Pourquoi je préfère « la polyamorie » au « polyamour »

Définition et retour aux sources

Les mots « polyamour » (souvent d’usage en français) et « polyamorie » – que je lui préfère – sont en réalité deux traductions différentes du même néologisme américain « polyamory » (formé du grec πολύ et du latin amor) qui signifie, non pas le fait d’être amoureux de plusieurs personnes en même temps, mais : la possibilité de vivre des relations plurielles éthiques dans lesquelles l’amour, s’il se présente, est libre de se développer.

Et la nuance est importante.

Définition sur Wikipedia : 
Polyamory is the practice of, or desire for, intimate relationships where individuals may have more than one partner, with the knowledge and consent of all partners.
It has been described as « consensual, ethical, and responsible non-monogamy ».

La polyamorie – appelée souvent à tort à mon sens « polyamour » en français – est en effet  la possibilité de vivre en parallèle des relations intimes plurielles – possiblement amoureuses et/ou sexuelles – avec l’accord libre et en conscience de chacune des personnes concernées.

Les relations en question peuvent être amoureuses… ou pas (on peut être poly et aromantique), de même qu’elles peuvent être sexuelles… ou pas (on peut être poly et asexuel·le) : l’idée est de laisser se développer les relations de manière organique, sans chercher à les faire entrer dans des cases ou à les qualifier.

Il s’agit d’une orientation relationnelle, où l’accent est plus mis sur la forme des relations : éthique — chaque personne s’engage à faire attention et à prendre soin de ses partenaires et relations  que sur leur nature (amoureuses possiblement, mais pas nécessairement).

Or dans « polyamour », on entend « Amour » – avec un grand A, renvoyant le plus souvent à l’amour romantique, l’amour-passion.
Le souci est pour moi encore plus frappant avec « polyamoureuxe » où on entend : « être amoureuxe », là où en anglais, « polyamorous » ne signifie pas « to be in love » mais… « être sexuellement attiré·e » par plusieurs personnes.

Voilà pourquoi je préfère traduire l’américain d’origine « polyamory » par « la polyamorie ».

NB. Cette confusion avec le mot « amour », du latin « amor », n’existe que dans les pays de langue d’origine latine : français, italien, espagnol, portugais. Même hésitation pour traduire polyamory en italien par exemple, entre poliamore et poliamoria.

En effet, quand on entend « polyamour » en français, on croit comprendre qu’il s’agit de « être amoureuxe » de plusieurs personnes et… on se trompe.
Il s’agit pour moi d’un faux-ami de traduction.

En anglais, la confusion n’existe pas : on ne parle pas de « poly-love » et quand on entend pour la première fois le mot « polyamory« , le réflexe est de demander « poly-what ? »
De même qu’en allemand, on ne dit pas « Die Polyliebe » (qui serait la traduction littérale de « polyamour »), mais « Die Polyamorie » – qui ne veut rien dire, et oblige à poser des questions.

Je préfère de même utiliser en français ce même mot de « polyamorie » qui a pour conséquence, quand on l’entend la première fois, de susciter, comme en anglais et en allemand, la question : « poly-quoi ? »


Pour plus de détails sur l’origine du mot polyamory (= ethical non-monogamy),
voir mon article : Poly-quoi ? Amorie. Poly-amorie !
dans ma série d’articles sur l’Éthique relationnelle.

***

NB. Une partie des paragraphes ci-dessus ont été écrits pour un  article de Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue, sexologue et président de l’Observatoire International du Couple, pour son article sur son blog sexo sur le journal Le Monde Polyamorie, paru le 13 décembre 2018, quelques jours après sa découverte de LUTINE sur grand écran et sa rencontre avec le public à cette occasion : voir les vidéos sur la chaîne Youtube de Lutine le film.

ÉTHIQUE RELATIONNELLE #14. La Polyamorie est révolutionnaire

Oui, bon, je le reconnais, j’y vais peut-être un peu fort, là… Quoique.

Je l’ai dit, je le redis : la polyamorie est intrinsèquement féministe : par principe, chaque partenaire a les mêmes droits, quels que soient son genre, son âge, son orientation sexuelle ou relationnelle, ou son rôle dans la société. C’est un principe de base.

{NB. Et c’est d’ailleurs bien en cela notamment, que, bien que certain·es se posent encore des questions en ce sens, la polyamorie n’a vraiment rien à voir avec la polygamie telle qu’elle est le plus souvent pratiquée : polygynie.}

Et rien qu’en cela, franchement, dans notre société, eh ben disons-le : c’est pas acquis.

Allez, pour le plaisir (le mien, en tout cas !), je remets ici cette vidéo du Premier Ministre canadien Justin Trudeau à un sommet des Nations Unies :

« Je continuerai à dire que je suis féministe jusqu’à ce que ça soit accueilli par un haussement d’épaule. »
« I’m gonna keep saying loud and clearly that I’m a feminist until it is met with a shrug.(…) It shouldn’t be something that creates a reaction. It simply is saying I believe in equality in men and women and I believe that we still have an awful work to do to get there. »

Parce qu’en effet, il est plus que temps que les hommes se disent, s’assument et prouvent qu’ils sont féministes, parce que, comme il le dit, ça devrait être « normal » et non remarquable, d’être féministe.

Bien au-delà cela dit, la polyamorie n’est pas « seulement » féministe, elle est aussi fondamentalement et profondément égalitaire.

Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’égalité entre les « hommes » et des « femmes », mais bien entre les personnes, i.e. les êtres humains, quel que soit leur genre. Qu’ielles se reconnaissent hommes ou femmes – ou pas. La polyamorie est inclusive. Des personnes trans, des personnes non-binaires, des personnes agenre. Des personnes aromantiques ou asexuelles.

Il n’existe pas de « hiérarchie » entre les personnes, personne n’est supérieur à personne, tout le monde a les mêmes droits. Point.

un pas de côté

La polyamorie nous fait faire un pas de côté par rapport à l’escalator relationnel, et rien qu’en cela, en réalité, c’est déjà révolutionnaire. Elle nous fait changer de paradigme.

Plus aucune injonction ou attente pré-établie
sur ce que sont « supposées » être nos relations. Du sexe ? Pas de sexe ? De l’amour dit « romantique » ? Une vie sous le même toit ? Quelle différence entre un·e « ami·e », un·e amant·e, un·e amoureuxe ? (Car – cela n’aura échappé à personne – il s’agit bien ici de la même racine du verbe latin amo, amare : aimer.)

Pourquoi vouloir étiqueter les personnes, et/ou nos relations ?
Pourquoi ne pas, quand on rencontre quelqu’un·e, laisser la place à l’inconnu, à la surprise, à la vie, tout simplement ? Laisser évoluer la relation… en fonction de ce que chacune des personnes concernées a envie de vivre ?

En ce sens, la polyamorie est écologique. Respectueuse de la vie telle qu’elle est. La vie est changement, la vie est mouvement, la vie est… vie. Quand on ne bouge plus, quand on n’évolue plus… c’est qu’on est mort·e.
Françoise Simpère ne s’y était pas trompée, qui sous-titrait déjà, en 2009, son Guide des Amours plurielles : Pour une écologie amoureuse.

Guide des amours plurielles

La polyamorie est éthique : égalitaire, démocratique, écologique. Elle s’épanouit dans un cadre de collaboration, solidarité, empathie, écoute de l’autre. Elle repose sur une logique d’abondance – par contraste avec une logique du manque et de la pénurie.

Un de ses mantra est : l’un·e n’empêche pas l’autre.

Alors bien sûr, le temps ou l’argent, contrairement à l’amour, sont des ressources limitées. Et il ne s’agit pas de prétendre que la polyamorie est un mode relationnel « facile » à vivre, ni qu’elle peut convenir à tout le monde. Bien sûr que non.

La polyamorie ne convient pas à tout le monde, de même que… la monogamie, non plus, ne convient pas – et ne peut pas convenir – à tout le monde.
Tout simplement parce que (attention, roulements de tambours…)

un même modèle ne peut pas convenir à tout le monde.  

Dans notre société et culture saturées d’histoires toutes construites sur le même modèle (le fameux Boy Meets Girl des comédies romantiques, elles-mêmes héritées des contes de fées), combien de personnes se sentent exclues, ont l’impression d’être « différentes », « pas normales », simplement parce qu’elles ne s’y reconnaissent pas ? Combien de personnes aromantiques ou asexuelles, par exemple, ne se sont jamais retrouvées dans ces romans ou films à l’eau de rose, quand bien même « on » voudrait leur faire croire que c’est ce dont chacun·e rêve ?

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En réalité, nos histoires sont toutes construites à partir d’un imaginaire collectif, dont font partie les fameux archétypesLes créateurices ne sont que des humain·es parmi d’autres, s’inspirant bien sûr de ce qu’ielles voient dans la vraie vie, mais avant tout des structures éprouvées des histoires qui les ont précédé·es.

C’est en partie comme ça que les mythes (tels que le mythe de l’Amour romantique) se perpétuent et se transmettent de génération en génération, et que certain·es, avec les meilleures intentions du monde, répètent : « C‘est comme ça ! Parce que ça a toujours été comme ça, et si tu ne t’y conformes pas, tu seras malheureuxe. »

Or, au risque de me répéter, chacun·e a le droit de se définir soi-même, de même que de définir pour soi les relations qui lui conviennent. 

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Je ne suis pas en train de prêcher en faveur des relations plurielles éthiques comme « modèle » ou « idéal »  – si c’est l’impression que vous avez à me lire, j’en suis désolée : là n’est clairement pas mon intention.
En revanche, ce en quoi je crois, c’est qu’il est temps qu’on déconstruise le mythe de la monogamie comme « naturelle », « évidente » et « applicable à tou·tes ».

La monogamie convient à certain·es : tant mieux !
Mais elle ne convient pas à d’autres : c’est un fait.
Mon enjeu ici est donc bien qu' »on » ne cherche alors pas à la leur imposer comme « seul mode de relations valable ». Parce que par principe, aucun modèle relationnel ne peut s’appliquer à tou·tes. Parce que nous sommes toute·s différent·es.

Et en ce sens qu’elle remet en cause ces croyances qui nous sont transmises par notre culture et la société dans son ensemble (le prince charmant, etc.), la polyamorie est intrinsèquement politique et… révolutionnaire. Oui, j’assume.

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La polyamorie remet en cause la structure hiérarchique à la base même de la société patriarcale : et je ne parle pas ici « seulement » de l’institution du mariage, mais bien au-delà – le principe même des rapports de force et de pouvoir entre les personnes, tels qu’ils sont définis sur une échelle sociale « verticale », avec des personnes qui seraient « supérieures » à d’autres.

Le mariage a été conçu comme un contrat social, entre autres pour garantir à l’homme qu’il transmettait bien son patrimoine à ses descendants biologiques – et non à ceux du voisin (quand bien même on le sait aujourd’hui, entre 10 à 20% des enfants ne seraient pas de leur père reconnu).
C’était un instrument de domination de l’homme sur la femme, considérée comme une sous-personne, comme une mineure (cela veut tout dire de la manière dont, encore aujourd’hui, on considère les enfants dans notre société comme des « sous-personnes » ; pensons aussi à cet héritage qui dit que, tant qu’une femme n’était pas mariée, elle restait une « mademoiselle », et n’avait pas le statut d’adulte réservé aux « madames »).

L’exclusivité était à l’origine bien plus imposée à la femme qu’à l’homme, qui a toujours joui d’indulgence à l’égard de ses aventures extra-conjugales.
Et à l’époque, d’ailleurs, le mariage n’avait rien à voir avec l’amour, mais bien avec la transmission du patrimoine.

Quand, dans les années 20 et 30, les femmes ont commencé à s’émanciper, et plus encore après-guerre, le mariage d’amour s’est généralisé, on a associé le sentiment d’amour… avec le contrat du mariage qui liait deux personnes pour le restant de leurs jours.

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Sauf que… comment peut-on envisager même de s’engager sur la pérennité d’un sentiment ?
Je peux te promettre d’être honnête, respectueuxe, fiable, fidèle au sens de « digne de confiance »… mais comment te promettre de t’aimer toujours ?

La fidélité ne signifie pas, pour moi, la même chose que l’exclusivité – sentimentale ou sexuelle.

Quand le mariage d’amour s’est généralisé, au lieu d’accorder aux femmes la même tolérance que celle qui s’appliquait jusque-là aux hommes sur leurs relations extra-conjugales (la contraception n’existait pas encore, ça restait « risqué » d’avoir un amant)… on a au contraire appliqué aux hommes la même exigence d’exclusivité.

Aie. Du coup, tout le monde logé à la même enseigne, piégé par le même contrat de base, implicite, d’exclusivité.

Certes. Mais aujourd’hui….?
Aujourd’hui, les femmes sont autonomes financièrement (même si leurs salaires sont encore inférieurs à ceux des hommes) et… on a la contraception !

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D’où la question : à partir du moment où la sexualité est enfin dissociée de la procréation, au nom de quoi cette exigence implicite d’exclusivité a-t-elle encore lieu d’être ?

Une des réponses est : nos croyances ! Nos habitudes, la culture, le story-telling, tout ce passé que l’on a hérité de nos parents, grands-parents et romans, films et contes de fées…

Eh bien… c’est tout cela que la polyamorie vient remettre en cause.
Et c’est aussi en cela qu’elle dérange.
Parce qu’elle vient titiller à un endroit où on n’a pas nécessairement envie d’être titillé·e.

Parce que beaucoup d’entre nous ont grandi avec des idées toutes faites… auxquelles ielles croient et veulent croire. Parce que beaucoup d’entre nous, au nom de ces croyances, ont accepté, toléré, voire subi, beaucoup de choses qu’ielles n’auraient peut-être pas acceptées sinon.

Et quand un·e trublion·ne à qui on n’a rien demandé, vient secouer tout ça en disant : « C’est possible de faire autrement, si si, je t’assure ! », eh bien… on n’a pas nécessairement envie de l’entendre.

Parce que se dire qu’on s’est peut-être sacrifié·e toute sa vie en renonçant à des tentations parce qu’on croyait que c’était la condition sine qua non pour maintenir à flot son couple… et apprendre au détour du chemin qu’une autre voie était possible… franchement, je comprends que ça soit rageant !

Peut-être est-ce en réalité moins douloureux de balayer tout ça d’un revers de la main en disant : « C’est n’importe quoi ! Ça marche pas, ces trucs-là ! Si ça avait marché dans les années 70, ça se saurait ! »

années 70

Sauf que voilà : dans les années 70, on parlait de libération sexuelle, pas de relations éthiques et égalitaires, d’accueil des émotions et de communication compassionnelle.

Dans les années 70, le féminisme n’en était qu’à ses balbutiements. Et souvent, ce qui était mis en avant était une « injonction à jouir » ! Celleux qui ne souhaitaient pas se conformer au nouvel ordre libertaire – et surtout celles qui ne souhaitaient pas coucher avec ceux qui prêchaient cette « libération » ! – étaient critiqué·es, raillé·es, et taxé·es de « petit·es bourgeois·es ».

Ce n’est pas de cela dont il est question aujourd’hui avec la polyamorie, et en rien, l’idée n’est de remplacer une norme par une autre ! Bien au contraire.
Il ne s’agit pas de proposer la polyamorie comme « une meilleure manière de vivre nos relations ». Non non.

Juste en revanche de dire : c’est possible. 
Et si la monogamie imposée comme norme dans notre société ne vous convient pas, ou vous étouffe… alors sachez qu’il est possible de vivre autrement.

La polyamorie est une alternative à la monogamie. 

L’idée est que chacun·e puisse choisir en conscience la manière dont ielle a envie de vivre ses relations.

C’est en ce sens que je n’ai pas peur de dire que la polyamorie est non seulement éthique, féministe, écologique, foncièrement politique, mais aussi… révolutionnaire !

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #13. En quoi la polyamorie dérange ?

L’ascenseur relationnel, autrement dit la « norme » implicite dans notre société de ce qu’est – ou doit être pour être reconnue comme telle – une relation, conjugue certains éléments :
– un couple hétéro
– qui fait des enfants
– et est monogame / exclusif à vie.

Sauf qu’aujourd’hui, on admet :
– que les mariages homo puissent aussi être des mariages d’amour ;
– que certain·e·s puissent ne pas vouloir avoir d’enfants ;
– que les monogamies puissent être « sérielles » ou « séquentielles » : on n’est plus monogame « à vie », mais le temps d’une union donnée.

Autrement dit, notre regard sur ce que sont censés être – ou ne pas être – l’amour et une relation d’amour, évolue selon la période de l’histoire ou la culture données. Dans certains pays, l’amour homo n’a toujours pas droit de cité (j’en profite pour vous inviter à signer la pétition à propos des tortures et arrestations des homosexuels en Tchétchénie).

Or, je ne le répéterai jamais assez : personne ne peut me définir à ma place.
Si une personne se dit amoureuse… c’est qu’elle est amoureuse. Personne ne peut savoir à ma place ce qu’il se passe dans ma tête ou ce que je ressens. Le jugement des autres sur ce que je vis est tout simplement absurde : c’est du non-sens.

Peut-on alors imaginer que si certain·e·s continuent à dire des relations plurielles que « ce n’est pas vraiment de l’amour« , ou que « ce n’est pas possible d’aimer plusieurs personnes à la fois« , comme on l’entend encore tellement souvent, c’est leur jugement, leur point de vue, qui n’engagent qu’elleux et leur idée préconçue de ce qu’est l’amour ?

Peut-on accepter que seule la parole des personnes qui vivent ces relations plurielles a de la valeur pour définir ou qualifier ce qu’elles vivent ?

Peut-on espérer que, parce que de plus en plus d’entre nous assumerons au grand jour nos relations différentes, hors de l’ascenseur relationnel, le point de vue des « normo-pensants » pourra évoluer, de même qu’il a évolué pour les couples homo ?

Off the Escalator

Aujourd’hui, même si les mœurs évoluent (on ne croit plus à la monogamie “jusqu’à la mort » et on accepte les divorces et séparations, qui créent, de fait, des monogamies sérielles), le mythe de la monogamie tient toujours : si ce n’est plus « à vie », au moins le temps d’un couple.

Paradoxalement, on peut se demander si le mariage homo n’a pas en réalité renforcé ce mythe de l’idéal de la monogamie : de l’exclusivité sentimentale et sexuelle.
Si « même les homo », qui avaient plutôt une « réputation » d’ouverture et de de non-monogamie veulent de l’institution du mariage (sous-entendu, du mariage exclusif), alors c’est bien qu’elle a encore du sens…?

Sauf que dans les faits, selon les sondages, il semblerait qu’entre 50 à 80% des couples “mono” ne sont en réalité exclusifs qu’en apparence et en théorie : en effet, beaucoup reconnaissent avoir au moins une fois, fait une « entorse au contrat ».

Or la grande différence entre ces « entorses » que l’on nomme adultères ou infidélités, et la polyamorie… est précisément l’éthique. 

L’adultère – aussi appelé infidélité : le fait d’être infidèle au contrat passé d’une exclusivité sentimentale et sexuelle – n’est en effet rien d’autre qu’une non-monogamie non-consensuelle (puisqu’au moins l’une des personnes concernées n’est pas au courant) – donc non-éthique.

Si la polyamorie dérange encore tant, n’est-ce pas parce qu’elle attire l’attention sur le fait que cette pratique « implicite » des relations maritales que constitue l’adultère (pensons à la tradition française du vaudeville !) est précisément non-éthique ?
vaudeville

Je me souviens de certaines critiques hyper virulentes à l’égard de mon premier long métrage Tout le plaisir est pour moi (*) qui parlait de clitoris, de masturbation féminine et encourageait les femmes à « prendre leur plaisir en mains » au lieu d’accuser leurs partenaires d’être « de mauvais amants ».
Je ne comprenais pas la véhémence de certaines, notamment des magazines féminins tels que Elle ou Marie-Claire (elles écrivaient que le film était « vulgaire » et « grossier » : or on peut lui faire plein de reproches… mais pas ceux-ci !), et ai posé la question à mon psy. Et sa réponse résonne encore à mes oreilles : Parce que votre film les confronte avec leurs propres compromis avec leur sexualité alors qu’elles ne vous ont rien demandé ! 
Et en effet, pendant les années qui ont suivi, je peux vous assurer que j’ai surveillé les unes des magazines : les premières sur la masturbation féminine sont arrivées… huit ans après seulement, en 2012.

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Sans doute en 2004 était-il encore trop tôt pour un certain nombre de personnes, pour parler aussi ouvertement et librement de masturbation…

Eh bien, je me demande si ce n’est pas la même chose avec la polyamorie, et si on n’a pas là, juste quelques années d’avance sur le « grand public » !

En gros, tant qu’on vit en monogamie hypocrite (tout le monde se dit monogame tandis qu’une grande majorité triche ou ferme les yeux)… tout va bien.

Mais quand la polyamorie commence à faire parler d’elle et à s’afficher dans les magazines grand public (comme Marie-France en janvier dernier), elle déplace les projecteurs sur le côté non-éthique et non-consensuel des relations monogames hypocrites.

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Et les gen·te·s n’ont pas nécessairement envie qu’on attire l’attention de leur conjoint·e sur leur éventuel désir “d’aller voir ailleurs”, ou de se confronter à l’idée que peut-être  leur conjoint·e a des relations extra-maritales. Petits Arrangements avec l’amour, pour reprendre le titre d’un livre de Lucy Vincent. 

Ielles ont peut-être envie de ne pas se confronter avec la réalité, parce que ça les arrange comme ça.
C’est le fameux Don’t ask, don’t tell.
Si je ne le sais pas, ça n’existe pas.
Je préfère ne pas savoir. 

Et quand certain·e·s parlent alors ouvertement de non-monogamie consensuelle et éthique – ce qu’est la polyamorie – en jouant la carte de l’honnêteté, en travaillant sur leurs émotions, leurs éventuelles difficultés relationnelles, leurs ombres, leurs insécurités… eh bien, c’est comme avec Tout le plaisir est pour moi : ça renvoie peut-être certain·e·s à leurs propres non-dits, arrangements et compromis alors que… ielles n’avaient rien demandé !

Cela fait-il sens pour vous ?
Hâte de lire vos commentaires.

Avec plaisir,
amour et bienveillance,
Isa

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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21 JOURS pour des relations positives #23. Polyamorie

Quoi ? 21 jours annoncés et, une fois passé le récap’ du 22ème jour, je joue les prolongations ? Et oui ! Car des imprévus de la vie se sont parfois invités sur mes pages (je pense notamment à mes articles #2. Détournement#9. Le Choc et #20. Indulgence) et je tenais absolument à cet article sur la polyamorie, bien que j’en ai déjà beaucoup parlé dans mes 21 jours de Voyage en Polyamorie

Non seulement, en effet, je suis loin d’en avoir fait le tour, mais aussi, c’est pour moi l’aboutissement naturel de mes articles sur les « relations positives », même si, on l’aura compris, pour moi, les caractéristiques des relations « positives » que j’ai essayé de mettre en valeur (consentement, réciprocité, harmonie, accueil des émotions, sécurité, empathie, prendre soin, collaboration, attachement, connexion, réparation, indulgence…) valent autant pour toutes nos relations que nos seules relations sexo-affectives, comme les appellent nos ami·es espagnol·es.

En effet, je suis toujours surprise quand je lis des essais sur la communication non violente, ou par exemple les livres remarquables du moine bouddhiste vietnamien auquel je dois ma cloche de pleine conscience, Thich Nhat Hanh, sur l’amour : How to Love et True Love, ou encore celui de bell hooks, all about love… mais aussi tous les livres sur les couples, tel que celui d’Ywane Viart (Couple heureuxou encore ceux de John Gottman dont j’ai beaucoup parlé au cours de ces articles… d’être d’accord avec eux sur tous les points… jusqu’au moment où il est soudain question d’exclusivité – ou non.

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Commençons par un petit point de vocabulaire, afin de bien tou·tes parler de la même chose : à propos des couples, il est commun de parler de « fidélité » d’un côté, « d’infidélité » de l’autre.
Pour moi, la « fidélité » n’a rien à voir avec l’exclusivité (sexuelle ou amoureuse) : le mot « fidélité » vient du latin fides, fidei, qui veut dire confiance.

Être « fidèle », c’est être fidèle à ses idées, à ses promesses, à ses engagements ; c’est être digne de foi, au sens de confiance ; quelqu’un·e de « fidèle », c’est quelqu’un·e qui est « fiable« , sur qui on peut compter. Je fais ce que je dis, je dis ce que je fais. 
Françoise Simpère, l’autrice du Guide des Amours plurielles, se présente comme « fidèle mais non exclusive », et « fidèle à tous ses amants ».
Ce qu’habituellement on nomme « fidélité » dans une relation amoureuse… est bien en réalité de « l’exclusivité ».

En revanche, je peux comprendre qu’on parle d’ « infidélité » à propos d’un adultère quand le contrat entre deux personnes était l’exclusivité : il s’agit bien d’avoir « trompé » saon partenaire, d’avoir trahi sa confiance. On n’a pas été « fidèle » à la parole donnée ou au contrat passé.
Et souvent, précisément, ce qui fait le plus mal dans les histoires d’adultères, ce n’est pas tant le fait que votre partenaire a – ou a eu – une relation intime avec quelqu’un·e d’autre, que celui qu’ielle vous l’ait caché, qu’ielle vous ait trompé·e, ait trahi votre confiance.

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Revenons à la question qui me taraude : la quasi totalité des auteurices qui écrivent sur les couples et les relations d’amour continuent à prôner l’exclusivité (sexuelle ou amoureuse) comme un élément fondamental d’une relation heureuse.

Pourquoi pas, en effet, si cela leur convient à elleux ?
Mais pourquoi vouloir étendre et imposer leur vision à tou·tes les autres ?

L’autre soir, au café poly de Paris, un·e des participant·es a posé la question : depuis combien de temps l’exclusivité est-elle mise en avant comme essentielle au sein d’une union heureuse ?
En réalité, seulement depuis le XIXème siècle romantique, et même plus tard, quand, après des mariages arrangés pour des raisons économiques et de transmission du patrimoine (dans notre société patriarcale hiérarchique), on a commencé à vouloir associer le mariage et l’amour.
Auparavant, on vivait d’un côté son mariage, cette relation sociale de longue durée, et de l’autre ses histoires d’amour, souvent plus courtes. Les femmes étaient tenues à l’exclusivité pour ne pas risquer de tomber enceintes d’un autre homme que leur mari (les chiffres, encore aujourd’hui, des enfants dont le père biologique n’est pas le père officiel sont impressionnants : environ 20%, paraît-il) ; et il était admis que les hommes aient des maîtresses, du moment qu’ils avaient la délicatesse de rester discrets : d’où la grande tradition du vaudeville dans le théâtre français.

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Et dans les années 50 (c’est donc en réalité très récent : ça date de mes grands-parents !), quand le mariage d’amour s’est généralisé, et puisque la contraception n’existait pas et que les femmes auraient fait courir un risque à « la famille » si elles avaient eu plusieurs relations… au lieu d’étendre aux femmes la liberté accordée aux hommes, c’est aux hommes qu’on a étendu la contrainte imposée aux femmes. Et les un·es comme les autres se sont alors imposé mutuellement cette sacro-sainte « exclusivité ».

Sauf que… jamais les femmes et les hommes n’ont été réellement exclusif·ves. Jamais « vraiment ». Certain·es, oui, bien sûr. Mais statistiquement… non.

Les chiffres des adultères sont en effet impressionnants : on estime, selon les sondages (sachant que les femmes semblent avoir tendance à minimiser et les hommes, à exagérer), qu’il y aurait, après cinq ans de vie commune, entre 50 à 80% des couples dont l’un·e aurait au moins une fois trompé l’autre. Étant entendu que les sondages tiennent compte des couples « mariés », en n’interrogeant pas les gens en unions libres, et encore moins les couples non cohabitants, pourtant de plus en plus nombreux.

Alors quoi ? La société, la culture, les « autres », les comédies romantiques, les dessins animés de Walt Disney, nous encouragent à être exclusif·ves – et nous culpabilisent si on ne l’est pas – en nous faisant croire que tout le monde l’est autour de nous… quand en réalité, la majorité des gens se trompent, ou se sont trompé·es, ou se tromperont.

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Comme ielle pense être « a-normal·e », cellui qui « trompe » le vit souvent (pas toujours, mais souvent…) avec difficulté, culpabilité : ielle hésite, s’en veut, voudrait arrêter, n’ose pas l’avouer de peur de faire mal à l’autre et de mettre en péril la relation. Et comme on nous fait croire que si on va « voir ailleurs », c’est que quelque chose ne va pas / plus dans notre couple, alors ielle se demande si ielle aime encore vraiment saon partenaire. Et comme nos pensées créent notre réalité

À ce titre, le témoignage de mon amie Michèle dans LUTINE me paraît éloquent :
« J’ai trompé mon mari : je suis tombée éperdument amoureuse de quelqu’un d’autre un jour, et je l’ai trompé – l’adultère classique. Je l’ai bien vécu pendant un certain temps, et puis après, j’ai culpabilisé énormément, et j’ai arrêté la relation de ce fait. 
À l’époque, je me disais que j’étais complètement dingue. Surtout, je pensais que quand on trompait son conjoint, c’est qu’on ne l’aimait plus. Et là, je me regardais et je me disais : « Je l’aime toujours, je n’ai pas du tout envie de le quitter, je veux continuer à vivre avec lui… » »

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Quant à cellui qui est trompé·e, quand l’adultère est découvert – et c’est souvent le cas – c’est sa vie qui s’écroule – et pour cause : comment faire confiance à une personne qui vous a menti, parfois depuis de longues années ? Comment reconstruire une confiance entamée ? Comment ne pas réécrire le passé, se dire que tout ce qu’on a vécu était « faux », factice ?

J’ai trompé… parce que je ne me voyais pas renoncer à d’autres alors que je savais, moi, que ça ne remettait pas en cause mes sentiments ni mon désir de rester avec mon partenaire et qu’il m’avait prévenue que si je le trompais, il me quitterait… Quelle solution avais-je alors ? Me frustrer, me couper de mes désirs… ou le tromper. Lui parler, en effet, n’était pas une option, puisque l’issue en était connue à l’avance.
Et j’ai été trompée. Plusieurs fois, bien sûr, en plus de vingt-ans de vie de couple, toutes mises bout à bout. À chaque fois, la douleur a été intense, même quand une fois, j’ai découvert le pot-aux-roses une fois séparé·s : le sentiment de trahison, de tromperie, restait le même.

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Bien sûr, si dans un couple, l’un·e et l’autre sont très heureuxes et épanoui·es en étant exclusif.ves, sans frustration, sans doutes, sans désirs extérieurs… tant mieux !

Mais quand c’est la société, la culture, et les autres… qui nous imposent l’exclusivité, quand c’est une obligation, une contrainte sociale morale et normative, quand soi-même on sent qu’on aurait envie d’autre chose, ou même on fait autre chose… comment se sentir véritablement heureuxe et épanoui·e ?

Il arrive aussi qu’on s’impose à soi-même l’exclusivité, par idéologie, par respect du contrat passé, et non par réel désir… mais comment être sûr·e à 100% que c’est aussi le cas de notre conjoint·e, quand on sait que tant de couples traversent un jour ou l’autre une situation d’adultère ? Comment ne pas se demander : Et si ielle me trompait, le saurais-je ? Comment faire confiance à l’autre, quand on sait que tant se trompent ? Pourquoi en serait-il différemment avec nous ? Pourquoi serions-nous l’exception ?

À chaque fois que je parle avec quelqu’un·e qui me dit : Je n’ai jamais trompé maon partenaire, et ellui non plus, je pense : Comment peut-ielle en être si sûr·e ? Comment savoir ce que vit l’autre en réalité ?
Combien de thérapeutes de couples ont recueilli séparément la parole de chacun·e des deux partenaires d’un couple qui leur ont avoué qu’ielles avaient trompé leur partenaire… mais n’ont jamais osé le reconnaître devant læ-dit·e partenaire ?

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Il me semble que notre société, sur ce sujet comme sur bien d’autres, marche la tête à l’envers. On privilégie les apparences, les faux-semblants, l’hypocrisie.
Un mari qui trompe sa femme – ou une femme qui trompe son mari, car c’est de plus en plus équitablement réparti – est souvent plus proche de sa ou ses maîtresses, que de sa femme, à laquelle il ne peut plus confier ses émotions ou ses sentiments les plus intimes.
Parfois, il triche aussi avec ses amis, qui sont les « amis du couple », car il ne souhaite pas trahir sa femme une seconde fois. Donc après s’être coupé de sa femme, il se coupe émotionnellement de ses amis.

Tant de gens vivent ainsi en dehors de leur propre vie, coupé·es d’elleux-mêmes et de leurs proches, portant un masque, faisant semblant.
Et souvent, un jour, parce que leur relation principale s’est distendue, petit à petit, à force de ne plus pouvoir se confier l’un à l’autre, ielles tombent amoureux de quelqu’un·e d’autre, se séparent, et… repartent pour un cycle.

Combien de personnes, dans notre société, sont réellement « monogames » au sens où on voudrait nous le faire croire : unies à une seule et même personne « pour toute la vie » ? En réalité, la plupart sont bien plus souvent des « monogames sériel·les » : enchaînant les unions (théoriquement) monogames, avec souvent des périodes d’adultères entre deux.

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Alors, quoi ? Comment les auteurices qui nous parlent de communication positive, d’authenticité, d’accueillir les émotions, d’entendre les désirs et les besoins de l’autre avec nos oreilles de girafe, d’être capable d’exprimer nos demandes… peuvent-ielles par ailleurs continuer à prôner une monogamie de façade, une monogamie théorique… mais pas réelle dans les faits, statistiquement ?

Il me semble, moi, que si on veut être en cohérence avec ce que l’on prône : la communication compassionnelle, la bienveillance, l’écoute empathique, le non-jugement, l’accueil des émotions, désirs, besoins, demandes de soi-même et de l’autre… on ne peut que s’ouvrir à la polyamorie, définie comme : « la possibilité de vivre simultanément plusieurs relations intimes de manière consensuelle et éthique. »

Autrement dit, il ne s’agit pas d’avoir nécessairement, de fait, plusieurs relations, mais au moins de pouvoir en parler, l’envisager, sans que la relation ne soit remise en question. Il s’agit d’accueillir les émotions et les sentiments de l’autre comme lui appartenant, parce qu’ielle est un·e être libre, autonome, séparé·e de nous.
Si maon partenaire a envie d’avoir une relation avec quelqu’un·e d’autre en plus de moi (je ne parle pas d’une relation qui se soit essoufflée au point où la relation extérieure soit le symptôme d’un malaise) et que pour ellui, ça ne remet pas en cause notre relation… au nom de quoi, de quel droit, pourrais-je m’y opposer ?

Évidemment, ça n’est pas si simple, et on arrive là au cœur même de ce qui fait le quotidien d’une relation poly : vivre avec ses émotions, le délicat équilibre entre d’un côté la liberté et les désirs de l’un·e, et de l’autre, les peurs et insécurité de saon partenaire. Ce n’est pas l’enjeu de cet article de répondre à ces questions : comment on fait, au jour le jour, pour vivre avec ses émotions, apprivoiser ses insécurités, créer un attachement sécure au sein d’une relation poly ? (Si cela vous intéresse, je  vous renvoie aux 21 articles de mon Voyage en Polyamorie et aux nombreux livres ou sites consacrés à ce sujet).

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En revanche, mon idée était bien de montrer que lorsque l’on va au bout des idées de tolérance, bienveillance, non-jugement, accueil des émotions, communication non violente… au sein d’un couple, il me semble que l’on ne peut, en toute cohérence, qu’au moins s’ouvrir à la discussion sur les amours plurielles.

En effet, si maon partenaire en a envie (même si moi, je préférerais qu’ielle n’en ait pas envie…), alors n’est-il pas de ma responsabilité, si je veux être en cohérence avec moi-même, de travailler sur moi, afin de lui rendre possible l’expression et la pratique de ses désirs ou de ses sentiments pour d’autres ?

C’est en ce sens que pour moi, ce que j’ai appelé la « monogamie positive » – à savoir une relation dans laquelle il est entendu que si l’un·e des deux a un jour envie d’ouvrir le couple, alors l’autre fera en sorte de travailler sur soi pour lui permettre de vivre ce qu’ielle a à vivre -fait partie de ma définition de la polyamorie.

Et donc la polyamorie, étant entendue comme la possibilité de vivre des relations plurielles de façon consensuelle et éthique, correspond à ma définition d’une relation positive. 

Waouh.
Voici donc la fin de cette série d’articles.

Je remercie celleux qui auront eu la patience de lire cet article-ci jusqu’au bout… et m’empresse de vous demander : qu’en pensez-vous ? Hâte de lire vos commentaires !

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #19. Éthique de la Polyamorie

La position que j’ai adoptée au début de ce Voyage en Polyamorie (qui est la mienne et n’engage que moi !) est celle de ma désillusion à propos de l’idéal de la Monogamie, petit frère du mythe de l’Amour romantique, dont on nous rabat les oreilles à longueur de films et d’articles de journaux, et qui ne résiste pas, à mon sens, à un regard un peu critique sur ce qu’il se passe en réalité en coulisses, derrière les rideaux de la scène de théâtre sur laquelle nous jouons toutes et tous.

Qu’on ne se méprenne pas : je suis heureuse, profondément et sincèrement, pour les couples qui vivent heureux et épanouis en vraie Monogamie choisie en conscience, et renouvelée de leurs vœux jour après jour.
Ma motivation à entreprendre ce Voyage, et qui est, au fond je crois, la même que pour mon film LUTINE, est d’informer les autres, celles et ceux pour lesquel·les cet idéal inatteignable est écrasant et culpabilisant, qu’il existe d’autres manières de vivre les relations amoureuses que vivre en Monogamie hypocrite, frustrante ou résignée.

Si je ressens en moi ce besoin de transmettre, de créer les conditions pour des débats, c’est sans doute parce que, comme mon personnage au début de LUTINE : « je me dis que potentiellement, [le sujet de la polyamorie] peut intéresser tout le monde, et aider peut-être tout le monde… Parce que l’amour, les histoires d’amour, de couple, de fidélité, d’exclusivité ou pas, ça concerne tout le monde, et je crois en même temps que c’est facile pour personne… ».

Et aussi parce qu’ayant entrepris le voyage moi-même il y a quelques années, grâce à un ami qui m’a fait découvrir le concept alors que je sortais de plus de vingt ans de relations de couples décevantes et douloureuses, me permettant de me réconcilier avec l’Amour et d’envisager à nouveau des relations heureuses, éthiques et en conscience ; parce qu’étant passée par le ventre de la baleine (#9), et étant remontée grâce au soutien constant et bienveillant de nombreuxes ami·es autour de moi et de toute une communauté dont j’ai découvert, en présentant LUTINE à l’étranger (Lisbonne, Barcelone, Rome, Vienne, San Francisco, bientôt New York, Montréal) qu’elle était encore plus riche que je ne l’imaginais, car internationale, je me sens aujourd’hui dans cette position de l’héroïne – en toute modestie ! – qui ayant « choisi sa lumière » (#17), tend à son tour la main à celles et ceux qui seraient curieuxes d’entreprendre le voyage.

Aussi vraisemblablement, je l’avoue, parce qu’ayant écrit et conçu LUTINE à la fois comme une comédie, un divertissement, mais aussi un outil pédagogique, qui donne des éléments et des clés pour des débats après les projections, je me sens une forme de responsabilité vis-à-vis de tou·tes ces spectateurices qui vont découvrir la Polyamorie à travers mon film… afin de les mettre en garde contre des tentatives de se lancer dans l’aventure qui n’auraient pas été suffisamment préparées et réfléchies.
Aussi enfin, parce qu’en démocratisant, vulgarisant, médiatisant le sujet (je ne suis évidemment pas seule, c’est dans « l’air du temps », il y a de plus en plus d’articles ou de reportages), j’ai tout à fait conscience que la Polyamorie risque d’attirer de nombreux profiteurs, pour ne pas dire « prédateurs », des gens qui penseraient trouver parmi la « communauté » de la chair fraîche et disponible, tel le producteur joué par Philippe Rebbot dans LUTINE qui demande  : « Est-ce que quand on est polyamoureuse, on couche plus facilement ?
J’ai l’intuition que risquent de débarquer dans les cafés poly, qui font des petits un peu partout en France, dans les groupes Facebook ou sur le forum de polyamour.info, tout un tas de « faux-poly » ou de poly-fakes, qui auront intégré le discours et viendront « chasser de la meuf ».
C’est pourquoi il me paraît important, fondamental même, de dire, écrire, répéter, marteler, encore et encore, que vivre en Polyamorie, ça ne veut pas seulement dire pouvoir vivre en parallèle plusieurs histoires intimes (sexo-affectives, comme on dit en Espagne), mais avant tout, les vivre de façon éthique et consensuelle.
Qu’il est essentiel que toutes les personnes concernées soient non seulement au courant, mais aussi d’accord, profondément ; et qu’il s’agisse d’un consentement enthousiaste (d’un Fuck yes !), et non d’un consentement mou, ou qui aurait été concédé sous une quelconque pression ou contrainte.
 Il me paraît tout aussi important de former les gens aux différents outils d’accueil des émotions, mais surtout de communication, et en particulier à la communication non violente, aussi appelée communication compassionnelle.

Quand on pratique la Polyamorie — comme on pratiquerait un art martial — on se rend vite compte, confronté·e à des peurs dont on est habituellement épargné·e en Monogamiequ’on a tout intérêt à développer des outils spécifiques pour faire face aux émotions qu’elles réveillent en nous, et qui peuvent parfois être violentes ou bouleversantes.

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La CNV (communication non-violente : cf mon coin-lecture) nous apprend que nos émotions et nos réactions nous appartiennent : l’autre ne peut pas être tenu·e pour responsable de notre colère par exemple, ce qu’ielle a fait n’est qu’un « déclencheur ».

Si maon partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux : soit le vivre comme un manque de respect ; soit en être content·e parce que j’ai grappillé un quart d’heure de travail ; soit être en panique parce que j’ai peur qu’ielle n’ait eu un accident.

Ce qui me met en colère n’est donc pas que l’autre arrive en retard, mais ce que je projette sur son comportement. Si pour moi, sa ponctualité est un signe que je compte pour ellui (ou pas) et que je manifeste ma colère quand ielle arrive en retard, ce qui est en jeu – mon besoin derrière cette colère – est mon besoin de réassurance, qui n’a pas été satisfait ; si c’était un rendez-vous de travail et que je comptais dessus pour avancer, alors c’est ma frustration qui s’exprime.

Marshall Rosenberg nous invite à chercher le besoin non satisfait derrière nos émotions, et particulièrement de notre colère.

Certes. Mais quelqu’un.e qui appliquerait la CNV de manière abusive, pourrait chercher à imposer à l’autre ses manières de voir, en lui disant : Si tu es en colère, c’est ton problème. Mon besoin à moi était d’arriver en retard.

La Polyamorie n’est pas seulement une manière différente de vivre ses relations amoureuses, c’est aussi une philosophie de vie. Qui peut être évidemment totalement pervertie, si elle n’est pas pratiquée de façon éthique.

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Je pense qu’à titre personnel, je suis d’autant plus entrée de manière enthousiaste en Polyamorie il y a quelques années qu’à l’époque, j’y voyais un moyen de me protéger des personnes toxiques et manipulatrices. Je n’avais en effet plus confiance dans mon instinct, qui m’avait déjà trompée par le passé, et je craignais, si je renouais une relation amoureuse, de ne pas repérer d’emblée un comportement toxique. Le fait de pouvoir vivre plusieurs relations en parallèle me donnait l’impression d’être protégée d’un manipulateur qui ne pourrait alors pas me couper des autres sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Aujourd’hui, je ne pense plus qu’il suffise de vivre en Polyamorie pour être protégé·e des relations toxiques. Et je pense au contraire précisément qu’il est urgent de développer dans la société – pas seulement pour les polyamoristes, mais pour tou·tes — et ce, le plus tôt possible, dès l’enfance, des outils afin que chacun·e puisse développer des antennes qui l’alertent contre des comportements qui ne sont pas acceptables.

On n’a pas le droit – PAS LE DROIT ! – de critiquer, juger, dévaloriser, humilier, rabaisser l’autre, de faire du chantage, de menacer de représailles si quelqu’un·e ne fait pas ce qu’on souhaite. On n’a pas le droit de læ contraindre d’une quelconque manière, de minimiser ses émotions : Tu es trop sensible, tu fais des histoires pour rien, tout ça n’est pas très grave.

C’est la logique, la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO) dans laquelle on a grandi. On y est tellement habitué·e que si on ne nous apprend pas à en repérer des symptômes, les « trucs », on peut très bien ne même pas en avoir conscience.
Et pour peu qu’un·e manipulateurice ait parfaitement intégré le discours poly, les outils, les codes, le vocabulaire, ielle peut très bien renverser les outils de CNV pour son intérêt propre.

La CNV nous apprend à entendre les besoins non satisfaits derrière ce que Marshall Rosenberg appelle de manière très émouvante, je trouve, des tentatives d’expression « tragiquement suicidaires ». Mais il ne s’agit pas non plus, en contrepartie, d’offrir de l’empathie à quelqu’un·e qui en abuserait et ne ferait pas preuve de la même empathie envers nous.

Pour développer des relations saines et équilibrées entre deux personnes, il est nécessaire que les deux soient sur la même longueur d’ondes. Une des règles de base d’une relation équilibrée, écrit Michel Bozon dans La Pratique de l’amour, est la réciprocité. Au début d’une relation, je me livre, l’autre se livre, puis moi, puis ellui. Chacun·e donne de soi, s’offre en cadeau, se confie, à tour de rôle. Si une relation n’est que dans un sens, si l’un·e donne et l’autre pas, c’est très vite déséquilibré.

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Il me semble qu’il est du devoir – moral et impératif – de l’ensemble de nous tou·tes, de transmettre ces outils, ces expériences, de raconter nos balbutiements, nos plantages, nos galères…

La Polyamorie est un mode de relations qui insiste sur le côté éthique des relations à l’autre : égalitaire, féministe par définition, compassionel. Ce n’est pas pour rien si le bouquin de référence mondial (jusqu’à More Than Two) était La Salope éthique : éthique, la salope !

Il s’agit de faire attention à l’autre, pas d’utiliser les outils développés en CNV pour lui faire avaler des couleuvres.
Quand le personnage d’Isa dans LUTINE, découvrant un article sur la jalousie dans La Salope éthique, le traduit par  : « Ta jalousie t’appartient, tu ne peux pas m’en tenir pour responsable », son partenaire lui répond à juste titre : « Si tu couchais pas avec ton comédien dans ton lit pendant que je suis au bureau, j’aurais pas de problème à gérer. »
Chacune des phrases commençant par « tu » ou « ta », ceci n’est typiquement pas un dialogue en CNV : en CNV, on parle de soi, de son ressenti, de ses besoins.

IMG_5108Notons aussi que la CNV est avant tout une invitation à travailler sur soi-même et non une exigence à ce que les autres travaillent sur elleux-mêmes !

La polyamorie, contrairement à ce que pense ma grand-mère, ce n’est pas « coucher avec n’importe qui n’importe comment« . Il s’agit de relations éthiques, en conscience. On choisit de vivre dans l’honnêteté (ce qui ne veut pas dire « transparence »), sans tricher, sans mentir, sans tromper. Et dans l’écoute et l’accueil compassionnel des émotions des un·es et des autres.

Ce que l’on dit souvent à l’intention des « débutant·es » ou des poly-curieuxes, c’est : Prenez votre temps. Avancez à votre rythme, et singulièrement, au rythme de la personne la plus lente (formule qui nous vient de More Than Two). Ne forcez pas les choses, ne passez pas en force, vous créeriez des précédents traumatiques, qui rendraient les choses encore plus compliquées par la suite.

À nous tou·tes d’être vigilant·es et de dénoncer les comportements abusifs, les chasseurs dans les cafés poly ou dans les groupes Facebook. Si quelqu’un.e vous importune, vous demande en MP alors que vous ne læ connaissez pas, dénoncez-læ, aux modérateurices des groupes, aux organisateurices des événements publics.
Ne subissez pas en pensant que ce sont des comportements normaux. Ne banalisons pas la violence.

Depuis quelques jours, les voix s’élèvent dans la société – des femmes, mais aussi des hommes féministes – pour dénoncer le harcèlement et les violences sexuelles. Osons parler ! C’est important, aussi dans les milieux poly. Nous ne sommes pas plus épargné·es que partout ailleurs dans la société, et nous le serons d’autant moins que nous sommes de plus en plus exposé·es. Sachons nous montrer exemplaires et préserver nos lieux de vie poly de manière à ce qu’ils restent sécures.

Et vous, quelle est votre expérience des cafés poly ou des groupes Facebook ? Y avez-vous déjà rencontré des poly-fakes ou faux-poly ? Racontons nos expériences ! Libérons la parole !
L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : vous y êtes les bienvenu·es !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

 (*) Je vous encourage à lire dans les commentaires à la suite de chacun de mes articles, ceux de mon amie Elisende Coladan : ils se répondent, se complètent, d’une manière que je trouve réjouissante et fort inspirante, montrant par l’exemple ce que nous avançons, je crois, l’une et l’autre : qu’il y a autant de façon de vivre la Polyamorie que de polyamoristes ; et qu’il est avant tout important pour chacun·e de vous / nous, de savoir ce qu’ielle attend de la vie et des relations, et de les définir pour soi en fonction.

Voyage en Polyamorie #18. 12. Éternel recommencement

Nous voilà arrivé·es à l’ultime étape de notre Voyage en Polyamorie (j’ai annoncé 21 jours : les derniers jours seront consacrés à des réflexions plus générales, hors « arche dramatique » de ce voyage).

On est parti·es du monde ordinaire de la Monogamie (#2), rassurante et « normée », où les règles sont implicites le plus souvent (Si on est « ensemble », alors on est exclusifs : je renonce à ma liberté pour toi, en échange de quoi, tu renonces à ta liberté pour moi ; présenté dans des termes plus « positifs », cela donnerait : ma liberté est de te choisir toi et toi exclusivement, ta liberté est de me choisir moi, et moi exclusivement, en échange).

En réalité, la liberté peut faire peur. Car depuis qu’on est tout petit.e, on ne nous a pas souvent donné l’occasion de l’expérimenter.

Combien de parents, par exemple, choisissent pour leurs enfants quels vêtements ils vont porter ? Combien décident de ce qu’ils vont manger ? Et leur laissent-ils le choix de leurs activités extra-scolaires ? Combien d’enfants font du piano ou du violon parce que c’est ce que leurs parents ont choisi pour eux ? Danse classique ou danse moderne ? Judo ou tennis ? Allemand ou espagnol ? Qui choisit, de l’enfant, ou de ses parents, qui « savent mieux que lui ce qui est bon pour lui/elle » ?

Avez-vous lu C’est pour ton bien, d’Alice Miller ? La toute première fois que j’ai découvert Alice Miller, c’était avec Notre corps ne ment jamais. J’en ai sangloté pendant de longues minutes. Tout d’un coup, c’est toute cette « violence éducative ordinaire » (VEO) dans laquelle on a grandi, qui nous apparaît dans toute son évidence.

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La Monogamie est rassurante, voire « reposante » : une fois qu’on a posé ses valises… on n’a plus à se poser de questions. Et même si on a construit soi-même les barreaux de notre cage, on peut aussi choisir de voir la Monogamie comme libératrice : elle nous libère du temps, en effet, et on peut consacrer nos pensées et notre temps à « autre chose » que nos histoires d’amour, de cœur, et de relations.
Et tant pis s’il s’agit d’une sécurité de surface, en apparence seulement, et qu’en réalité, elle cache bien des secrets, des faux-semblants, des masques, des tricheries, mensonges et autres adultères.
De nombreuses personnes préfèrent en effet, et en conscience, vivre dans ce qui est « peut-être » une Hypocrisie, mais dont ils espèrent que, si c’est le cas, elles ne le découvriront jamais.

Certain·es en revanche, ne se satisfont pas, ou plus, de ce monde de faire-semblant.

Cela vous est-il arrivé d’avoir l’impression de vivre comme si on était toutes et tous sur une vaste scène de théâtre ? Un des personnages du dernier film de Woody Allen dit : « La vie est une comédie, écrite par un auteur sadique. » Don Miguel Ruiz, dans Les Quatre Accords toltèques parlent d’un « rêve » que partageraient tous les humains, sauf ceux qui, un jour, se sont soudain réveillés et ont alors compris qu’ils avaient le choix de choisir leur rêve, plutôt que de vivre celui que les générations avant eux ont choisi pour eux.

Sur cette scène de théâtre, chacun·e y joue le rôle qui lui a été distribué, du mieux possible. Une femme, à l’école, joue le rôle de la « bonne mère de famille » ; au bureau, de la « bonne employée » ; dans ses rencontres sexuelles, de la « bonne amante » ; avec ses parents, de la « bonne fille » ; avec la boulangère, de la « bonne cliente souriante et polie » ; et si soudain, cette même « mère-employée-fille-parfaite » a l’idée d’entrer dans des relations BDSM, elle deviendra peut-être une « bonne dominatrice » : les autres n’en reviendraient pas s’ils la connaissaient sous ce jour-là !

Une amie me confiait l’autre jour qu’au travail et dans sa vie sociale, elle « jouait » à être cette bonne bourgeoise, pour qui ses enfants et son travail comptent avant tout. Elle se « déguise » pour aller travailler : tailleur, talons, rien ne dépasse. Sauf que de temps en temps, elle sent que ça bout trop à l’intérieur, qu’elle a besoin d’aller explorer d’autres aspects d’elle-même. Et alors elle va écumer les black-rooms des clubs libertins. Où elle peut laisser sortir la partie d’elle qu’elle tient enchaînée et cachée le reste du temps. Elle a deux profils Facebook, comme la plupart des libertin·es, mais aussi des polyamoureuxes, et de nombreuxes explorateurices de la sexualité sortie du contexte de la Monogamie et de l’exclusivité, et qui savent que c’est encore mal vu, mal jugé, par les normo-pensant·es (celleux qui pensent dans la norme : l’expression est de Christel Petitcollin dans Je pense trop).
Cette amie s’interrogeait sur la vie en Polyamorie, se demandant si ça pourrait être une solution pour enfin peut-être pouvoir vivre une seule et même vie, la sienne. 

Quand on choisit de vivre en Polyamorie, on n’est plus obligé·e de « choisir », on peut explorer plusieurs facettes de notre personnalité avec éventuellement plusieurs personnes différentes, tant que toutes les personnes concernées sont au courant et d’accord, tant que chacun·e fait en sorte d’être de respecter les autres, de ne pas les blesser volontairement, d’être à l’écoute des besoins et des désirs des un·es et des autres. Assumer qui on est, au fond, vraiment. Fièrement.

Certain·es, déçu·es, désillusionné·es des hypocrisies et faire-semblant du monde « ordinaire » normo-pensant (#3), choisissent d’écouter leur cœur, leur intuition – ce que j’ai choisi de nommer leur « petite voix intérieure » (#4) – et de se préparer au voyage en Polyamorie (#5). Un jour, ayant accueilli en elleux leurs peurs d’aller contre le courant, contre la « norme », et sachant ce que cela peut représenter de difficultés, ielles ont choisi « d’y aller quand même » et ont franchi le pas (#6).

Ielles naviguent alors en eaux inconnues (#7), et doivent affronter leurs premiers obstacles, qu’ielles peuvent choisir de considérer non comme des « épreuves », mais comme des « opportunités » de grandir et d’apprendre sur eux/elles (#8).
Quand on choisit de porter sur le monde et notre vie un regard positif en toutes circonstances, de se demander en quoi cette nouvelle expérience de vie va nous permettre de mieux nous connaître, d’être plus fort·e, plus solide encore…, alors il n’y a plus d' »échecs », mais en effet, des « expériences« , qui nous rapprochent de nous-mêmes.

Tandis que la part masculine en chacun·e de nous explore le monde supérieur, à la surface de la terre, enchaînant les conquêtes, accumulant des outils, des forces, des richesses, la part féminine en chacun·e de nous descend en elle-même, se dépouillant peu à peu de toutes les protections, toutes les barrières qu’elle a érigées pour se protéger. On apprend à accueillir les peurs en nous, et à les regarder comme des alliées, qui nous informent sur ce qui se passe tout en dessous, sous la surface, à un endroit où jusqu’à présent, on n’était jamais allé·e regarder : précisément parce qu’on en avait peur.

Avez-vous remarqué comment les émotions sont contagieuses ? C’est le principe même du fonctionnement de nos neurones-miroirs. Si tu bailles, je baille. Dans E.T., Eliott comprend que E.T. est intelligent parce que quand il se gratte le nez, E.T. en fait autant.
Si tu as peurj’ai peur. Tes peurs nourrissent les miennes. 

Si on vit au royaume de la Peur, on projette sans cesse sur l’autre, sur l’inconnu·e, on fait des suppositions (3ème accord toltèque : Ne fais pas de suppositions). On n’ose pas poser de questions directes.
Dans le monde normo-pensant, la plupart gens communiquent en communication indirecteJe lui ai dit ça, il m’a répondu ça, que penses-tu que cela signifie ? Réponse : Je ne sais pas, demande-le lui ! 

Apprenons à communiquer directement : nos désirs, nos besoins, nos demandes. Et apprenons aussi à être capable de recevoir les désirs, besoins et demandes de l’autre… sans le « prendre personnellement », et sans « faire de suppositions ».

Bon. C’est bien beau tout ça, et ça fait rêver. Mais euh…  c’est de la théorie, de la fiction, une construction narrative, écrite pour donner du sens à la vie, qui sinon, n’en a pas.

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Dans la vraie vie, on a souvent d’un côté le discours rationnel, les pensées, les paroles, les « Je voudrais tant être comme ça et lâcher prise, vraiment », et de l’autre, les émotions, qui parfois nous submergent : Je t’ai dit que tu étais libre, que veux-tu que je te dise de plus ? Que je te donne ma bénédiction, en plus ? Que je me réjouisse pour toi que tu passes la nuit avec un·e autre ? Si je pense à toi comme à un personnage de fiction, si j’entre en empathie, alors oui, je suis contente pour toi, et la compersion est quelque chose de top !  Mais dans la vraie vie, j’ai mal au ventre et j’ai l’impression que je vais mourir ! 

Que faire dans ces moments-là ? Savoir, au fond de soi que, bien qu’elles paraissent dévorantes et qu’on a l’impression qu’on va mourir… ce n’est qu’une impression ! C’est une pensée, générée par notre cerveau, alimentée par des sensations physiques désagréables. Et c’est une spirale négative et descendante. Les sensations créent des pensées, qui génèrent à leur tour des sensations désagréables, qui produisent des pensées… On est happé·e dans le tourbillon, c’est la chute.
Et plus on a des espoirs, des attentes, des enjeux forts… plus on a à perdre, et plus la descente est douloureuse.
C’est là qu’on se retrouve dans ce que j’ai appelé le « ventre de la baleine », ou le fond de la grotte, de la caverne, voire le fond du gouffre (#9).

C’est là aussi que nous servent les œuvres de fiction que les auteurices inspiré·es, qui sont passé·es par là avant nous, ont choisi de nous transmettre, parce qu’ielles voulaient transcender leur souffrance du moment, ou bien alors lui donner un sens, positiver leur expérience pour qu’elle puisse leur servir de leçon pour la prochaine fois, ou servir à d’autres…
Quand on traverse une épreuve douloureuse, si on garde en tête ce parcours du héros et de l’héroïne… alors on sait que quand on est au plus bas, on va trouver une façon de remonter, sans doute à laquelle on ne s’attendait pas. Là en bas, tout en bas, quelqu’un·e va nous tendre la main, et nous aider à remonter.

Mais en attendant, quand on est tout au fond du ventre de la baleine, on est confronté·e à notre plus grande peur, à notre monstre intérieur, la Grande déesse dévoratrice.
Ça peut être intéressant, quand on est face à ielle, de læ visualiser, voire de læ dessiner, et de lui donner un nom. Comme ça, la prochaine fois qu’on læ verra en face de nous, on læ reconnaîtra et on pourra se souvenir que la première fois, on n’est pas mort·e. Et si on n’est pas mort·e la première fois, alors on peut aussi s’en sortir la deuxième, et puis la troisième et puis, petit à petit, on aura moins peur.

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Mais là, on y est, tout au fond de la caverne, face à notre plus grande peur. Elle nous domine, elle nous terrifie. On lâche prise. On s’avoue vaincu·e. S’il le faut, on renonce même à la relation, ou en tout cas dans la forme qu’elle avait jusque-là.

De toute façon, on le sait, quand bien même on aurait la tentation de se battre… on n’a de prise que sur notre propre moitié de la relation, pas sur la moitié de notre partenaire.
Et si ielle, a envie de faire évoluer la relation, d’aller vers quelqu’un·e d’autre, à partir du moment où on a choisi de communiquer de manière compassionnelle (#13), dans l’attention, l’écoute, l’empathie, et qu’on se refuse, par principe, par philosophie, à l’expression de toute contrainte d’une manière ou d’une autre (ni conditions sine qua non, ni chantage, ni menaces, ni mesures de rétorsion… On a renoncé à la violence quotidienne ordinaire, celle qui prolonge la violence éducative ordinaire : ce n’est pas pour y retourner à la première bourrasque venue !), si ielle, a envie de vivre autre chose, d’avancer sur le chemin de sa vie d’une manière qui vous, ne vous convient pas… vous n’y pourrez rien : c’est sa vie, son chemin. Alors autant lâcher, et le plus tôt sera le mieux.

Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire, et je suis bien placée pour le savoir, dit une personnage dans LUTINE.
Mais on assume : c’est dans cette direction-là qu’on veut aller, qu’on a choisi d’aller. On garde le cap, comme je disais à une amie l’autre jour, parce qu’on le sait : une relation équilibrée, saine, ne peut de toute façon exister qu’entre deux partenaires égalitaires et mutuellement respectueuxes, et que l’un·e et l’autre désirent aller dans la même direction. Rien ne sert de tirer dans un sens… si l’autre tire dans un autre. On ne peut que se faire du mal.

Au moment même où on lâche prise, où on est humble, petite chose fragile, retour à l’humilité du nourrisson à la merci de la mère dévoratrice… on aperçoit une lumière, et le chemin de la remontée. On est homme parmi les hommes, femme parmi les femmes, humain parmi les milliards d’humains qui peuplent cette terre, et toutes celles et tous ceux qui nous ont précédé·e : on n’est plus seul·e, on participe de l’aventure humaine. Et d’autres, là, nous tendent la main, sans nous juger, juste en étant là, pour nous accueillir dans notre humilité et notre humanité (#14). Ielles sont passé·es par là avant nous, et nous guident.

On savoure notre victoire. On est heureuxe. On est en vie. On n’est pas mort·e noyé·e dans la cale du Titanic, on a réussi à monter sur un canot de sauvetage, et on découvre qu’autour de nous, il y a plein d’autres rescapé·es. (#15) Et notre partenaire est là, ielle aussi, dans le même canot. On rit, on s’embrasse, on verse des larmes d’émotion. On va toujours en Polyamorie, plus que jamais, pas question de revenir en arrière : on ne pourrait plus vivre en Hypocrisie.

Et là, sans qu’on ne l’ait vue venir :  la tempête, la grosse, le cyclone. Il renverse tout sur son passage, envoie les embarcations valdinguer, les vagues nous submergent, on étouffe, on se noie : cette fois-ci, c’est sûr, on ne s’en sortira pas. On lâche prise. Dans l’œil du cyclone, tout est calme. On est serein·e. On va mourir, et on est ok avec ça (#16). C’est ce que Kim Hudson, dans The Virgin’s Promise, appelle Kingdom in Chaos. Le chaos, le vrai.
Son étape #10, elle l’appelle Wanders in Wilderness. C’est le moment où l’héroïne, ne pouvant plus revenir en arrière, et son royaume étant sens dessus-dessous, ne sait plus où aller, et erre comme une âme en peine. Elle regrette, tout, elle aurait aimé ne jamais entamer ce voyage, elle ne sait plus qui elle est, elle a tout perdu, elle n’a plus rien. Elle accepte la vie comme elle vient, elle se laisse porter par les flots, elle ne lutte plus contre le courant : elle accepte que la vie soit changement, mouvement, imprévisible, et elle n’est qu’une malheureuse accrochée à un bout de bois qui dérive sur l’océan.

Que va-t-elle devenir ? Couler au fond de l’océan ? Se faire dévorer par un requin ?

Soudain, elle aperçoit, au loin, les rives de la Polyamorie. Et elle réalise que… elle sait nager !!! Ce que Kim Hudson appelle « Chooses Her Light ». Elle se connecte à la Grande Déesse en elle, à sa confiance intérieure, sa petite lumière, sa boussole, sa voix qui lui parle de temps en temps et qu’elle sait reconnaître : c’est la voix de son désir profond, de son être profond. Si elle est connectée à lui, elle peut être abandonnée par toutes et tous, y compris par celles et ceux qui comptent le plus pour elle, elle s’en sortira toujours, d’une manière ou d’une autre. C’est son Higher Self, sa « source » : chaque auteur a son propre mot pour parler de cette intuition fondamentale en chacun.e de nous, qui nous maintient en vie – notre pulsion de vie – quelles que soient les circonstances extérieures.

Je ne dépends pas de l’autre. Ce qui fait que je suis vivant·e, c’est que je suis moi, unique au monde, et libre, intrinsèquement libre, de choisir ma vie. La Grande Déesse en moi me permet de rayonner, à l’extérieur comme à l’intérieur, en étant réconcilié·e avec moi-même : même si la chose que l’on redoute le plus devait arriver, même si l’autre devait nous quitter, ou nous, si on sentait que notre vie était en danger, même…  on n’en « mourrait » pas. Car on est là, bien vivant·e. Et quoiqu’il arrive, on fera face.
Whatever happens, I’ll handle it, écrit Susan Jeffers. Confiance en la vie et en nous : tant qu’on est en vie.

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Dire oui à l’univers. Alors, et alors seulement, on peut être heureuxe, dans le temps présent, ici et maintenant.

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Le héros a quitté son village et sa communauté qui étaient en danger, pour aller chercher l’elixir, défendu par un dragon, tout au fond de la caverne. Il vaincu le dragon et est reparti sur son chemin du retour, quand il a été assailli par un ennemi plus grand encore, qu’il a réussi à vaincre, grâce à l’élixir. Il peut rentrer à son village, où toutes et tous l’accueillent en héros : il s’est battu pour eux, et revient en vainqueur. Happy end. C’est un voyage linéaire, avec un début, un milieu, une fin.

L’héroïne, elle (entendre : la part féminine en chacun·e de nous) s’est connectée à sa brillance intérieure et a décidé de suivre la voie que celle-ci lui indiquait, contre l’avis de sa famille qui a tout fait pour la retenir et maintenir dans la voie qu’ils avaient décidée pour elle, sans même la consulter. Ce faisant, elle a petit à petit lâché toutes les défenses qui la protégeaient depuis sa tendre enfance et s’est confrontée à sa plus grande peur, en étant totalement nue, et sans plus rien. Et puis elle a entrevu la lumière, sa lumière, s’est reconstruit une communauté, une famille qu’elle s’est choisie, et elle remonte, pour guider à son tour celles et ceux qui, comme elle, voudraient vivre leur vie. C’est un voyage initiatique cyclique, circulaire. Un éternel recommencement. Le cycle de la vie. À chaque nouvelle génération, de nouvelles personnes partent à l’aventure de la découverte de leur moi intérieur.

La polyamorie nous entraîne dans ce voyage à la découverte de nous-même. Qui est-on vraiment ? Qu’attend-on de la vie et de nos relations ? Qu’est-ce qui compte pour nous ? Souhaite-t-on vivre dans le royaume de la Peur, ou dans l’Amour, la confiance et le respect ?
Oh, ce n’est pas facile, et à chaque fois qu’on se croit arrivé·e, il faut recommencer, enlever de nouvelles couches, découvrir de nouvelles peurs. On grandit, on mûrit, on vieillit. On n’est jamais arrivé·e. Ou alors, c’est qu’on est arrivé·e à la toute dernière porte, celle qu’on ne peut franchir que dans une seule et même direction…

Je veux croire qu’avec l’expérience, les peurs s’apaisent, les descentes sont moins violentes, les remontées encore plus joyeuses et libératrices. Je choisis de vivre au royaume de l’Honnêteté, pas en Hypocrisie. Je choisis l’Amour, plutôt que la peur. Je suis libre, je veux rester libre. J’aime l’autre, aussi libre, d’aller et venir, de suivre son chemin, qui est parfois parallèle au mien, parfois peut s’en éloigner. Je fais le choix de la confiance, du respect, et de la communication compassionnelle.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Hâte de lire vos témoignages : l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé.

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #16. 10b. L’Œil du cyclone

Ça y est, c’est dit, votre partenaire, celui ou celle avec qui vous partagez tant depuis plusieurs semaines, mois, années… a rencontré quelqu’un·e  avec qui ielle a envie de vivre une véritable histoire, pas seulement des 5 à 7 coquins, pas seulement une complicité amicalo-sexuelle. Non, ielle a envie de plus, d’une intimité, d’un partage d’émotions, de tendresse, de secrets, de moments intimes profonds… et tout cela, par définition, prend du temps.
Car elle pourrait bien être là, la faille du côté Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil des Bisounours poly : certes, l’Amour est illimité (ou presque) et se multiplie, et de même qu’on a plusieurs ami·es, et qu’un·e ami·e qui vous dirait : Je veux bien être ami·e avec toi, mais je veux que tu n’en aies aucun·e autre, paraîtrait sorti.e d’un monde de science-fiction, on peut aimer plusieurs personnes, et l’amour que l’on éprouve pour une nouvelle personne n’enlève rien – en théorie (parce que bien sûr, il arrive qu’une nouvelle relation naisse précisément parce qu’une ancienne n’a plus de sens) – à ses amours d’avant. Certes.

Mais le temps, lui, n’est pas extensible. Et si l’amour se multiplie, si, comme le dit Françoise Simpère dans mon film, « Les amours ne pas rivales, elles s’additionnent », le temps, lui, se divise.
Et si votre partenaire a une nouvelle relation, qui soudain, parce qu’ielle est en NRE (New Relationship Energy), lui prend du temps qu’auparavant, ielle passait avec vous… comment vivre cette évolution sereinement ?

Dans LUTINE, le personnage de Gaël demande à Isa : « De quoi tu as peur ? » Elle lui répond : « Que tu me quittes. Que tu l’aimes plus que moi. Que tu passes plus de temps avec elle qu’avec moi. Que… D’être en manque… de toi. »

Être seule ne me pose pas de problème, au contraire même. Non seulement j’adore être seule, mais j’en ai fondamentalement besoin. Passer des heures en solitude et dans le silence, c’est comme cela que je peux entrer en moi-même, pour mieux écrire. J’ai besoin de ces moments de repli et d’introspection, pour ensuite retourner dans le monde et partager. Rester seule chez moi… me va très bien.

De quoi ai-je peur alors ? Car c’est bien d’une peur fondamentale qu’il s’agit, quand on cherche à l’accueillir en soi. Et c’est sans doute une peur qui nous reste du mythe de la Monogamie, dans lequel, qu’on le veuille ou non, on a baigné si longtemps, et qui continue à s’insinuer en nous via les films, les émissions de radio, les remarques des autres. Oui, mais… et si ielle tombait vraiment tellement amoureux d’un.e autre… et que ça remettait en cause votre relation ?

L'OEIL DU CYCLONE

Face à cette peur profonde, viscérale, sans doute héritée de notre enfance, pas grand-chose d’autre à faire que… de l’accueillir, de la reconnaître en nous, de l’accepter pour ce qu’elle est : une peur, rien d’autre. Une pensée, voire des pensées. Passagères, éphémères. Qui se nourrissent les unes des autres.

On peut essayer les différents outils d’accueil des émotions (#11). On peut choisir où l’on souhaite porter son attention sur la roue de la conscience. On peut se concentrer sur ses sensations en s’adonnant à la méditation de pleine conscience (#12).

On peut aussi décider… d’en profiter pour faire autre chose, qui nous plaît. Sortir, voir des ami·es, aller au cinéma. Lire, écrire, travailler.
Bien sûr.

Mais l’enjeu est bien plus profond que ça. Il s’agit vraiment de lâcher prise, totalement, complètement. De regarder la peur en face et de lui dire : Je te remercie ma peur, je sais combien tu te préoccupes de moi, et j’en suis très touché·e. Mais ne t’inquiète pas : je choisis d’aller bien. 

Comme me le disait mon coiffeur l’autre jour : Tu travailles ton t’aimeJe travaille mon m’aime.

Dans l’œil du cyclone, comme me le faisait remarquer une amie proche cet après-midi, tout est calme. On peut être en paix avec soi-même.

Par essence et de manière totalement intrinsèque à sa condition d’humain·e, l’autre ne m’appartient pas. Je n’ai aucun « droit » sur ielle.
Il ne peut pas y avoir de rapport hiérarchique, d’autorité, de pouvoir, de qui que ce soit sur qui que ce soit dans le cadre de relations saines, équilibrées, égalitaires, mutuellement respectueuses.
On ne peut que s’écouter, dans l’écoute compassionnelle, et essayer de trouver une manière de nous entendre (#13).

Si l’autre a envie, besoin de vivre une nouvelle relation qui certes, peut ne pas nous réjouir, nous agréer (on peut imaginer que la troisième personne, par exemple, ne nous donne pas toutes les garanties que l’on aimerait d’un comportement respectueux et empathique – et que malgré tout, tout en en ayant conscience, notre partenaire a envie ou besoin d’aller s’y frotter, peut-être parce qu’ielle a encore quelque chose à apprendre de ce côté-là des relations), de toute façon, quoiqu’on fasse, on n’y pourra rien.

Dans tous les cas, et fondamentalement, on ne peut agir que sur notre moitié de la relation.

Plus on va se crisper, se raidir, édicter des règles, poser des cadres, voire basculer du côté de la rive de la rigidité de la rivière du bien-être, comme dit Dan Siegel (#12) ou bien faire des scènes, des crises, lui montrer à quel point son comportement nous insécurise, et basculer du côté de la rive du chaos de la rivière du bien-être… dans un cas comme dans l’autre, cela se retournera contre nous.
Car ce serait tenter de lui faire porter la responsabilité de notre sérénité, de notre bien-être, au lieu d’en assumer nous-même la pleine et entière responsabilité.

Notre sérénité et notre bien-être… ne peuvent venir que de nous-mêmes.

La Rivière du bien-être

C’est à nous à apprendre à naviguer sur la rivière du bien-être, à ne pas trop aller d’un côté, ou trop de l’autre. Pas trop du côté du rationnel froid, rigide, logique et calculateur ; pas trop non plus céder à nos émotions, nos peurs, nos fantasmes, nos projections.

Rester centré·e, en paix avec soi-même.

Si l’autre a envie ou besoin de vivre une relation, une histoire, voire une passion… avec quelqu’un·e d’autre, plus vous tenterez d’endiguer les flots, plus vous chercherez à contrôler… plus vous serez emporté·e par le courant quand la digue cédera.
Vous ne pouvez pas agir sur une relation qui ne vous concerne pas.
Car une relation entre votre partenaire et une troisième personne… ne vous concerne pas. Vous n’êtes pas concerné·e.

Bien sûr, il est possible que votre vie en soit changée, bouleversée, même, et en ce sens, vous êtes concerné·e. Mais vous n’y pouvez rien.
L’un·e et l’autre sont libres, intrinsèquement.
Si votre partenaire a envie de vivre une relation que vous jugerez peut-être, vous, de l’extérieur, toxique… vous êtes la dernière personne à pouvoir le lui dire. Car de vous, ielle ne pourra pas l’entendre. Car la troisième personne, si elle a un comportement réellement toxique, s’empressera de lui faire remarquer à quel point vous cherchez à le/la manipuler, à la faire passer, elle, pour quelqu’un·e de manipulateur, alors même qu’elle essaie de le/la sauver de votre relation à vous.
Les manipulateurices ont ceci de redoutable qu’ielles renversent les situations comme en miroir.

Si vous êtes confronté·e à un tel comportement, à par exemple quelqu’un·e qui fonctionnerait sur une mise en place d’une co-dépendance… alors raison de plus pour lâcher prise, et le plus tôt possible. Vous n’y pouvez rien. Rien de rien.
Et plus vous lutterez contre le courant, plus vous vous épuiserez, et plus vous y laisserez de plumes.

Quand vous vivez en Monogamie, si votre partenaire a envie ou besoin de vivre une autre relation, vous ne le savez pas. Vous en êtes protégé·e. C’est en ce sens que c’est un monde plus « sécurisant », même s’il ne l’est qu’en apparence.
En Monogamie, si votre partenaire se lance dans une relation toxique, vous n’en savez rien. Vous pouvez continuer à vivre votre vie de tous les jours comme d’habitude, et vous constituez pour ielle, un havre de paix.

Quand vous avez fait le choix de vivre en Polyamorie, si votre partenaire a envie ou besoin, pour des raisons qui lui appartiennent, de vivre une relation qui ne vous donne aucune garantie de respect et de confiance mutuels… raison de plus pour lâcher prise, et pour rester, vous, ce havre de paix et de sérénité.

Vis ce que tu as à vivre, mon amour. Je t’attendrai.
Ou pas.

Car si vous n’avez prise que sur la moitié de la relation qui vous appartient, vous avez malgré tout prise sur cette moitié. Et vous pouvez, pour vous-même, décider de ce que vous êtes prêt à accepter… ou non.
Quelqu’un·e qui poserait d’emblée, par exemple, des conditions exclusives (C’est comme ça et c’est moi qui pose mes conditions, et si tu n’es pas d’accord, j’annule tout) vous propose, implicitement, un jeu de dupes : si vous rentrez dans son jeu, si vous acceptez de jouer au jeu du C’est qui le/la plus fort·e, alors vous allez perdre, à coup sûr.

La seule manière de s’en sortir, c’est de ne pas jouer.

Et si les enjeux montent, si les conditions deviennent trop pénibles pour vous, si voir votre partenaire dans des postures trop inconfortables, trop douloureuses – alors qu’on est bien d’accord que l’amour est censé être un plaisir, un bonheur, une joie… pas vous faire peur ou vous faire pleurer – vous devient insupportable, alors vous avez le choix de vous retirer, vraiment.

Parfois, il faut « laisser couler« , comme disait le marabout au personnage de Louise interprété par Marie Gillain dans Tout le plaisir est pour moi, mon premier long-métrage. « Laisser couler… quoi ? » lui demandait-elle. – « Laisser couler. Tout. » 

La vie est mouvement, la vie est changement. Si on ne change pas, si on ne bouge plus… c’est qu’on est mort·e !

Vouloir s’accrocher à tout prix à ce qu’on avait… mais qu’on n’a, de toute façon, déjà plus, au moment même où quelqu’un·e de nouveau fait son entrée dans le paysage, c’est s’exposer à des déceptions, des frustrations.
C’est poser des attentes… qui ne pourront qu’être déçues.

Vivre au jour le jour, dans le moment présent.
Vivre en gratitude, en paix avec soi-même.

Célébrer la vie en nous, nous réjouir de ce que l’autre nous apporte… et de ce qu’ielle ne nous apporte peut-être plus, et qui nous permet de développer d’autres activités, d’autres amitiés, de faire peut-être nous aussi des rencontres.

Avoir peur, projeter sur l’avenir, faire des suppositions… est voué à nous créer des nœuds dans le cerveau, et souvent on provoque ce dont on a le plus peur.
Nos pensées créent notre réalité. 

La seule et unique option qui s’offre à nous, est donc de lâcher prise, et de laisser venir, le cœur ouvert. Et sans doute alors qu’on connaîtra des joies nouvelles auxquelles on ne s’attendait pas, des bonheurs inédits.

Ne plus se laisser dicter son comportement par ses peurs… mais par l’Amour.
Choisir la voix, la voie de l’Amour en nous.

Faire confiance à notre partenaire. Avoir confiance dans notre relation, dans ce qu’on a construit ensemble. C’est la personne dont on se sent le plus proche, la personne en qui on a le plus confiance : ielle saura choisir ce qui lui convient le mieux. On a confiance qu’ielle ne fera rien contre nous.

Célébrons ce que les bouddhistes appellent l’impermanence de la vie. La vie est changement, la vie est mouvement. Les relations sont faites pour changer, évoluer.

En Monogamie, on n’a que deux solutions : rester ensemble ou se quitter. Et c’est souvent la rupture, tragique, douloureuse. Comment quelqu’un·e qui, quelque temps avant, était « tout » pour nous, n’est plus rien du jour au lendemain ? Je n’ai jamais compris.

En Polyamorie, on peut être plus souple, plus inventif·ve, plus créatif·ve… et c’est tant mieux. Les relations sont amenées à se modifier, à se réinventer, chaque jour. Une relation qui a été fusionnelle pendant quelques années, peut soudain, parce qu’une troisième personne fait son apparition dans le paysage, évoluer vers une relation plus espacée en termes d’emplois du temps, mais tout aussi profonde dans le fond et le partage des émotions. Et le fait que l’un.e des deux ait une nouvelle relation qui lui prend du temps, peut dégager du temps libre pour l’autre, qui pourra en profiter à son tour à sa guise.

Sauf dans le cas de relations avérées toxiques (j’en connais personnellement malheureusement un rayon, mais justement, je me dis désormais que c’est une chance : je n’ai plus peur, car je les repère aux premiers symptômes), il n’y a aucune raison, en Polyamorie, de raisonner en termes de ruptures et de séparations.
Parlons plutôt de transitions, d’évolutions.

Lâcher prise.

Dans LUTINE,  j’avais écrit une séquence avec ma psy (qu’interprétait ma vraie psy à l’époque, et puis qui a été coupée au montage) où elle me disait : Lâchez prise. Et mon personnage répondait : J’arrête pas de lâcher prise. En attendant, je contrôle plus rien, moi !
Elle me demandait alors : »Vous connaissez la différence entre laisser tomber et lâcher prise ? » Elle prenait un stylo dans sa main, paume vers le bas, et le lâchait : il tombait. « Ça, c’est laisser tomber« . Puis elle reprenait le même stylo dans la main, paume vers le haut cette fois-ci, et elle ouvrait sa main. Et disait : « Ça, c’est lâcher prise« .

L’autre est libre, fondamentalement, intrinsèquement. Ielle vit ce qu’ielle a à vivre, sur son chemin de vie. Vous n’y pouvez rien, rien de rien. Juste veiller à votre moitié de la relation. Et prendre soin de vous, veiller à votre propre bien-être, à votre propre sérénité.

Une relation se tisse entre deux personnes. Si vous avez envie de quelque chose, mais que l’autre a envie d’autre chose, vous ne pourrez rien y changer. Et si entrent dans votre relation la moindre contrainte, le moindre contrôle, ou une quelconque forme de chantage, affectif ou autre, alors ce n’est plus une relation libre et en conscience. Et vous fabriquez une bombe à retardement.
Lâchez prise !

Et repensez aux accords toltèques :
ayez une parole impeccable : pas de jugements, pas de projections, contrôlez l’expression de vos émotions ;
ne prenez rien personnellement : si l’autre agit comme il agit, ce n’est pas contre vous, mais parce qu’ielle agit comme ielle pense que c’est le mieux pour ielle, même s’il s’agit de comportements qui produisent l’effet inverse de ce qu’ielle souhaite. Dans ce cas, n’entrez pas dans son jeu. Enfilez vos oreilles de girafe et apprenez à entendre ses besoins non satisfaits et exprimés de façon si tragiquement suicidaire. Ne faites rien que vous pourriez pas assumer en vous regardant dans un miroir.
ne faites pas de suppositions : quand vous ne comprenez pas quelque chose que fait l’autre, posez-lui la question. Ne projetez pas vos propres angoisses, vos propres peurs.
– Dans tous les cas, faites de votre mieux. Pas moins, pas plus.

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Dans l’œil du cyclone, c’est la paix. Au fond de votre ventre, ça peut être la paix aussi. À vous de le choisir, de le décider. Tout comme une tempête qui fait rage sur la mer déchaîne les vagues et met les éléments en furie… tandis qu’en-dessous, tout au fond de la mer, c’est calme, serein, tranquille.

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Et vous, comment imaginez-vous que vous réagirez le jour où votre partenaire vous annoncera qu’ielle a envie de vivre une histoire d’amour avec quelqu’un·e d’autre ? Cela vous est-il déjà arrivé ? Comment l’avez-vous vécu ? Hâte de lire vos témoignages et récits dans l’espace des commentaires qui vous est réservé ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #15. 10a. Tempête

Je parle depuis le début des « rives rassurantes et sécurisantes » de la Monogamie (#2) : mais elles ne le sont qu’en apparence. Je ne parle bien sûr pas ici de celles et ceux qui vivent en conscience en Monogamie, renouvellent leurs vœux tous les jours et en sont l’un.e et l’autre très heureux : car il y en a, bien sûr, et tant mieux. Mais beaucoup d’autres, très nombreuxes, qui vivent en Monogamie, vivent en réalité en Hypocrisie : ils mentent et portent un masque, ils dissimulent et font semblant.
Les chiffres, aussi bien des divorces et des séparations (indiquant des monogamies sérielles… mais alors on n’est déjà plus dans le mythe de la Monogamie pour toute la vie auquel ielles ont renoncé) que des adultères, en disent long sur cet idéal qui semble inatteignable, tout juste bon à culpabiliser (Les autres y arrivent, pourquoi pas moi ? ) 

Les gens qui vivent en Monogamie hypocrite vivent en effet avant tout dans le royaume de la Peur : puisqu' »on » nous a fait croire (la société, la culture, nos parents, les films) qu’on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois, que donc, si notre partenaire tombe amoureuxe d’un·e autre, alors ielle ne nous aime plus, on redoute, on repousse, on projette, on imagine, on fantasme… le moment où ça pourrait arriver.
Pour s’en protéger, pour parer à toute éventualité, on blinde les contrats, on construit des barrières, des barricades, on érige des murs autour de notre théorique cocon sécurisant : si tu es prêt·e à renoncer aux autres pour moi, moi en échange, je m’engage à renoncer aux autres pour toi.
Même si, pour soi-même, on n’y croit qu’à moitié. On s’auto-convainc.

Ça m’est arrivé moi-même, dans ma vie d’avant. Le partenaire avec lequel je souhaitais revenir « en couple » après l’avoir quitté quelques mois avant (avez-vous remarqué comment, en Monogamie, on raisonne sur un mode binaire ? On est « ensemble », ou on ne l’est pas, « en couple », ou pas : il n’y a pas d’intermédiaire, sauf s’il s’agit de relations amicales ou « que » sexuelles), m’a posé sa condition : l’exclusivité. C’était une condition sine qua nonSi tu veux être en couple avec moi, tu acceptes ma condition ; sinon, je ne souhaite pas être en couple avec toi.
J’aurais pu, bien sûr, si j’avais su à l’époque que la Polyamorie existait, si j’avais pu assumer mieux qui j’étais, lui répondre qu’alors, on allait être malheureuxes tous les deux, et avoir la force de ne pas entrer dans ce jeu de dupes. Mais j’étais amoureuse. Je me suis auto-convaincue moi-même qu’on pourrait au moins vivre quelques bons moments ensemble… tout en pensant : Puisque ça n’est pas ouvert à la discussion et apparemment ne le sera jamais, alors quand j’aurai envie d’aller voir ailleurs (et je sais que ça arrivera, car à 20 ans, cela n’a aucun sens pour moi de renoncer à tou·tes les autres pour toute la vie), je te mentirai.
Autrement dit, en m’imposant cette condition sine qua non, c’est comme s’il m’avait fait signer un engagement à lui mentir.
À partir de là, lui et moi avons vécu, non pas en Monogamie intentionnelle, mais en Monogamie hypocrite : moi qui le savais, lui qui vivait dans l’Illusion.

Combien de celles et ceux qui vivent en Monogamie, qui y croient quand ielles signent leur contrat d’exclusivité au tout début de la relation, se réveillent un jour avec la sensation de s’être piégé·es elleux-mêmes ? Ne parle-t-on pas de se « passer la corde au cou » quand on se marie ?
Un jour, ils ressentent une attirance pour quelqu’un·e d’autre que leur conjoint·e. Amour naissant (ielles se surprennent à y penser tout le temps, à attendre de lea croiser, sentent cette petite décharge caractéristique si ielles reçoivent un message par exemple), ou bien attirance sexuelle (ielles fantasment, y pensent dans la nuit, s’endorment en y pensant, projettent des images dans leur cinéma intérieur)… quelles options ont-ielles alors ?

  • vivre en Frustration : refouler, nier, enterrer ces émotions, ces sensations, tuer le désir en elleux-mêmes. Et cultiver ainsi peut-être les mauvaises herbes de frustration et de ressentiment : lors d’un désaccord, par exemple, ielles en voudront d’autant plus à leur partenaire qu’ielles auront l’impression de lui avoir fait un sacrifice – le leur.
    (Certain·es ont des accords tels que on peut se parler et se raconter, du moment qu’on ne « passe pas à l’acte ». La frustration reste alors bien présente, mais peut-être la violence que l’on s’inflige à soi-même est-elle moins prégnante ?)
  • vivre en Clandestinité : choisir la fidélité à soi-même et à son désir intérieur, plutôt que la fidélité à un contrat qu’on a signé il y a longtemps, et dont on se rend compte avec le recul que c’était sans doute une erreur de jeunesse ou de débutant·e. Comme on n’ose pas aborder le sujet, de peur de remettre en cause la relation, parce que l’autre pourrait mal réagir, et qu’on tient malgré tout au couple, alors on choisit de vivre caché·e. On mène donc une double vie : on prétend être à l’extérieur, dans sa famille et en société, quelqu’un·e d’autre que ce qu’on est à l’intérieur. Combien de temps peut-on vivre comme ça, dans le faire-croire et faire-semblant ?
  • vivre en Monogamie sérielle : on peut aussi préférer être intègre, honnête, avec soi-même, refuser de tricher et mentir, et alors, avançant à visage découvert, on prend le risque de remettre en cause ce qu’on a si soigneusement construit parfois depuis des années : de nombreux couples se séparent (et apparemment, les séparations des deuxièmes et troisièmes couples sont encore bien plus nombreuses que pour les premiers). Certain·es enchaînent ainsi plusieurs unions – théoriquement – monogames (avec parfois quelques mois de recoupements entre un couple et le suivant).

Dans tous les cas, on vit des émotions douloureuses, compliquées… et que, la plupart du temps, on ne peut même pas partager avec notre partenaire, la personne qui est pourtant censée être celle qui nous connaît le mieux, et dont on voudrait se sentir lea plus proche.
Souvent, les gens qui vivent en Hypocrisie, se confient plus facilement à leurs ami·es, ou à leur psy, voire à des inconnu·es sur Internet… qu’à leur partenaire de vie.

Comment être bien avec soi-même quand on doit sans cesse se surveiller, surveiller ses paroles, ses rêves, ses communications ? Pourquoi s’impose-t-on de pareilles dissimulations, tricheries, mensonges ? Pourquoi s’impose-t-on de vivre en Hypocrisie ?

Parce qu’on a peur !
Peur de quoi ? Celui ou celle qui exige de l’autre l’exclusivité… a peur de ses propres réactions, émotions, insécurités qui pourraient se manifester si ielle apprenait que son/sa partenaire est attiré·e ou a une relation avec quelqu’un·e d’autre.
De nombreux couples vivent en Don’t Ask, Don’t Tell. Autrement dit : Je ne veux pas savoir. J’espère que tu es exclusif·ve, mais si tu ne l’étais pas, du moment que je ne le sais pas, je peux continuer à vivre dans l’Illusion.
Sans doute certain·es ont-ielles aussi peur de cette pression sociale et culturelle qui dicte que, si son/sa partenaire a une liaison, alors la « bonne attitude » à adopter est de se séparer. Et qu’au fond, ielles n’en ont pas envie. Donc ielles préfèrent jouer à l’autruche. C’est plus confortable.
Vraiment ?
Peut-on jamais vraiment avoir totalement confiance en son/sa partenaire en vivant ainsi ?

L’autre aussi, celui ou celle qui trompe son/sa conjoint·e, a peur. Bien sûr, ielle vit même dans la peur constante d’être pris·e en flagrant délit, peur de faire du mal.
Mais ielle a encore plus peur d’oser avancer à visage découvert, de dire sa vérité : car comment l’autre pourrait-ielle le vivre ? Ne risquerait-ielle pas de lea rejeter ? Si ielle osait dire qu’ielle a des désirs ailleurs, a un amour ailleurs… ne risque-t-ielle pas de tout perdre ? Ielle a rompu le contrat d’origine, et le sait. Parfois ielle regrette, voudrait revenir en arrière… mais c’est trop tard. Et si les angoisses de l’autre étaient réveillées en apprenant la vraie situation, ne risquerait-ielle pas de remettre en question la relation ?
Alors, malgré la peur, comme l’autre peur est encore plus grande, ielle continue dans le mensonge et la dissimulation.

La question se pose alors : une fois qu’on a pris conscience que la Monogamie était un mythe, une construction, aussi dignes de foi que les contes de fées de notre enfance, une fois qu’on a pris conscience que vivre en Monogamie hypocrite, c’est vivre dans le royaume de la Peur, que fait-on ?

On peut choisir de changer de paradigme. On peut choisir, plutôt que de vivre dans la peur, de vivre dans l’amour. On peut choisir, consciemment, d’écouter sa petite voix intérieure, son intuition, qu’il est possible de vivre autrement, et de faire le pari de la Polyamorie (#4).
Alors ielles se préparent au voyage (#5), et s’embarquent pour des eaux inconnues (#6).

Ce n’est pas toujours facile, il faut réapprendre les codes, se familiariser avec les rouleaux, les vagues, les creux… et certain·es ont le mal de mer (#7).
Au fur et à mesure des épreuves, d’un côté leur part masculine (lea combattant·e, lea guerrier·e, cellui qui est à la surface, qui gère au quotidien) se renforce, acquiert de nouveaux outils, se prépare à la bataille qui ne va pas manquer d’arriver (#8) ; de l’autre, leur part féminine, au contraire, se dépouille de toutes les protections qu’elle avait mises en place depuis son enfance, et se retrouve ainsi de plus en plus nue, fragile, vulnérable.

J’ai utilisé l’image d’un tourbillon qui soudain vous entraînerait vers le bas, vers le ventre de la baleine (#9). Hier, une autre image m’est venue : celle d’un bateau, comme le Titanic, qui coulerait. Notre héros et notre héroïne se retrouveraient dans la cale du bateau, au risque de mourir noyé·es.
C’est alors qu’ielles verraient la lumière, une porte de sortie. Ielles remonteraient à la surface et réussiraient à embarquer dans un canot de sauvetage, et se retrouveraient avec  d’autres rescapés, dans de petites embarcations sur la mer (#10).
Quand ielles étaient tout au fond de la cale, alors qu’ielles pensaient qu’ielles allaient mourir, confronté·es à leur plus grande peur, ielles ont lâché prise. Ielles ont accepté l’inéluctable. Ielles ont renoncé à se battre.
Maintenant qu’ielles naviguent à nouveau sur les flots, ielles respirent, ielles savourent la vie. Ielles célèbrent leur victoire, se félicitent de s’en être sortis, se disent que plus rien ne peut leur arriver. Ielles sont déjà sur les eaux territoriales de la Polyamorie.

Par exemple, ça peut être un·e solo-poly qui réussit à bien mener de front plusieurs relations. Ou un couple qui a noué une relation avec une 3ème personne, et qui vit heureusement en triade. Ou un couple où l’un·e et/ou l’autre vivent des relations extérieures principalement amicalo-sexuelles, sans beaucoup de sentiments forts ni d’implications émotionnelles. Ielles ont réussi à gérer les premières crises de jalousie, d’angoisses de l’un·e ou de l’autre, ont trouvé un équilibre, des arrangements, et le vivent tou·tes les deux plutôt pas mal.

Ielles se sentent peut-être forts, solides. Leur part masculine a affronté et remporté beaucoup d’épreuves, s’est enrichie de nombreux outils (#11, #12, #13).
Dans les cafés poly, ielles sont devenu.e.s des « ancien·nes », on s’adresse à elleux comme à des gens qui ont traversé quelques épreuves et s’en sont plutôt bien sorti·es.

C’est alors qu’au loin, arrive une tempête, qu’ielles n’ont pas vue venir, et qui risque fort de mettre à mal leur petite embarcation. Comment se préparer, de toute façon, contre une tempête ? Ce n’est en effet qu’en vivant les choses, qu’on découvre qui on est vraiment. Comme lorsqu’on écrit un scénario, un personnage ne se révèle que par ses actions.

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Le couple qui avait trouvé un arrangement en vivant une triade, se sent soudain menacé lorsque l’un·e des deux émet le vœu de vivre une relation à part, rien que pour ellui.
Le couple qui s’accommodait volontiers des relations amicalo-sexuelles de l’un·e ou de l’autre se met à tanguer dangereusement lorsque l’un·e des deux annonce à l’autre : J‘ai rencontré quelqu’un·e avec qui je sens qu’une histoire d’amour est possible.

Là, il est possible que son/sa partenaire se sente à nouveau totalement déstabilisé·e. Parce que la théorie, c’est une chose, mais vivre « pour de vrai » les émotions auxquelles nous confronte la polyamorie… c’en est une autre.

Certes, on a plein d’outils dans notre besace, et désormais, on sait parler ensemble. N’empêche : quand on est amoureuxe, on n’est parfois plus totalement soi-même. On peut vivre ce qu’en Polyamorie, on appelle la NRE, pour New Relationship Energy : l’énergie d’une nouvelle relation. La nouvelle relation prend soudain toute la place, on pense à la nouvelle personne tout le temps, on est scotché·e sur son portable, à envoyer des SMS.

Une amie me racontait qu’au début d’une certaine nouvelle relation, alors que son mari était pourtant bien tout à fait le même quand il était avec elle, il devenait uniquement préoccupé par sa nouvelle amoureuse si elle se trouvait dans la même pièce qu’eux. Et elle, mon amie, se sentait soudain transparente : son mari, l’homme qu’elle connaissait depuis vingt-ans, et avec lequel elle avait déjà partagé tant d’épreuves, son mari, soudain, ne la voyait plus. Et cette sensation de ne plus exister aux yeux de l’autre… la faisait complètement paniquer.

Une amie est partie quelques semaines en voyage, laissant derrière elle son mari et son amoureux de plusieurs années. Pendant qu’elle n’était pas là, son amoureux a noué une relation dont il n’a pas osé lui parler, puisqu’elle n’était pas là. Quand elle l’a découverte, elle s’est sentie trahie.

Un couple vivait plutôt sereinement en Polyamorie… quand tout d’un coup, l’un·e a trompé l’autre. Ça existe, l’adultère en Polyamorie ? Bien sûr ! Un adultère est une rupture de contrat. Si on a convenu qu’on était exclusif·ves, et que l’un·e a une relation avec quelqu’un·e d’autre, c’est un adultère. Si on s’est mis d’accord sur le fait qu’on est non-exclusif·ves, mais que le contrat est de se dire les choses, et que l’un·e commence une nouvelle relation en cachette, c’est un adultère.
Si on est d’accord sur le fait qu’on est libre d’avoir des relations avec qui on veut, mais pas avec des ami·es commun·es ou des voisin·es par exemple, et que l’un·e vit une relation cachée, c’est un mensonge, une tromperie : un adultère.

Et ce qui fait le plus mal dans l’adultère – c’est d’autant plus évident dans le cadre de relations poly – ce n’est pas nécessairement que l’autre ait envie d’aller voir ailleurs : c’est la rupture de contrat, la rupture de confiance. On se sent – à juste titre – trompé·e.

Mais admettons que notre tempête, alors que nos deux poly sont sur leur canot de sauvetage, ne les ait pas « surprises dans leur sommeil » : ielles la voient venir, il n’y a pas eu tromperie, pas de mensonge. Juste : l’un·e des deux a fait une rencontre, et en parle à l’autre, en disant : Cette fois-ci, je sens que c’est un peu plus que d’habitude, je sens que je pourrais être amoureuxe. 

À nouveau, on perd tous ses repères. On ne sait pas où on va. On peut paniquer. Ça peut réveiller des angoisses dont on ignorait même l’existence. On peut vouloir essayer de se protéger, de construire des barricades, de poser des règles. Par exemple : Tu peux coucher avec ellui, mais pas rester dormir.

Françoise Simpère, poly depuis plusieurs décennies, raconte en riant : la première fois, ce qui fait peur, c’est que l’autre ait du désir pour une autre, qu’il veuille coucher avec elle ; puis qu’il passe une soirée entière ; puis on est ok sur la soirée, mais pas sur la nuit ; puis on lâche sur la nuit et on dit : Ok pour la nuit, mais alors pas le petit-dejeuner ! Et puis après, on lâche sur le petit-déjeuner, mais on dit : Pas un week-end entier ! Et puis on lâche sur le week-end, puis sur les vacances…
En réalité, ce qu’on travaille, ce qu’on éprouve à chaque fois, c’est la force du lien qui nous lie l’un à l’autre. Ce qui fait peur, ce sont toujours les premières fois. Et puis comme on voit qu’on a survécu, alors on peut tenter une deuxième, et puis une troisième.

Mais à chaque fois qu’il va y avoir une première fois, on paniquera à nouveau…?

Personne n’est jamais à l’abri de ce que Franklin Veaux a appelé The Game Changer : cette nouvelle relation qui met à mal la précédente, qui pourtant paraissait solide, après vingt ans de mariage et de relations poly. Parce que soudain, lui a eu envie d’habiter au quotidien avec cette nouvelle amoureuse, remettant en cause les accords de vie qu’il avait avec son épouse.

Sachons-le cependant : ce n’est pas parce qu’on érige des barrières, des barricades, qu’on tente de se protéger – théoriquement – avec des règles ou des cadres plus ou moins rigides, que si la digue doit sauter, on l’empêchera de sauter. Au contraire, même.

Quand on vit dans la peur, on provoque souvent ce dont on a le plus peur.

Si par exemple, quand l’un·e a une nouvelle relation, celle-ci découvre des règles qui lui préexistent, parce qu’elles ont été mises en place lors d’une prédécente aventure, comment va-t-elle le vivre ? Peut-elle être sereine, a-t-elle l’impression qu’on tient compte d’elle, de ses émotions, de ses ressentis, de ses désirs, de ses besoins ?

En effet, s’il a été écrit avant même qu’ielle ne rencontre l’un·e des membres du couple, que : Ok la soirée, mais pas la nuit, peut-ielle se sentir en sécurité dans cette nouvelle relation ?
Car si l’autre a peur, et que son/sa partenaire cède à ses peurs en acceptant ses conditions, qui dit qu’ielle ne paniquera pas un jour et n’exigera pas que la relation ne cesse du jour au lendemain ?
C’est ce que Franklin Veaux raconte que sa femme a un jour exigé de lui… et lui s’est exécuté, brisant son propre cœur, et brisant celui de son amoureuse.
Ce jour-là, il s’est exécuté (le mot même en dit long…), mais il n’a jamais pardonné. Ce genre de situations, de sacrifices (au sens propre du terme), est durablement toxique pour la relation.

De manière générale, quand quelqu’un·e exige quelque chose de quelqu’un·e d’autre, quand on pose des conditions, quand on émet un chantage, quand soi-même on est mu·e par la peur et qu’on pousse l’autre à nous céder car ellui-même a peur des possibles conséquences s’ielle ne se plie pas à nos exigences… on s’expose à du ressentiment, à de la frustration, on fabrique une bombe à retardement. Un jour ou l’autre, ça aura un effet boomerang.

On ne peut pas, me semble-t-il, prétendre vouloir vivre libre et que l’autre vive libre… et poser des conditions, émettre des exigences.
Si on le fait malgré tout, c’est qu’on vit encore dans le royaume de la Peur. Et qu’on a encore du travail à faire sur soi.

Alors comment faire ? Comment avancer ?
Eh bien, on accueille ses peurs, on observe ses émotions, ses sensations, les pensées qui vont et viennent dans notre tête comme autant de fourmis dans une fourmilière, et lentement, on déconstruit, on essaie d’aller au fond des choses, tout au fond de la peur. On a encore de la route à faire

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? La tempête est-elle passée par vous ? Avez-vous tenté de résisté, ou avez-vous choisi de vous laisser porter par le courant ?
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Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #14. Lâcher prise

Après avoir vécu un temps dans le monde ordinaire et sécurisant de la Monogamie (#2), on a soudain, suite à un accident, une maladie, une rencontre, une émission, un livre… fait face à la désillusion, comme une révélation (#3) : la société dans laquelle on a grandi et dont on a intégré sans même en avoir conscience les codes et les croyances, repose en réalité sur une vaste hypocrisie. Tout le monde fait mine d’adhérer au mythe de l’Amour romantique, l’Amour toujours, l’Amour qui conquiert tout et dure toute la vie pour une seule et unique personne (et si l’amour vient à disparaître, c’est que cette personne « n’était pas la bonne », et on s’emploie à passer à la suivante… enchaînant ainsi des monogamies sérielles)… et en même temps, dans la « vraie vie », rares sont les couples durables qui sont réellement heureux : combien de concessions, de compromis, jour après jour, qui sont autant de sacrifices ? Combien ont renoncé à exprimer leur véritable personnalité ? Combien sont frustré.e.s, ou tout simplement, comme je l’ai été si longtemps, « mort.e à l’intérieur » ? Et combien qui passent pour des conjoint.e.s « exemplaires »… sont en réalité adultères ?
Sauf que si tout le monde triche, et porte le masque du/de la partenaire exclusif/ve exemplaire – alors qu’il n’en est rien – comment les autres pourraient-ils savoir, quand arrive leur tour d’être confronté.e au désir extérieur, qu’ils ne sont pas seul.e.s à vivre ce dilemme, cette déchirure intérieure ? Pour quelques-un.e.s qui assument pleinement et absolument d’être adultères, parce qu’ielles assument d’être avant tout fidèles à eux/elles-mêmes… combien le vivent dans la honte et la culpabilité (deux sentiments qui sont des projections des règles de la société en nous et sont avant tout destructives – voir à ce propos ce qu’en écrit Yves-Alexandre Thalmann dans Au diable la culpabilité) ?

Un jour, donc, on s’est réveillé, et on a vu le monde autour de nous tel qu’il est vraiment. Et on a décidé – ou accepté – de suivre la petite lumière en nous, qui nous indiquait qu’il était possible de vivre autrement (#4). Alors on s’est renseigné, on a cherché, on a lu…: en un mot, on s’est préparé.e au voyage (#5). Et puis on est parti.e : on a largué les amarres, bravant nos peurs (#6).
Et pourtant, elles étaient grandes, nos peurs, et à juste titre : car on le sait au fond de nous, la société, nos pairs, notre famille… nous le feront payer très cher quand ils découvriront ce que eux, de leur point de vue, considèreront comme une trahison. On est sorti.e du jeu. On a choisi de devenir un électron libre, on s’est connecté.e à notre moi profond – tout ce qu’elles/eux n’ont jamais osé faire : remettre en cause les certitudes et croyances avec lesquelles on a toujours grandi.

Alors ça y est, on navigue en eaux inconnues. Et ça tangue, et on n’a pas (encore) le pied marin, on glisse, on manque de tomber, on a le mal de mer (#7). Et on rencontre, bien évidemment, les premiers obstacles (#8). On s’y attendait, on s’y est préparé.e. Ça remue, ça secoue… mais à chaque fois, on a décidé de vivre l’obstacle comme une opportunité qui s’offre à nous. On n’a plus de repères, et on est de plus en plus seul.e, car on ne correspond plus à notre monde d’avant (No Longer Fits Her World, propose Kim Hudson dans The Virgin’s Promise.)

Liiou - Bateau + requin

En réalité, le voyage du héros et celui de l’héroïne (entendre : le masculin en nous et le féminin en nous, l’extérieur et l’intérieur, le conscient et l’inconscient) sont complémentaires, à la fois symétriques et opposés.
Le héros part à l’horizontale, à la surface de la terre, à la conquête de nouveaux territoires (#6, #7, #8) , pour combattre le dragon au fond de sa caverne (#9) et en ramener l’élixir (#14) qui lui permettra, après une ultime bataille sur son chemin du retour (#15), de revenir sauver son village et sa communauté qui étaient en danger et le soutiennent depuis le début : il se bat pour eux, et à leur place, en représentant.

L’héroïne, elle, descend en elle-même et dans les profondeurs de la terre, à la recherche d’elle-même. Tandis qu’à chaque obstacle rencontré, le héros s’aguerrit, s’affermit, acquiert de nouveaux outils, qui le rendent de plus en plus expérimenté pour pouvoir vaincre le dragon… l’héroïne, elle, à chaque porte du jugement qu’elle franchit, se dépouille un à un de ses oripeaux, se coupant de plus en plus de sa communauté d’origine qui la juge très sévèrement, car, en remettant en cause les principes et les croyances du monde de dépendance dans laquelle ils vivent, elle les renvoie à leurs propres compromis, concessions et sacrifices, leur montrant qu’il est possible, si on le choisit en son âme et conscience, de vivre sa vie – ce qui est insupportable pour elles/eux, qui ont renoncé, ou bien qui n’en ont même pas l’idée.

C’est donc totalement nue qu’elle atteint le fond de la grotte, le fond du gouffre, le ventre de la baleine (#9). Là, sachant que tout ce qui l’avait aidée dans sa vie ne lui sert plus à rien, elle fait face à sa plus grande peur : elle est confrontée à la Grande Déesse, la Déesse de la destruction et de la créativité. Celle qui a le pouvoir de vie et de mort. La Mère, qui donne la vie, et peut vous la reprendre, la Mère dévoreuse. Le père TyranLiiou - Maman nue Elle lâche prise, elle n’a plus d’autre option. Elle renonce. Elle accepte de mourir. Elle devient humble. Et en devenant humble, en renonçant à se battre… elle se connecte à la part d’humanité en elle. Elle devient réellement elle-même, homme ou femme, ou ni homme, ni femme, queer, et se connecte à tous/tes les autres qui ont entrepris ce voyage avant elle et en sont revenu.e.s. Et ces autres lui tendent la main, et lui montrent la lumière à la sortie du tunnel (#10).

Le héros surmonte ses peurs pour acquérir des outils et franchir les obstacles qui, comme autant d’opportunités, le rendront plus fort pour affronter le dragon.
L’héroïne, elle, fait un chemin d’acceptation et de lâcher-prise. C’est parce qu’elle se dépouille de toutes ses certitudes et croyances, que chaque nouvelle étape de sa descente la rapproche d’elle-même.

Alors que le héros est tout du long soutenu par sa communauté, qui l’encourage au début et l’attend à l’arrivée… l’héroïne, elle, est lâchée par sa famille d’origine et la société qui la considèrent comme une traîtresse puisqu’elle a rompu le pacte. Ce n’est qu’au fond du ventre de la baleine, qu’elle découvrira sa nouvelle famille, celle qu’elle se sera choisie, sa nouvelle communauté, celle des gens éveillés, qui sont passés par là avant-elle, et lui tiennent la main pour remonter. Elle n’est plus seule. Elle n’est qu’un maillon parmi une longue chaîne d’électrons libres, qui, chacun.e différent.e les un.e.s ont malgré tout en commun ceci qu’ils ont rompu avec leur famille première, et ont choisi de vivre leur vie, en accord avec leur petite flamme intérieure – et en en payant malheureusement souvent le prix (ils y ont sacrifié leur confort, leur sécurité, parfois leur famille).

Ces autres vont partager avec elles tous les outils, toute la sagesse qu’ils ont acquis au cours des générations et des générations de créateurs/trices, d’inventeurs/ses, de pionnier.e.s, d’aventurier.e.s (#11, #12, #13) et dont elle ne sera, à son tour, qu’une courroie de transmission. Car sa mission, son chemin de vie, est de remonter à la surface, plus riche de tout ce savoir… et de le transmettre à son tour aux suivant.e.s.
Mais n’allons pas trop vite.

Le Voyage du héros et de l'héroïne

Nous voilà donc dans l’étape #14 de notre voyage. Notre héroïne / ou héros (rappelons que le féminin et le masculin ne sont utilisés que comme des archétypes, le yin et le yang), remonte donc à la surface en étant libéré.e, délesté.e de tout ce qui le/la rendait dépendant.e de son monde d’origine. Elle n’a plus peur. En acceptant, en accueillant ses peurs comme faisant partie d’elle… elle les a intégrées, et marche à leurs côtés. Au lieu de les combattre comme des ennemis, comme le fait la part masculine en elle, elle les accueille comme des alliées. Elle est réconciliée avec elle-même, et reconnaît ses peurs comme faisant partie d’elle-même : elle n’est pas ses peurs, mais ses peurs sont une partie d’elle, là pour l’alerter, la protéger, l’aider à avancer, pour aller plus loin, toujours plus loin.

Liiou - Maman nue de dos

Elle peut se réconcilier avec le féminin en elle, avec sa féminité. Elle pardonne à sa mère. Car le pardon est le plus puissant de tous les outils. Accepter l’autre pour ce qu’ielle est. Qui fait ce qu’ielle peut, du mieux qu’ielle peut sur le moment, avec ses propres peurs, failles, béances.

Elle lâche prise. Elle reconnaît que l’autre est autre. Libre comme elle est libre elle-même. Une personne autonome, avec ses failles et ses richesses. Qui fait de son mieux. Elle/lui aussi sur son propre chemin de découverte – ou pas (car certains vont accepter la mission qu’il leur est assignée par leur communauté d’origine (agir, conquérir, protéger) sans jamais se poser la question de ce qu’ils désirent eux… et ne jamais se connaître eux-mêmes, continuant la tradition, prisonniers des croyances des autres, restant à la surface de la terre.)

L’autre est libre. Comme je suis moi-même libre. Ielle ne m’appartient pas plus que je ne lui appartiens, moi. Nous vivons toutes et tous sur des petites embarcations différentes et séparées. Parfois nous choisissons de vivre un bout de chemin ensemble. Parfois cela dure longtemps. Parfois moins. Ce n’est pas la durée de la relation qui compte, mais la qualité de ce qu’elle nous apporte, sur le moment, pendant le temps où on la vit, pleinement, nous aidant à nous approcher de qui on est vraiment, et de qui on a envie d’être.

Quand vous êtes en relation avec quelqu’un.e, posez-vous la question : ce quelqu’un.e réveille-t-il le meilleur en vous… ou le pire ? Vous aimez-vous quand vous vous regardez en interaction avec lui/elle ? Vous reconnaissez-vous ? Avez-vous envie de vous prendre dans les bras et de vous dire à vous-même : je t’aime ?

Hier, chez mon coiffeur. Me découvrant en robe rouge, il me dit : Attention au loup. Je ne comprends pas. Je lui réponds : Le loup s’habille en noir, pas en rouge ! Je n’avais pas compris : je croyais qu’il me prenait moi, pour un loup.
Il précise : Tu es le Petit Chaperon rouge.
Je ris alors, et lui dis, comme ça vient et sans réfléchir : C’est incroyable que tu me dises ça, là, maintenant. Parce que justement, depuis ce matin, je n’ai plus peur.

Liiou - Maman petite en rouge

Dix minutes plus tard, son collègue, à qui je raconte que j’écris ce Voyage en Polyamorie sur mon blog, tout en finissant la deuxième version du scénario de mon troisième long-métrage (qui raconte l’histoire d’un couple qui s’ouvre à la Polyamorie), et à qui je dis : Je travaille mon thème ; me répond en souriant : Tu travailles ton t’aime.
J’aime mes coiffeurs…

J’ai écrit au début de ce voyage : Je ne sais pas où je vais… mais j’y vaisEt je commence simplement à entrevoir le sens de tout ça. Je lâche mes peurs. Je travaille mon m’aime.
Et si je peux aider certain.e.s d’entre vous à descendre en eux/elles-mêmes à leur tour, en leur tendant la main, en leur montrant qu’ielles ne sont pas seul.e.s sur le chemin de leur vie, qui ne ressemble à aucune autre et qui est la leur, la leur propre… alors j’en suis heureuse.

Et si j’écris seule et que personne ne descend avec moi… je suis heureuse aussi. Car ce voyage, je l’ai entrepris parce que j’en avais besoin. Parce que c’était le moment. Et que je sais qu’une fois que je serai remontée, quand j’aurais accueilli et regardé mes peurs en moi et que je pourrais marcher côte à côte avec elles, et non plus en craignant qu’elles ne me dévorent… alors je serai plus moi-même, plus forte, plus sereine – ou pas. Mais au moins, j’aurais fait quelque chose. Et déjà, j’en suis fière.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Voyez-vous ou avez-vous vu la lumière au fond du tunnel ? Avez-vous trouvé des pairs, une communauté qui vous soutient ? Ou vous sentez-vous encore seul.e ? Hâte de lire vos récits dans les commentaires ci-dessous : vous y êtes les bienvenu.e.s.

Au plaisir et à demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

Voyage en Polyamorie #12. 8c. Mindsight

Après souvent des années passées en Monogamie (réelle ou théorique) – ou non – (#2), on s’est rendu compte que l’hypocrisie générale dans laquelle vit la société, qui veut nous faire croire à ce que mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, a appelé dans son article #8, le « mythe de l’Amour romantique », ne nous correspondait plus (#3) et on a eu envie de suivre notre petite voix intérieure qui nous dit qu’une autre manière de vivre ses relations amoureuses – et peut-être ses relations tout court – est possible (#4) : en conscience, avec bienveillance, tolérance, et dans une communication compassionnelle. On a donc commencé à se préparer (#5), en en parlant autour de nous, voire avec notre partenaire, et en lisant quelques livres ou articles, puis, convaincu.e que rien ne vaut l’expérience, on s’est lancé dans l’inconnu (#6) en bravant nos peurs qui, malgré tout, nous disaient qu’on risquait peut-être gros. Partir à l’aventure comme ça dans des contrées dans lesquelles on n’a plus aucun repère, ni aucun soutien de notre entourage proche, demande beaucoup de courage (#7) et on fièrement franchi les premiers obstacles, les premiers doutes (#8) : Mon mari s’est inscrit sur Okcupid, écrivait l’une des contributrices dans les commentaires il y a deux jours, et je me suis réveillée avec la sensation d’une forte angoisse dans la poitrine. Mais voilà, maintenant elle est passée et aujourd’hui, on en rit.
Les expériences sont toutes nouvelles et on ne peut pas se rapporter à ce qu’on a déjà vécu auparavant, ni aux films qu’on a vus ou aux romans qu’on a lus : on a perdu tous nos repères, et c’est très déstabilisant.

N’empêche, on est drôlement content.e de nous, parce qu’on s’en sort quand même pas mal dans l’ensemble. On commence à vivre de vrais moments chouettes, et si on est en couple, on a vraiment la sensation que l’amour que l’on partage, la confiance, sont renforcés. Parce que si l’autre va parfois voir « ailleurs », ielle « revient ». Et que ce qui compte, c’est précisément ce moment où ielle revient, par choix, par plaisir d’être avec nous, et non par contrainte ou obligation. Et que quand ielle revient, ielle nous dit : j’ai suivi mon désir et tu ne t’es pas senti.e rejeté.e ni nié.e, je sais que ça n’a pas nécessairement été facile pour toi, et je t’en remercie, car j’ai le sentiment que je peux explorer qui je suis, tout en gardant mon havre de sécurité auprès de toi – comme un enfant avec un attachement sécure – et je t’en aime d’autant plus. Je peux vivre ce que j’ai moi, à vivre, indépendamment de toi, parce que je suis moi et que je ne suis pas que la personne que je suis quand je suis en relation avec toi, et je peux explorer différentes facettes de ma personnalité, et je suis heureux.se que cela ne remette en rien en cause la relation que l’on a tous les deux. Je peux avoir une relation amoureuse avec toi, ET avoir une relation, possiblement aussi amoureuse – mais pas non plus nécessairement – avec quelqu’un d’autre. Comme on a plusieurs ami.e.s, ou comme on aime – différemment – chacun de nos enfants.

On commence à apprécier ce mode de vie, on avance pas à pas, étape par étape. Et puis à un moment, alors qu’on ne l’a pas vu venir, un tourbillon nous entraîne soudain vers les profondeurs. C’est la panique. (#9) Pourquoi cette personne-ci semble-t-elle nous insécuriser, alors qu’avec la précédente, tout s’était passé comme sur des roulettes ?

Parfois, cela tient à nous : on est dans une période un peu plus compliquée, professionnellement, ou avec notre ex, ou on est fatigué.e, malade… et soudain, plus sensible, plus fragile aussi, et on aurait besoin de voguer sur des eaux paisibles, plutôt que de repartir en remous. Sur une échelle émotionnelle de 1 à 10, on est déjà à un 5, par exemple. Et alors, au lieu de se laisser porter par le courant, on tente de résister… Et quand on résiste au courant, on s’épuise vite.

La Rivière du bien-être Parfois cela tient à notre partenaire : lui-même est dans une période différente, et pour des raisons qui lui sont propres, ielle a besoin d’un peu plus d’espace, d’intimité, ielle voudrait se ménager un jardin secret – et comme on ne fonctionnait pas comme ça jusque-là, cette situation nouvelle nous insécurise – comme toute situation nouvelle. On ne comprend pas pourquoi ielle, soudain, ne nous raconte plus comme ielle nous racontait avant. Alors on projette, on imagine, on anticipe… C’est toujours une mauvaise idée de « faire des suppositions » (Accord toltèque #3).
Parfois aussi, cela tient à la tierce personne : la précédente relation, tout roulait, la communication était fluide, un rendez-vous était pris, et tenu, le cadre pré-défini était clair pour tout le monde, et respecté par tout le monde, pas de débordement, on se sentait en sécurité. Et puis là, par exemple, alors qu’on a précisé que, pour se sentir en sécurité, on aimerait être tenu.e au courant d’un rendez-vous au moins trois jours avant, voilà que systématiquement, ielle propose un rendez-vous quasiment du midi pour le soir même. On n’a pas le temps de se poser la question si ça nous va ou pas, on doit répondre, là, maintenant, tout de suite. Et l’excitation, la spontanéité de la troisième personne, deviennent pour nous source de stress et de précipitation. Je dois donner une réponse là tout de suite ? Eh bien, alors, c’est non. Et si tu me poses la question, alors même que j’avais demandé trois jours d’anticipation et que donc tu sais d’avance que ça va faire monter d’un cran mon baromètre intérieur, c’est donc que c’est plus important pour toi que ce que tu veux bien me dire. Donc ça m’angoisse. Et je me sens coupable de ressentir au fond de moi cette angoisse. Et donc je lutte contre. Et donc elle redouble. Et donc… eh bien me voilà dans la spirale négative, entraîné.e vers le bas, et je ne sais plus comment m’en sortir. 

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Ce dispositif – moi, l’autre, la relation – est aussi celui que propose comme cadre de travail Daniel Siegel dans tous ses livres sur ce qu’il a appelé la mindsight. J’ai écrit un article par jour sur la mindsight et la méditation de pleine conscience pendant 21 jours, du 1er au 21 novembre 2015, et je ne peux que vous encourager à aller lire quelques articles.
L’idée est que nous apprenions à prendre conscience du fonctionnement de notre cerveau (insight), de celui de l’autre avec le/laquelle nous sommes en relation (empathie) et que nous en tirions des conséquences pour les relations que nous souhaitons entretenir – ce qu’il appelle « moralité », mais que nous pourrions appeler, nous, des relations éthiques et en conscience. 

Si je tente d’en résumer en quelques lignes les grands principes : il s’agit dans tous les cas, de connexion, de ce qu’il appelle « intégration« , entre les différentes parties de notre cerveau : maintenir la connexion entre notre cerveau du bas émotionnel, et notre cerveau du haut rationnel, comme on l’a vu dans notre article sur les émotions ; maintenir aussi la connexion entre notre cerveau droit plus intuitif, et notre cerveau gauche plus logique ; naviguer sur ce qu’il appelle la « rivière du bien-être« , entre la rive droite du chaos (quand on part en vrilles émotionnelles) et la rive gauche de la rigidité (quand on se tient à de grands principes, sans laisser la place à l’imprévu de la vie, au point où on en devient « psycho-rigide »). Dans tous les cas, maintenir le lien.
Si on bascule d’un côté ou de l’autre (trop rationnel ou trop émotionnel, trop logique ou trop intuitif, trop chaotique ou trop rigide), on n’est plus en lien avec la fluidité de la vie, et nos relations avec les autres se grippent.

Le Cerveau dans la main

Pour apprendre à repérer comment fonctionne notre cerveau, rien de tel que de l’observer. Et pour cela, apprendre à maintenir notre attention avec intention : sur quoi je décide de focaliser mon attention, et est-ce que j’y parviens ? Cela peut être sur mes sensations intérieures (et on rejoint la méthode Tipi par exemple), sur les bruits extérieurs, sur la sensation de la douche sur mon corps ; ça peut être de manger un carré de chocolat en pleine conscience, ou… pratiquer la méditation orgasmique !

Dans tous les cas, l’enjeu de l’exercice n’est pas « d’y parvenir », mais bien d’apprendre à repérer le moment où on décroche, et de ramener notre attention sur ce sur quoi on l’avait préalablement décidé. On entraîne ainsi petit à petit notre cerveau, et surtout on apprend à repérer ses chemins habituels. Ce qui fait que quand on part en vrilles, on ne peut pas nécessairement arrêter la vrille (si on ne s’en est pas rendu compte à temps), mais au moins, on peut avoir conscience qu’on est en vrilles, et donc plus du tout en état de discuter de manière rationnelle.

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J’ai assisté il y a quelques jours à une conférence de l’Atelier des parents donnée par Sophie Benkemoun qui donnait comme image que quand on était en colère, la seule chose qui allait sortir de notre bouche, c’était non pas des mots, mais des couteaux : et que les couteaux, ça coupe, ça fait mal, ça fait des dégâts.
Et elle proposait donc comme option, quand on est en colère et au moment où on en prend conscience, de « fermer notre bouche ».
Thich Nhat Hanh, l’auteur de La Colère, ne dit pas autre chose quand il propose, pour mieux avoir prise sur son comportement quand on sent qu’on est en colère, quand ce n’est plus nous qui parlons, mais la voix de la colère en nous, de (au choix) : s’éloigner, faire quelques mètres en marchant, boire un verre d’eau, faire 5 minutes de respiration en conscience.

518k9cxo4aL._SX303_BO1,204,203,200_Si vous comptez jusqu’à 5 en inspirant, puis jusqu’à 5 en expirant, et ainsi de suite pendant 3 minutes, vous pratiquez ce qu’on appelle la cohérence cardiaque. Ça vous remet rapidement d’aplomb.

Souvent, le simple fait de « reconnaître » qu’on est en train de partir en vrilles (la spirale négative de la descente dans le ventre de la baleine) nous permet déjà de prendre du recul… et de nous apaiser un peu. Parce que c’est le cerveau émotionnel (celui du bas) et le cerveau intuitif (le côté droit), qui basculent du côté de la rive du chaos, et rien que le fait de mettre des mots « logico-rationnels » dessus… permet de recréer la connexion entre les différentes parties de notre cerveau. 

Un des outils que propose Dan Siegel et dont je n’avais finalement pas pris le temps de parler pendant mes 21 jours de mindsight (qui avaient été assez colonisés, à partir du 13 novembre, par les émotions post-attentats) est ce qu’il appelle la roue de la conscience. Il en parle comme d’une roue de vélo, mais j’aime assez, moi, visualiser plutôt une horloge. Quand on prend conscience, par exemple, qu’on tourne en rond sur des pensées négatives, qui, petit à petit, nous entraînent de manière mécanique dans une spirale descendante, on peut imaginer qu’on est resté.e bloqué.e sur le 12 par exemple. Et alors, on peut choisir de focaliser notre attention sur le 3 ou le 4 : quand on a pris l’habitude de pratiquer des moments de pleine conscience, où on observe le fonctionnement de notre cerveau et où on ramène consciemment notre attention là où on l’avait décidé, il est plus facile de le faire quand on est en crise.
La Roue de la conscience C’est là que quand on se surprend par exemple à penser (notre cerveau, sur pilote automatique et ayant basculé en réactivité émotionnelle, s’engouffrant dans les schémas habituels du mythe de l’amour romantique) que s’ielle « préfère » passer cette soirée avec un.e autre plutôt qu’avec nous, c’est qu’ielle nous aime peut-être moins qu’avant (attention, mantra : Toute comparaison est toxique !), on peut décider de changer de braquet et de nous focaliser sur à quel point on est heureux qu’ielle soit dans notre vie depuis si longtemps, et de penser qu’ielle choisit en toute liberté de revenir nous voir après : c’est choisir en conscience la bouteille à moitié pleine plutôt que la bouteille à moitié vide dont je parlais dans l’article #11.

Un des articles que j’ai pu écrire en novembre et qui me paraît le mieux expliquer en réalité les enjeux de la mindsight est celui où mon fils de 10 ans 1/2 alors, m’a donné une leçon d’intelligence émotionnelle. Je vous invite à le lire.

Et vous, pratiquez-vous d’une manière ou d’une autre la méditation de pleine conscience ? La mindsight de Daniel Siegel vous inspire-t-elle ? Hâte de lire vos réactions et témoignages dans les commentaires ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle