J’ai choisi aujourd’hui de parler de communication compassionnelle plutôt que de « communication non-violente » qui fait directement référence aux outils développés par Marshall Rosenberg, pour deux raisons principales :
– d’une part, parce que j’ai de plus en plus de mal avec les mots qui se définissent « contre », en « non-quelque chose ».
Le livre J’arrête de râler de Christine Lewicki par exemple a été pour moi une révélation… mais je trouve dommage qu’il s’adresse à notre cerveau par une formule négative : car le cerveau ne connaît pas, ne comprend pas, la négative – d’où les enjeux et le développement de la psychologie positive, dont la découverte a littéralement changé ma vie (cf ma toute première série d’articles : 13 jours… devenus 21 de pensée positive) ;
– d’autre part, parce que je souhaite que mes réflexions ici, puisque je parle d’éthique des relations, dépassent en réalité le cadre de la seule « communication non violente ».
En ce sens, il ne s’agit pas « seulement » de communiquer les un·e·s avec les autres de manière « non-violente », mais bien plus profondément : avec le cœur, et dans l’accueil et la compassion.
Pourquoi ? Parce qu’à mon sens, cela permet de comprendre, de se comprendre, de nous comprendre.
Beaucoup de nos pensées, en effet, sont alimentées par des « projections », des hypothèses, des suppositions : l’autre fait ou a fait quelque chose par rapport à quoi je me sens mal ou mal à l’aise, qui me heurte, me blesse, réveille en moi des émotions désagréables… et ma machine à pensées (négatives, le plus souvent, parce que j’ai été élevé·e à penser comme ça, parce que l’ensemble de notre société fonctionne encore souvent comme ça) se met en route : ielle n’a vraiment aucune considération pour moi ; en fait, ielle s’en fout de moi ; si je comptais pour ielle, ielle n’aurait pas fait une chose pareille… (quelle que soit la chose en question).
Sauf que j’ai bien écrit : « réveille en moi des émotions désagréables ».
Les émotions, en effet, sont les miennes : elles sont en moi. La même action, dans un autre contexte, ou faite par quelqu’un·e d’autre, n’aurait pas réveillé en moi les mêmes émotions, ni du coup, les mêmes pensées qui, en réalité, viennent « justifier » ou « trouver des explications (théoriquement) rationnelles » à ces émotions.
Dans notre culture, quand quelque chose pose problème, on a souvent le réflexe (acquis) de chercher un·e responsable, voire un·e coupable. Et comme je ne souhaite pas reconnaître que je pourrais avoir ma part de responsabilité, car, notre culture étant, de mon point de vue, une culture de la punition (si je suis « coupable », alors je dois être « puni·e »), je crains de n’être mis·e en accusation ou montré·e du doigt si je me désigne comme « responsable »… alors je rejette la responsabilité – voire la « faute » – sur l’autre !
Je le vois au quotidien avec mes enfants : qu’est-ce que c’est difficile de déconstruire cette « réactivité » qui paraît automatique – instinctive ? – du « C’est pas moi ! » souvent suivi de : « Et puisque c’est pas moi… c’est l’autre ! »
La véritable question ici est : pourquoi, au nom de quoi, faudrait-il désigner ou trouver un·e « coupable » ?
Quand un verre d’eau a été renversé, l’important est-il de savoir qui l’a renversé, comment il a été renversé ou… de réparer les dégâts ?
Autrement dit, l’enjeu est-il de trouver un·e coupable / responsable (Pourquoi je devrais ranger ? C’est pas moi qui ai dérangé !) ou bien de faire en sorte que tout aille pour le mieux à nouveau ?
Pour moi, la communication compassionnelle – être dans la compassion, dans le sens de cum patior : souffrir avec – est aussi celle qui permet de « comprendre » l’autre. Et quand on comprend l’autre – qui, par définition, est autre (cf #6. L’autre… est autre) -, on peut lâcher les projections, les hypothèses, les suppositions, et se placer simplement de son point de vue.
Finalement, je me rends compte que c’est comme les différents points de vue dans une scène de cinéma : selon si on voit une scène du point de vue de l’un·e ou du point de vue de l’autre, on ne la vit pas, et on ne la comprend pas de la même façon.
Quand on réalise une scène au cinéma, il s’agit toujours de se poser la question : qui est le ou la narrateurice, qui raconte, de quel point de vue se place-t-on ?
Chacun·e d’entre nous est toujours le héros ou l’héroïne de sa propre histoire. Je ne peux voir le monde qu’à travers mes propres yeux : je peux imaginer ce qu’il se passe dans la tête de l’autre, je peux projeter ce qu’ielle pense, ressent… mais je ne peux pas le savoir.
Et fondamentalement, de son point de vue, chaque être humain fait toujours ce qu’ielle pense, sur le moment, dans les circonstances données, être le mieux pour ellui.
Ça me paraît en effet très important à garder en tête : on peut espérer qu’il est quand même rare que quelqu’un·e fasse quelque chose véritablement contre quelqu’un·e d’autre, ou exprès pour lui nuire : c’est plus sûrement parce qu’ielle fait passer son propre intérêt avant celui de quelqu’un·e d’autre…
On voit bien par exemple à quel point ça paraît absurde d’entendre un parent dire à propos de son enfant : Ielle le fait exprès pour me faire enrager, ou encore Il me cherche ! pour reprendre le titre d’un livre d’Isabelle Filliozat – un enfant (surtout petit) a rarement pour intention de faire enrager son parent : ce n’est clairement pas dans son intérêt !
Vu comme ça, on voit bien à quel point il est tout aussi absurde d’entendre quelqu’un·e dire à quelqu’un·e d’autre, quel que soit son âge : Tu ne m’écoutes pas ! Tu le fais exprès ou quoi ? Tu ne fais aucun effort.
En réalité, comme je le disais, l’autre est autre, et par définition, personne ne peut savoir ce qu’il se passe dans la tête de quelqu’un·e d’autre.
Découle pour moi de ce grand principe d’égalité de droits et de respect entre les personnes que j’ai posé dans mon article #5, le fait que chacun·e de nous a des droits, des émotions, des ressentis, des limites, des besoins… tout autant légitimes que les nôtres.
Il est donc tout aussi important :
- à la fois d’oser affirmer ses émotions, besoins, désirs – car si on ne parle pas pour soi, personne ne peut les imaginer, ou les inventer, sauf dans le cadre d’une fiction ;
- et d’entendre et accueillir ceux de l’autre, car c’est la seule façon de connaître ou de comprendre quelqu’un·e : de l’écouter et de comprendre son point de vue.
Étant entendu que comprendre, accueillir, accepter… ne signifie pas « être d’accord ».
Cela permet cependant au moins de : ne pas projeter, ou selon l’accord toltèque #3, ne pas faire de supposition.
Cela permet aussi de mieux ressentir l’accord toltèque #2 : ne rien prendre personnellement.
En effet, quand l’autre fait quelque chose avec quoi je me sens mal ou mal à l’aise… partir du principe qu’ielle ne fait jamais rien dans l’intention de me blesser ou de me porter préjudice : quand on comprend son point de vue, on ressent que ça n’est pas “contre” nous, mais “pour” lui ou elle.
Fondamentalement, chacun.e est libre, de manière intrinsèque et inaliénable, de mener sa vie comme ielle l’entend, et… ne nous “doit” rien.
Et notamment, quand j’entends dire : “Les enfants doivent respect à leurs parents… sous-entendu « parce que » ce sont leurs parents” (idem avec des professeurs), je suis profondément choquée.
Oui, un enfant doit respect à son parent ou à son professeur, de même que, pour moi, éthiquement parlant, et de manière non négociable, un parent ou un professeur doit respect à l’enfant.
En réalité, chacun·e doit le respect à chacun·e, quel que soit son âge, son “rang” dans la société, son genre.
Ce sera le thème de la réflexion de mon article #8.
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Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle
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