu plus difficile que les autres, de chercher une oreille compatissante, en se confiant à un.e parent.e, un.e ami.e ou même un.e psy, on nous renvoie à notre responsabilité : « Tu l’as bien cherché, tu ne vas pas venir te plaindre en plus ! On t’avait prévenu.e, c’était couru d’avance » (#8).

Malgré tout, on sait, on sent qu’on est sur la bonne voie, et on veut continuer à y croire. On mesure le chemin parcouru, on se rend compte que l’une après l’autre, on a déjà affronté pas mal de nos peurs et insécurités, on est fier.e de soi, on sent qu’on peut aller plus loin, on se le souhaite. Étape après étape.
Et peut-être parce qu’à un moment, on se sent soudain plus fort.e, on fait un pas de côté, on ose affronter une nouvelle peur… et soudain, une bourrasque qu’on n’avait pas vue venir, plus forte que les autres, semble nous emporter (ce que Kim Hudson appelle « Caught Shining ») et des tourbillons nous entraînent vers le « ventre de la baleine«  (#9).

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Et là, euh… c’est la crise, le climax en dramaturgie : on a l’impression qu’on va y laisser notre peau, on voudrait revenir en arrière, mais c’est trop tard : on est « au fond du gouffre » et on se demande si on reverra jamais la lumière du jour… On lâche alors toutes nos défenses, et on s’avoue vaincu.e : « J’ai joué, j’ai perdu », dit mon personnage dans LUTINE. Et c’est là, quand on lâche prise, qu’on aperçoit, tout au fond, tapie dans le noir… la « Grande Déesse » de la créativité et de la destruction, celle qui, après l’hiver, fait renaître les fleurs au printemps.

Et alors, là-bas, tout au bout du bout, on aperçoit soudain une lueur… Humble comme au premier jour, on ose demander de l’aide, tendre la main… et ô miracle : on réalise qu’on n’est pas seul.e, qu’on est pas le/la premier.e à vivre cette expérience, qu’avant nous, d’autres sont passé.e.s par là, et sont prêt.e.s à nous aider, à partager leur expérience avec nous. On va pouvoir ainsi remonter à la surface : d’autres sont là pour nous accompagner sur le chemin de nous-même (#10).

Et ces autres, souvent rassemblé.e.s en communautés (cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole poly, forum sur Internet, groupes sur Facebook) ont tout plein d’outils à partager avec nous – dont certains qu’on avait bien sûr déjà commencé à explorer et utiliser nous-mêmes : mais rien ne vaut le passage de témoin et le relais d’informations de pair·e à pair·e. C’est parce qu’on découvre que d’autres sont passé·es par là, qu’ielles aussi ont cru qu’ielles n’y arriveraient jamais, et qu’aujourd’hui, ielles semblent très heureuxes de leur nouvelle vie en Polyamorie… que notre espoir renaît, et avec lui, notre énergie positive pour nous en sortir et atteindre nous aussi, un jour, les rivages heureux de la Polyamorie.

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Première étape incontournable de cette spirale positive : l’accueil de nos émotions.
Tant d’entre nous ont été élevé·es avec l’idée qu’il fallait cacher, masquer, refouler nos émotions… qu’on n’y a même plus accès parfois, ou qu’on ne sait pas les reconnaître, parce qu’on les déguise. On les prend pour des ennemies… alors qu’elles sont nos alliées : elles sont là pour nous alerter, nous informer sur nous-mêmes, à un moment où le cerveau rationnel, lui, n’est pas nécessairement attentif.

Les émotions, que l’on vit dans notre corps, et qui se manifestent souvent (à l’exception de la joie) par des sensations physiques désagréables, voire douloureuses, sont souvent décriées et elles ont mauvaise presse : Arrête ton cinéma ! Que tu es chochotte ! Calme-toi immédiatement ou je vais te donner une bonne raison de pleurer ! Les garçons, ça ne pleure pas ! Pour qui tu te prends de me répondre comme ça ! C’est qui qui commande, ici ?

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On nous apprend à les mater, à les refouler. On nous apprend à les bloquer. On les ridiculise, on les dévalorise. On nous explique que nous devrions en avoir honte. Qu’on est trop sensible. Alors que c’est une chance d’être sensible et même hypersensible : c’est ce qui permet de nous connecter à la vie en nous, mais aussi à la vie en l’autre. C’est ce qui nous permet l’empathie, par la magie des neurones-miroirs.

[PARENTHÈSE. À propos des émotions, si vous n’avez pas encore vu Inside Out (Vice Versa) des studios Disney Pixar… précipitez-vous sur le DVD ! Pour petit.e.s et grand·es, ce film, construit (c’est mon intuition) à partir des livres de Dan Siegel sur le cerveau, nous explique comment, quand nous sommes tristes, en colère, ou que nous avons peur, notre cerveau émotionnel se déconnecte de notre cerveau rationnel et… passe aux commandes !
Le film est intelligent, drôle, bouleversant et… je vous invite à en lire les quelques lignes que j’ai écrites à son propos au moment de sa sortie tellement j’étais emballée : Nos émotions au cinéma (plus sur le cerveau et Dan Siegel… dans mon article #12 demain !).]

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Le principe de base d’une émotion est qu’elle a besoin d’être écoutée, entendue,  accueillie, acceptée. Si on la refoule, si on la nie, si on lui refuse notre attention, elle va redoubler d’intensité, revenir sous différentes formes, se glisser par l’interstice de la fenêtre quand on lui aura fermé la porte au nez.

Si on en a honte, si on culpabilise (c’est mal d’être jalouxe !), si on lui refuse l’accès à notre conscience… elle se déguisera et reviendra, par exemple, sous la forme de somatisations (j’en connais un rayon !).

Par exemple, la peur peut prendre la forme d’une colère. Mon aimé m’a promis de rentrer à minuit, mais il a du retard et aucune nouvelle. Je résiste un moment, j’essaie de penser à autre chose, et puis les pensées commencent à défiler dans ma tête, toutes plus alarmistes les unes que les autres : il sait pourtant que c’est important pour moi qu’il respecte le « cadre » sur lequel on s’est mis d’accord toutes les deux ; donc s’il a « pris le risque » d’arriver en retard alors qu’il a conscience que je vais sans doute mal le vivre, c’est que : soit il est vraiment très bien avec « elle« , au point d’en oublier que pendant qu’il prend du bon temps, moi je m’angoisse ; et je déroule le fil de mes pensées : il a eu beau faire son maximum pour me rassurer, il est en train de tomber amoureux d’elle, et puis, l’attrait de la nouveauté, je ne fais pas le poids, sans compter qu’elle est peut-être (cocher la case) plus belle, plus mince, plus douée en fellations, plus kinky, plus brillante, plus… (oh, on peut continuer pendant des heures comme ça !), et puis ils sont sûrement en train de faire l’amour en ce moment-même, et il doit prendre tellement de plaisir qu’il n’aura plus envie de me faire l’amour à moi après et… Bref, vous voyez le genre ? (Tout à fait déclinable au masculin, bien entendu : et s’il était plus… grand, plus musclé, plus doué en cunnilingus, s’il lui faisait mieux l’amour, et plus longtemps, s’il bandait plus dur, s’il la faisait plus jouir, plus rire… etc etc., à l’infini…) ; soit… – et c’est encore pire ! – : en fait, il a eu un accident ! Il est dans le coma, et les pompiers vont m’appeler d’une seconde à l’autre… blablabla.

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Quand le dit aimé arrive finalement avec une malheureuse petite demi-heure de retard, tout contrit, parce que le restaurant a eu un problème avec son terminal de carte bleue, et il a dû aller retirer de l’argent et là il s’est rendu compte qu’il n’avait plus de batterie, et après il y a eu un bug avec l’autolib, il a dû trouver une autre borne et… etc etc…, vous, vous n’êtes juste plus en état de l’entendre avec votre cerveau rationnel et… votre peur explose en colère ! Tu le sais pourtant que c’est important pour moi que tu respectes le cadre et que tu rentres à l’heure sur laquelle on s’est mis d’accord, en fait tu n’en as rien à faire de moi, etc. etc.

Et pour retourner à l’émotion de base – la peur qu’il ne vous aime plus et qu’il vous quitte… autrement dit, la peur de l’abandon, qui remonte à votre toute petite enfance, quand vous étiez dépendant·e de votre parent nourricier et que le moindre retard vous mettait en effet en danger vital -, il va falloir déblayer toutes les barrières que vous avez érigées entre vous et vous, nettoyer la colère, aller au-delà… jusqu’au moment où derrière la colère, vous découvrirez en effet la peur, viscérale, tripale… de mourir si on vous abandonne.
Je me suis un soir entendue dire à mon aimé : Quand tu es en retard comme ça et sans prévenir, j’ai peur que tu sois mortE. Et là, quand même, j’en ai pris conscience : est-ce que ma réaction disproportionnée par rapport à la situation ne remonte pas à… quand ma mère arrivait en retard pour me chercher à l’école ?! Aie aie aie…

La polyamorie peut en réalité être une bonne manière de faire en quelques mois autant de progrès qu’en dix ans de thérapie !

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C’est ça que j’appelle la « spirale positive » ?! Oui.
Car une fois qu’on a conscience que derrière l’expression d’une émotion peut s’en cacher une autre, une fois qu’on assume d’aller les débusquer, qu’on travaille dessus, qu’on choisit de les accueillir en amies et non plus en ennemies… alors, petit à petit, on se familiarise avec elles, et elles nous font moins peur.

On accepte que parfois, on semble « ne plus être nous-même » : on ne se reconnaît plus. Et en effet, ce n’est pas « nous », c’est « une partie de nous » qui s’exprime alors, c’est la peur en nous. Et on peut la prendre par la main (on peut même lui donner un nom), et la raccompagner à la porte.

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Et comment on fait ça ? On commence par accueillir l’émotion en nous, sous la forme de la sensation physique – souvent désagréable – qu’elle déclenche en nous.

C’est là par exemple qu’un outil comme TIPI (Technique d’identification des peurs sensorielles inconscientes) est particulièrement intéressant. Le principe en est simple : on se connecte à la sensation en nous, pendant deux minutes. On lâche la spirale négative des pensées qui nous entraîne inéluctablement vers le bas, et on se concentre sur les sensations de notre corps.

Comment se manifeste cette sensation désagréable ? Est-ce qu’on a mal au coeur ? La poitrine compressée ? Les boyaux en vrac ? Une sensation d’étouffer ? La poitrine resserrée ? Et puis on observe, simplement, comment se déplace, se transforme, peut-être, cette sensation physique. Sans chercher à la modifier, à la faire évoluer. Simplement, on l’observe. Sans jugement, sans critique, sans pensée. Et la plupart du temps, elle va en effet d’elle-même se modifier, se déplacer… et puis disparaître, le tout en moins de deux minutes. Magique, ou presque !

Sur les émotions, leurs manifestations et leur accueil, mon livre de référence est celui de Daniel Goleman : L’Intelligence émotionnelleMais j’aime aussi beaucoup ceux de Catherine Aimelet-Périssol, qui anime par ailleurs des ateliers de « Logique émotionnelle« , très « pratico-pratiques » et souvent libres d’accès, qui permettent non seulement de comprendre avec notre tête, mais aussi de ressentir concrètement, physiquement, dans notre corps, ce dont elle parle (j’ai moi-même suivi sa série de sept ateliers il y a environ trois ans, elle semble les reprendre chaque année.)

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Et puis, de manière plus générale, j’ai découvert il y a quelques années, ce qu’on appelle la « pensée positive », ou la psychologie positive. Et vraiment, littéralement, ça a changé ma vie.

Le tout premier livre qui a bouleversé la manière que j’avais de me voir et de me vivre, et m’a permis de m’accepter « telle que je suis » (en tout cas, j’y travaille au quotidien !) est Je pense trop de Christel Petitcollin, qui est devenue ma psy. J’ai accepté que je ne fonctionnais en effet « pas comme les autres » (source de beaucoup de souffrance depuis toujours) et que ce n’était pas « dans ma tête », mais bien réel. Que j’étais hyperesthésique, comme elle dit (je « sens », vois, ressens, entends, plus de choses que la majorité des gens), hypersensitive (lire à ce sujet les magnifiques livres d’Elaine N. Aron), neuro-droitière, avec une pensée en arborescence qui par ailleurs ne s’arrête jamais de tourner (le « petit moulin », le « monkey » dans ma tête, le hamster dans sa roue…).
(Cela fait quelques années que je me demande s’il peut y avoir un rapport entre hypersensitivité, douance, neuro-droitièr·es et polyamorie. Deborah Anapol qui a écrit un paragraphe en ce sens dans Polyamory in the 21st Century semble avoir la même intuition que moi.)

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C’est encore Christel Petitcollin, qui, la première, m’a mise sur la piste de 3 Kifs par jour, écrit par Florence Servan-Schreiber, qui à son tour, m’a donné envie de lire les livres qui l’avaient inspirée, dont  L’Apprentissage de l’imperfection (un trésor ! C’est Ie livre grâce auquel j’ai écrit et réalisé mon film LUTINE ; celui grâce auquel j’ai commencé ce blog ; celui grâce auquel j’ose en ce moment-même être en train d’écrire cet article : j’ai accepté d’apprendre à être imparfaite ! Et je suis très douée pour ça !).

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Le principe de base, c’est qu’une pensée positive entraîne une pensée positive… et une pensée négative, une pensée négative. Emballée par mes lectures, mais ayant aussi découvert que le cerveau est malléable, et que pour lui apprendre à emprunter de nouveaux chemins, il faut l’éduquer progressivement, j’ai entrepris d’écrire, le 1er novembre 2014, 13 articles de pensée positive…devenus 21, que je vous invite à lire – partie pour 13, j’en ai finalement écrit 21 d’affilée, tellement j’y ai pris goût… à un moment où j’étais pourtant au fond du trou et le moral dans les chaussettes.

Tous ces outils, « trucs » que j’ai découverts, explorés, intégrés progressivement, m’aident considérablement au jour le jour, à voir « la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide ».

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Par exemple, au lieu de penser que la personne que vous aimez passe la soirée avec un.e autre et que vous êtes, pauvre malheureuxe, tout.e seul.e dans votre coin, pensez plutôt à la chance que vous avez qu’ielle partage votre vie après x temps passé ensemble, de savoir qu’ielle va revenir vers vous, et sans doute encore plus amoureuxe de vous parce que épanoui.e et libre. Pensez depuis combien de temps ielle vous a montré qu’ielle tenait à vous, jour après jour, et à tous les moments heureux que vous avez passés ensemble, et qui tissent entre vous des liens si forts.

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Et vous, comment vous en sortez-vous quand vous sentez que vos pensées vous entraînent vers le bas ? Avez-vous des « trucs », des outils ? Les partageriez-vous avec nous dans les commentaires ci-dessous ? L’espace vous est réservé.

Au plaisir de vous lire,
et à demain, avec amour, bienveillance et compassion,

Isabelle

4 réflexions sur « Voyage en Polyamorie #11. 8b. Spirale positive »

  1. Que dire de plus ? S’apercevoir que les étapes par lesquelles on passe sont normales, qu’on n’est pas des crétins, des hypocrites, que oui, le polyamour correspond vraiment à ce qu’on veut et que non, on ne s’est pas ramassé.e… C’est énorme et unique. Et ça fait tant de bien !

  2. Ce matin, je me suis réveillée avec une crise d’angoisse, due entre autres à ce que chéri regardait les annonces d’okcupid hier, et une heure après, plus rien ! L’angoisse s’était envolée ! Je l’ai aidée en faisant ce que j’aime (à savoir chercher des photos sur Tumblr de Mick Jagger et Keith Richards pour étayer ma théorie qu’ils sont en fait amoureux l’un de l’autre… Ne riez pas, chacun.e son truc !) et je me sens vraiment engagée dans la spirale positive. Merci pour tout !

  3. « La peur peut prendre la forme d’une colère. »
    Ça j’ai vu très clairement un jour… une maman avec son gamin au trottoir, le petit se lance vers la chaussée. Je vois le visage de la mère pris par la peur, elle rattrape l’enfant, et elle bascule immédiatement dans la colère.

    On les ressent dans la même partie du corps, il y a la remonté d’adrénaline qui te prépare à fuir ou à se battre… qui se dissipe en colère contre la personne qui me fait peur. Elle me fait une frayeur parce que je pense qu’elle m’abandonne, et je me trouve en colère contre elle, contre toute logique…:-(

  4. Voyage en Polyamorie #11 – Polyamorie, colères et Asperger.

    La carte de tarot du tirage est LA JUSTICE. L’arcane la Justice porte le nombre qui, à l’horizontale, le symbole d’éternité et d’infini. Celui qui, avec un cœur représente la polyamorie, avec l’infini des relations sexo-affectives possibles. La justice implique un très haut niveau de discernement et donc de connaissance, pour être correctement pratiquée.
    Dans ce sens, il me semble difficile d’entreprendre un voyage en polyamorie sans avoir fait un travail sur soi. Le même qui devrait se faire avant de s’engager dans une relation monogame et d’avoir des enfants. Sauf que, dans notre société, tout cela semble comme allant de soi lorsqu’il s’agit de se marier ou de vivre en couple. Les accords sont tacites et rien n’est réellement discuté. En découvrant le monde de la polyamorie, j’ai découvert un mot qui est devenu extrêmement important : le consensus. En fait, la majorité des textes/contrats de mariage sont fait de devoirs, d’obligations et d’interdictions, décidés par des instances supérieures (droit civil ou religieux). Il n’y est pas question d’échanges, de décisions communes, de dialogue, de consensus et d’éthique relationnelle. Lorsqu’on décide de vivre les relations sexo-affectives autrement, c’est bien plus que juste avoir la liberté commune d’avoir plusieurs relations, c’est les vivre dans la communication.
    Si je regarde en arrière, dans toutes mes relations, toutes, toutes absolument toutes, j’ai toujours voulu exprimer mes ressentis, j’ai toujours voulu communiquer, expliquer. Mais, dans la grande majorité des cas, cela était mal perçu. Je faisais « des histoires pour rien », je « me prenais la tête », j’étais « carrément chiante », j’étais également « trop directe, trop franche » … Cette impossibilité de pouvoir communiquer mes ressentis, m’a trop souvent obligée à me taire, à « ravaler » ce que j’avais à dire et faisais qu’à force , je finisse par exploser et me mettre en colère. Beaucoup de mes partenaires m’ont également souvent dit que c’était assez pénible parce que « je sentais tout » et qu’il était quasi impossible de me mentir. Mais même en le sachant, ils continuaient à me cacher certaines choses, à nier lorsque « je sentais que quelque chose n’était pas clair », à me dire que « j’inventais, j’imaginais » … Ce qui me mettait dans un état d’immense de frustration qui souvent se terminait par une immense colère. J’éprouvais un vrai malaise physique, comme une oppression, qui montait, montait et ne se calmait que lorsque je me mettais à crier. Bien sûr, ensuite, je m’en voulais de m’être emportée, je culpabilisais, je me posais mille questions pour essayer de comprendre pourquoi j’avais été débordée par mes émotions. J’ai donc appris à me contrôler, à faire des « time out » en partant dans une autre pièce ou allant marcher (ce qui, pour moi, a un formidable effet calmant), à taper sur des coussins, à respirer, que sais-je encore …
    Mon psy a eu l’intuition que je pouvais avoir un cadre autistique tendance Asperger. Je pense qu’il a raison. Cela expliquerait également l’énorme quantité de dyslexies que j’ai : paralexie verbale, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie … Ainsi que mes problèmes relationnels car souvent trop directe et franche, ressentant un vrai malaise physique dans bien des situations où j’avais du mal à exprimer mon ressenti, en même temps que je ressentais tout très fortement. Le tout accompagné d’un réel besoin de solitude, tout en aimant beaucoup rencontrer de nouvelles personnes. Même si souvent ce n’est pas simple d’aller vers des inconnu.e.s, le plaisir de la découverte est souvent bien plus fort. Le même que je ressens en faisant des recherches aussi bien sur le terrain, que dans des bibliothèques ou Internet. Et autant je suis très à l’aise pour parler en public, même devant des centaines de personnes, autant je me sens terriblement mal au milieu de personnes inconnues avec lesquelles je dois interagir (anniversaires, vernissages, mariages, …). J’ai compris ainsi que toute ma vie j’ai été en train de me contrôler constamment. Que perdre le contrôle voulait souvent dire avoir honte, car à ce moment-là, ma différence était flagrante. Et souvent, j’ai eu à en souffrir, notamment à l’école, mais également dans mon travail. Combien de fois j’ai entendu dire que j’étais « agressive », car directe et parfois réagissant fortement car mal à l’aise ou point d’en avoir des malaises physiques. Maintenant, je peux me sentir relativement bien dans beaucoup de situations et mes malaises physiques du type oppression ont quasiment disparus. J’ai également appris « à me dire ». J’explique facilement mes dyslexies et le fait que j’ai un cadre autistique. Je dis que mes colères sont souvent le résultat d’une angoisse à cause d’une oppression physique. Je ressens même de la fierté en le disant et en expliquant que je suis prof depuis plus de 20 ans ou que j’ai donné des confs devant des centaines de personnes. J’ai appris à demander à l’autre personne d’arrêter une situation qui me rend malade, qui peut être aussi simple que quelqu’un qui essaie de m’expliquer un problème de maths auquel je ne comprends rien. J’essaie aussi d’expliquer mon besoin viscéral de vérité, tout comme celui de savoir où est l’autre. Comme Isa, le manque de communication, de nouvelles peut entraîner chez moi des peurs irraisonnées ou j’imagine le pire. Mes filles sont bien placées pour le savoir. Depuis que j’ai pu mettre un nom sur « mes bizarreries », je me sens moins frustrée et du coup moins colérique. J’ai également compris que si une relation me demande trop d’énergie, me fait sentir mal, alors il est préférable pour moi de m’éloigner, de lâcher du lest et de moins m’investir. J’ai régulièrement besoin de longues pauses de « solitude » relationnelle.
    Je pense qu’un aspect qui m’a énormément aidée pour ne pas trop « partir en vrille », c’est le fait d’être profondément positive et optimiste. La bouteille est toujours à moitié pleine pour moi. J’ai l’art de m’émerveillée de tous petits riens et régulièrement, je marche des heures dans la nature pour me ressourcer. Même au plus profond du gouffre, je vois la petite lumière au bout et je fais tout pour aller vers elle.
    J’ai aussi compris que vivre seule et ce qui me convient le mieux, tout en ayant de très nombreux.euses ami.e.s et connaissances et, par périodes, plusieurs amis/amants. C’est ainsi que je trouve mon équilibre.
    Tout comme Isa, je me pose la question sur le lien qui me paraît de plus en plus évident entre hypersensitivité, douance, neuro-droitiers – auxquels j’ajouterais neuro-atypiques et Asperger – et polyamorie.

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