21 JOURS pour des relations positives #20. Indulgence

Vous l’aurez (peut-être ?) remarqué : nous sommes aujourd’hui le 21 novembre, et cet article du 21 novembre porte le numéro #20 au lieu du #21 : j’ai en effet sauté un jour d’écriture hier.
Après consultation avec moi-même, après deux soirées incroyablement riches en émotions positives, suivie d’une autre journée forte en émotions… bouleversantes, je me suis en effet « autorisée » moi-même à ne pas écrire mon 20ème article hier.
Je me suis dit qu’après tout, personne, à part moi-même, ne m’y « forçait », et que je pouvais m’accorder cette pause… après celle du #19, que j’avais pour le coup planifiée à l’avance.

Le 19, j’avais en effet envie que mes lectrices et lecteurs ici puissent entendre directement la voix de mon partenaire, car c’est souvent ce qu’il me manque dans les articles ou les livres des personnes qui racontent l’histoire de leur vie en impliquant un·e autre : je me demande toujours « Et l’autre, qu’est-ce qu’il ou elle aurait envie d’en dire ? »
De même qu’à chaque fois que j’entends quelqu’un·e me dire : « En x années, je n’ai pas trompé mon/ma partenaire et ellui non plus« , je me demande toujours : Comment peut-ielle en être aussi sûr·e ? Qu’aurait à en dire son partenaire si ielle pouvait parler librement ?
Je suis donc heureuse donc que vous ayez pu ici entendre directement la voix de Loïc —qu’il en soit ici remercié chaleureusement et publiquement.

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Hier, en revanche, j’avais prévu d’écrire le soir, après une longue journée. Mais une fois de plus, la vie en a décidé autrement. J’étais lessivée, rétamée, sur les rotules. Et j’ai choisi de m’accorder un répit. De me l’autoriser, sans vergogne, en l’assumant.
Parfois il est bon, aussi, de savoir repérer ses limites, et ne pas chercher à les dépasser à tout prix… car autant cela peut parfois être bénéfique, et même exaltant, parfois aussi il est important de s’écouter. Et d’être indulgent·e envers soi-même.

Et alors que j’avais décidé d’écrire un article qui s’intitulerait « Réciprocité », j’ai décidé d’écrire à la place cet article « Indulgence »…

L’indulgence envers nous-mêmes est un élément essentiel, à mon sens, d’une vie sereine et épanouie. Traitons-nous nous-mêmes comme si nous étions notre meilleur·e ami·e.
Avez-vous remarqué à quel point on est parfois sévère avec nous-mêmes ? À quel point on se dit : J’aurais dû… / J’aurais pu… / Si j’avais su… / Si c’était à refaire…À quelle fréquence on se dit (ou on dit aux autres) : Je ne suis pas fier·e de moi, voire Je suis nul·le ?

Je l’entends déjà parfois chez mes enfants, et j’essaie vraiment de les encourager à ne pas parler d’eux-mêmes ainsi : validons le positif, en toutes circonstances. Rien ne sert de s’auto-flageller, et n’oublions jamais que nos pensées créent notre réalité :  si nous disons ou pensons quelque chose, le risque est grand qu’on ne le croie.
Et ce serait dommage !

Indulgence, donc, envers nous-même… mais aussi indulgence envers les autres.

Personne n’est parfait – et heureusement ! Tout le monde a droit à l’erreurErrare Humanum est – et heureusement !

L’un des livres qui m’aide le plus au quotidien et grâce auquel, entre autres, j’ai pu écrire et réaliser LUTINE dans de telles conditions précaires et sans garanties, est L’Apprentissage de l’imperfectionJe ne peux que vous le recommander.
51TJ-rjvUwL._SY445_À la question qui se pose : Mais comment font les autres ?, il répond cette évidence : Du mieux qu’ielles peuvent, elleux aussi…
Sauf que dans notre société, on nous fait croire que les autres sont parfait·es, et que nous sommes les seuls êtres imparfaits – d’où souvent, notre rapport étouffant à une culpabilité.

Yves-Alexandre Thalmann explique très bien que le « sentiment de culpabilité » n’est pas vraiment utile en soi : soit on est en effet « coupable », et alors on fait ce qu’on a à faire pour tenter de réparer… soit on se « sent » coupable mais on ne l’est pas… et alors peut-être la « faute » revient-elle à quelqu’un·e d’autre ?
Ça nous conduit tout droit à toute une réflexion sur la différence entre la « responsabilité » et la « culpabilité ». Mais de parenthèse en parenthèse… je m’égare.

Indulgence, donc, envers nous-mêmes, mais aussi envers les autres. Et c’est aussi, à mon sens, ce qui fait la différence entre une relation positive et une qui ne l’est pas, ou moins.
On rejoint là, le fameux ratio 5:1 et même 7:1 quand il s’agit d’un « couple » (une relation intime et impliquante émotionnellement parlant, qui s’inscrit au quotidien sur le long terme)  d’interactions positives versus des interactions négatives, mis en évidence par John Gottman pour caractériser une relation positive.

C’est parce que chacun·e a de l’autre une vision positive, parce que chacun·e a la certitude que l’autre « fait de son mieux » (pour reprendre le 4ème accord toltèque), tient compte de son/sa partenaire et fait à chaque instant en sorte de prendre soin au mieux de la relation, qu’ielle peut cultiver en lui/elle-même cette indulgence envers l’autre.
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Ce qui nous met en colère, souvent, c’est notre pensée que l’autre « aurait pu / dû » faire autrement, qu’ielle n’a pas suffisamment tenu compte de nous, ou de nos émotions (voir mon coin-lecture « Mes émotions sont mes alliées« , où sont notamment répertoriés de nombreux livres sur les émotions et notamment sur la colère).

Si on sait que l’autre tient compte de nous, fait attention à notre relation, et fait de son mieux… alors au lieu d’être dominé·e dans un premier temps par la colère, quand quelque chose nous a blessé·e, on peut directement passer à la case « tristesse ».

On peut exprimer nos émotions en mode « JE », au lieu d’exprimer notre « besoin non satisfait » sous une forme « tragiquement suicidaire » en mode « TU », comme le dit Marshall Rosenberg dans ses ouvrages et conférences sur la communication non violente.

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Évidemment, tout se tient, et tous ces auteurices, ces penseur·ses, ces théoricien·nes, ces sages, ces moines bouddhistes… disent la même chose, chacun·e avec ses mots différents, mais globalement, cela revient à :

  • accepter l’autre tel·le qu’ielle est et s’accepter soi-même avec indulgence et non-jugement ;
  • s’exprimer au « JE » de façon positive en parlant de « ses » émotions, « ses » besoins ;
  • faire des demandes claires et accepter que l’autre fasse de même ;
  • entendre les paroles de l’autre sans les prendre personnellement (3e accord toltèque), en étant capable de les entendre avec le langage du cœur (et nos oreilles de girafe) ;
  • maintenir le canal de communication ouvert tant que faire se peut.

Étant entendu qu’une relation positive se crée à deux, que chacun·e ne peut être responsable que de sa propre part de la relation, qu’on ne peut jamais contrôler ni faire changer un·e autre, qu’on n’a de prise que sur soi-même… et que tout ce que j’ai exprimé et écrit jusqu’à présent sur les relations positives n’a de sens que dans un cadre de respect et de réciprocité.

Ce devait être mon article d’hier… ce sera celui de demain.
Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #19. Collaboration

Bonjour. Je suis l’autre. « L’aimé ».

Isa m’a demandé d’écrire un article pour son blog. Pour qu’elle ne soit pas la seule voix, le seul point de vue, en particulier du fait qu’elle utilise nos expériences de vie en commun pour alimenter ses réflexions et ses écrits.

Je profite donc de l’occasion pour d’abord confirmer que les faits qu’elle rapporte sont véridiques. Qu’il n’y a aucune invention, projection, romantisation, idéalisation. Que c’est certes sa vérité, sa vision des faits, mais que celle-ci correspond à ma vision des faits également, ainsi que la communication compassionnelle (non violente) le conseille : toujours parler d’abord des faits tels qu’une personne extérieure pourrait les rapporter.

Ensuite, que les ressentis qu’elle exprime ici sont bien ceux que nous nous exprimons l’un à l’autre. Les observations qu’elle fait de son propre fonctionnement mental correspondent effectivement à ce qu’elle m’exprime, et ce qu’elle rapporte de nos conversations correspond à ce que nous nous disons. En beaucoup plus condensé évidemment puisque nos discussions durent en réalité des heures…

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Je tiens à préciser cela parce que c’est d’une importance cruciale pour moi, dans mon histoire de vie. Avant de connaître Isa, je ne connaissais pas cela : un environnement sécure où les ressentis de l’un sont accueillis par l’autre, où la parole est libérée, où la confiance et la bienveillance constituent le socle d’une relation qui est nécessairement amenée à évoluer. Une relation où l’autre est par principe accepté pour qui il est, où on ne cherche pas à le changer pour qu’il corresponde à un pseudo-idéal, où en réalité on est excité par avance de voir l’autre évoluer au sein de la relation qu’on aura su établir, non pas sur des d’objectifs communs à atteindre ensemble, mais sur des principes partagés. Où le voyage est plus important que la destination. Où la fin ne justifie jamais les moyens, parce qu’en réalité, les moyens qu’on utilise révèlent qui nous sommes au fond, et la fin n’est en réalité jamais atteinte et somme toute, totalement illusoire.

Et quand je parle de « principes partagés« , je ne parle pas de promesses sur un avenir qu’on ne connaît pas – Je n’aimerai jamais que toi, je ne m’occuperai que de toi, je ne te quitterai jamais… Non. Notre relation s’est bâtie (très progressivement) sur quatre principes de fonctionnement :

– Le premier de ces principes, le plus essentiel, c’est de parler, le plus possible, de ce qui nous habite, de partager avec l’autre nos ressentis et nos conflits internes. Parler au « JE », oser exprimer toute la richesse des émotions parfois conflictuelles qui nous habitent et qui font de chacun de nous des êtres merveilleusement imparfaits.
Cette communication a trois vertus essentielles : nous connaître et nous accepter tels que nous sommes ; permettre à l’autre de nous connaître tels que nous sommes ; et faire diminuer l’intensité des émotions et nous permettre de travailler dessus.

– Le second principe, nécessaire au premier, est d’accepter et d’accueillir la parole de l’autre quand il parle de lui.
Toutes les réalités personnelles sont bonnes à dire, toute émotion est légitime.

– Le troisième, nécessaire pour une communication claire, est de ne jamais se mentir. Ne jamais dire ce que l’on pense que l’autre attend que l’on dise par peur de dire ce qu’on a vraiment au fond du cœur. Et comme l’autre accepte ma vérité par la vertu du second principe, je n’ai rien à gagner à ne pas la partager ou à la travestir.

– Le quatrième principe, qui découle logiquement des précédents, c’est la liberté. Chacun est libre de choisir ce qu’il souhaite vivre, ou ne pas vivre. La communication permet de tenter d’accorder nos besoins, de respecter nos libertés respectives.

Je vous donne cela comme une recette toute faite, mais en réalité, elle est le fruit d’une longue maturation. Nous avons découvert ces principes au fur et à mesure, après bien des écueils. Et leur application quotidienne reste difficile. Mais nous sommes rarement en difficulté tous les deux en même temps, et nous nous aidons mutuellement en offrant des espaces de parole, en questionnant les besoins de l’autre, en faisant preuve de la bienveillance et de l’empathie qui sous-tendent ces principes et qui sont les conditions essentielles de leur mise en oeuvre.

Et je suis bien placé pour savoir qu’il existe des relations où la bienveillance et l’empathie ne sont pas présentes, et où la communication est donc difficile. Où on exprime des jugements, des accusations, des « TU », où l’autre est coupable de ne pas être celui qu’on projetait.
Ou bien où on n’exprime rien, on n’ose pas dire à l’autre qui on est, de peur d’être jugé et rejeté, où on porte un masque et on reste dans son « rôle ».

La communication elle-même peut devenir un enjeu de pouvoir dans une relation difficile. « C’est trop difficile à exprimer« , « Je ne te le dirai pas« , « Je ne te parle plus« , « Réfléchis un peu« , « Tu le sais très bien« …
Ou à l’inverse : « Tais-toi« , « Je préfère ne pas le savoir« , « Si tu dis cela, je ne le supporterai pas« …

Certes on a le droit, le devoir même, de dire qu’il y a des situations oû l’émotion est trop présente pour que la communication puisse s’établir harmonieusement, et donc demander et s’accorder des pauses, pour permettre à l’émotion de redescendre. Mais ces pauses doivent être courtes, car la relation ne peut continuer pendant ces pauses.
Couper la communication, c’est tuer la relation à plus ou moins long terme.

Pour moi c’est cela le message le plus important : si vous ne pouvez pas exprimer votre moi profond à l’autre, vous ne pouvez pas espérer construire à long terme une relation enrichissante pour aucun des membres.
Ce sera une relation d’un autre type : une dépendance émotionnelle ou matérielle, où l’autre n’est pas un partenaire mais un inconnu inquiétant, une source de dangers qu’il faut maîtriser.
Une relation où chacun se sent incroyablement seul.

Sachez que ce n’est pas une fatalité. Qu’il existe d’autres relations que les relations de dépendance. Qu’elles sont incroyablement plus enrichissantes. Qu’elles sont semées d’embûches, qu’il faut pratiquer à la fois le lâcher-prise sur les éléments qu’on ne peut contrôler (les autres), la connexion à soi-même pour explorer nos peurs les plus profondes, et l’accueil bienveillant des autres qui font un chemin parallèle.
Et que la clef qui permet de dégonfler ces obstacles apparemment insurmontables, c’est la communication compassionnelle.

Isa nous montre un exemple de cette communication à travers son blog et son envie de transmettre ses expériences et ses lectures à d’autres qui se posent des questions similaires. Questions qui sont d’autant plus importantes à l’époque où nous vivons.

Deux chemins s’offrent à nous : souhaitons-nous faire advenir pour nos enfants un monde d’affrontement, où nous devons accaparer pour nous-même des ressources finies (temps, attention, amour, travail, argent, ressources naturelles), où notre « bien-être » prime sur celui des autres et où il y a forcément des gagnants et des perdants, un monde de solitude ;
ou au contraire, un monde de partage, d’écoute, de curiosité, de découverte de richesses insoupçonnées en nous-même et dans les autres, de travail en commun vers un bien-être plus universel ?
J’ai connu et vécu le premier de ces chemins, et maintenant j’ai choisi le second.

Loïc

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21 JOURS pour des relations positives #8. Accueil des émotions

Plutôt qu’un article de théorie sur la gestion des émotions (j’en ai déjà rédigé plusieurs et je vous invite à vous y reporter : « 13 JOURS de pensée positive #7« , « Nos émotions au cinéma« , « Voyage en Polyamorie #11. Spirale positive ; vous en trouverez d’autres en tapant « Émotions » dans l’onglet de recherche), j’ai envie aujourd’hui de donner un exemple concret d’une situation vécue il y a peu. Et pour que le lien avec ce que j’appelle une relation « positive » soit plus clair, il ne s’agira ni d’une situation en rapport avec la polyamorie, ni en rapport avec un enfant : on verra bien alors qu’il s’agit d’une posture générale d’accueil des émotions dans la vie, que ce soit avec un·e adulte, un·e enfant, dans un couple, une famille – ou même avec quelqu’un·e que vous ne connaissez pas dans la rue.

Pendant les vacances de la Toussaint (c’est donc vraiment récent), mon aimé et moi-même avons emmené ma fille, 7 ans, au jardin d’Acclimatation : elle avait envie d’une « fête foraine« . Un manège, deux manèges, trois manèges… tout allait plutôt bien. Ce n’était juste pas moi qui montait avec elle, car ces « trucs » qui secouent dans tous les sens pour créer des sensations – et spécifiquement des sensations de peur – dans le corps, ça fait bien longtemps que j’y ai renoncé…

(Parenthèse : je me souviens de la dernière fois où je suis montée dans un manège type montagne russe pour « faire comme les autres », et soi-disant « m’amuser » : c’était avec le père de mes enfants, sans doute au tout début de notre histoire, car je devais être dans la phase : « j’essaie de paraître cool« , au lieu de préférer être simplement moi-même. C’était donc… il y a vingt ans !
Sur le manège lui-même, j’ai cru… que j’allais mourir. Littéralement. Quand j’en suis descendue, j’ai vomi et pleuré, beaucoup. Dans le genre « cool », je pouvais repasser !
Ce jour-là, j’ai décidé qu’on ne m’y prendrait plus (comme le corbeau de La Fontaine) et que plus jamais, je ne monterais dans un manège que je ne « sens » pas. Fin de la parenthèse).

Retour au jardin d’Acclimatation, où ma fille, donc, s’éclatait avec son beau-père – qu’elle présente aussi souvent comme « l’amoureux de sa mère ». Jusqu’au moment où je les vois aller en direction d’un nouveau manège. Un truc euh… où des nacelles sont tenues par des chaînes…

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Quand on est dessus, ça donne ça : 
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Mais quand on est en-dessous, voilà ce qu’on voit :

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À vrai dire, je n’ai pas « réfléchi »… J’ai juste « vu » et senti monter lentement mais de manière inexorable en moi une bouffée d’angoisse : petit à petit, j’ai senti mes jambes flageoler, mon cœur s’accélérer, ma respiration se saccader… Rapidement, je n’ai plus pu parler, je suffoquais, j’étais en train de m’étouffer. Plus capable de prononcer un mot, bien incapable de dire : « Euh… je crois que je préférerais que vous ne montiez pas dans celui-ci… » Non, c’était bien plus radical que ça : une véritable « panic attack » – ça devait être ça.

C’est à ce moment-là que mon aimé, se retournant vers moi, m’a aperçue, me débattant avec mon corps envahi – j’imagine – de cortisol et d’adrénaline, au point où ils me paralysaient complètement. Je ne pouvais juste plus communiquer autrement que par des signaux physiques de détresse.
Il est aussitôt venu vers moi, a rassuré ma fille, soudain bien sûr un peu inquiète de me voir dans cet état, et c’est lui qui a prononcé les mots auxquels je n’avais plus accès : « Tu ne veux pas qu’on monte là-dedans, c’est ça ? Tu as peur ? »

Alors j’ai senti que, comme il semblait comprendre ce qui m’arrivait, je pouvais à nouveau contacter mon néo-cortex – mon cerveau rationnel – je pouvais « ré-intégrer » mon cerveau gauche et mettre des mots sur la panique de mon cerveau droit et j’ai réussi à dire : « J’ai peur que vous tombiez et que vous mourriez. »

Il n’a pas cherché à me rassurer, pas cherché à « rationaliser », à me dire : « Mais enfin, tu penses bien que ce n’est pas dangereux, ils ne laisseraient pas les gens monter dessus sinon » – ça aurait été bien inutile, et vous pensez bien que je me l’étais déjà dit. Aucune « rationalisation » ne pouvait m’empêcher de penser, moi : « Oui, mais si justement, aujourd’hui, il y a un accident ? »

Non, il a juste « accueilli » mon émotion, et il l’a « expliquée » à ma fille, qui, à son tour, commençait à pleurer : « Mais moi, je veux vraiment y aller sur ce manège… ».
Il lui a expliqué qu’une fois qu’elle était montée, il fallait juste que je laisse « redescendre » mon émotion, et qu’on allait trouver ensemble une solution : et faire une « résolution de problème« . Mais auparavant, il m’a juste prise contre lui, sans parler… et mes larmes ont alors pu sortir, en sanglots, me permettant d’évacuer les hormones de stress qui m’avaient envahie.
Une fois que j’ai pu retrouver une respiration à peu près normale, il m’a alors demandé si ça me paraissait possible, tout simplement, de ne pas regarder, pendant qu’ielles montaient sur le manège. J’ai accepté, en hochant la tête et tout en reniflant. J’avais vraiment la sensation d’avoir cinq ans.

Je me suis alors éloignée, dans la direction d’un rayon de soleil. J’ai trouvé un peu plus loin un petit point d’eau avec des canards, et j’ai regardé les canards, le soleil sur le pont, les gens avec leurs enfants. Je me suis réchauffée au soleil. Et j’ai attendu qu’ielles reviennent.
Au bout d’un moment, j’ai commencé à trouver le temps long… et à sentir à nouveau l’inquiétude remonter en moi : et si ielles ne revenaient pas ?
Alors je me suis concentrée sur ma respiration, en pleine conscience. Et j’ai attendu.
Et ielles sont revenus.

Et on a tou·tes les trois été fièr·es de nous, d’avoir su gérer cette crise. Moi, parce que j’avais réussi à surmonter ma peur qu’ils montent sur le manège et que je les avais laissé·es y aller ; ma fille parce qu’elle avait attendu que mes émotions redescendent sans faire de crise à son tour ; et mon aimé, parce qu’il avait brillamment géré ce moment délicat.

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Qu’aurait fait une personne avec laquelle j’aurais été dans une relation moins positive ? Elle se serait moquée de moi. Elle aurait haussé les épaules en disant : « Tu es vraiment ridicule. Quel âge tu as ? » ou bien encore : « Tu te donnes en spectacle, j’ai honte pour toi » ; ou bien encore : « Reprends-toi ! Tu imagines le modèle que tu donnes à ta fille ? » ; ou bien tout ça en même temps, sur le rythme d’une mitraillette : ta-ta-ta-ta-ta ! 

Et qu’est-ce que ça aurait provoqué en moi ? Une rage, une colère de ne pas être comprise, une humiliation, une rancœur. Est-ce que ça aurait contribué à apaiser mon émotion ? Certes non : ça aurait au contraire ajouté de la colère à ma peur. Et vraisemblablement, je me serais mise à crier ou à pleurer encore plus fort, pour les empêcher de monter sur le manège – à moins que je n’aie été complètement sidérée par la panique, en état de choc. Ma fille aurait paniqué à son tour, et l’après-midi, à coup sûr, aurait été gâché. On serait reparti·es du parc en étant tou·tes trois déçu·es et frustré·es, en colère et tristes. Et j’aurais entendu : « Il faut toujours que tu gâches tout. Tu es pire qu’un enfant ! Tu es ridicule, ma pauvre fille. Il faut te faire soigner, tu es pathétique. »
(Ça vous paraît exagéré comme dialogue ? C’est malheureusement du vécu…).

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Voilà donc ce que j’appelle l’accueil (positif) des émotions : les accueillir pour ce qu’elles sont – nos alliées. Les remercier (dans le cas de la peur par exemple) de nous alerter d’une situation potentiellement dangereuse. Et les accompagner, à leur rythme.

La méthode TIPI nous apprend qu’en deux minutes d’attention portée à la sensation physique d’une émotion, elle se modifie petit à petit… pour disparaître. À vrai dire, il me semble qu’il ne s’agit ni plus ni moins… que d’une attention au corps portée en pleine conscience. 

Au-delà de l’accueil des émotions, voilà ce qu’est pour moi une relation positive : une relation dans laquelle on se sent en sécurité. Dans laquelle on sait que nos émotions seront accueillies pour ce qu’elles sont : des vigies, des alliées, et non des ennemies. Et où la personne en face a suffisamment confiance en elle pour « ne rien prendre personnellement » (3e accord toltèque) : j’y reviendrai.

Pour aujourd’hui… hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle