ÉTHIQUE RELATIONNELLE #22. Récap’ !

Et hop ! Voilà donc ma 5ème série de 21 articles d’affilée terminée… après
– 13 Jours devenus 21 de pensée positive
–  21 jours de Mindsight
21 jours de Voyage en Polyamorie
– 21 Jours pour des relations positives.
Et pourtant, j’en avais encore, des choses à dire ! Je crois donc que je vais désormais m’atteler plus sérieusement à ce dont je parle quelque temps : un livre !

En attendant, voici donc le récap » de ces 21 articles sur l’éthique relationnelle, ou pour des relations éthiques.
1. Ma note d’intentions
2. Poly-quoi ? Amorie ! Polyamorie. Pourquoi je choisis de parler de « polyamorie » et non de « polyamour », comme c’est pourtant plus souvent le cas en français.
3. La Polyamorie, donc : où il est question de relations consensuelles et éthiques
4. Ok, mais… qu’est-ce que l’éthique ? (Notamment par rapport à la « morale »)
5. Où l’on parle de Règles générales et de cas particuliers : chaque relation est unique, comme l’est chaque personne.
6. L’autre est… autre ! En réalité, c’est le fondement de « mon » éthique : l’autre est autre, tout aussi libre et légitime que moi dans ses désirs, besoins, émotions.
7. Communication compassionnelle : un autre nom pour « communication non-violente », mais au fond, on parle bien de la même chose. Où il s’agit avant tout d’écouter l’autre, et de m’exprimer au « JE », dans le respect, le non-jugement et la bienveillance.
8. Droit à se définir soi-même : où il est question, quand quelqu’un·e prétend tenter de franchir mes limites psychiques, de relations abusives. J’ai le droit de ME définir « inside out« , et toute prétention venue de l’extérieur à me définir « outside in » est non seulement absurde et une forme de « non-sens », mais déjà, en réalité, une forme d’abus.
9. De l’importance des limites psychiques : où il est important de se connaître, et d’oser affirmer ses propres limites, tout comme il est important de respecter absolument – et sans  ergoter ! – les limites d’un·e autre. C’est aussi là où je vais plus loin que le « non, c’est non » français, en reprenant ce slogan venu du Québec : « Sans oui, c’est non ! ».
10. Primum Non Nocereavant tout, ne pas nuire. Ne pas faire de mal, psychique ou physique. Et dans le doute : s’abstenir. Respecter l’intégrité, le libre-arbitre absolu de l’autre.
11. Se faire du bien. En réalité, je vais plus loin que « ne pas nuire », en positivant la formule : en effet, pour moi, quand on entre en relation avec quelqu’un·e, quelle que soit la forme de cette relation, l’enjeu est bien de : faire du bien à l’autre, et qu’ielle me fasse du bien. Dans tous les sens du terme. Que chacun·e respecte l’autre, son autonomie, sa liberté, son libre-arbitre, et l’accompagne dans son cheminement vers une meilleure version de soi-même. Et quand ce n’est pas ou plus le cas… alors il est peut-être temps de prendre des chemins différents.
12. À propos d’amour. Où il est notamment question du livre de Carrie Jenkins : What Love Is And What It Could Be. Où l’on parle de l’amour à la fois comme un fait biologique ET comme une construction sociale. À mon sens : passionnant !
13. En quoi la polyamorie dérange-t-elle encore tant ? De mon point de vue, parce qu’elle remet en cause le fondement même de la société patriarcale capitaliste et hiérarchique dans laquelle on vit : la sacro-sainte norme du « couple » (hétéro-)monogame, dans lequel deux personnes choisissent de restreindre leur propre liberté en échange de celle de l’autre (en théorie, parce qu’en pratique, on vit beaucoup en Hypocrisie).
14. La Polyamorie est révolutionnaire. Allez, j’assume !
15. Assumer mes responsabilités. Il s’agit notamment d’assumer la responsabilité de mes émotions et de mes réactions. « Tu as le droit d’être en colère, tu n’as pas le droit de taper ou de dire des méchancetés » : c’est une des premières choses que l’on apprend à un enfant, dès tout petit. En effet, mes émotions sont les miennes, elles m’appartiennent, et j’en suis responsable. Ce qui ne signifie pas pour autant que je peux faire n’importe quoi sans tenir compte des émotions des personnes avec lesquelles je suis en relation, et envers lesquelles j’ai des engagements : c’est bien pourquoi il est ici question… d’éthique !
16. Maintenir le lien. Dans une relation, est-ce que je cherche à « avoir raison » et à « soumettre l’autre », ou bien est-ce que la qualité de la relation que nous entretenons m’importe ? Si à chaque ornière sur le coin de la route, je remets en cause la relation et je menace de la quitter, est-ce que l’autre peut se se sentir libre d’exprimer ses émotions ?
17. Un contrat librement consenti et… renouvelable. On doit pouvoir rediscuter des accords que l’on a passés : chacun·e a le droit d’évoluer et de changer d’avis. En effet, quand on ne bouge plus… c’est qu’on est mort·e !
18. Accueillir les transitions. Parfois, les accords que l’on avait passés ne conviennent plus à l’un·e ou à l’autre et la relation ne lui fait plus de bien. Il peut alors être bon de « lâcher prise » sur la forme qu’avait la relation, et lui permettre d’évoluer en douceur. Où, dans les relations éthiques, on parle plus de « transitions » que de « ruptures ».
19. Accords versus Règles. Un « accord » est passé entre toutes les personnes concernées. Une « règle » est imposée à une personne par une autre, qui cherche en réalité souvent à se protéger de ses propres émotions et insécurités. Et une règle, quand elle est « imposée » et n’est pas juste « éthiquement parlant » (au sens de Kant : est-elle universalisable ?) appelle à mon sens à la transgression – car c’est le propre même de l’être humain que d’être intrinsèquement libre. 
20. Poser ses limites. Là encore, où connaître et poser ses propres limites est essentiel pour être heureuxe dans une relation, et est très différent d’imposer une règle à quelqu’un·e d’autre. Dans le premier cas, je me définis « inside out » : je définis les limites au-delà desquelles je ne me sens pas en sécurité ; dans le second, je cherche à imposer à l’autre une règle « outside in », qui lui est imposé par moi. D’où la question : à quel moment une relation, ou même un comportement, deviennent-ils abusifs ? C’est bien tout l’enjeu de cette réflexion sur l’éthique (car s’il y avait des réponses toutes faites aux questions que je pose, ça se saurait !)
21. Respect et Confiance sont pour moi les deux piliers essentiels d’une relation. Sans respect, pas de relation digne de ce nom, juste un lien de subordination, ou de dépendance. Sans confiance, on est alors dans son inverse : la dé-fiance, ou la mé-fiance, ce qui signifie que pour une raison ou pour une autre (légitime ou pas), on se sent en insécurité ; et lorsque l’on se sent en insécurité, on n’est plus dans un état émotionnel serein nous permettant d’être dans une relation épanouissante.

Oups, je vois bien que je me suis un peu « lâchée » à nouveau dans la description de ces articles, et qu’il reste encore tellement de choses à dire !

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #21. Respect et Confiance

… Où il est important, aussi, d’entretenir avec soi-même une relation éthique : d’être à sa propre écoute, de savoir s’accueillir avec bienveillance, tolérance, non-jugement et… indulgence.

Me voici donc arrivée au terme de ce nouveau défi que je m’étais lancée à moi-même, ces 21 jours d’articles sur le thème de l’éthique des relations.

Je me rends compte que j’ai finalement parlé plus souvent que je ne l’avais imaginé des relations plurielles consensuelles, et notamment de celles que l’on désigne sous le terme-parapluie de polyamorie (rappelons que le libertinage est aussi une forme de non-exclusivité consensuelle, qui renvoie le plus souvent plus spécifiquement à des relations sexuelles, tandis que l’adultère est certes, une non-exclusivité, mais non-consensuelle par définition, puisqu’au moins l’une des personnes concernées n’est pas même au courant).

De nombreux livres m’ont inspirée lors de mes réflexions, et notamment More Than Two, du blog du même nom, écrit à quatre mains par Franklin Veaux et Eve Rickert, et à qui je tiens à rendre hommage ici : c’est sous leur plume, en effet, que j’ai notamment pris conscience de la différence entre des accords d’un côté, qui sont passés entre toutes les personnes concernées, et des « règles » de l’autre, qui potentiellement s’appliquent à une tierce personne ; de même que la différence entre poser ses propres limites d’un côté, et imposer des règles à quelqu’un·e d’autre, de l’autre.

C’est encore à elleux que je dois une partie de ma réflexion sur les droits qu’ielles ont appelé les « droits de la personne en relation secondaire« , autrement dit d’une personne qui serait en relation avec des personnes déjà elles-mêmes en relation dite « primaire ».
J’avoue cependant que ces termes « primaire » et « secondaire » qui renvoient, pour moi, à une échelle de « hiérarchie » (rankingsupposée entre les personnes (ou les relations) me posent problème en eux-mêmes. Il n’est cependant pas toujours simple de trouver de bons mots pour décrire des situations inédites jusqu’à présent dans les relations (dans mon article #20, j’ai par exemple choisi d’employer le terme de partenaire « historique », pour désigner une relation antérieure à une autre).
Pour celleux que ça intéresse et qui lisent en anglais, je ne peux que vous encourager à prendre connaissance du « Secondary Bill of Rights » écrit par Franklin Veaux en 2013.

Au final, j’ai la sensation que les éléments les plus importants à cultiver dans des relations, quelles qu’elle soient, sont le respect mutuel, en toutes circonstances, et la confiance – confiance en soi, confiance en l’autre, confiance en la relation.

Dans mon Voyage en Polyamorie, j’ai souvent opposé l’Amour d’un côté, la Peur de l’autre.
En réalité, je crois qu’ils correspondent aussi à la Con-fiance d’un côté, la Dé-fiance de l’autre :

  • avoir confiance que son/sa partenaire est quelqu’un·e de fiable, qu’on peut se fier à sa parole, se sentir en sécurité qu’ielle ne fera jamais rien « contre nous » et que, s’il lui arrive de faire quelque chose qui nous perturbe, c’est dans tous les cas « pour ellui » (Ne rien prendre personnellement » : 2ème accord toltèque) ; l’autre soir lors d’un groupe de parole, une femme nous racontait que son mari, quand il la sentait perdre pied, la rassurait en lui disant : Je ne suis pas contre toi.
  • par opposition à se sentir en « in-sécurité », se méfier de l’autre, et en conséquence, une fois que notre système d’alerte interne a été activé (à juste titre ou non), percevoir la réalité à travers un filtre déformant « parano » qui nous fait interpréter tout dans un sens qui nous est défavorable.

Philippe Jeammet, psychiatre qui vient de publier un livre sur les émotions (Quand les émotions nous rendent fous) oppose précisément ces deux états émotionnels : la confiance d’un côté, la peur de l’autre. (À ce propos, je vous invite à écouter en podcast l’excellente émission de La Tête au Carré sur France Inter).

Quand votre partenaire a envie de passer du temps avec une autre personne, plutôt que de vous focaliser sur le « manque », la bouteille à moitié vide, et de vous demander pourquoi ielle n’est pas avec vous… pensez plutôt à la bouteille à moitié pleine : à tous ces moments passés ensemble, à ce qui fait qu’ielle revient, est revenu·e et reviendra encore vers vous, pour tout que vous avez co-créé ensemble, pour cette relation forte que vous avez ensemble.

L’enjeu de la confiance me renvoie à ce mantra qui me vient de Susan Jeffers, ma gourou en chef, celle qu’aucun·e des dizaines d’auteurices que j’ai lu·es depuis des années n’a réussi à détrôner :

Whatever happens, I’ll handle it.

C’est le mantra qui me renvoie à la Déesse intérieure en moi, cette confiance absolue que quoiqu’il arrive, je m’en sortirai. C’est aussi celui qui dit : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. 

Susan Jeffers est aussi l’autrice qui a écrit le super Feel The Fear and Do It Anyway. Il ne s’agit pas de ne « plus avoir peur« , ni de « lutter contre sa peur« , ni encore de chercher se convaincre qu’il n’y a « aucune raison d’avoir peur » (avez-vous déjà essayé de « raisonner » un enfant qui a peur que quelqu’un soit caché derrière ses rideaux ?), mais bien d’accueillir la peur en nous, comme il s’agit d’accueillir en nous toutes nos émotions, qui sont là, qui sont légitimes, qui sont nos alliées pour nous aider à comprendre ce qu’il se passe en nous, et, une fois qu’on l’a accueillie, acceptée, regardée en face, d’y aller quand mêmeNe pas attendre de ne plus ressentir la peur pour faire le premier pas.

Et puis, petit pas à petit pas, chaque jour de mieux en mieux… avancer sur le chemin qui est le nôtre.

L’enjeu, quand on entre en relation avec quelqu’un·e, est de créer de l’intimité, de se relier à ellui d’une manière authentique. De ne pas tricher, de ne pas faire semblant. Si on a peur de lea perdre, partager cette peur avec ellui, la lui faire connaître… en espérant qu’ielle saura l’accueillir sans jugement et dans la bienveillance. Et si ça ne le fait pas… alors c’est que ça ne devait pas le faire, et passer son chemin.

C’est en s’ouvrant peu à peu à l’autre dans la confiance et dans l’amour, que se crée jour après jour entre nous une intimité qui nous rend à la fois plus vulnérable et plus fort·e l’un·e et l’autre.

Rien ne sert de construire des barricades autour de notre relation : si l’autre doit un jour partir, rien ni personne ne pourra jamais lea retenir contre son gré. Les « règles » que l’on cherche à imposer à l’autre pour apaiser nos propres craintes… sont comme autant de barreaux de prison : l’autre y restera tant que cela lui conviendra aussi… et puis si un jour cela ne lui correspond plus, ielle les franchira.
Rien ne sert de lutter contre le courant : mieux vaut se laisser porter.

L’autre est un miroir pour moi. Quand quelqu’un·e me parle de moi, en réalité, ielle me parle d’ellui. Et si moi je suis tenté·e de lui faire un reproche, me poser la question : qu’est-ce que cela révèle… de moi ? Qu’est-ce qui me dérange en l’autre qui, en réalité, me renvoie à moi et à mes propres ombres ?

Une relation intime me permet de petit à petit mieux apprendre à aimer, mieux apprendre à m’aimer moi, mieux apprendre à aimer l’autre, et de devenir une meilleure version de moi-même.

Là encore, les écrits de Susan Jeffers sont une source d’inspiration constante pour moi. C’est elle qui a écrit Embracing Uncertainty, elle encore à qui j’ai emprunté mon fameux petit « … – ou pas » qui m’aide tant au quotidien pour apprendre à lâcher prise sur les attentes et m’ouvrir à ce que la vie m’apporte : rester curieuxe, ouvert·e, cultiver en soi sa capacité d’émerveillement.
Susan Jeffers encore qui parle d’accueillir en soi au moins « un waouh par jour«  !

L’enjeu est d’apprendre à s’aimer soi-même, à être soi-même, pour pouvoir s’ouvrir à l’autre : c’est le fameux « moi-m’aime« .

Si je sais que quoiqu’il arrive, je serai là pour moi, parce que je suis mon propre parent intérieur qui vient rassurer mon « enfant intérieur » – qu’il y a quelques jours, j’ai soudain visualisée comme « mon enfant autiste » – alors je ne crains plus l’autre. Car je sais que l’autre, ellui aussi, fait du mieux qu’ielle peut, et ne fait rien « contre moi », mais « pour ellui ». Et je peux avoir confiance en ellui pour ne pas me vouloir de mal. Je peux alors m’ouvrir à ellui, comme ielle peut s’ouvrir à moi : dans l’accueil et la bienveillance.

Respect – regarder l’autre comme un·e autre, comme une merveille de la vie, aussi libre et légitime que moi – et confiance – confiance en moi, confiance en l’autre, confiance en la relation – sont pour moi les deux piliers d’une relation positive et éthique à l’autre.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #20. Poser ses limites

Dans une relation, se respecter soi-même commence par se connaître, et assumer de poser ses propres limites. Poser ses limites, les connaître et les faire connaître à l’autre, n’est pas la même chose que d’imposer des règles… à l’autre. 

Dans le premier cas, il s’agit d’assumer de protéger mon propre territoire, de délimiter ce qui fait que je me sens en sécurité ; dans le second, d’empiéter sur le territoire de l’autre, en cherchant à lea priver de son libre-arbitre, voire de sa liberté de choix.

Et le no-wo·man’s land entre les deux… est précisément là où se joue l’éthique.

Qu’est-ce qui est éthique, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Où est la limite entre un comportement « éthique », et un qui ne le serait plus ? C’est bien tout l’enjeu. Et n’espérez pas trouver une quelconque réponse à ces questions dans cet article : comme c’est le cas dans les cafés ou groupes de parole poly, ainsi que je le dis dans mon film LUTINE, on en ressort souvent avec plus de questions que de réponses… et c’est OK.

Ouvrir le champ des consciences, se poser des questions sur soi et le monde, réaliser qu’il n’y a pas de réponses toutes faites, pas de « prêt-à-porter » des relations : voilà quelle est mon ambition ici.

Une relation ne peut être que du sur-mesure, qui tient compte de toutes les personnes concernées, de tous les enjeux spécifiques à une situation donnée et le seul objectif réaliste ne peut être que de faire de son mieux de manière à ce  chacun·e y trouve son compte, dans le respect et la confiance.

Chaque cas est particulier, chaque histoire est unique, chaque relation a ses spécificités.
Pas de règles générales, que des cas particuliers : voilà pourquoi je parle ici d’éthique, et non de « morale ».

En réalité, les véritables enjeux dans une relation sont les limites émotionnelles de l’un·e et de l’autre : les traumas hérités de l’enfance, et parfois aussi, malheureusement, des relations précédentes.

Et ce n’est souvent que lorsque l’on a appuyé (c’est-à-dire, trop tard pour revenir en arrière) sur un « trigger »,  un « bouton émotionnel« , que l’on en prend conscience :  Ah tiens, j’ai disjoncté, là, qu’a-t-il bien pu se passer ? Il était où, il est où, mon « bouton » ?

Il est important d’apprendre à se connaître, à repérer ses « boutons », pour ensuite pouvoir les travailler, et peu à peu, les apaiser.

Quand on entre en relation intime avec quelqu’un·e, on lâche les défenses, on se met à nu, au sens propre comme au sens figuré.
Il n’y a rien de plus beau, de plus fort et de plus émouvant que d’autoriser une personne à entrer dans notre espace intime, lui donnant accès à qui on est au plus profond, lui donnant la possibilité de nous transformer en profondeur – avec notre consentement – pour devenir, on l’espère, une meilleure version de nous-même.
En contrepartie, cette personne a désormais un pouvoir immense sur nous, qui est de nous blesser, nous heurter, parce qu’on lui a montré nos failles et nos vulnérabilités.

Quand quelqu’un·e nous a donné sa confiance, tâchons de nous en montrer digne. Nous avons une responsabilité envers ellui. Si, dans une relation, l’un·e est en difficulté émotionnelle, le devoir moral – à mon sens – de l’autre, est de ne pas lui lâcher la main, et de l’accompagner sur son chemin.
Il ne s’agit pas de renoncer à qui on est – tout le monde y serait perdant à un moment ou à un autre – mais de ne pas forcer les choses, de laisser le temps au temps, de respecter le rythme de chacun·e.

Et parfois, si les besoins de l’un·e et de l’autre s’avèrent incompatibles, si on se fait plus de mal que de bien, alors il peut être important de lâcher la résistance et de laisser se dissoudre le lien, de prendre de la distance, de faire évoluer la relation, voire de la rompre, si vraiment elle s’avérait toxique pour l’un·e ou l’autre.

Quelques règles de base ont prouvé leur utilité : mieux vaut avancer au rythme du / de la plus lent·e. Car si on essaie de passer en force, alors en face, se met en place la Résistance.

En effet, quand on se sent en insécurité, on n’est « pas soi-même », pas en état de raisonner : l’insécurité crée un « filtre parano », et on lit tout à travers ce filtre.

Dans sa « théorie du choix », dont je parlais dans mon article sur les besoins fondamentaux, William Glasser en dénombre cinq : la sécurité, l’amour et l’appartenance, le pouvoir, la liberté, le plaisir.

Quand notre cerveau émotionnel détecte un danger – réel ou projeté, peu importe -, il déclenche le plan Orsec : le flux sanguin quitte notre cerveau pour affluer vers nos muscles et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nos capacités à réfléchir et décider sont amoindries. 


Quand je me sens en insécurité – qu’elle soit donc « justifiée » ou non -, je ne suis donc plus réellement dans mon état « normal » : je vois tout à travers un filtre déformant. J’ai l’impression d’être lucide et rationnel·le… mais c’est loin d’être le cas.

C’est alors qu’il est important de savoir repérer en soi ces moments de déconnection de soi-même : ce n’est plus « nous » qui parlons, mais la partie de nous qui a peur, qui imagine le pire, qui projette ses cauchemars comme sur un écran de cinéma. Tout ça n’a plus rien à voir avec la « réalité », mais bien avec les histoires qu’on se raconte.


Important dans ces moments-là d’avoir conscience de soi-même, et de ne pas prendre ses fantasmes ou ses cauchemars pour la réalité.

N’empêche : pour pouvoir retrouver un état serein, on peut avoir besoin de temps. Et il est alors tout à fait légitime de poser ses limites.
Savoir reconnaître par exemple : En ce moment, je ne suis pas capable de gérer telle ou telle chose.
Et dans tous les cas, j’ai le droit de dire ce qui est supportable – ou pas – pour moi.

J’ai par exemple le « droit » de dire : Je ne veux pas savoir car je sens que je ne pourrais pas, là, émotionnellement gérer… – ce qui n’est pas la même chose que de dire : « Tu n’as pas le droit de… », même si je ne le sais pas.

Ce n’est en effet pas la même chose de poser ses propres limites, reconnaître ce qu’on est capable de gérer soi-même – ou pas -, ou de régenter la vie de quelqu’un·e d’autre, voire même d’une tierce personne avec laquelle notre partenaire serait en relation et, qui, elle aussi, a des droits, des désirs, des besoins et des émotions, une fois de plus – et au risque d’insister – : tout aussi légitimes que les miens.

Il est essentiel à mon sens, pour des relations positives et éthiques, que tout le monde soit sur la même ligne de respect des autres.

J’ai le droit de poser mes limites. 
Je n’ai pas le droit de dicter sa conduite à quelqu’un·e d’autre. 

Si quelqu’un·e me dicte ma conduite, me dit ce que j’ai le droit de faire ou pas, qui j’ai le droit de voir ou pas, ou dans quel créneau horaire… sous prétexte qu’ielle-même n’arrive pas à gérer ses insécurités, alors on peut très vite basculer dans l’abus.

En polyamorie, on a souvent tendance à raisonner en se plaçant du point de vue de la relation qui s’ouvre, parce que notre société et notre culture sont centrées sur le couple, et ce qu’on appelle le « couple privilege« .

Mais si, pour une fois, on faisait un « pas de côté« , et si, au lieu de voir les choses du point de vue de la personne en relation primaire qui a peur de perdre ses privilèges, on se plaçait du point de vue de la tierce personne, qui a développé une relation avec l’un·e des partenaires de cette relation primaire : elle aussi, cette tierce personne, a le droit que l’on tienne compte de ses besoins.

De même que la personne que l’on dit être « pivot« , à la « pointe du V » entre son/sa partenaire principal·e et sa nouvelle relation, a le droit que soient entendus et respectés ses besoins, ses désirs, ses émotions.
Et s’ielle a envie de passer plus de temps avec sa nouvelle relation, son/sa partenaire historique a-t-ielle le droit de régenter son emploi du temps, ce qu’ielle fait de son corps, ou comment ielle gère ses émotions ?

 

En réalité, s’agit-il bien encore ici de « droits » ?

L’enjeu est de faire la différence entre exprimer ce qu’on est capable de supporter – ou non – (je pose mes limites, elles sont miennes), et prétendre empiéter sur le territoire de l’autre – émotionnel ou concret.

Quand tout le monde est sur le même terrain de respect de l’autre, d’empathie, d’accueil des émotions, et que chacun·e des personnes impliquées dans une relation a le même objectif : le bien-être de tou·te·s, alors on peut avancer main dans la main, au rythme du/de la plus lent·e, certes, mais toujours dans la même direction : vers plus de liberté, plus d’autonomie de chacun·e.

Il est important que chacun·e travaille sur soi, sur ses propres peurs, ses propres insécurités… dans le respect des besoins, désirs et émotions de toutes les personnes concernées.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #19. Accords versus Règles

De mon point de vue, si l’on souhaite vivre des relations positives, éthiques et en conscience, il est important qu’elles soient honnêtes, sincères et authentiques.

Pour moi, cela suppose en premier lieu, au moins de ne pas mentir, en commençant par ne pas se mentir.

{Parenthèse assumée :
Il ne s’agit pas non plus nécessairement de « toujours dire la vérité« , si on sait que certaines choses peuvent blesser l’autre.
Cela revient pour moi au fameux « Tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler« , en se posant la question : Est-ce que ce que je m’apprête à dire va dans le sens de faire du bien à la relation ? 

Christophe Vincent, coach certifié en Communication non-violente®, et qui anime pour Lutine & Cie des ateliers CNV / Poly, aime répéter, à propos d’une relation, qu’on a le choix entre

  • l’accepter
  • l’améliorer
  • la quitter
  • ou… se plaindre !

D’où : ce que je m’apprête à dire va-t-il aller dans le sens d’améliorer la situation ou la relation entre cette personne et moi ? Ou cela risque-t-il de la blesser ou de lui faire du mal, d’une manière ou d’une autre ? Quelle est mon intention ?

Parenthèse refermée.}

Être honnête et authentique – tant qu’on ne blesse pas l’autre (cf le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable) – est donc pour moi la première chose importante dans une relation.

« Ne pas supposer » en est sans doute une autre, tout aussi importante : c’est d’ailleurs le 3ème accord toltèque.
Autrement dit : ne pas projeter sur l’autre ce qu’on pense qu’ielle va dire ou comment ielle va réagir dans telle ou telle situation, mais… en parler, lui poser la question directement : que chacun·e ait le choix et l’opportunité de parler pour soi.

Imaginons une relation dans laquelle les deux partenaires se sont mis d’accord, préalablement, sur le fait que leur relation serait exclusive. Et puis l’un·e des deux, au bout d’un moment, a envie d’autre chose, s’interroge sur le fait d’ouvrir la relation. Que doit-ielle faire ? Comment en parler ?

Dans le monde « ordinaire » de la monogamie qui est le nôtre, régi par la « norme » de l’ascenseur relationnel, un tel désir risque d’être accueilli comme un coup de tonnerre : rien que le fait d’en avoir « envie » semble mettre en péril la relation toute entière.

Oui, mais ça, c’est parce qu’on croit qu’il n’est pas « possible » d’avoir plusieurs relations en même temps dans un cadre consensuel, éthique et respectueux de toutes les personnes concernées : parce que l’adultère lui-même fait en réalité partie des « codes », voire des présupposés, de l’ascenseur relationnel.

« On dirait qu’on serait monogames, mais en fait, comme au moins la moitié des gens qui se disent monogames, je tricherais… donc par définition, je ne te le dirais pas, et tu pourrais continuer à « croire » qu’on est mono, alors qu’en réalité, notre relation serait « non-monogame », mais de manière non-consensuelle. »

Pourquoi l’adultère fait-il si mal quand il est découvert ? Parce que par définition, il constitue une tricherie, une tromperie. D’ailleurs, en anglais, c’est le même mot : to cheat, qui désigne aussi bien « tricher dans un jeu », que « tromper », dans le sens d’une infidélité.
Il constitue une entorse à la parole donnée, un coup de canif dans le contrat, dit-on parfois : c’est dire la violence.

Comment avoir encore confiance dans l’autre, une fois qu’ielle vous a menti, trompé·e, trahi·e ?
S’ielle l’a fait une fois, c’est donc qu’ielle est « capable » de le faire, et donc pourra à nouveau le refaire ? Comment reconstruire une relation sur la base d’une rupture de la confiance ?

Par définition, la personne trompée est alors dans la mé-fiance et la dé-fiance, au lieu d’être dans la con-fiance. Donc dans une forme certaine d’insécurité. Et quand on est dans l’insécurité, difficile  de se sentir « bien », détendu·e, serein·e, difficile de se sentir à l’aise dans une relation. Comment retrouver la confiance ?

« Fidélité » vient de fides, fidei en latin, qui signifie : confiance.
Une personne fidèle est une personne digne de confiance, une personne fiable, une personne qui « dit ce qu’elle fait » et « fait ce qu’elle dit« . 

L’enjeu, dans une relation, est bien d’être « digne de confiance« .

L’essentiel, pour moi, est donc de se mettre d’accord sur les modalités de la relation : sur ce qui nous convient, ou pas. Et ensuite, de faire confiance à l’autre qu’ielle ne fera rien « contre nous », et que tout ce qu’ielle décidera de faire, sera « pour ellui ».

C’est ainsi que certaines personnes en viennent à se mettre d’accord sur le mode qu’on appelle Don’t Ask, Don’t Tell : Tu fais ce que tu veux MAIS… tu fais en sorte que je ne le sache pas.
Ce qui revient à demander : Dans certains cas, je te demande donc de me mentir. 

C’est un choix, tout aussi légitime qu’un autre, dans la mesure où les deux personnes sont d’accord – même si, selon moi, en pratique, il n’est pas toujours facile à mettre en place.

En effet, à partir du moment où une personne a demandé à ne rien savoir… combien de temps la situation peut-elle durer comme cela ? Si à un moment, par exemple, l’un·e vit une situation qui fait qu’en réalité, elle éprouve désormais le besoin d’en parler à l’autre (imaginons qu’elle a rencontré une personne avec laquelle elle a non seulement envie de passer une soirée, comme le stipulait l’accord préalable (Chacun·e de nous a le droit de sortir une soirée par semaine sans rien en dire à l’autre), mais aussi parfois une nuit), comment fait-elle ?
Puisque l’autre ne veut pas savoir ?

En réalité, l’accord passé entre les deux personnes devient un accord sur lequel on ne peut plus revenir sans le trahir : ce n’est donc plus un « accord » dans lequel les deux personnes se reconnaissent, mais cela devient une « règle » qui s’impose à l’un·e des deux, au détriment de ses propres besoins.

Le principe, pour moi, d’une relation éthique, est une relation dans laquelle chacun des accords que les personnes passent entre elles est, comme je l’ai dit dans mon article #17renouvelable et renégociable à tout moment.

Dans l’exemple précédent, on peut imaginer que l’accord « don’t ask don’t tell » soit par exemple rediscuté une fois par mois : Est-ce que la situation te convient toujours ? Et si non, que proposes-tu ?

Et si on en arrive à la situation que l’un·e ne veut pas savoir, et que l’autre a besoin de dire…, c’est là que vont s’avérer utiles, pour maintenir le lien, tous les outils de la communication compassionnelle, d’accueil des émotions, d’écoute empathique…

Souvent, une « règle » est édictée pour se protéger soi-même d’une émotion que l’on redoute. La question à se poser alors est : Ai-je le « droit » – d’un point de vue moral, éthique – d’empêcher l’autre de vivre quelque chose qui est important pour ellui à vivre… sous prétexte que je redoute les émotions par lesquelles je risque de passer ? 

Peut-on par exemple imaginer que la personne travaille sur elle-même et sur ses émotions, afin de comprendre ce qu’une telle situation réveille en elle, et d’où vient l’insécurité qu’elle ressent, et surtout, quel besoin se manifeste derrière sa demande spécifique ? 

Quand un besoin qui est le mien commence à empiéter sur la liberté, le désir, le besoin de l’autre… alors on peut se poser la question de sa légitimité, d’un point de vue éthique. Ce qui ne signifie pas que ce besoin en question n’est pas légitime : il l’est, radicalement, intrinsèquement.

Mais si l’on travaille sur les émotions qui sont en jeu plutôt que sur la « forme » que prend ce besoin, alors on a peut-être une chance de trouver un accord qui satisfasse les deux partenaires, plutôt que s’accrocher sur les modalités pratiques.

Exemple : un couple s’est mis d’accord sur le fait que chacun·e d’elleux peut passer une soirée avec une autre personne, mais pas une nuit entière. Tant que cela convient à tou·te·s les deux, cool. Mais si, à un moment, l’un·e des deux rencontre une tierce personne qui, elle, a envie de passer une nuit entière avec ellui, et qu’ielle en a envie aussi, alors que devient « l’accord » – qui n’en est plus un ?

La communication compassionnelle, notamment, offre des outils précieux, en permettant de décomposer des « je veux, j’ai besoin » en « quelle est l’émotion derrière cette demande ?« , « quel est le besoin derrière cette émotion ? » et comment peut-être peut-on le satisfaire autrement ? 

L’enjeu premier, essentiel, étant de trouver un accord qui convienne à l’un·e ET à l’autre.

Et parfois, les « besoins » ou « désirs profonds » de l’un·e et de l’autre ne sont juste pas, ou plus, compatibles.
Et alors, parfois, il est important de lâcher prise, de laisser évoluer la relation vers une autre forme : on ne peut juste pas s’accrocher à une forme donnée sous prétexte que c’est la forme sur laquelle on s’était mis·e·s d’accord avant. En effet, chacun·e de nous grandit, mûrit, change, et ses besoins avec : on ne peut que l’accepter, comme il en était question dans mon article #18 « Accueillir les transitions« .

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #18. Accueillir les transitions

Mon article #17 présentait une relation éthique comme un contrat librement consenti entre deux personnes autonomes et responsables : un contrat s’applique pour une durée donnée.
Quand on se marie, on signe un contrat censé rester valable « jusqu’à la mort » de l’une des partenaires… sauf qu’aujourd’hui, le divorce est communément admis : le contrat est donc renégociable à tout moment si au moins l’un·e des deux évolue et change d’avis.

Quand je parle d’éthique relationnelle, quand j’insiste sur le fait que l’autre a des droits, des émotions, des besoins, des désirs qui sont autant légitimes que les miens, je pars du principe que tout contrat passé entre deux personnes à un moment donné, qu’il soit formalisé ou pas, est renouvelable et renégociable à tout instant, si ses termes ne conviennent plus à l’une des personnes.

Mais… c’est une chose de le savoir, c’en est une autre de le vivre.

La jalousie est un mot-valise, ou bien encore un mot-parapluie, qui, dès qu’on commence à creuser un peu ce qu’il représente, n’a plus beaucoup de sens en lui-même, et renvoie bien plus sûrement à tout un tas d’émotions primaires telles que : la peur, la colère, la tristesse.

Et tout l’enjeu, une fois de plus, est de faire en sorte d’assumer ses émotions et de ne pas chercher à en rendre l’autre responsable : ce n’est que comme ça, que l’on pourra avancer sur son chemin et grandir, en se connaissant mieux soi-même.

Mais à nouveau… ceci est la théorie, et souvent bien plus facile à énoncer qu’à vivre. L’important alors, est de s’autoriser de tomber, comme un enfant qui apprend à marcher, être indulgent·e avec soi-même (et avec l’autre) : l’intelligence émotionnelle est une qualité mais aussi une pratique, qui se travaille – c’est un apprentissage, et comme tout apprentissage, il prend du temps.


On distingue traditionnellement la jalousie de l’envie :
– quand je suis envieuxe, j’aimerais avoir quelque chose que quelqu’un·e d’autre a ;
– quand je suis « jalouxe », j’ai peur de perdre quelque chose que j’ai, au profit de quelqu’un·e d’autre.

Certain·e·s en concluent donc – un peu rapidement à mon sens – que la jalousie a à voir avec la peur de la perte, et donc (c’est là que je ne suis plus) avec un instinct de possession ou de propriété. Sauf qu’évidemment, je le sais, que l’autre ne m’appartient pas, pas plus que son temps, ou son corps, que ce que l’autre fait de son temps, ou de son corps, ne me regarde pas.

Pour moi, la « jalousie » a au moins autant à voir avec la peur de l’abandon, qu’avec la peur de la perte. Je n’ai pas peur de « perdre » quelque chose que je possède, dans le sens où je sais que je ne « possède » pas mon/ma partenaire et où, philosophiquement, éthiquement, je sais qu’ielle est libre.
Mais à nouveau : le « savoir » est une chose, vivre sereinement les moments où l’autre est avec quelqu’un·e d’autre, en est une autre.

C’est là que souvent, en polyamorie comme dans tout apprentissage, on dit qu’il y a d’un côté, la théorie, de l’autre, la pratique. D’un côté, le savoir « intellectuel », rationnel, la raison, et de l’autre, les émotions. D’un côté, la tête, de l’autre le cœur. Et le cœur semble parfois avoir besoin de plus de temps que de la tête pour bien vivre une situation.

Quand la personne que l’on aime et avec laquelle on vit une relation et un attachement forts, a envie de passer du temps avec une autre personne, on peut avoir peur de perdre ce que l’on a ou avait jusqu’à présent : une connexion émotionnelle forte, des soirées ou des nuits passées ensemble, du temps intime.

Et… cette peur est légitime.
En effet, quand une nouvelle personne entre dans la vie de notre partenaire, il y a des chances qu’ielle entre dans une énergie nouvelle qu’en polyamorie, on appelle l’énergie de nouvelle relation (New Relationship Energy: NRE), qu’ielle y pense souvent, qu’ielle ait envie de passer du temps avec cette personne qu’avant ielle passait avec nous.

Ne pas reconnaître ou admettre cela, vouloir à tout prix se « rassurer » sur le fait que « cela ne va rien changer pour nous« , en se répétant que les amours s’additionnent, que si notre partenaire est heureuxe, alors on va l’être aussi, peut être une manière de ne pas regarder la réalité en face, et… se manger le mur quelque temps plus tard, si on cherche à tout prix à se raccrocher à la forme de la relation telle qu’on l’avait avant… et pour peu que l’on commence à faire des reproches ou des accusations à l’autre.

J’aurais aimé qu’ielle ne læ rencontre jamais. Je voudrais revenir comme avant. Pourquoi ne peut-on pas revenir comme avant ? Tu m’avais promis que cela ne changerait rien entre nous, et on se voit moins qu’avant. 

Mes émotions sont légitimes. L’expression de mes émotions est légitime… tant que je parle de moi, de mes peurs, de mes projections, de ce qui m’appartient.
Les problèmes commencent quand / si j’en fais le reproche à l’autre.

C’est là que les outils relationnels, de communication compassionnelle, d’accueil des émotions, d’intelligence émotionnelle, de mindsight, sont essentiels.

Accueillir, accepter mes émotions pour ce qu’elles sont, parce qu’elles sont là, et qu’elles sont légitimes : ma peur est là, je peux l’accueillir, la regarder en face, mettre des mots dessus.

J’ai peur que tu m’aimes moins qu’avant, j’ai peur d’avoir envie de te voir alors que toi tu en auras moins envie, j’ai peur d’être en manque de toi. Voire J‘ai peur qu’un jour tu me quittes. 

Alors certes, quand on choisit de vivre des relations non-exclusives consensuelles, on se confronte possiblement à des émotions parfois difficiles à gérer, mais précisément : on choisit de les regarder en face, et de les apprivoiser peu à peu.


Car reconnaissons-le par ailleurs : la monogamie – autrement dit : un cadre exclusif mis en place par consentement libre et éclairé au début d’une relation, quand l’un·e et l’autre avaient envie d’y croire, étaient en pleine énergie de nouvelle relation et… ne savaient peut-être pas qu’il était possible de faire autrement – n’a jamais empêché personne d’avoir des relations hors cadre si ielle en avait vraiment envie, et ne protège pas du divorce ou d’une séparation. Bien au contraire.

Quand l’autre est libre de vivre d’autres relations, en effet, et si la relation qu’ielle a avec nous est par ailleurs heureuse, alors ielle n’a pas de raison de vouloir la quitter.
Tandis que quand on vit en monogamie et que l’un·e des deux fait une « entorse au contrat » en trompant son partenaire, il est parfois difficile de rétablir la confiance  quand / si l’adultère est découvert. Et c’est là que, la colère et le sentiment de trahison n’aidant pas, on risque de dire ou faire des choses qu’on regrette ensuite.

Dans tous les cas, le fait de vouloir s’accrocher à la forme qu’avait la relation avant n’aide pas à accepter la réalité et le présent tel qu’il est. Quel que soit l’accord passé entre deux personnes (exclusif ou non), si l’une d’entre elles a envie, un jour, de faire évoluer la relation, voire de la quitter, rien ne l’en empêchera.

Et tandis qu’en polyamorie, plusieurs relations peuvent être complémentaires et s’additionner, en monogamie, quand un adultère est découvert, bien souvent, la personne qui l’a « commis » (tout un vocabulaire !) est « sommée de choisir » entre les deux : c’est souvent la fin de l’une des relations.

En polyamorie, il n’y a plus « besoin » de séparations, de ruptures, de « couples brisés », pour reprendre le titre d’un livre de Christophe Fauré : les relations peuvent être fluides et changeantes, on parle de transitions, d’évolution des relations.

Plus besoin de rassurer læ « prochain·e » candidat·e avec qui on voudrait monter dans l’ascenseur relationnel en lui offrant le cadavre de notre relation précédente : plus besoin de « trancher net », on peut rester proches, quelle que soit la nouvelle forme que prendra notre relation.

Et même si une relation doit effectivement se terminer (ça arrive, quand nos chemins de ne correspondent plus, quand on ne se fait plus de bien), elle n’est pas obligée de se terminer dans la violence ou les rancœurs.

On peut apprendre à gérer des transitions « en douceur » : une nouvelle relation peut s’installer en douceur dans la vie de quelqu’un·e, y trouver peu à peu sa place, tandis que la précédente saura peu à peu transitionner de son côté, de manière à ce que progressivement, dans le respect et la bienveillance mutuelschacun·e des personnes concernées y trouve son bonheur.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #17. Un contrat librement consenti et renouvelable

Une relation éthique correspond, pour moi, à un contrat librement consenti entre deux personnes, et constamment renouvelé : autrement dit, renouvelable, et renégociable, à tout moment.

NB. Pour une fois, je ne parle donc pas ici des relations parents / enfants, dans lesquelles, par définition, l’un·e des partenaires est sous la dépendance de l’autre. 

Le modèle de l’ascenseur relationnel continue à s’imposer comme une certaine « norme » implicite pour une relation, et « on » nous fait croire (notre culture, notre société) que, dans une relation dite amoureuse, l’exclusivité « va de soi ».

Il n’y a cependant qu’à regarder les chiffres impressionnants des sondages sur les infidélités et les divorces (selon les sources, on oscillerait entre 50 et 80% de personnes qui disent avoir trompé leur partenaire au moins une fois après cinq ans de relation) pour se convaincre que ce n’est juste pas le cas.

Pourquoi alors qu’aujourd’hui, les enjeux pour les unes et les autres qui ont conduit à cette norme de l’exclusivité dans le mariage – la dépendance financière des femmes, et le fait que les hommes voulaient être sûrs de transmettre leur patrimoine à leurs enfants biologiques – n’ont plus lieu d’être (les femmes sont autonomes et on a la contraception),
la non-exclusivité est-elle encore la « norme » implicite dans une relation ?

Parce qu’à mon sens, même si elle est communément partagée, la non-exclusivité reste encore  « tabou » : en réalité, comme on ne sait pas qu’il est possible de vivre des amours plurielles autrement que dans l’adultère, l’idée de non-exclusivité reste associée à l’adultère, tandis que l’adultère lui, est associé à des sentiments de honte et de culpabilité (d’avoir menti et triché d’un côté, d’avoir été trompé·e de l’autre).

Autrement dit, même si on en rit sur les scènes de théâtre et que Gleeden s’affiche dans le métro, ce n’est pas pour autant que les « vrais » gens en parlent avec leurs ami·e·s quand ça leur arrive à eux : comme ils pensent être les seul·e·s à qui ça arrive, ils en ont honte, donc à leur tour, ils n’en parlent pas, et confortent ainsi le mythe.
Autrement dit, l’adultère… ça n’arrive qu’aux autres.

Alors qu’il me semble que s’il n’était plus si tabou, si on regardait en face les chiffres de la non-exclusivité non-éthique, si on admettait que ça peut nous arriver à nous, et qu’il n’y a pas nécessairement à en avoir honte, alors on pourrait alors bien plus justement s’interroger sur une manière plus éthique de vivre cette non-exclusivité.
(Mais sans doute y a-t-il aussi là un lien avec le tabou d’un rapport décomplexé, joyeux et positif à la sexualité ?)

Pour moi, une relation est comme un contrat que passeraient entre elles deux personnes adultes et autonomes.

D’un point de vue éthique, moral, personne n’a aucun “droit” sur personne d’autre :
chacun·e d’entre nous est libre, absolument, intrinsèquement, et les émotions, désirs et besoins de l’un·e  sont autant légitimes ceux de l’autre.
Chaque personne s’appartient et est libre de mener sa vie comme elle l’entend – du moment qu’elle ne blesse pas intentionnellement quelqu’un·e d’autre.

Quand deux personnes ont envie d’être en relation l’une avec l’autre, il me semble que la première chose à faire est de discuter de la relation : De quoi as-tu envie ? De quoi ai-je envie ? Est-ce compatible ? Peut-on trouver un terrain d’entente entre nous ?

Cela suppose bien entendu que chacun·e ait une idée de ce dont ielle a envie… et on ne le sait pas toujours.

On peut alors convenir de tester ensemble, d’avancer pas à pas, de faire un pas… puis un pas de côté si on le souhaite, puis de revenir en arrière si l’un·e des deux le souhaite : ce serait comme une danse.
Une relation est une co-création, comme une œuvre d’art que l’on créérait à deux, où chacun·e serait co-scénariste de l’histoire que l’on écrit à deux.

Ce qui suppose aussi, donc, que l’un·e peut avoir envie de quelque chose… et l’autre pas. Ou que l’un·e peut avoir envie de parler de quelque chose qui, pour ellui, ne lui convient pas, ou plus, dans le contrat passé initialement, peut-être parce que les conditions ont changé, peut-être parce qu’ielle a rencontré quelqu’un·e d’autre, ou parce qu’ielle a envie de rencontrer quelqu’un·e d’autre.

Il me semble que l’un des éléments importants, voire essentiels, pour moi dans une relation, est de… pouvoir parler de ce qui ne va pas. De ce qu’on voudrait voir changer. Et sans « craindre » la réaction de l’autre, en lui laissant la chance de sa réaction, et éventuellement, de nous surprendre.

Une fois de plus, ne pas projeter, ne pas supposer : personne ne peut savoir à l’avance comment quelqu’un·e d’autre va réagir.
(Si on est habitué·e à ce qu’une personne réagisse en nous renvoyant systématiquement la « faute » sur nous, en nous accusant, nous faisant des reproches, en faisant des crises, des menaces… euh… c’est qu’on n’est malheureusement sans doute pas dans ce que j’ai défini comme une relation « éthique » ou « positive« .)

À partir du moment où on accepte qu’une relation est quelque chose de vivant, et non de figé dans le temps, que la vie est mouvement, la vie est changement, alors on accepte de se remettre en cause régulièrement, et de laisser évoluer la relation à son rythme, et dans la direction dans laquelle les deux personnes concernées sont d’accord pour la laisser évoluer.
On prend alors chaque « épreuve » que la vie nous envoie non plus comme une « épreuve », mais comme une expérience, qui nous permet d’avancer sur notre chemin.

Une relation, pour reprendre l’image de Franklin Veaux et Eve Rickert dans More Than Two, est comme une plante, qu’il faut entretenir, nourrir, et dont il faut prendre soin.
Chaque évolution, chaque modification doit être discutée entre les partenaires, et agréée par les deux. Dans l’absolu respect de leur consentement mutuel – et libre. 

Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut être sûr·e que les deux partenaires continuent à s’épanouir dans une relation : en êtres libres et heureux d’être en relation l’un·e avec l’autre.

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Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #16. Maintenir le lien

Dans une relation, quand arrive un conflit ou un désaccord, l’enjeu fondamental est-il de

  • maintenir le lien et la relation sans l’abîmer
  • ou d’avoir raison ?

« Qui a raison ? » est l’un des jeux psychologiques mis en évidence par Eric Berne dans Des jeux et des hommes dans le cadre de l’analyse transactionnelle). Et une fois qu’on en a pris conscience, ça peut devenir vraiment amusant – et instructif – de le repérer, chez les autres, bien sûr, mais avant tout chez soi-même :

Est-ce que je serais en train de jouer à « Qui a raison ? »

Et souvent – en tout cas, de ce que j’ai pu observer chez moi – ça aide à désescalader un potentiel conflit.

Globalement, s’opposent là deux conceptions des relations :

  • restauration et réparation d’un côté (cf la justice restaurative, restauratrice, réparatrice, transformative)
  • punition et séparation (bannissement) de l’autre (cf notre système judiciaire punitif, qui inspire malheureusement (à moins que ce ne soit l’inverse ?) la logique de la plupart des relations dans notre culture, notamment avec les enfants.)

Comme souvent dans notre culture, s’applique ici la logique binaire : dans un conflit, on joue précisément à « Qui a raison ? » (étant entendu que je ne parle pas ici de comportements « criminels »). Il s’agit en effet de désigner un·e coupable, et une fois qu’on l’a trouvé·e, de lea punir, dans l’espoir que cela lea fera réfléchir pour la prochaine fois.

Drôle de logique, ma foi. Que toutes les recherches récentes sur les neuro-sciences mettent à mal, notamment évidemment par rapport aux enfants.

Quand on est « puni·e », en effet, notre système a tendance à se refermer, se protéger : on n’est pas / plus en position « d’apprendre » quoi que ce soit, ou alors par réflexe acquis, par peur.
Certes, ça « marche » –  à court terme.

L’enfant devient « soumis »… et on tue en lui sa spontanéité. Ou alors il devient « rebelle ». En aucun cas, il ne reste « libre ».
Que ressent-il ? Dans le premier cas, qu’il l’a « mérité », qu’il n’est pas digne d’amour ou de confiance, que ses parents sont tout-puissants et que leur amour est « conditionnel ».
Dans le deuxième cas, que c’est injuste, que c’est un abus de pouvoir (à juste titre : on est à nouveau ici sur l’échelle hiérarchique de ranking, sur laquelle certain·e·s, et particulièrement les adultes par rapport aux enfants, s’estiment « supérieur·e·s ») : il ressent de la colère, voire du mépris, et se jure de ne pas se faire prendre la prochaine fois.

Dans tous les cas, la « relation » est abîmée, la connexion émotionnelle perdue.

Et à long terme ? Si l’objectif est de créer de bons petits soldats soumis que le système patriarcal pourra utiliser à merci, alors oui : punir ses enfants « marche ».
Dans le cas des rebelles, en revanche, rarement, et malheureusement, c’est souvent alors l’escalade : ce qui se met en place est une logique d’affrontement.
On n’est plus dans le « Qui a raison ? », mais dans le « Je vais te montrer qui est lea plus fort·e. »
À ce propos, pour le plaisir, je vous propose de re-regarder la bande-annonce du film de Pixar sur les émotions, dont décidément je ne me lasse pas : Inside Out (maladroitement « traduit » en français par Vice Versa). Je l’avais trouvé tellement génial que j’en avais écrit un article : Nos émotions au cinéma.

Dans le cadre de relations entre adultes, la question à se poser est : quand on a un conflit ou désaccord, quel objectif poursuit-on ? Cherche-t-on

  • à convaincre l’autre qu’on a « raison » et qu’ielle est en tort ?
  • ou à trouver un terrain d’entente entre nous – et maintenir la relation ?

Est-on dans une logique gagnant·e / gagnant·e... ou dans l’idée que lors d’un désaccord, il y a nécessairement un·e gagnante et un·e perdant·e  (autrement dit, dans une vision binaire des rapports humains : « les gentils et les méchants », les « winners » et les « losers » ?), et que comme on ne veut pas soi-même être « perdant·e », alors on doit nécessairement être « gagnant·e », quel qu’en soit le dommage sur la relation ?

Et si on réalise qu’on a soi-même avant tout besoin d’empathie – besoin d’être compris·e, entendu·e – est-on soi-même en capacité d’en donner à l’autre ?

En réalité, la disposition générale dans laquelle on se trouve à l’égard de l’autre fait qu’on va se focaliser

  • plutôt sur ce qu’on remarque qui ne va pas et avec quoi on n’est pas d’accord ;
  • ou plutôt ce sur quoi on est d’accord et à partir de quoi on peut avancer ensemble.

C’est là où John Gottman, notamment dans The Relationship Cure,  insiste sur l’importance de maintenir dans une relation un ratio au minimum de 5:1, voire même de 7:1 dans un couple, d’interactions positives par rapport aux interactions négatives.

Quand on a un conflit ou un désaccord, cela permet en effet de se souvenir de tout ce que l’on aime en l’autre, de tout ce que nous apporte la relation et qui nous rend heureuxe, plutôt que de ruminer sur ce qui ne va pas.

Dans le cadre de mes 21 articles pour des relations positives, j’ai écrit un article qui parle de la réparation dans une relation : je vous invite à le lire (ou le relire).

On est bien ici dans la logique de la justice restauratrice : il s’agit de réparer, de restaurer le lien qui a été abîmé… pas de chercher à désigner un·e coupable et de lea punir.

D’où l’importance, aussi, dans une relation, de la réciprocité : une relation se construit à deux, c’est une co-création, comme on co-créerait une œuvre d’art.


On ne peut pas être d’accord sur tout. Et il y a même des positions ou des points de vue irréconciliables. L’enjeu n’est donc pas d’être « d’accord » sur tout, ou de trouver à tout prix des « compromis », dans lesquels l’un·e ou l’autre, aurait peut-être le sentiment de se sacrifier.
Non, l’important est de le reconnaître, et de respecter le point de vue, le désir, le besoin, de l’autre, qui sont aussi légitimes et aussi valables que le mien.

Si, à chaque fois qu’il y a conflit ou désaccord, c’est la même personne qui présente ses excuses et que l’autre se drape dans une posture de Ah quand même !, il y a clairement déséquilibre… et on est dans un rapport de forces, sur l’échelle hiérarchique de ranking, et non dans une relation égalitaire.

L’enjeu, quand il y a eu désaccord ou dis-communication, c’est que chacun·e puisse

  • assumer sa part de responsabilité (cf mon article #15)
  • présenter ses excusesJe suis désolé·e de ce qu’il s’est passé, je reconnais ton inconfort ou ta souffrance et j’en suis navré·e (ce qui ne signifie pas faire son mea culpa en mode auto-flagellation : on est dans le non-jugement et la bienveillance réciproque)
  • s’engager à faire de son mieux la prochaine fois pour que cela ne se reproduise pas, et de permettre à la relation d’avancer, d’évoluer, pas de rester enkystée.

Dans les moments les plus difficiles que mon aimé et moi-même avons pu traverser, ce qui nous a toujours permis, l’un·e et l’autre, de garder espoir dans notre relation, était précisément cette confiance dans notre bienveillance réciproque et dans notre désir commun de maintenir le lien – ce qui parfois passe par la nécessité ou le désir de faire évoluer la relation.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #15. Assumer mes responsabilités

J’écrivais dans mon article #14 que pour moi, la polyamorie est révolutionnaire, en ce sens qu’elle nous invite à un changement de paradigme, voyant les différent·e·s partenaires d’une relation comme ayant intrinsèquement les mêmes droits, quel que soient leur genre, leur âge, leur orientation sexuelle ou leur rôle dans la société.

Au-delà de cet aspect donc éminemment politique, la polyamorie nous invite aussi à travailler sur nous-mêmes, à avancer sur un chemin (en accéléré) de développement personnel, au risque sinon… de se manger le mur !

Combien de couples, en effet, exclusifs pendant des années (du moins en théorie) ont-ils découvert un jour le concept de polyamorie, trouvé que c’était « super !« , décidé d’ouvrir leur couple sans s’y être véritablement préparés… pour exploser en vol au bout de quelques mois à peine ?

En réalité, il semblerait que la polyamorie renforce les dynamiques déjà existantes dans une relation : si une relation est brinquebalante, si la communication n’est pas fluide, si les rancœurs se sont accumulées, si les partenaires ne sont pas prêt·e·s à passer du temps à parler ensemble, à accueillir les émotions l’un·e de l’autre… alors les enjeux de la polyamorie risquent fort d’aggraver ces dysfonctionnements.

Si quelqu’un·e a tendance à être insécure dans une relation, voire jalouxe, et à éprouver ainsi des émotions fortement désagréables, alors la polyamorie viendra précisément appuyer sur ses « boutons » (triggers), lui offrant cette fois-ci de « vraies » situations sur lesquelles se focaliser, et réveillant par-là même ses peurs, jusque-là contenues malgré tout grâce à la promesse rassurante d’exclusivité.

L’enjeu ici, en polyamorie comme dans toute autre situation de la vie, est de ne pas projeter sur l’autre la responsabilité de ce que je vis.
Autrement dit : ne pas accuser, blamer, critiquer ou dévaloriser.

Dit positivement plutôt qu’en forme « ne pas« , cela donne : assumer la responsabilité de mes émotions et de mes réactions.

En effet, mes émotions m’appartiennent : ce sont les miennes.

Une même situation, selon les personnes concernées ou l’état d’esprit dans lequel on se trouve ce jour-là, déclenchera des émotions – et des réactions – différentes.

Mon/ma partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux :
– en être ravi·e, car je n’avais moi-même pas fini mon travail et ça m’arrange ;
– inquiète, car ça ne lui ressemble pas de ne pas prévenir ; 
– en colère, car ce n’est pas la première fois et que je me sens non respectée.

La situation est la même, mais selon ce que je me raconte, selon les pensées qui m’assaillent (ou pas), alors je ne vais pas réagir de la même manière.

Par ailleurs, il est possible – et même souhaitable – de prendre conscience que mes émotions sont mes alliées. Elles sont là pour m’informer de ce qu’il se passe en moi, comme des vigies.

Sur cette vignette, comment savoir si le pirate alerte ses comparses d’un danger en vue (il a peur) ou bien alors d’une proie à venir (il s’en réjouit) ? Une même situation (galère droit devant) va provoquer en moi des émotions différentes selon ce j’en projette.

L’important est donc de savoir identifier mes émotions, de repérer les sensations physiques qu’elles provoquent en moi, et de les accueillir telles qu’elles sont, sans chercher à les modifier, mais aussi sans les juger… afin de ne pas me laisser diriger par elles. Car si je les refoule ou les rejette par la porte… elles reviendront par la fenêtre.
Et attention : il ne s’agit pas de les acter. Juste, dans un premier temps, de les observer. 

Sauf que la plupart d’entre nous n’avons pas été élevé·e·s dans l’idée que nos émotions, quelles qu’elles soient, sont légitimes. Au contraire, même.

Quand un enfant tombe, souvent un·e adulte lui dit, avec la meilleure intention du monde : Mais non, tu n’as pas mal, ce n’est rien. 
Ah bon ? Comment peut-ielle savoir ce que l’enfant ressent, s’il a mal ou pas ? Et que lui apprend-ielle, au passage ? À ne pas faire confiance à ses propres sensations, et que ses larmes ne sont pas légitimes. Autrement dit : l’adulte prétend mieux savoir que l’enfant ce qu’il ressent   ce qui est absurde (cf mon article #9).

Comme l’explique Patricia Evans dans ses livres sur les relations verbalement abusives,  au lieu de nous laisser la possibilité nous définir nous-mêmes de l’intérieur (inside out), on nous a habitué·e·s à être défini·e·s de l’extérieur (outside in). 

Par ailleurs, combien de fois a-t-on entendu (ou prononcé ?) des phrases telles que Tu m’agaces ! ou Tu me fatigues !
La réalité de la situation étant plutôt : Je suis agacé·e ou fatigué·e (parce que… j’ai eu une dure journée, parce que j’ai faim, je suis stressé·e…).

Beaucoup d’entre nous ont ainsi été élevé·e·s :
– dans le refoulement ou le déni de nos émotions – au risque parfois de ne même plus savoir les repérer ou les identifier ;
– en trouvant « normal·e » d’être défini·e de l’extérieur, par des gens qui prétendent savoir mieux que nous ce que nous sentons, pensons, voulons (Tu le fais exprès ! Ne fais pas ton/ta timide !) 
– en prenant l’habitude de rejeter la responsabilité sur les autres, sans doute en partie pour éviter d’être accusé·e, voire puni·e.

Globalement, tout cela fait partie de ce que l’on appelle la « violence éducative ordinaire« , qu’une amie sociologue belge Frédérique Herbigniaux a très justement désignée comme « l’enfant du patriarcat« .

Les adultes se sentent « supérieur·e·s » aux enfants (sur cette fameuse échelle verticale hiérarchique de ranking  que j’ai empruntée à Elaine N. Aron) et se permettent, en les définissant de l’extérieur, de les « juger »… le tout soi-disant pour « leur bien » (combien de générations sacrifiées au nom du monstrueux Qui aime bien châtie bien ? Si vous n’avez jamais lu Alice Miller, accrochez-vous : ça peut secouer !)

Or, la réalité, c’est que je suis seul·e responsable de mes émotions et de mes réactions.

En éducation positive (ou bienveillante), un des premiers mantra que j’ai appris à l’Atelier des Parents il y a dix ans, est :
– toute émotion est légitme
– tout comportement ne l’est pas.
On dit par exemple à un enfant : Tu as le droit d’être en colère, pas de taper ou de casser ! 

De même, on pourrait dire à un·e partenaire jalouxe : Tu as le droit d’être triste ou en colère, pas de m’insulter ou de m’accuser. 

La violence n’est jamais légitime. Quand on prétend « aimer » quelqu’un·e, on souhaite son bonheur, non sa destruction.

L’enjeu ici, quand on se pose la question de l’éthique dans nos relations, est bien d’assumer sa propre responsabilité et d’agir en conscience.
Ce n’est sans doute pas un hasard, comme je le disais dans mon article #3, si avant de parler de polyamory, on parlait de responsible non-monogamy.

Je parle bien ici de relations « responsables », éthiques, où l’on se pose la question de l’autre, qui est aussi libre que moi, qui a autant de droits, dont les émotions sont autant légitimes que les miennes.

L’idéal dans une relation est de pouvoir avoir confiance dans une bienveillance réciproque.

Quand l’autre fait quelque chose qui réveille en moi des émotions désagréables, je me rappelle qu’ielle ne le fait pas contre moi mais pour ellui : mes émotions sont légitimes, je sais que l’autre saura les accueillir (si toutefois je ne cherche pas à l’en rendre responsable) et, si j’apprends à déchiffrer le message qu’elles m’envoient, elles m’indiqueront le chemin à suivre pour mieux me connaître et devenir une meilleure version de moi-même.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #14. La Polyamorie est révolutionnaire

Oui, bon, je le reconnais, j’y vais peut-être un peu fort, là… Quoique.

Je l’ai dit, je le redis : la polyamorie est intrinsèquement féministe : par principe, chaque partenaire a les mêmes droits, quels que soient son genre, son âge, son orientation sexuelle ou relationnelle, ou son rôle dans la société. C’est un principe de base.

{NB. Et c’est d’ailleurs bien en cela notamment, que, bien que certain·es se posent encore des questions en ce sens, la polyamorie n’a vraiment rien à voir avec la polygamie telle qu’elle est le plus souvent pratiquée : polygynie.}

Et rien qu’en cela, franchement, dans notre société, eh ben disons-le : c’est pas acquis.

Allez, pour le plaisir (le mien, en tout cas !), je remets ici cette vidéo du Premier Ministre canadien Justin Trudeau à un sommet des Nations Unies :

« Je continuerai à dire que je suis féministe jusqu’à ce que ça soit accueilli par un haussement d’épaule. »
« I’m gonna keep saying loud and clearly that I’m a feminist until it is met with a shrug.(…) It shouldn’t be something that creates a reaction. It simply is saying I believe in equality in men and women and I believe that we still have an awful work to do to get there. »

Parce qu’en effet, il est plus que temps que les hommes se disent, s’assument et prouvent qu’ils sont féministes, parce que, comme il le dit, ça devrait être « normal » et non remarquable, d’être féministe.

Bien au-delà cela dit, la polyamorie n’est pas « seulement » féministe, elle est aussi fondamentalement et profondément égalitaire.

Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’égalité entre les « hommes » et des « femmes », mais bien entre les personnes, i.e. les êtres humains, quel que soit leur genre. Qu’ielles se reconnaissent hommes ou femmes – ou pas. La polyamorie est inclusive. Des personnes trans, des personnes non-binaires, des personnes agenre. Des personnes aromantiques ou asexuelles.

Il n’existe pas de « hiérarchie » entre les personnes, personne n’est supérieur à personne, tout le monde a les mêmes droits. Point.

un pas de côté

La polyamorie nous fait faire un pas de côté par rapport à l’escalator relationnel, et rien qu’en cela, en réalité, c’est déjà révolutionnaire. Elle nous fait changer de paradigme.

Plus aucune injonction ou attente pré-établie
sur ce que sont « supposées » être nos relations. Du sexe ? Pas de sexe ? De l’amour dit « romantique » ? Une vie sous le même toit ? Quelle différence entre un·e « ami·e », un·e amant·e, un·e amoureuxe ? (Car – cela n’aura échappé à personne – il s’agit bien ici de la même racine du verbe latin amo, amare : aimer.)

Pourquoi vouloir étiqueter les personnes, et/ou nos relations ?
Pourquoi ne pas, quand on rencontre quelqu’un·e, laisser la place à l’inconnu, à la surprise, à la vie, tout simplement ? Laisser évoluer la relation… en fonction de ce que chacune des personnes concernées a envie de vivre ?

En ce sens, la polyamorie est écologique. Respectueuse de la vie telle qu’elle est. La vie est changement, la vie est mouvement, la vie est… vie. Quand on ne bouge plus, quand on n’évolue plus… c’est qu’on est mort·e.
Françoise Simpère ne s’y était pas trompée, qui sous-titrait déjà, en 2009, son Guide des Amours plurielles : Pour une écologie amoureuse.

Guide des amours plurielles

La polyamorie est éthique : égalitaire, démocratique, écologique. Elle s’épanouit dans un cadre de collaboration, solidarité, empathie, écoute de l’autre. Elle repose sur une logique d’abondance – par contraste avec une logique du manque et de la pénurie.

Un de ses mantra est : l’un·e n’empêche pas l’autre.

Alors bien sûr, le temps ou l’argent, contrairement à l’amour, sont des ressources limitées. Et il ne s’agit pas de prétendre que la polyamorie est un mode relationnel « facile » à vivre, ni qu’elle peut convenir à tout le monde. Bien sûr que non.

La polyamorie ne convient pas à tout le monde, de même que… la monogamie, non plus, ne convient pas – et ne peut pas convenir – à tout le monde.
Tout simplement parce que (attention, roulements de tambours…)

un même modèle ne peut pas convenir à tout le monde.  

Dans notre société et culture saturées d’histoires toutes construites sur le même modèle (le fameux Boy Meets Girl des comédies romantiques, elles-mêmes héritées des contes de fées), combien de personnes se sentent exclues, ont l’impression d’être « différentes », « pas normales », simplement parce qu’elles ne s’y reconnaissent pas ? Combien de personnes aromantiques ou asexuelles, par exemple, ne se sont jamais retrouvées dans ces romans ou films à l’eau de rose, quand bien même « on » voudrait leur faire croire que c’est ce dont chacun·e rêve ?

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En réalité, nos histoires sont toutes construites à partir d’un imaginaire collectif, dont font partie les fameux archétypesLes créateurices ne sont que des humain·es parmi d’autres, s’inspirant bien sûr de ce qu’ielles voient dans la vraie vie, mais avant tout des structures éprouvées des histoires qui les ont précédé·es.

C’est en partie comme ça que les mythes (tels que le mythe de l’Amour romantique) se perpétuent et se transmettent de génération en génération, et que certain·es, avec les meilleures intentions du monde, répètent : « C‘est comme ça ! Parce que ça a toujours été comme ça, et si tu ne t’y conformes pas, tu seras malheureuxe. »

Or, au risque de me répéter, chacun·e a le droit de se définir soi-même, de même que de définir pour soi les relations qui lui conviennent. 

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Je ne suis pas en train de prêcher en faveur des relations plurielles éthiques comme « modèle » ou « idéal »  – si c’est l’impression que vous avez à me lire, j’en suis désolée : là n’est clairement pas mon intention.
En revanche, ce en quoi je crois, c’est qu’il est temps qu’on déconstruise le mythe de la monogamie comme « naturelle », « évidente » et « applicable à tou·tes ».

La monogamie convient à certain·es : tant mieux !
Mais elle ne convient pas à d’autres : c’est un fait.
Mon enjeu ici est donc bien qu' »on » ne cherche alors pas à la leur imposer comme « seul mode de relations valable ». Parce que par principe, aucun modèle relationnel ne peut s’appliquer à tou·tes. Parce que nous sommes toute·s différent·es.

Et en ce sens qu’elle remet en cause ces croyances qui nous sont transmises par notre culture et la société dans son ensemble (le prince charmant, etc.), la polyamorie est intrinsèquement politique et… révolutionnaire. Oui, j’assume.

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La polyamorie remet en cause la structure hiérarchique à la base même de la société patriarcale : et je ne parle pas ici « seulement » de l’institution du mariage, mais bien au-delà – le principe même des rapports de force et de pouvoir entre les personnes, tels qu’ils sont définis sur une échelle sociale « verticale », avec des personnes qui seraient « supérieures » à d’autres.

Le mariage a été conçu comme un contrat social, entre autres pour garantir à l’homme qu’il transmettait bien son patrimoine à ses descendants biologiques – et non à ceux du voisin (quand bien même on le sait aujourd’hui, entre 10 à 20% des enfants ne seraient pas de leur père reconnu).
C’était un instrument de domination de l’homme sur la femme, considérée comme une sous-personne, comme une mineure (cela veut tout dire de la manière dont, encore aujourd’hui, on considère les enfants dans notre société comme des « sous-personnes » ; pensons aussi à cet héritage qui dit que, tant qu’une femme n’était pas mariée, elle restait une « mademoiselle », et n’avait pas le statut d’adulte réservé aux « madames »).

L’exclusivité était à l’origine bien plus imposée à la femme qu’à l’homme, qui a toujours joui d’indulgence à l’égard de ses aventures extra-conjugales.
Et à l’époque, d’ailleurs, le mariage n’avait rien à voir avec l’amour, mais bien avec la transmission du patrimoine.

Quand, dans les années 20 et 30, les femmes ont commencé à s’émanciper, et plus encore après-guerre, le mariage d’amour s’est généralisé, on a associé le sentiment d’amour… avec le contrat du mariage qui liait deux personnes pour le restant de leurs jours.

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Sauf que… comment peut-on envisager même de s’engager sur la pérennité d’un sentiment ?
Je peux te promettre d’être honnête, respectueuxe, fiable, fidèle au sens de « digne de confiance »… mais comment te promettre de t’aimer toujours ?

La fidélité ne signifie pas, pour moi, la même chose que l’exclusivité – sentimentale ou sexuelle.

Quand le mariage d’amour s’est généralisé, au lieu d’accorder aux femmes la même tolérance que celle qui s’appliquait jusque-là aux hommes sur leurs relations extra-conjugales (la contraception n’existait pas encore, ça restait « risqué » d’avoir un amant)… on a au contraire appliqué aux hommes la même exigence d’exclusivité.

Aie. Du coup, tout le monde logé à la même enseigne, piégé par le même contrat de base, implicite, d’exclusivité.

Certes. Mais aujourd’hui….?
Aujourd’hui, les femmes sont autonomes financièrement (même si leurs salaires sont encore inférieurs à ceux des hommes) et… on a la contraception !

contraception

D’où la question : à partir du moment où la sexualité est enfin dissociée de la procréation, au nom de quoi cette exigence implicite d’exclusivité a-t-elle encore lieu d’être ?

Une des réponses est : nos croyances ! Nos habitudes, la culture, le story-telling, tout ce passé que l’on a hérité de nos parents, grands-parents et romans, films et contes de fées…

Eh bien… c’est tout cela que la polyamorie vient remettre en cause.
Et c’est aussi en cela qu’elle dérange.
Parce qu’elle vient titiller à un endroit où on n’a pas nécessairement envie d’être titillé·e.

Parce que beaucoup d’entre nous ont grandi avec des idées toutes faites… auxquelles ielles croient et veulent croire. Parce que beaucoup d’entre nous, au nom de ces croyances, ont accepté, toléré, voire subi, beaucoup de choses qu’ielles n’auraient peut-être pas acceptées sinon.

Et quand un·e trublion·ne à qui on n’a rien demandé, vient secouer tout ça en disant : « C’est possible de faire autrement, si si, je t’assure ! », eh bien… on n’a pas nécessairement envie de l’entendre.

Parce que se dire qu’on s’est peut-être sacrifié·e toute sa vie en renonçant à des tentations parce qu’on croyait que c’était la condition sine qua non pour maintenir à flot son couple… et apprendre au détour du chemin qu’une autre voie était possible… franchement, je comprends que ça soit rageant !

Peut-être est-ce en réalité moins douloureux de balayer tout ça d’un revers de la main en disant : « C’est n’importe quoi ! Ça marche pas, ces trucs-là ! Si ça avait marché dans les années 70, ça se saurait ! »

années 70

Sauf que voilà : dans les années 70, on parlait de libération sexuelle, pas de relations éthiques et égalitaires, d’accueil des émotions et de communication compassionnelle.

Dans les années 70, le féminisme n’en était qu’à ses balbutiements. Et souvent, ce qui était mis en avant était une « injonction à jouir » ! Celleux qui ne souhaitaient pas se conformer au nouvel ordre libertaire – et surtout celles qui ne souhaitaient pas coucher avec ceux qui prêchaient cette « libération » ! – étaient critiqué·es, raillé·es, et taxé·es de « petit·es bourgeois·es ».

Ce n’est pas de cela dont il est question aujourd’hui avec la polyamorie, et en rien, l’idée n’est de remplacer une norme par une autre ! Bien au contraire.
Il ne s’agit pas de proposer la polyamorie comme « une meilleure manière de vivre nos relations ». Non non.

Juste en revanche de dire : c’est possible. 
Et si la monogamie imposée comme norme dans notre société ne vous convient pas, ou vous étouffe… alors sachez qu’il est possible de vivre autrement.

La polyamorie est une alternative à la monogamie. 

L’idée est que chacun·e puisse choisir en conscience la manière dont ielle a envie de vivre ses relations.

C’est en ce sens que je n’ai pas peur de dire que la polyamorie est non seulement éthique, féministe, écologique, foncièrement politique, mais aussi… révolutionnaire !

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Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #13. En quoi la polyamorie dérange ?

L’ascenseur relationnel, autrement dit la « norme » implicite dans notre société de ce qu’est – ou doit être pour être reconnue comme telle – une relation, conjugue certains éléments :
– un couple hétéro
– qui fait des enfants
– et est monogame / exclusif à vie.

Sauf qu’aujourd’hui, on admet :
– que les mariages homo puissent aussi être des mariages d’amour ;
– que certain·e·s puissent ne pas vouloir avoir d’enfants ;
– que les monogamies puissent être « sérielles » ou « séquentielles » : on n’est plus monogame « à vie », mais le temps d’une union donnée.

Autrement dit, notre regard sur ce que sont censés être – ou ne pas être – l’amour et une relation d’amour, évolue selon la période de l’histoire ou la culture données. Dans certains pays, l’amour homo n’a toujours pas droit de cité (j’en profite pour vous inviter à signer la pétition à propos des tortures et arrestations des homosexuels en Tchétchénie).

Or, je ne le répéterai jamais assez : personne ne peut me définir à ma place.
Si une personne se dit amoureuse… c’est qu’elle est amoureuse. Personne ne peut savoir à ma place ce qu’il se passe dans ma tête ou ce que je ressens. Le jugement des autres sur ce que je vis est tout simplement absurde : c’est du non-sens.

Peut-on alors imaginer que si certain·e·s continuent à dire des relations plurielles que « ce n’est pas vraiment de l’amour« , ou que « ce n’est pas possible d’aimer plusieurs personnes à la fois« , comme on l’entend encore tellement souvent, c’est leur jugement, leur point de vue, qui n’engagent qu’elleux et leur idée préconçue de ce qu’est l’amour ?

Peut-on accepter que seule la parole des personnes qui vivent ces relations plurielles a de la valeur pour définir ou qualifier ce qu’elles vivent ?

Peut-on espérer que, parce que de plus en plus d’entre nous assumerons au grand jour nos relations différentes, hors de l’ascenseur relationnel, le point de vue des « normo-pensants » pourra évoluer, de même qu’il a évolué pour les couples homo ?

Off the Escalator

Aujourd’hui, même si les mœurs évoluent (on ne croit plus à la monogamie “jusqu’à la mort » et on accepte les divorces et séparations, qui créent, de fait, des monogamies sérielles), le mythe de la monogamie tient toujours : si ce n’est plus « à vie », au moins le temps d’un couple.

Paradoxalement, on peut se demander si le mariage homo n’a pas en réalité renforcé ce mythe de l’idéal de la monogamie : de l’exclusivité sentimentale et sexuelle.
Si « même les homo », qui avaient plutôt une « réputation » d’ouverture et de de non-monogamie veulent de l’institution du mariage (sous-entendu, du mariage exclusif), alors c’est bien qu’elle a encore du sens…?

Sauf que dans les faits, selon les sondages, il semblerait qu’entre 50 à 80% des couples “mono” ne sont en réalité exclusifs qu’en apparence et en théorie : en effet, beaucoup reconnaissent avoir au moins une fois, fait une « entorse au contrat ».

Or la grande différence entre ces « entorses » que l’on nomme adultères ou infidélités, et la polyamorie… est précisément l’éthique. 

L’adultère – aussi appelé infidélité : le fait d’être infidèle au contrat passé d’une exclusivité sentimentale et sexuelle – n’est en effet rien d’autre qu’une non-monogamie non-consensuelle (puisqu’au moins l’une des personnes concernées n’est pas au courant) – donc non-éthique.

Si la polyamorie dérange encore tant, n’est-ce pas parce qu’elle attire l’attention sur le fait que cette pratique « implicite » des relations maritales que constitue l’adultère (pensons à la tradition française du vaudeville !) est précisément non-éthique ?
vaudeville

Je me souviens de certaines critiques hyper virulentes à l’égard de mon premier long métrage Tout le plaisir est pour moi (*) qui parlait de clitoris, de masturbation féminine et encourageait les femmes à « prendre leur plaisir en mains » au lieu d’accuser leurs partenaires d’être « de mauvais amants ».
Je ne comprenais pas la véhémence de certaines, notamment des magazines féminins tels que Elle ou Marie-Claire (elles écrivaient que le film était « vulgaire » et « grossier » : or on peut lui faire plein de reproches… mais pas ceux-ci !), et ai posé la question à mon psy. Et sa réponse résonne encore à mes oreilles : Parce que votre film les confronte avec leurs propres compromis avec leur sexualité alors qu’elles ne vous ont rien demandé ! 
Et en effet, pendant les années qui ont suivi, je peux vous assurer que j’ai surveillé les unes des magazines : les premières sur la masturbation féminine sont arrivées… huit ans après seulement, en 2012.

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Sans doute en 2004 était-il encore trop tôt pour un certain nombre de personnes, pour parler aussi ouvertement et librement de masturbation…

Eh bien, je me demande si ce n’est pas la même chose avec la polyamorie, et si on n’a pas là, juste quelques années d’avance sur le « grand public » !

En gros, tant qu’on vit en monogamie hypocrite (tout le monde se dit monogame tandis qu’une grande majorité triche ou ferme les yeux)… tout va bien.

Mais quand la polyamorie commence à faire parler d’elle et à s’afficher dans les magazines grand public (comme Marie-France en janvier dernier), elle déplace les projecteurs sur le côté non-éthique et non-consensuel des relations monogames hypocrites.

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Et les gen·te·s n’ont pas nécessairement envie qu’on attire l’attention de leur conjoint·e sur leur éventuel désir “d’aller voir ailleurs”, ou de se confronter à l’idée que peut-être  leur conjoint·e a des relations extra-maritales. Petits Arrangements avec l’amour, pour reprendre le titre d’un livre de Lucy Vincent. 

Ielles ont peut-être envie de ne pas se confronter avec la réalité, parce que ça les arrange comme ça.
C’est le fameux Don’t ask, don’t tell.
Si je ne le sais pas, ça n’existe pas.
Je préfère ne pas savoir. 

Et quand certain·e·s parlent alors ouvertement de non-monogamie consensuelle et éthique – ce qu’est la polyamorie – en jouant la carte de l’honnêteté, en travaillant sur leurs émotions, leurs éventuelles difficultés relationnelles, leurs ombres, leurs insécurités… eh bien, c’est comme avec Tout le plaisir est pour moi : ça renvoie peut-être certain·e·s à leurs propres non-dits, arrangements et compromis alors que… ielles n’avaient rien demandé !

Cela fait-il sens pour vous ?
Hâte de lire vos commentaires.

Avec plaisir,
amour et bienveillance,
Isa

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