ÉTHIQUE RELATIONNELLE #6. L’autre est… autre !

Au risque de paraître enfoncer une porte ouverte, ma pensée du jour va porter sur ce qui, pour moi, est peut-être mon grand principe de base  là où j’en suis aujourd’hui – et qui peut tenir en réalité en quelques mots assez simples :

L’AUTRE EST… AUTRE !
Aussi libre et respectable 
en tant qu’être humain
que je le suis moi. 

C’est mon credo humaniste, égalitaire, fondamental.

Et donc –  là encore, je préfère mettre les points sur les « i » – :  par définition même, intrinsèquement féministe.

D’ailleurs, nota bene au passage pour celleux auxquel·le·s ça aurait échappé jusqu’à présent : la polyamorie est – par définition – égalitaire, donc féministe : chaque partenaire a les mêmes droits, quel que soit son âge, son genre, son orientation sexuelle ou relationnelle.

En Espagne, où ielles semblent avoir quelques années d’avance sur nous, j’ai l’impression – pour ce que j’en ai vu – que la plupart des activistes poly sont aussi des activistes féministes.
J’apprécie de même particulièrement la description sur Facebook du groupe  Black and Poly, dont les modérateurs ont organisé la projection de LUTINE à Oakland pour le Pride Day l’année dernière : Polyamory is an ethical form of non monogamy, rooted in feminism, with relationships that are typically geared around egalitarianism [equality for all] and is the practice, desire, or acceptance of having more than one intimate relationship at a time with the knowledge and consent of everyone involved.

J’aimerais qu’en France, de même, on ne puisse envisager la polyamorie en dehors du féminisme.

Une des questions que je me pose régulièrement est : comment revendiquer le féminisme en militant pour les droits des femmes, sans paraître être contre les hommes en tant qu’hommes ? – dérive dans laquelle j’ai malheureusement l’impression qu’il est facile de glisser.

Mon fils m’a un jour dit, alors qu’il avait dix ans : « Maman, qui tu vois quand tu me regardes ? Je ne suis pas mon père, je ne suis pas « les hommes », je suis moi, ton fils, et j’aimerais que tu me vois pour qui je suis, moi. »
Évidemment, s’il me l’a dit ce jour-là, c’est parce qu’il savait que je pouvais l’entendre. Et j’en ai été bouleversée.

Oui, car « l’autre est autre » signifie aussi que l’autre n’est pas la projection que je peux avoir de lui – et qui m’appartient.

Si, quand mon fils donne une gifle à sa sœur – ce qu’il s’était passé ce jour-là, et qui m’avait littéralement fait sortir de mes gonds, par l’image que j’y avais projetée des violences faites aux femmes – je vois en effet en lui tous les hommes violents depuis la nuit des temps… alors je ne lui laisse aucune chance, je coupe la communication entre nous, et la relation » (l’histoire que je me raconte) est biaisée dès le départ : quoi qu’il puisse chercher à me dire, je serais fermée au dialogue.

Je souhaite m’inscrire en faux et lutter contre le système de la société patriarcale dans laquelle on a tou·te·s vu le jour et qui est construite sur une hiérarchie entre les individu·e·s – dont le principe même va à l’encontre de mes convictions les plus profondes – sans pour autant sembler reprocher aux hommes « qui » ils sont. Au contraire, un par un, leur donner entendre notre voix, les aider à voir à travers nos yeux, à vivre le monde via l’expérience que l’on en a.

2000px-Whitehead-link-alternative-sexuality-symbol.svg
L’autre étant autre, différent·e, séparé·e, et aussi respectable et libre que moi dans ses choix de vie, son libre-arbitre, ses désirs, je n’ai par principe, aucun « droit » sur elle ou lui.
Quand ielle décide quelque chose, c’est son choix. Je peux parler de moi, de ce que ça provoque en moi, des émotions que peut-être ça réveille… mais ça reste son choix, sa vie. Chaque être est libre, absolument, intrinsèquement.

Et la seule façon de savoir ce que l’autre a en tête, quelles sont ses émotions, ses désirs, ou ses motivations… est de le lui demander.
Ne pas faire de projections, de suppositions, d’hypothèses… qui ne sont que des pensées qui, par définition, m’appartiennent et n’ont rien à voir avec la réalité.

Demain… je reviendrai sur la pratique de la communication compassionnelle – terme que je préfère à « communication non-violente », car de manière générale, je n’aime pas ce qui se définit en « non-quelque chose » (dans « non-violente », j’entends encore la référence à « violente »).

Hâte de lire vos commentaires,
avec plaisir,
amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
réagir à mes articles, ici ou sur Facebook et me poser des questions
me soutenir financièrement, en suivant ce lien sur HelloAsso
– et désormais aussi me consulter sur vos relations : il suffit de cliquer sur l’onglet Consultations !

Une réflexion sur « ÉTHIQUE RELATIONNELLE #6. L’autre est… autre ! »

  1. Chère Isabelle,

    En dehors du fait que je te rejoins complètement concernant l’importance d’apporter des définitions positives et non négatives, j’aimerais répondre sur un point qui me semble très important, en espérant que ma réponse complètera ce que tu as écrit.

    « Revendiquer le féminisme en militant pour les droits des femmes, sans paraître être contre les hommes en tant qu’hommes. »

    Cela est complètement possible, à mon avis. Écouter (ou lire) à ce sujet l’excellent discours « HeForShe » d’Emma Watson aux Nations-Unies, prononcé le 20 septembre 2014.

    En voici un extrait : « I’ve seen my father’s role as a parent being valued less by society despite my needing his presence as a child as much as my mother’s. I’ve seen young men suffering from mental illness unable to ask for help for fear it would make them less of a men or less of a man—in fact in the UK suicide is the biggest killer of men between 20 to 49, eclipsing road accidents, cancer and coronary heart disease. I’ve seen men made fragile and insecure by a distorted sense of what constitutes male success. Men don’t have the benefits of equality either.  
    We don’t often talk about men being imprisoned by gender stereotypes but I can see that they are, and that when they are free, things will change for women as a natural consequence. If men don’t have to be aggressive in order to be accepted, women won’t feel compelled to be submissive. If men don’t have to control, women won’t have to be controlled.
    Both men and women should feel free to be sensitive. Both men and women should feel free to be strong… It is time that we all perceive gender on a spectrum instead of two sets of opposing ideals. If we stop defining each other by what we are not and start defining ourselves by who we are—we can all be freer, and this is what HeForShe is about. It’s about freedom. »

    Elle ne fait que reprendre un argument qui a été avancé par Martin Luther King dans le Civil Rights Movement : une société dans laquelle Noirs et Blancs ne sont pas égaux n’est pas une société saine, c’est une société qui – potentiellement – engendre de la violence. Ce que MLK appelait « negative peace » est une situation dans laquelle on se contente de l’absence de « violence » au présent, sans se soucier d’éradiquer les graines de la violence future. Pour arriver à une situation de « positive peace », en revanche, il est également nécessaire de garantir la justice sociale pour prévenir toute violence future.

    De façon similaire, il est donc très important pour les hommes également de tout faire pour se débarrasser des stéréotypes de genre qui les empêchent de s’épanouir en tant qu’INDIVIDUS, plutôt que de répondre aux attentes d’une société qui les oblige à se comporter de telle ou telle façon, à refouler leur sensibilité, à éviter à tout prix de s’atteler aux tâches ménagères parce que cela mettrait en danger leur masculinité et autres conneries en ce genre.

    Je pense que la comparaison à King est d’autant plus utile ici que tu fais référence au Womanism, et qu’en effet il est très important également, second point, que le féminisme soit intersectionnel, qu’il tienne compte qu’une femme n’est pas seulement définie par le fait qu’elle est une femme, mais aussi par toutes les autres facettes de sa personnalité, que ce soit son origine ethnique, son orientation sexuelle, son orientation relationnelle (mono ? / poly ?)…

    Désolé si mon message est un peu long, mais d’une part je rechignais à raccourcir ce passage du discours d’Emma Watson, et d’autre part, cela fait 15 jours que j’ai des soucis de connexion et que je ne peux plus commenter tes publications, donc il fallait bien que je débarrasse de la frustration. 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *