ÉTHIQUE RELATIONNELLE #10. Primum non nocere

Comme je l’ai développé dans mes articles #8 sur le droit inaliénable de chacun·e à se définir soi-même et #9 sur l’importance de nos limites psychiques, si quelqu’une prétend me définir ou me qualifier de l’extérieurprojetant en réalité sur moi son jugement, son point de vue, ses pensées… ielle est dans l’absurde, dans du non-sens, mais aussi déjà dans une forme d’abus, cherchant (même inconsciemment, bien sûr) à outrepasser mes limites psychiques.

Or c’est malheureusement l’un des modes de communication les plus répandus dans notre société et notre culture.

Quand quelque chose nous dérange, nous blesse, nous met mal à l’aise… on a appris à en chercher la cause à l’extérieur de nous, au lieu de la chercher à l’intérieur.

Un parent dont l’enfant chante et danse joyeusement autour de lui, s’il est fatigué, inquiet, pourra lui dire : Arrête de faire du bruit comme ça, tu m’énerves ! Ou tu me fatigues ! Alors qu’à un autre moment, de bonne humeur et en pleine forme, il aurait tout aussi bien pu se mettre à chanter et danser aussi !
La formule juste n’est donc pas Tu m’énerves ou Tu me fatigues, mais bien Je suis énervée ou Je suis fatiguée.
Et… ça change tout, évidemment, pour l’enfant.

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Dans le premier cas, l’enfant se sentira « responsable », voire « coupable » de l’état d’énervement ou de fatigue de son parent, puisque celui-ci le lui a dit – et que tout ce que dit son parent, l’enfant le croit, naturellement.
Dans le deuxième cas, l’enfant saura que les émotions ou l’état émotionnel de son parent lui appartient, et qu’en effet, parfois ielles réussissent à être en connexion positive… et parfois pas, mais que l’enjeu ne repose pas sur ses épaules.

D’ailleurs, l’avez-vous remarqué ? Souvent la première question qu’un enfant pose quand ielle nous sent énervé·e est : Est-ce que c’est à cause de moi ? Est-ce que j’ai fait quelque chose ?

Chacun·e a le devoir d’assumer la responsabilité de ses propres émotions – et réactions : ne pas chercher la cause de mon état émotionnel à l’extérieur, mais s’interroger sur quel besoin non satisfait en moi se révèle ainsi dans ce que je ressens en moi comme une émotion désagréable ou pénible à éprouver (tristesse, peur ou colère). 

Car si je cherche à projeter sur un·e autre la responsabilité de ce que je ressens, je vais aussi, à coup sûr, abîmer la relation entre nous.

Un des premiers préceptes que j’aime mettre en avant, qui nous arrive tout droit d’Hippocrate et me paraît encore incroyablement inspirant, est Primum non nocere : D‘abord… ne pas nuire !

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Quand on le rapporte au langage et à la communication verbale, cela donne notamment… le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable.
On parle ici d’éthique du langage, ou d’éthique de la parole.

Accord #1

Avant de parler, se poser la question : à quoi ce que je m’apprête à dire va-t-il servir ? Vais-je améliorer la relation ? Faire du bien à la personne ? Comment se sentira-t-ielle après avoir entendu ce que je m’apprête à lui dire ?

C’est le fameux dicton de nos grands-parents : tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler !

Si j’éprouve le “besoin” d’émettre une critique ou un jugement à l’égard de quelqu’un·e d’autre… peut-être peut-il alors être utile d’appuyer sur le bouton STOP ? S‘arrêter et prendre le Temps d’Observer avant de Poursuivre : de quoi ce “besoin” – qui m’appartient – est-il révélateur ?

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C’est là où les outils développés par Marshall Rosenberg dans ce qu’il a appelé la communication non-violente (CNV) trouvent toute leur utilité.
En particulier lorsqu’il attire notre attention sur le fait qu’une attitude ou une parole agressive de la part de quelqu’un·e est le plus souvent ce qu’il nomme : “l’expression tragique d’un besoin non satisfait”.

Mon “devoir” alors, si je souhaite entretenir avec mes proches (ou moins proches) des relations harmonieuses, est de prendre conscience de ces besoins non satisfaits en moi… et d’apprendre à les exprimer de façon que l’autre puisse les entendre : sans le juger, le critiquer, le dévaloriser, ou l’accabler de reproches.

Car quand quelqu’un·e entend ce qui ressemble à un reproche, un blâme, ou un jugement, quelle est le plus souvent sa réaction ? C’est une ré-action, précisément, car comme elle se sent (à juste titre) « attaqué·e » – et donc, en danger -, instinctivement et de façon réflexe, son amygdale s’active, et la personne va chercher, pour se protéger, soit à se justifier, soit à attaquer en retour, soit à fuir la discussion, souvent par crainte de ne l’envenimer ou se disant que, de toute façon, cela ne servirait à rien d’entrer sur ce terrain.

Autrement dit, et dans tous les cas, s’adresser à quelqu’un·e sous la forme d’une fléche décochée à son encontre, est bien la meilleure manière de… nuire à la communication, et par là-même, à la relation.

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Que souhaite-t-on ? Souhaite-t-on maintenir le lien, aller dans le sens de la relation… ou avoir raison, et que l’autre se retire la queue basse en signe de soumission, ou bien encore que cela nous mène tout droit à un combat de coqs ?

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La véritable question que l’on a à se poser est en effet bien celle-ci : quel but poursuit-on ? Que souhaite-t-on pour la relation à court, moyen et long terme ? De quoi a-t-on envie ?

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #7. Communication compassionnelle

J’ai choisi aujourd’hui de parler de communication compassionnelle plutôt que de « communication non-violente » qui fait directement référence aux outils développés par Marshall Rosenberg, pour deux raisons principales :

– d’une part, parce que j’ai de plus en plus de mal avec les mots qui se définissent « contre », en « non-quelque chose ».
Le livre J’arrête de râler de Christine Lewicki par exemple a été pour moi une révélation… mais je trouve dommage qu’il s’adresse à notre cerveau par une formule négative : car le cerveau ne connaît pas, ne comprend pas, la négative – d’où les enjeux et le développement de la psychologie positive, dont la découverte a littéralement changé ma vie (cf ma toute première série d’articles : 13 jours… devenus 21 de pensée positive) ;

– d’autre part, parce que je souhaite que mes réflexions ici, puisque je parle d’éthique des relations, dépassent en réalité le cadre de la seule « communication non violente ».
En ce sens, il ne s’agit pas « seulement » de communiquer les un·e·s avec les autres de manière « non-violente », mais bien plus profondément : avec le cœur, et dans l’accueil et la compassion.

Pourquoi ? Parce qu’à mon sens, cela permet de comprendre, de se comprendre, de nous comprendre.

Beaucoup de nos pensées, en effet, sont alimentées par des « projections », des hypothèses, des suppositions : l’autre fait ou a fait quelque chose par rapport à quoi je me sens mal ou mal à l’aise, qui me heurte, me blesse, réveille en moi des émotions désagréables… et ma machine à pensées (négatives, le plus souvent, parce que j’ai été élevé·e à penser comme ça, parce que l’ensemble de notre société fonctionne encore souvent comme ça) se met en route : ielle n’a vraiment aucune considération pour moi ; en fait, ielle s’en fout de moi ; si je comptais pour ielle, ielle n’aurait pas fait une chose pareille… (quelle que soit la chose en question).
Je pense trop copieSauf que j’ai bien écrit : « réveille en moi des émotions désagréables ».
Les émotions, en effet, sont les miennes : elles sont en moi. La même action, dans un autre contexte, ou faite par quelqu’un·e d’autre, n’aurait pas réveillé en moi les mêmes émotions, ni du coup, les mêmes pensées qui, en réalité, viennent « justifier » ou « trouver des explications (théoriquement) rationnelles » à ces émotions.

Dans notre culture, quand quelque chose pose problème, on a souvent le réflexe (acquis) de chercher un·e responsable, voire un·e coupable. Et comme je ne souhaite pas reconnaître que je pourrais avoir ma part de responsabilité, car, notre culture étant, de mon point de vue, une culture de la punition (si je suis « coupable », alors je dois être « puni·e »), je crains de n’être  mis·e en accusation ou montré·e du doigt si je me désigne comme « responsable »… alors je rejette la responsabilité – voire la « faute » – sur l’autre !

Je le vois au quotidien avec mes enfants : qu’est-ce que c’est difficile de déconstruire cette « réactivité » qui paraît automatique – instinctive ? – du « C’est pas moi ! » souvent suivi de : « Et puisque c’est pas moi… c’est l’autre ! »

La véritable question ici est : pourquoi, au nom de quoi, faudrait-il désigner ou trouver un·e « coupable » ?
Quand un verre d’eau a été renversé, l’important est-il de savoir qui l’a renversé, comment il a été renversé ou… de réparer les dégâts ?
Autrement dit, l’enjeu est-il de trouver un·e coupable / responsable  (Pourquoi je devrais ranger ? C’est pas moi qui ai dérangé !) ou bien de faire en sorte que tout aille pour le mieux à nouveau ?

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Pour moi, la communication compassionnelle – être dans la compassion, dans le sens de cum patior : souffrir avec – est aussi celle qui permet de « comprendre » l’autre. Et quand on comprend l’autre – qui, par définition, est autre (cf #6. L’autre… est autre) -, on peut lâcher les projections, les hypothèses, les suppositions, et se placer simplement de son point de vue.

Finalement, je me rends compte que c’est comme les différents points de vue dans une scène de cinéma : selon si on voit une scène du point de vue de l’un·e ou du point de vue de l’autre, on ne la vit pas, et on ne la comprend pas de la même façon.
Quand on réalise une scène au cinéma, il s’agit toujours de se poser la question : qui est le ou la narrateurice, qui raconte, de quel point de vue se place-t-on ?

Chacun·e d’entre nous est toujours le héros ou l’héroïne de sa propre histoire. Je ne peux voir le monde qu’à travers mes propres yeux : je peux imaginer ce qu’il se passe dans la tête de l’autre, je peux projeter ce qu’ielle pense, ressent… mais je ne peux pas le savoir. 

Et fondamentalement, de son point de vue, chaque être humain fait toujours ce qu’ielle pense, sur le moment, dans les circonstances données, être le mieux pour ellui.

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Ça me paraît en effet très important à garder en tête : on peut espérer qu’il est quand même rare que quelqu’un·e fasse quelque chose véritablement contre quelqu’un·e d’autre, ou exprès pour lui nuire : c’est plus sûrement parce qu’ielle fait passer son propre intérêt avant celui de quelqu’un·e d’autre…

On voit bien par exemple à quel point ça paraît absurde d’entendre un parent dire à propos de son enfant : Ielle le fait exprès pour me faire enrager, ou encore  Il me cherche ! pour reprendre le titre d’un livre d’Isabelle Filliozat – un enfant (surtout petit) a rarement pour intention de faire enrager son parent : ce n’est clairement pas dans son intérêt !

Il me chercheVu comme ça, on voit bien à quel point il est tout aussi absurde d’entendre quelqu’un·e dire à quelqu’un·e d’autre, quel que soit son âge : Tu ne m’écoutes pas ! Tu le fais exprès ou quoi ? Tu ne fais aucun effort. 

En réalité, comme je le disais,  l’autre est autre, et par définition, personne ne peut savoir ce qu’il se passe dans la tête de quelqu’un·e d’autre.

Découle pour moi de ce grand principe d’égalité de droits et de respect entre les personnes que j’ai posé dans mon article #5, le fait que chacun·e de nous a des droits, des émotions, des ressentis, des limites, des besoins… tout autant légitimes que les nôtres.

Il est donc tout aussi important :

  • à la fois d’oser affirmer ses émotions, besoins, désirs – car si on ne parle pas pour soi, personne ne peut les imaginer, ou les inventer, sauf dans le cadre d’une fiction ;
  • et d’entendre et accueillir ceux de l’autre, car c’est la seule façon de connaître ou de comprendre quelqu’un·e : de l’écouter et de comprendre son point de vue.

Étant entendu que comprendre, accueillir, accepter… ne signifie pas « être d’accord ».

Cela permet cependant au moins de : ne pas projeter, ou selon l’accord toltèque #3, ne pas faire de supposition. 

Cela permet aussi de mieux ressentir l’accord toltèque #2 : ne rien prendre personnellement.
En effet, quand l’autre fait quelque chose avec quoi je me sens mal ou mal à l’aise… partir du principe qu’ielle ne fait jamais rien dans l’intention de me blesser ou de me porter préjudice : quand on comprend son point de vue, on ressent que ça n’est pas “contre” nous, mais “pour” lui ou elle.

Accords toltèques

Fondamentalement, chacun.e est libre, de manière intrinsèque et inaliénable, de mener sa vie comme ielle l’entend, et… ne nous “doit” rien.

Et notamment, quand j’entends dire : “Les enfants doivent respect à leurs parents… sous-entendu « parce que » ce sont leurs parents” (idem avec des professeurs), je suis profondément choquée.
Oui, un enfant doit respect à son parent ou à son professeur, de même que, pour moi, éthiquement parlant, et de manière non négociable, un parent ou un professeur doit respect à l’enfant.

En réalité, chacun·e doit le respect à chacun·e, quel que soit son âge, son “rang” dans la société, son genre.
Ce sera le thème de la réflexion de mon article #8.

Hâte de lire vos commentaires ! L’espace ci-dessous vous est réservé.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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21 JOURS pour des relations positives #21. Réciprocité

Un des éléments qui me paraît essentiel pour une relation positive entre deux personnes (qui vaut évidemment pour un groupe plus large), c’est qu’elle soit souhaitée et travaillée de part et d’autre.

En effet, comme je le disais à nouveau dans mon article #20 sur l’indulgence, on ne peut agir que sur sa « moitié » de la relation, comme si chacun·e tenait un des deux bouts d’une corde dans ses mains.
Si on avance vers l’autre avec des oreilles de girafe et les meilleures intentions du monde, mais qu’en face, l’autre nous tire dessus à boulets rouges, il y a un moment où notre devoir premier est de nous protéger.

femme_homme_corde_imagelargeDans son livre Pratique de l’amour, le sociologue Michel Bozon insiste sur cette notion de réciprocité, notamment dans les débuts d’une relation, mais je pense qu’on peut l’étendre à l’ensemble de la durée d’une relation.
En effet, quand on rencontre quelqu’un·e, l’idée est de se livrer progressivement : on donne quelque chose, l’autre y répond, nous donne quelque chose à son tour (une information, une confidence, un sourire, un regard…) et c’est ainsi que petit à petit, se construisent la confiance et le désir d’échanger plus.

31gnw2prohl-_sx305_bo1204203200_ Si, dans une relation, l’un·e donne toujours, et l’autre se contente de « recevoir » ou de « prendre », sans jamais « donner » à son tour… très vite, la relation va se trouver déséquilibrée (on rejoint là les idées de la Roue du consentement : #18).

Dans ses recherches sur les relations, notamment au sein d’un couple – mais pas seulement : et c’est bien là que c’est aussi intéressant aussi pour moi, qui cherche à définir des relations positives plus largement que dans une relation de « couple » -, John Gottman parle de « bids for connection », que j’ai un peu de mal à traduire (« offres de connexion » me semble trop renvoyer à des enjeux économiques… »Perches de connexion », comme on tendrait une perche ? « Tentatives » ?)

L’idée, c’est que quand on entre en relation avec quelqu’un·e, que ce soit pour acheter du pain ou avec son/sa partenaire de vie, on envoie des « signaux » : un mot, un geste, un regard, un sourire.
De la manière dont l’autre va y répondre, et dont on y répondra à notre tour, va dépendre la suite de l’échange.

John Gottman identifie trois manières de répondre :

  • turning toward : se tourner vers
  • turning away : se dé-tourner
  • turning against : se tourner contre

Exemple : quelqu’un·e s’adresse à un·e collègue à son bureau en lui disant : Je vais déjeuner, est-ce que ça t’intéresse de venir avec moi ?, lui envoyant très clairement une « proposition de connexion ». L’autre peut répondre :

  1. Oui, avec plaisir.
    Ou : Je dois d’abord finir quelque chose, mais je te rejoins ensuite.
    Ou : Pas possible aujourd’hui, mais demain pour sûr !
    Dans les trois cas, ielle se « tourne vers » son interlocuteur·trice, lui envoyant à son tour un « signal de connexion », maintenant ainsi le canal de connexion ouvert entre elleux.
  2. Non, merci (sans relancer). 
    Ou : Est-ce que tu as vu passer le mail de Machin ? (Ne répondant pas à la proposition, dé-tournant la conversation).
    Dans un cas comme dans l’autre, ielle se « dé-tourne« , ce qui ferme la discussion, et n’encourage pas vraiment la première personne à réitérer son offre une fois suivante.
  3. Tu n’as vraiment rien de mieux à faire qu’aller manger alors qu’on a tellement de travail ?
    Ielle se « tourne contre« , attaque, voire agresse, et fait plus que fermer la discussion.

En fonction, ensuite, de comment la première personne réagira, la conversation s’en tiendra là (dans les deux derniers cas, la plupart du temps, les gens n’y reviennent pas…) ou aura une chance d’être relancée.

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Une fois qu’on a repéré ces trois manières de répondre, il est extrêmement intéressant de les observer à l’œuvre dans nos relations de tous les jours.

Par exemple, si on a commis un impair et qu’on présente des excuses sincères (bid for connection) mais que l’autre, au lieu d’accepter vos excuses et de passer à autre chose, continue à vous faire la tête (turning away), voire des reproches (turning against), ça ne donne que moyennement envie de venir s’y re-frotter… sauf si on n’a pas le choix (dans le cas par exemple d’un enfant avec son parent), ou si on tient vraiment à la relation et qu’on s’attache à entendre (en faisant preuve d’une grande intelligence émotionnelle) combien l’autre a vraiment été très blessé·e ou mis·e en colère : cela va alors prendre du temps pour réparer la relation.

Autre exemple avec un enfant qui renverse un verre de jus d’orange sans le faire exprès : il est bien embêté, et souvent, de lui-même, va présenter ses excuses.
À quoi bon alors continuer à le houspiller : Tu pourrais faire attention, quand même ! Combien de fois je t’ai dit de ne pas mettre ton verre au bord de la table ? Ce qui le conduit inévitablement sur la défensive.
Il est bien plus efficace – à court, moyen et long terme – d’accueillir ses excuses, et de le laisser réparer sa maladresse (qui est une « maladresse » et non une « bêtise » : les mots comptent…).

Cet exemple avec un enfant vaut en réalité pour toutes nos relations : si on tient à elles et qu’on veut le bien de notre partenaire, une relation, ça s’entretient, comme le disent Franklin Veaux et Eve Rickert dans More Than Two, comme une plante ou un jardin.
Si on n’y met que des déchets, que du négatif, petit à petit, elle va s’étioler.
Si on veut qu’elle grandisse, s’épanouisse, mieux vaut la nourrir de nutriments positifs, de petits mots gentils, câlins et autres douceurs relationnelles.

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À nouveau, on ne peut pas changer les autres, et on n’est responsable que de la moitié d’une relation.
Si l’autre est négatif·ve, toxique, voire abusif·ve… si on le peut, le mieux que l’on puisse faire, c’est couper court aux échanges et se protéger – voire fuir.

C’est en travaillant au quotidien, dans chaque petit détail de la vie, dans chaque échange, qu’on contribuera à créer avec un·e autre une relation heureuse, épanouie, positive.

Et pour cela, il est important d’être à l’écoute, de soi-même et de l’autre. D’être capable d’exprimer ses émotions, ses désirs, ses besoins, ses demandes… et aussi – tout aussi important – d’être capable d’entendre les émotions, les désirs, les besoins, les demandes, de l’autre.
En présupposant de sa part de la bienveillance envers nous et notre relation – autrement dit (3ème accord toltèque), sans rien prendre « personnellement » : sans imaginer qu’ielle se « tourne contre » nous.

J’étais partie pour 21 articles… je crois bien qu’il m’en faudra au moins un 22ème…
En attendant, hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #20. Indulgence

Vous l’aurez (peut-être ?) remarqué : nous sommes aujourd’hui le 21 novembre, et cet article du 21 novembre porte le numéro #20 au lieu du #21 : j’ai en effet sauté un jour d’écriture hier.
Après consultation avec moi-même, après deux soirées incroyablement riches en émotions positives, suivie d’une autre journée forte en émotions… bouleversantes, je me suis en effet « autorisée » moi-même à ne pas écrire mon 20ème article hier.
Je me suis dit qu’après tout, personne, à part moi-même, ne m’y « forçait », et que je pouvais m’accorder cette pause… après celle du #19, que j’avais pour le coup planifiée à l’avance.

Le 19, j’avais en effet envie que mes lectrices et lecteurs ici puissent entendre directement la voix de mon partenaire, car c’est souvent ce qu’il me manque dans les articles ou les livres des personnes qui racontent l’histoire de leur vie en impliquant un·e autre : je me demande toujours « Et l’autre, qu’est-ce qu’il ou elle aurait envie d’en dire ? »
De même qu’à chaque fois que j’entends quelqu’un·e me dire : « En x années, je n’ai pas trompé mon/ma partenaire et ellui non plus« , je me demande toujours : Comment peut-ielle en être aussi sûr·e ? Qu’aurait à en dire son partenaire si ielle pouvait parler librement ?
Je suis donc heureuse donc que vous ayez pu ici entendre directement la voix de Loïc —qu’il en soit ici remercié chaleureusement et publiquement.

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Hier, en revanche, j’avais prévu d’écrire le soir, après une longue journée. Mais une fois de plus, la vie en a décidé autrement. J’étais lessivée, rétamée, sur les rotules. Et j’ai choisi de m’accorder un répit. De me l’autoriser, sans vergogne, en l’assumant.
Parfois il est bon, aussi, de savoir repérer ses limites, et ne pas chercher à les dépasser à tout prix… car autant cela peut parfois être bénéfique, et même exaltant, parfois aussi il est important de s’écouter. Et d’être indulgent·e envers soi-même.

Et alors que j’avais décidé d’écrire un article qui s’intitulerait « Réciprocité », j’ai décidé d’écrire à la place cet article « Indulgence »…

L’indulgence envers nous-mêmes est un élément essentiel, à mon sens, d’une vie sereine et épanouie. Traitons-nous nous-mêmes comme si nous étions notre meilleur·e ami·e.
Avez-vous remarqué à quel point on est parfois sévère avec nous-mêmes ? À quel point on se dit : J’aurais dû… / J’aurais pu… / Si j’avais su… / Si c’était à refaire…À quelle fréquence on se dit (ou on dit aux autres) : Je ne suis pas fier·e de moi, voire Je suis nul·le ?

Je l’entends déjà parfois chez mes enfants, et j’essaie vraiment de les encourager à ne pas parler d’eux-mêmes ainsi : validons le positif, en toutes circonstances. Rien ne sert de s’auto-flageller, et n’oublions jamais que nos pensées créent notre réalité :  si nous disons ou pensons quelque chose, le risque est grand qu’on ne le croie.
Et ce serait dommage !

Indulgence, donc, envers nous-même… mais aussi indulgence envers les autres.

Personne n’est parfait – et heureusement ! Tout le monde a droit à l’erreurErrare Humanum est – et heureusement !

L’un des livres qui m’aide le plus au quotidien et grâce auquel, entre autres, j’ai pu écrire et réaliser LUTINE dans de telles conditions précaires et sans garanties, est L’Apprentissage de l’imperfectionJe ne peux que vous le recommander.
51TJ-rjvUwL._SY445_À la question qui se pose : Mais comment font les autres ?, il répond cette évidence : Du mieux qu’ielles peuvent, elleux aussi…
Sauf que dans notre société, on nous fait croire que les autres sont parfait·es, et que nous sommes les seuls êtres imparfaits – d’où souvent, notre rapport étouffant à une culpabilité.

Yves-Alexandre Thalmann explique très bien que le « sentiment de culpabilité » n’est pas vraiment utile en soi : soit on est en effet « coupable », et alors on fait ce qu’on a à faire pour tenter de réparer… soit on se « sent » coupable mais on ne l’est pas… et alors peut-être la « faute » revient-elle à quelqu’un·e d’autre ?
Ça nous conduit tout droit à toute une réflexion sur la différence entre la « responsabilité » et la « culpabilité ». Mais de parenthèse en parenthèse… je m’égare.

Indulgence, donc, envers nous-mêmes, mais aussi envers les autres. Et c’est aussi, à mon sens, ce qui fait la différence entre une relation positive et une qui ne l’est pas, ou moins.
On rejoint là, le fameux ratio 5:1 et même 7:1 quand il s’agit d’un « couple » (une relation intime et impliquante émotionnellement parlant, qui s’inscrit au quotidien sur le long terme)  d’interactions positives versus des interactions négatives, mis en évidence par John Gottman pour caractériser une relation positive.

C’est parce que chacun·e a de l’autre une vision positive, parce que chacun·e a la certitude que l’autre « fait de son mieux » (pour reprendre le 4ème accord toltèque), tient compte de son/sa partenaire et fait à chaque instant en sorte de prendre soin au mieux de la relation, qu’ielle peut cultiver en lui/elle-même cette indulgence envers l’autre.
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Ce qui nous met en colère, souvent, c’est notre pensée que l’autre « aurait pu / dû » faire autrement, qu’ielle n’a pas suffisamment tenu compte de nous, ou de nos émotions (voir mon coin-lecture « Mes émotions sont mes alliées« , où sont notamment répertoriés de nombreux livres sur les émotions et notamment sur la colère).

Si on sait que l’autre tient compte de nous, fait attention à notre relation, et fait de son mieux… alors au lieu d’être dominé·e dans un premier temps par la colère, quand quelque chose nous a blessé·e, on peut directement passer à la case « tristesse ».

On peut exprimer nos émotions en mode « JE », au lieu d’exprimer notre « besoin non satisfait » sous une forme « tragiquement suicidaire » en mode « TU », comme le dit Marshall Rosenberg dans ses ouvrages et conférences sur la communication non violente.

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Évidemment, tout se tient, et tous ces auteurices, ces penseur·ses, ces théoricien·nes, ces sages, ces moines bouddhistes… disent la même chose, chacun·e avec ses mots différents, mais globalement, cela revient à :

  • accepter l’autre tel·le qu’ielle est et s’accepter soi-même avec indulgence et non-jugement ;
  • s’exprimer au « JE » de façon positive en parlant de « ses » émotions, « ses » besoins ;
  • faire des demandes claires et accepter que l’autre fasse de même ;
  • entendre les paroles de l’autre sans les prendre personnellement (3e accord toltèque), en étant capable de les entendre avec le langage du cœur (et nos oreilles de girafe) ;
  • maintenir le canal de communication ouvert tant que faire se peut.

Étant entendu qu’une relation positive se crée à deux, que chacun·e ne peut être responsable que de sa propre part de la relation, qu’on ne peut jamais contrôler ni faire changer un·e autre, qu’on n’a de prise que sur soi-même… et que tout ce que j’ai exprimé et écrit jusqu’à présent sur les relations positives n’a de sens que dans un cadre de respect et de réciprocité.

Ce devait être mon article d’hier… ce sera celui de demain.
Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #12. Sécurité

Je parlais hier de besoin de sécurité dans une relation pour qu’elle puisse être considérée comme « positive ». Il se trouve que c’est aussi le premier des besoins fondamentaux selon William Glasser dont j’ai parlé dans mon article #4.

Se sentir en sécurité dans une relation, cela veut dire ne pas s’y sentir stressé·e, menacé·e ; sentir qu’elle est stable, qu’on peut compter dessus.

L’autre jour, j’ai assisté à une dispute entre deux amoureuxes. L’homme a dit quelque chose à la femme, qu’elle a mal vécu : ça l’a renvoyée – elle en avait conscience – à des relations antérieures abusives, et son corps s’est mis en résistance. Elle était en colère, mais cette colère cachait aussi la peur de se retrouver à nouveau dans une relation abusive.
Alors elle s’est défendue, du mieux qu’elle a pu sur le moment, en mettant en cause leur relation, afin de tenter de lui faire comprendre à quel point c’était important pour elle : « Si tu me parles sur ce ton, c’est fini entre nous. »
Sauf que lui, au lieu d’entendre sa peur, s’est à son tour senti menacé et a réagi sur le même mode de défense agressif« Vas-y, fais ta crise ! », dévalorisant sa réaction. Résultat : souffrance de part et d’autre. Que de gâchis.

On n’est pas très loin des extrêmes des enfants quand ils sont très en colère, dont on sait qu’on ne doit pas les prendre au premier degré : Elle m’a dit qu’elle n’était plus ma copine, ou Tu n’es plus ma mère ! Je ne suis plus ton fils ! 

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La première « règle » que l’on s’impose, mon aimé et moi-même, c’est précisément de ne pas remettre en cause notre relation sous le coup d’une émotion.

Si quelque chose ne nous convient pas, on exprime notre émotion : Je suis fâché·e ; j’ai peur ; voire : Quelque chose ne me convient pas et j’ai besoin qu’on en reparle, mais plus tard, car là je suis trop énervé·e… 
On sait qu’on tient l’un·e à l’autre, et que parfois, l’autre peut faire ou dire quelque chose qui nous insécurise… sans que cela remette pour autant en cause notre relation.

Il me semble que cette règle de respect et fiabilité de la relation peut aussi être valable dans des relations moins impliquantes, par exemple entre ami·es.

Il est important en effet de pouvoir dire les choses qui nous mettent mal à l’aise – sans que l’autre ne le « prenne mal » ou ne le prenne « personnellement », en se sentant visé·e en tant que personne.
C’est tout l’objet du 2nd accord toltèque : ne rien prendre personnellement.

Évidemment, il est important que nous soyons capables de nous exprimer en communication positive : parler de nos émotions, sensations, ressentis, sans faire des reproches ou des critiques à l’autre.
Dire par exemple : Quand tu arrives avec un quart d’heure de retard sans m’avoir prévenu·e, je me sens en colère, car j’ai un besoin de prévisibilité ;
et non : Comme d’habitude, tu ne fais pas attention aux autres ! Ou : Tu t’en fous de moi !

De manière générale… évitons les généralités ! Les jamais, toujours, comme d’habitude, une fois de plus… Évitons les TU et parlons au JE.

Si en revanche, alors que l’on s’exprime en communication non violente, la personne en face réagit « mal », se sent accusée injustement, et entre en défense ou en justification… alors ça peut devenir compliqué.

Avez-vous par exemple dans votre entourage des personnes avec lesquelles vous avez l’impression de « marcher sur des œufs » ?
Si on sait d’expérience qu’une personne peut facilement « prendre la mouche », et mal interpréter l’une de nos remarques, on va avoir tendance à éviter l’explication, pour ne pas envenimer la relation… et c’est la fuite en avant dans la non-communication : le malaise grandit, la personne en face va sentir notre réserve, et nous-même n’oserons plus aborder certains sujets.

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Prenons l’exemple d’un couple dans lequel l’un·e aimerait qu’ielles s’ouvrent à des relations tierces. S’ielle exprime son désir et que l’autre le prend comme une offense personnelle (Ça veut dire que tu ne m’aimes plus ?), il lui deviendra difficile de revenir sur le sujet… Ielle aura alors le choix de se résigner et se frustrer… ou bien de suivre son désir sans plus en parler à l’autre : nous voilà alors dans l’adultère classique, malheureusement si souvent induit par le fait que l’un·e des deux ne veut pas entendre parler d’ouvrir le couple.

Quand, à 21 ans, mon partenaire d’alors m’a dit : Si j’apprends que tu m’as trompé, je te quitte, je me souviens avoir pensé : Tu me demandes donc de te mentir le jour où ça m’arrivera. 

Une relation « positive » est-elle possible dans le mensonge et la dissimulation ? 

Sans pour autant aller jusque-là, si quelque chose me blesse dans l’attitude ou le comportement d’un·e ami·e ou d’une relation et que je ne peux pas lui en parler car je crains sa réaction, alors je vais me sentir en porte-à-faux dans la relation, puis assez vite je vais me retrouver dans l’évitement, et petit à petit, la relation perdra son sens pour moi.

Une relation se fait à deux. On ne peut jamais changer l’autre, ni lea contrôler : on n’a de prise que sur sa moitié de la relation, comme si on était chacun·e à un bout de la corde.

Faisons en sorte

  • d’avoir nous-même une parole « impeccable », comme le dit le premier accord toltèque ;
  • de ne rien prendre personnellement (2ème) ;
  • de ne pas faire de supposition sur ce que pense l’autre : demandons-le lui si on a un doute (3ème) ;
  • et dans tous les cas, faisons de notre mieux (4ème).

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Et si, malgré tous nos efforts pour une communication positive, nous nous retrouvons dans une relation douloureuse, dans laquelle on a l’impression de ne pas pouvoir être sincère et authentique, alors parfois, il peut être nécessaire de mettre fin à une relation, ou de la faire évoluer vers une relation moins proche, moins impliquante.

Car à mon sens, une relation positive est une relation dans laquelle on sent qu’on peut être nous-même, et que si quelque chose nous pose problème, on pourra en parler, sans que l’autre ne se sente remis·e en cause personnellement et ne remette en cause notre relation.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

 

 

Voyage en Polyamorie #21. Des relations en conscience

Me voilà arrivée au terme de ce Voyage en Polyamorie, que j’avais annoncé sur 21 jours. Et je me dis qu’en réalité, ce n’est qu’un début.

Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai entamé ce voyage, ni ce que j’en attendais. Je savais juste que j’avais besoin de l’entreprendre. Je souhaitais suivre cette petite lumière qui s’était allumée en moi un jour, comme une voix venue de l’extérieur (ou au contraire, du plus profond de ma conscience) m’indiquant le chemin (#4. 3. L’Éveil à moi-même). Alors je l’ai fait.
Et non seulement j’ai appris beaucoup sur moi-même, avancé sur mon propre chemin, mais ce voyage m’a permis d’entrer en contact avec d’autres personnes, certaines plus loin sur la route, d’autres derrière moi, d’autres encore sur des routes parallèles, mais néanmoins amies, et ça m’a aidée – enrichie, nourrie, et réchauffée.

Que toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagnée tout au long de ces 21 jours – et particulièrement Élisende Coladan, qui a relevé le défi avec moi  et dont je vous invite à découvrir les articles en-dessous de chacun des miens – en soient profondément et chaleureusement remercié.e.s.
Que toutes celles et tous ceux qui découvriront ce blog dans un temps décalé se sentent aussi les bienvenu.e.s : le voyage continue, et ce n’est qu’un début. N’hésitez pas à relever le défi vous-même, à jouer le jeu sur 21 jours pour parler de votre expérience ou de vos débuts en Polyamorie… ou simplement à commenter un article ou l’autre.

Car prendre ce temps de réflexion sur soi-même, s’interroger sur ce que l’on croit vraiment, attend vraiment, souhaite vraiment, pour soi-même, dans les relations amoureuses, et plus largement dans toutes les relations humaines… est un temps émouvant de reconnexion avec soi-même et ses valeurs profondes.

Un des livres qui m’aide vraiment au quotidien depuis que je l’ai découvert il y a trois ans, est L’Apprentissage de l’imperfectionde Tal Ben-Shahar. Là aussi, il s’agit de lâcher prise. De préférer « écrire de la merde« , comme m’avait dit une amie réalisatrice, plutôt que de ne rien écrire du tout. En temps « normal », et les premières 44 années de ma vie, j’ai souvent préféré ne rien faire… plutôt que de prendre le risque de faire quelque chose qui ne serait pas « parfait » (enfin, « préféré », n’est pas vraiment le mot…- la procrastination est une souffrance aussi.)
Ce qui a marché ici – et une fois de plus, je veux en retenir la leçon – c’est que m’a appris Florence Servan-Schreiber dans ses 3 Kifs par jour avec son image de « jeter son sac par-dessus le muret » : avoir pris un engagement public de tenir ce défi de 21 jours d’articles d’affilée. Résultat : même bloquée par un lumbago, et alors qu’en temps normal, je me serais accordé une « pause », je me suis tenue à mon engagement, et j’ai écrit.

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J’ai rarement relu ces articles. Jour après jour, je me jetais à l’eau, sans filet. Si j’avais dû écrire un livre, seule chez moi et sans lecteurs/trices, j’en serais encore certainement au premier chapitre… et je n’aurais pas eu tous ces retours éclairants, enrichissants, m’aidant à avancer plus avant.
Sans doute, quand je me risquerai à les relire, il y a des chances que je les trouve très mauvais, ces articles. Mais ils me sont précieux néanmoins : ils constituent pour moi un « shitty first draft » : une base de travail, à partir de laquelle je pourrais modifier, gommer, ajouter, moduler…

Je ne sais pas encore ce que j’en ferai… Peut-être un livret d’accompagnement de mon film LUTINE, pour prolonger le dialogue avec les spectateurs/trices. Peut-être carrément un livre, d’abord un e-book, comme Hypatia from Space est en train de rédiger sur la compersion ? Il me semble que plus nous serons nombreux.ses à prendre la parole, à nous « outer », plus nous pourrons aider les autres, à s’assumer, elles et eux aussi, différent.e.s, et fier.e.s de l’être.

J’ai appris tout à l’heure que LUTINE serait projeté à nouveau à San Francisco (ou Berkeley ?) le 26 juin, le jour même de la fierté : Pride DayWaouh !
En effet, depuis que j’ai entamé ce voyage, je me sens de plus en plus d’affinités et de connexions avec la communauté LGBTQI+. Jusqu’à présent, je faisais partie de la « norme » : femme cis hétéro blanche, en couple, deux enfants, séparée…
Et en même temps, je me suis toujours sentie « différente ». Je sentais que je ne rentrais pas dans les cases. J’étais tour à tour rebelle, et profondément déprimée : je n’y arriverais donc jamais, je ne comprenais pas comment fonctionnait cette société, ce qui régit les rapports entre les gens.

Deux éléments ont sans aucun doute contribué à ce que je me « réconcilie » avec moi-même, à ce que je commence à m’accepter telle que je suis : la découverte de ma douance, quand j’ai lu Je pense trop, de Christel Petitcollin, tout à fait « par hasard » (je l’avais contactée parce que je préparais un documentaire sur les violences psychologiques au sein du couple) et l’accueil dans la communauté poly parisienne, où j’ai découvert que beaucoup, comme moi, étaient « surefficients », neuro-droitiers, ou neuroatypiques.

Ce Voyage en Polyamorie marque en réalité mon coming outDans LUTINE, mon personnage adopte une position ambiguë – qui était la mienne, certainement, au moment où j’ai écrit et tourné : « Ce n’est pas parce qu’on fait un film sur les escargots, qu’on est hermaphrodite ».
Je craignais d’éventuelles retombées si je prenais « le risque » d’avancer au grand jour, je ne me sentais pas en sécurité, je parlais depuis une position de peur.

La semaine dernière, étrangement, au jour #13 de mon voyage, soit pile au milieu, juste après ma descente dans le ventre de la baleine, j’ai annoncé que je n’avais « plus peur du loup« .

C’est aussi (est-ce un hasard ?) le jour où j’ai écrit à propos de communication compassionnelle (autre nom donné à la CNV, Communication non violente).
Ai-je enfin compris – plus que « compris » : « ressenti » – ce que j’explique depuis des années à mes enfants : que quand quelqu’un.e vous attaque, vous juge, vous critique, vous dévalorise (« dévaloriser » : enlever de la valeur), c’est parce qu’ielle parle depuis le royaume de la Peur ? Que quand on ne sait pas communiquer autrement que par des menaces, du chantage…, c’est avouer sa faiblesse ?

En réalité, quelqu’un.e ne peut vous « dévaloriser » que si vous lui laissez ce pouvoir-là sur vous.

Un livre m’avait déjà grandement aidé.e, en me proposant  un outil qui depuis m’est très précieux, celui d’une échelle de « ranking » et une de « linking » dans les relations humaines. Il s’agit de The Undervalued Self de Elaine N. Aron, qui a par ailleurs beaucoup écrit sur l’hypersensitivité.

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En gros (ou du moins, la manière dont je l’ai retenu), il y aurait dans les relations humaines, deux types de relations possibles :
– l’une hiérarchique, de domination, rapports de pouvoir (les parents sur les enfants, les professeurs sur les élèves, le patron sur l’employé, et avant, le mari sur la femme, avec son lot de « dominants » : les policiers, juges, patrons, hommes politiques, riches, têtes pensantes, etc.) : une échelle verticale, où les gens sont plus ou moins haut, plus ou moins bas, où certains dominent, d’autres sont dominé.e.s. C’est l’échelle du ranking (j’ignore comment cela a été traduit en français), et de la pénurie, où on a tout le temps peur de manquer, où on possède, au détriment de quelqu’un.e d’autre ;
l’autre, horizontale, vertueuse, qui est l’échelle des relations d’amour, d’amitié, d’altruisme, gratuite, où l’on donne par plaisir, sans attendre de retour, des relations de générosité, de don, d’abondance : c’est l’échelle du « linking », du lien.

Elaine N. Aron explique que dans la nature, quand deux animaux se sont affrontés (par exemple deux loups) et que l’un des deux est vaincu, pour ne pas risquer la mort s’il continuait à se battre alors qu’il a été physiquement mis en échec, sa réaction physiologique, biologique, est de baisser la tête (et de rentrer la queue), en position de soumission, pour montrer allégeance. C’est une réaction naturelle d’auto-protection : il ne sert à rien de continuer à se battre contre plus fort que soi.

Dans Le Livre de la Jungle (magnifique adaptation récente au cinéma, remarquable scénario qui suit tout à fait à la fois le voyage du héros et celui de l’héroïne, avec la « brillance » intérieure (« être un homme » au pays des loups) avec laquelle le héros doit se réconcilier pour remporter la bataille finale), Mowgli et ses amis les loups ne remportent la victoire contre « plus fort qu’eux » individuellement (le tigre, Sherkhan) qu’en se montrant solidaires les uns avec les autres.

Eh bien, pour nous les humain.e.s, quand on subit une « défaite » (réelle ou projetée, sociale, judiciaire ou amoureuse), c’est la même réaction physiologique que l’on observe : on entre en « dépression« , on renonce à se battre, on s’avoue vaincu.e. Parce que soudain, on se projette dans une position de « ranking », sur une échelle sur laquelle l’autre (quel.le qu’ielle soit) serait (je dis bien « serait », car ce n’est qu’une pensée) plus haut, plus fort.e que nous.
Et la solution pour se sortir de cette « dépression », c’est de prendre conscience de ce phénomène naturel, physiologique, de l’accueillir en nous comme quelque chose mis en place par notre corps pour nous protéger et nous sauvegarder, de ne pas s’en culpabiliser, de ne surtout pas croire les pensées qui l’accompagnent, qui sont en réalité induites, crées par l’état même de dépression du corps, et le nourrissent en retour… et de s’en extraire en faisant du « linking » : se reconnecter à celles et ceux qui comptent vraiment pour nous, qui nous aiment sincèrement, et réciproquement, non pas pour ce qu’on leur apporte, ni pour ce qu’on représente, mais pour ce qu’on est (à nouveau, l’avoir et le faire… face à l’être).

Appliqué à la Polyamorie, ça pourrait donner : quand la personne que j’aime ou qui compte pour moi, choisit de passer un moment avec un.e autre que moi… parce la société, ma culture, mes parents, m’ont « appris » que c’était une « défaite », un « échec » de la relation, alors mon corps se met en « ranking », et mes pensées battent la chamade : il est plus beau, plus fort, plus puissant que moi, elle est plus belle, plus sexy, plus intelligente ; il lui fait mieux l’amour, elle suce mieux…
Et quand on est en ranking, on déprime, et notre état dépressif nourrit nos pensées dévalorisantes, qui en retour nous font chuter dans une spirale négative.

Et quand on en prend conscience, quand on a intégré que cette réaction « spontanée » – qui peut tout aussi être « acquise », apprise, enseignée depuis notre enfance (car dans les sociétés matriarchales par exemple, que décrivent notamment les auteurs de Sex At Dawn, la jalousie n’a aucun sens, et les hommes et les femmes sont naturellement multi-partenaires, comme le sont les bonobos) – s’auto-alimente, alors on peut choisir de passer en mode linking, et de se rapprocher de nos ami.e.s, de notre famille, de nos autres amoureux.ses, de notre communauté.

C’est grâce aux liens et à l’Amour… que l’on va pouvoir quitter le pays de la soumission et de la Peur.

Fin de la parenthèse sur The Undervalued Self…mais voilà longtemps que ce paragraphe, pour le coup, me trottait en tête, et les attentats de novembre me l’avaient fait reporter, jour après jour, au cours de mes 21 jours de Mindsight.

Est-ce donc, disais-je, grâce à la CNV, que j’ai enfin ressenti, en me projetant par empathie dans la personne en face qui m’attaque, qu’ielle avait tout aussi peur que moi, voire plus ?
La CNV nous apprend à enfiler nos oreilles de girafe et à entendre, derrière l’attaque, le jugement, la critique… le besoin non satisfait qui s’exprime ainsi de manière « tragiquement suicidaire », comme l’écrit si justement Marshall Rosenberg.

Si la personne jalouse, par exemple, dit à son partenaire : Je t’interdis d’aller voir Machin.e ce soir, sinon je te quitte, on peut se dire, par exemple, si on n’a pas le décodeur : Je sais bien que c’est une menace vraisemblablement pour m’impressionner, mais au cas où quand même ielle mette sa menace à exécution, je préfère m’abstenir de le/la provoquer.
C’est une expression « tragiquement suicidaire » de la personne jalouse, car sa victime ne ressentira que peur et mépris… (rien ne tue plus sûrement l’amour, que la contrainte et la peur), mais elle s’en moque : la seule chose qui compte pour elle sur le moment, c’est que son/sa partenaire n’aille pas voir Machin.e.

Si on a le décodeur en revanche, et si au lieu de projeter sur le/la jaloux.se et bourreau un regard « venu d’en haut », qui juge à notre tour (Il est pathétique, mais j’ai peur quand même), si on enfile nos oreilles de girafe, alors on peut entendre le besoin non satisfait : ielle a besoin d’être rassuré.e, ielle n’a aucune confiance en mon amour pour lui/elle.
Son attitude (de chantage et menaces, inacceptables par ailleurs) n’est pas quelque chose qu’ielle fait « contre moi », pour me détruire, m’annihiler, me rabaisser (lecture de ranking), mais la seule manière (tragiquement suicidaire) qu’ielle a trouvée pour sauver sa peau… Alors en effet, on peut être en compassion… et non plus en Peur.
Et au lieu de se dire : cette personne est toxique, cette personne est manipulatrice, cette personne fait exprès de me faire du malcette personne veut me détruire, on peut choisir de se dire : Cette personne ne sait pas s’exprimer autrement, et moi, j’ai le choix d’entrer ou non, de rester ou non, en relation avec elle, et par ailleurs, je ne suis pas obligé.e de croire ce qu’elle me dit.

C’est là où j’ai aussi libéré quelque chose en moi, je crois, grâce à la lecture des Quatre Accords toltèques et à La Maîtrise de l’amour, de Don Miguel Ruiz :
1. Que ta parole soit impeccable ;
2. Ne prends rien personnellement ;
3. Ne fais pas de suppositions ;
4. Fais toujours de ton mieux 
(qui rejoint L’Apprentissage de l’imperfection).

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Si je ne fais plus la supposition que la personne en face de moi « veut me détruire », mais essaie juste, de manière tragiquement suicidaire, de satisfaire un besoin essentiel pour elle, alors je peux choisir de « ne pas le prendre personnellement » et de ne pas croire un mot de ce qu’elle me dit de moi : Je ne suis pas la personne qu’elle me dit que je suis.
Je sais qui je suis, je sais d’où je parle (depuis le pays de l’Amour) et j’ai compris d’où elle, parlait (depuis le royaume de la Peur), et… je n’ai PLUS PEUR DU LOUP.

Waouh. En fait, je crois que c’est ça qui s’est passé en moi au cours de ce Voyage.  L’avenir me dira si cette révélation – cette épiphanie, presque – restera en moi de manière durable, et surtout, m’aidera à vivre mes relations au quotidien. En attendant… j’ai le sentiment que c’est comme une porte qui s’ouvre en moi, une libération.

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Je peux donner l’impression de m’éloigner de mon sujet de départ… mais en réalité, je ne crois pas.

Je crois que tout est lié : le patriarcat, la domination de l’homme sur la femme parce qu’en réalité, l’homme a peur de la puissance de la sexualité de la femme à laquelle il ne comprend rien (souvenez-vous de l’aveu d’impuissance de Freud : « Les femmes, c’est le continent noir« .  Et pourtant, toute notre société, et une grande partie des psy fonctionnent avec ces références : au secours ! ) ; donc « l’instinct » (dicté par la peur) de propriété, de possession, de possessivité et les rapports de force et de soumission (la petite fille obéissait à son père, puis à son mari ; l’enfant obéissait à ses parents, la femme à son mari, le mari à Dieu ; une femme restait « demoiselle » tant qu’elle n’était pas mariée, et n’accédait au statut de « Madame » que par son mari ; une femme ne pouvait pas voter, ouvrir un compte en banque, avorter, disposer de son corps…).

Respect et pensées pour nos grands-mères, nos arrière-grands-mères et toutes ces reines (de mon article Fêtons les reines, qui était le nom de mon arrière-arrière-arrière grand-mère, en lignée féminine) grâce auxquelles nous sommes en vie aujourd’hui et qui se sont tant battues pour nous.

Donc le mariage bourgeois du XIXème siècle, qui permettait à l’homme de prendre possession du ventre de sa femme et de s’assurer que les rejetons auxquels il allait transmettre son patrimoine étaient bien de lui. Puis, au XXème siècle, apparition du mariage d’amour, qui remplace le mariage arrangé. Et où, au lieu d’étendre à la femme le privilège accordé jusque-là aux hommes (avoir plusieurs relations), on a au contraire étendu à l’homme la prison dans laquelle étaient tenues les femmes : exclusivité (appelée fidélité). Quelle absurdité.

Toutes et tous victimes du même système, des mêmes croyances : que l’être humain est « naturellement monogame », et que si on a envie d’aller voir ailleurs, c’est que quelque chose ne va pas, qu’on est « déviant.e », ou bien alors que ce n’est pas « le/la bon.ne ».

Mais si l’être humain était « naturellement monogame », comment expliquer que tant d’hommes et tant de femmes prennent encore le risque de l’adultère, au risque de perdre la famille qu’ils ont mis tant d’années à construire ? C’est bien qu’ielles sont poussé.e.s par quelque chose de plus fort d’eux, qui les dépasse. Et ce quelque chose, c’est cette pulsion naturelle à l’exploration, à la découverte, à la curiosité, à repousser nos limites, à sortir de notre zone de confort : c’est la vie en nous.

Le désir, la sexualité, est ce qui nous rend vivant, ce qui nous fait nous dépasser. Ce qui fait tourner le monde. Ce qui nous motive, profondément. Je milite fondamentalement, et depuis toujours, pour une sexualité positive, joyeuse, profonde. Une sexualité parfois sacrée, parfois plus ludique et légère. Une sexualité multiple, parce que nous sommes des êtres multiples.

Qu’est-ce qui nous reste, quand on arrive au seuil de notre vie ? Nos propriétés, nos réussites professionnelles ? Ou bien les gens qui nous ont aimé.e et qu’on a aimé.e.s, profondément, sincèrement ? Je pense évidemment au Rosebud de Citizen Kane.

Qu’est-ce qui fait tourner le monde ? Le pouvoir, ou bien l’amour et le sexe ? N’est-ce pas pour avoir plus de sexe et parce qu’ils n’ont pas assez reçu d’amour et qu’ils ne sont pas capables d’en donner, parce qu’ils jalousent les gens qui donnent et reçoivent de l’amour, parce qu’ils ne comprennent pas cette force qu’ont en eux les gens simples, mais heureux… que les hommes de pouvoir veulent « toujours plus » ? Ils croient – ou veulent croire – qu’ils peuvent acheter l’amour.
Or s’ils peuvent acheter le sexe, ils ne peuvent pas acheter l’amour. Parce que le pouvoir et l’amour ne se situent pas sur la même échelle : l’une de ranking, l’autre de linking.

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La domination de l’homme sur la femme, le système patriarcal… ont conduit à la monogamie – théorique pour l’homme au début, imposée à la femme (comme dans bien des pays encore, où les femmes adultères sont lapidées – cf Timbuktu, qui est l’un des films les plus forts et les plus terriblement bouleversants que j’aie vus ces dernières années)…
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Aujourd’hui, tout le monde est piégé dans le même système absurde, où nos croyances sont chaque jour mises à mal, où plus rien ne tient la route.

Car les femmes ont acquis leur autonomie, leur indépendance, elles n’ont plus « besoin » des hommes, elles s’assument, professionnellement, financièrement. La révolution sexuelle est passée par là, la contraception, l’avortement.
Tandis que des hommes – certains hommes, héritiers du machisme, de la misogynie de leurs pères – continuent pourtant à essayer de les dominer, de les réduire à des objets.

Les créatrices de la Conférence gesticulée sur le consentement me l’ont appris et ont contribué à ce que le voile se lève enfin pour moi : ce qui motive un viol n’est pas tant un désir irrépressible, une pulsion irrésistible (ça, c’est ce qu’ils veulent croire, ce qu’ils veulent nous faire croire), mais la volonté de dominer, d’écraser l’autre, de le/la faire taire. Cette résistance qu’elle oppose, cette liberté qu’elle affiche, cette sexualité libre et affolante… sont insupportables. Il leur faut la réduire à néant, l’écrabouiller, l’anihiler.

Allez voir Les Chatouilles – ou la Danse de la Colère, le magnifique et bouleversant spectacle écrit et interprété par Andréa Bescond au théâtre Montparnasse. Surveillez les dates de la Conférence gesticulée sur le consentement, qui se rejouera à Paris le 25 juin, puis en tournée en province pendant l’été 2016. Lisez les articles et le livre de Muriel Salmona sur les violences sexuelles.

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Quel rapport entre les violences faites aux femmes, le système patriarcal, la domination de l’homme sur la femme… et la Polyamorie ? Tout.

Le rapport, c’est la violence au fondement de la violence : la violence éducative ordinaire (VEO). Lisez cet article bouleversant de Frédérique Herbigniaux, sociologue belge : La Violence éducative ordinaire : enfant du patriarcat.
Cette violence avec laquelle on est toutes et tous élevé.e.s, cette violence qui nous est tellement « ordinaire », qui est tellement ancrée en nous, qu’on n’en a même pas conscience.
Cette violence qui fait que, quand on ressent une sensation désagréable (qu’on appelle « émotion négative ») dans notre corps, on l’attribue à l’autre. Si j’ai mal, c’est parce que l’autre a « fait » quelque chose. Et si je veux que cette souffrance en moi cesse, alors j’ai le « droit » de tout faire pour que l’autre change son comportement, puisqu’il s’agit – je le crois – de ma « survie » : menaces, chantage affectif, contraintes de toutes sortes, punitions (ou son contraire : la récompense, qui fait partie du même système) et, si ça ne marche pas, les grands moyens : la force et la violence physiques. 
C’est la croyance à la racine de toute la violence.

Or si on écoute Marshall Rosenberg, si on se forme à la CNV, si on apprend à « enfiler nos oreilles de girafe » et à entendre le besoin non satisfait derrière ces expressions tragiquement suicidaires (Je veux que cette sensation désagréable cesse), alors il me semble que l’autre devient absolument, intrinsèquement AUTRE, tout aussi LIBRE que moi. Je suis libre, mais toi aussi, tu es libre.
Je suis responsable de mes émotions et de mes réactions, et toi aussi, tu es responsable de tes émotions et réactions.

En aucun cas et en aucune manière, je ne peux envisager utiliser « contre » l’autre, la moindre mesure coercitive, ou de contrainte.
Je ne « possède » pas l’autre. L’autre s’appartient à lui/elle-même. Et si ielle n’a pas envie d’être en relation avec moi, alors je ne peux fondamentalement pas l’y obliger.
Je ne peux parler que d’une position d’amour, de confiance et de liberté.
Je sais à tout moment que l’autre ne fait rien « contre » moi : ielle vit son propre rêve, et poursuit son propre chemin.

Et si ielle essaie de me contraindre à quoi que ce soit, si ielle se croit, s’attribue, le moindre « droit » sur moi, c’est parce qu’ielle parle depuis le royaume de la Peur.
À moi, alors, de décider en conscience, si je souhaite – ou non – continuer cette relation.

(Évidemment, quand on parle de relations entre un enfant et son parent, c’est plus compliqué pour l’enfant / adolescent de se protéger en se retirant de la relation : c’est la raison pour laquelle les parents ont d’autant plus le devoir fondamental de respecter l’autre intrinsèquement en leur enfant).

Si je suis dans une relation d’amour, d’amour vraiment… d’amour où j’accepte l’autre tel.le qu’ielle est, autre, séparé.e de moi, autonome, libre, et si je construis avec lui/elle une relation d’amour et de confiance, alors je sais que si ielle a envie de vivre d’autres relations en dehors de moi, ce n’est pas « contre » moi, c’est « pour » lui/elle, parce qu’ielle en a besoin, sur son chemin de sa vie.

Si je peux alors maintenir avec l’autre une communication compassionnelle, si je choisis, décide de ne pas projeter (3. Ne fais pas de suppositions), de ne pas le prendre contre moi (2. Ne prends rien personnellement), si dans tous les cas, et même quand les émotions me font valdinguer dans les tours, quand j’ai envie de pleurer, de crier, quand je suis en colère, quand je me « sens » trahi.e (c’est une pensée)… si je sais que ce sont des émotions, donc par définition passagères, éphémères, si dans tous les cas, donc, je choisis de maintenir le lien et la connexion, ou de le reconstruire quand il a été malmené, parce que fondamentalement, j’ai confiance dans l’amour et la bienveillance de l’autre envers moi… alors j’accepte que l’autre puisse trébucher, puisse ne pas être parfait.e en toutes circonstances, puisse faire des choix suite auxquels je peux me sentir en insécurité… Et je choisis de travailler à rétablir la connexion d’amour.

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Pour moi, la CNV, les Quatre Accords toltèques, l’accueil des émotions, la Mindsight, si on suit leur logique interne d’acceptation de l’autre comme un être libre et autonome, nous conduisent à la Polyamorie comme la seule façon réellement éthique d’envisager les relations entre les êtres.

Sachant que « Polyamorie » ne veut pas dire « relations plurielles », mais bien : possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques.
Dans lesquelles entre totalement pour moi la possibilité de choisir la Monogamie en conscience.
Pour moi, la Monogamie choisie en conscience, consensuelle et éthique, fait partie de la manière dont je comprends, envisage et définis la Polyamorie.
L’idée est de savoir que la Monogamie est un choix, de même que la Polyamorie est un choix, et qu’en réalité, tout est envisageable et acceptable à partir du moment où on peut en parler librement, assumer qui on est ou ce que l’on souhaite pour soi-même, sans craindre des mesures de rétorsion (chantage affectif, drame, crise, conséquences, punitions), et où chacun.e est libre de déterminer pour soi le type de relations qui lui convient. 

Pour moi, la Polyamorie est bien à l’inverse absolue du système de domination patriarcale – l’idée fondamentale à la base étant que les êtres humains, quels qu’ils soient, sont libres et égaux en droit
La Polyamorie est égalitaire. L’égalité stricte, absolue et non négociable entre les partenaires est à la base de ces relations choisies en conscience. Donc absolument féministe. Fondamentalement féministe. Au sens de pro-femmes, et contre le système patriarcal – pas contre les hommes. En Espagne, les polyamoristes sont féministes, les féministes, polyamoristes.

[Connaissez-vous cette vidéo du premier Ministre canadien, Justin Trudeau, qui dit : « Je continuerai à affirmer haut et fort que je suis un féministe, jusqu’à ce que cette affirmation soit reçue par un haussement d’épaules » ?]

Notre combat est le même, femmes et hommes féministes (les vrais !) : contre le système de domination patriarcale. Contre cette société de domination des plus forts sur les plus faibles, des hommes sur les femmes, des majorités sur les minorités, des parents sur les enfants, de « ceux qui savent mieux que les autres » sur les autres.

Pour moi, la CNV et les Accords toltèques amènent à cette libération des relations entre les personnes, de même qu’à l’abolition de la violence éducative ordinaire.

Polyamorie, éducation bienveillante et positive, entreprises libérées… même logique, même évidence. Tout fait sens. Tout est cohérent, interconnecté.

Dans la mesure où, je l’ai dit, pour moi une Monogamie choisie en conscience, consensuelle et éthique, fait partie de la manière dont je comprends, envisage et définis la Polyamorie (la « possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques), alors peut-être faudrait-il en réalité lui trouver une autre appellation ?

Le « libre amour » ? (parce que l’amour libre est déjà pris…). Liberté fondamentale de chacun.e de choisir pour lui/elle, les relations qui lui conviennent, de façon consensuelle et éthique. Sans contrainte d’aucune sorte. Sans jugement. Tout est possible, tout est envisageable, du moment que toutes les personnes concernées sont fondamentalement d’accord et de manière enthousiaste. Des relations en conscience.

C’est, si j’ai bien compris, le sens de Designer relationships : des relations qu’on se choisit, qu’on se dessine sur mesure.
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L’amour à la carte ? Des relations sur mesure ?

Comme on a l’éducation bienveillante ou positive, la psychologie positive et la sexualité positive… on aurait les amours positives ?

J’aimerais bien un nom de pays, comme la Monogamie ou la Polyamorie. Parce que Voyage en Amours positives, ça sonne tout de suite moins bien…

La libre Amorie ? Hahaha !
Manifeste des amours libres et positives.

Puisqu’en France, c’est « polyamour » qui a dominé le terrain sémantique jusqu’à présent, Françoise Simpère parlant pour sa part plutôt d’amours plurielles ou de lutinage, je peux peut-être choisir d’adopter, moi, la Polyamorie.
Dans laquelle j’inclurais la Monogamie choisie en conscience.

Car l’enjeu fondamental est qu’il s’agit de relations déterminées, dessinées sur mesure, de manière consensuelle et éthique, avec un consentement enthousiaste de toutes les personnes concernées.
On peut donc très bien imaginer que deux personnes, après en avoir discuté ensemble, décident d’adopter… jusqu’à la prochaine discussion, négociation, une monogamie librement consentie. Mais qu’elles en aient discuté, et qu’il soit convenu, qu’à la seconde même où l’un.e d’entre eux a envie d’ouvrir la relation, on en rediscute.
Si l’un.e a envie d’ouvrir et l’autre non, alors chacun.e doit décider en conscience… si ielle désire rester dans cette relation – ou non.
Et si les deux sont d’accord pour ouvrir, parce qu’ielles ont confiance l’un.e en l’autre, que rien ne sera fait sans tenir compte des émotions de l’un.e et de l’autre, alors ielles ouvrent, en discutant des modalités.

Si la Polyamorie est bien définie comme la possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques, il me semble qu’est incluse dedans la possibilité de relations exclusives. Dans ce cas, gardons le nom, mais changeons les termes de la définition ?

La possibilité de choisir en conscience le type de relations – exclusives ou non-exclusives – qui nous convient, de manière consensuelle et éthique.

Est-ce cela que Brigitte Vasallo (poly activiste espagnole) appelle des relations « inclusives » ?
Est-ce que le contraire d’exclusives serait « inclusives » et non « non-exclusives » (double négation) ?

La Polyamorie serait alors la possibilité de relations inclusives, consensuelles et éthiques ?

C’est sur cette interrogation à laquelle je n’ai pour l’instant pas de réponse, que se terminent mes 21 jours de Voyage en Polyamorie.

Je me sens heureuse et libérée. Fondamentalement, je me rends compte que ma revendication (et non « combat », car je souhaite rester positive : je lutte pour, et non contre quelque chose) va dans le sens de la liberté de choisir des relations en conscience, telles qu’elles conviennent à chacun.e d’entre nous.

Il ne s’agit pas pour moi de lutter contre la Monogamie, mais contre le système patriarcal qui impose la Monogamie comme une norme par défaut.
Si la Monogamie vous convient, à l’un.e et à l’autre, et que vous êtes d’accord que ce n’est que pour un temps donné, tant que ça vous convient, et non « pour toute la vie », alors tout va bien !

Je ne vois pas comment on peut s’engager pour l’avenir sur des éléments aussi fluctuants, éphémères et passagers, que des émotions et des sentiments.

La Polyamorie, en cohérence avec la Mindsight, la méditation de pleine conscience (Mindfulness) et l’accueil des émotions en nous, nous invite à vivre au moment présent, ici et maintenant.

Je t’aime, ici et maintenant. Demain, j’en aimerai peut-être un.e autre, en plus. Ou tellement en plus, qu’ielle prendra de plus en plus de place, et que nous en viendrons peut-être à rediscuter de notre relation, à la faire évoluer, transitionner vers un autre type de relation, moins impliquante, moins quotidienne peut-être.

Tu es libre. Je suis libre. Nous sommes en relation parce que nous le souhaitons l’un.e et l’autre, en conscience, de manière consensuelle, éthique, et enthousiaste. Ici et maintenant.

Je ne peux pas m’engager, tu ne peux t’engager, sur des sentiments. Mais bien sur un comportement, le plus possible (4. Fais de ton mieux) éthique et respectueux, de moi-même, de toi-même, des émotions de l’un.e et de l’autre, et de toutes les personnes amenées à entrer en relation avec l’un.e ou l’autre d’entre nous. Sans jugements, sans projections, sans suppositions. Dans l’écoute, la confiance, le respect et la bienveillance de toutes et tous.

Waouh. Tout un programme.

Hâte de lire vos commentaires, vos témoignages, vos réactions. L’espace ci-dessous vous est réservé et vous y êtes les bienvenu.e.s
Et à demain, bien que ce Voyage en Polyamorie soit désormais terminé, pour un récap’ des 21 articles.

Avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Je dédie cet article à toutes mes amies proches qui m’ont aidée, guidée, soutenue, inspirée, tout au long de ce Voyage : Élisende, Patricia, Laura, Frédérique, Malika, Anne, Tamara, ainsi qu’à Muriel Salmona. Et à l’homme avec lequel je partage tant depuis bientôt cinq ans, qui m’a tant donné et qui m’aide à devenir moi-même, une meilleure moi-même, à ses côtés, jour après jour, pas à pas, et chaque jour de mieux en mieux.

Voyage en Polyamorie #18. 12. Éternel recommencement

Nous voilà arrivé·es à l’ultime étape de notre Voyage en Polyamorie (j’ai annoncé 21 jours : les derniers jours seront consacrés à des réflexions plus générales, hors « arche dramatique » de ce voyage).

On est parti·es du monde ordinaire de la Monogamie (#2), rassurante et « normée », où les règles sont implicites le plus souvent (Si on est « ensemble », alors on est exclusifs : je renonce à ma liberté pour toi, en échange de quoi, tu renonces à ta liberté pour moi ; présenté dans des termes plus « positifs », cela donnerait : ma liberté est de te choisir toi et toi exclusivement, ta liberté est de me choisir moi, et moi exclusivement, en échange).

En réalité, la liberté peut faire peur. Car depuis qu’on est tout petit.e, on ne nous a pas souvent donné l’occasion de l’expérimenter.

Combien de parents, par exemple, choisissent pour leurs enfants quels vêtements ils vont porter ? Combien décident de ce qu’ils vont manger ? Et leur laissent-ils le choix de leurs activités extra-scolaires ? Combien d’enfants font du piano ou du violon parce que c’est ce que leurs parents ont choisi pour eux ? Danse classique ou danse moderne ? Judo ou tennis ? Allemand ou espagnol ? Qui choisit, de l’enfant, ou de ses parents, qui « savent mieux que lui ce qui est bon pour lui/elle » ?

Avez-vous lu C’est pour ton bien, d’Alice Miller ? La toute première fois que j’ai découvert Alice Miller, c’était avec Notre corps ne ment jamais. J’en ai sangloté pendant de longues minutes. Tout d’un coup, c’est toute cette « violence éducative ordinaire » (VEO) dans laquelle on a grandi, qui nous apparaît dans toute son évidence.

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La Monogamie est rassurante, voire « reposante » : une fois qu’on a posé ses valises… on n’a plus à se poser de questions. Et même si on a construit soi-même les barreaux de notre cage, on peut aussi choisir de voir la Monogamie comme libératrice : elle nous libère du temps, en effet, et on peut consacrer nos pensées et notre temps à « autre chose » que nos histoires d’amour, de cœur, et de relations.
Et tant pis s’il s’agit d’une sécurité de surface, en apparence seulement, et qu’en réalité, elle cache bien des secrets, des faux-semblants, des masques, des tricheries, mensonges et autres adultères.
De nombreuses personnes préfèrent en effet, et en conscience, vivre dans ce qui est « peut-être » une Hypocrisie, mais dont ils espèrent que, si c’est le cas, elles ne le découvriront jamais.

Certain·es en revanche, ne se satisfont pas, ou plus, de ce monde de faire-semblant.

Cela vous est-il arrivé d’avoir l’impression de vivre comme si on était toutes et tous sur une vaste scène de théâtre ? Un des personnages du dernier film de Woody Allen dit : « La vie est une comédie, écrite par un auteur sadique. » Don Miguel Ruiz, dans Les Quatre Accords toltèques parlent d’un « rêve » que partageraient tous les humains, sauf ceux qui, un jour, se sont soudain réveillés et ont alors compris qu’ils avaient le choix de choisir leur rêve, plutôt que de vivre celui que les générations avant eux ont choisi pour eux.

Sur cette scène de théâtre, chacun·e y joue le rôle qui lui a été distribué, du mieux possible. Une femme, à l’école, joue le rôle de la « bonne mère de famille » ; au bureau, de la « bonne employée » ; dans ses rencontres sexuelles, de la « bonne amante » ; avec ses parents, de la « bonne fille » ; avec la boulangère, de la « bonne cliente souriante et polie » ; et si soudain, cette même « mère-employée-fille-parfaite » a l’idée d’entrer dans des relations BDSM, elle deviendra peut-être une « bonne dominatrice » : les autres n’en reviendraient pas s’ils la connaissaient sous ce jour-là !

Une amie me confiait l’autre jour qu’au travail et dans sa vie sociale, elle « jouait » à être cette bonne bourgeoise, pour qui ses enfants et son travail comptent avant tout. Elle se « déguise » pour aller travailler : tailleur, talons, rien ne dépasse. Sauf que de temps en temps, elle sent que ça bout trop à l’intérieur, qu’elle a besoin d’aller explorer d’autres aspects d’elle-même. Et alors elle va écumer les black-rooms des clubs libertins. Où elle peut laisser sortir la partie d’elle qu’elle tient enchaînée et cachée le reste du temps. Elle a deux profils Facebook, comme la plupart des libertin·es, mais aussi des polyamoureuxes, et de nombreuxes explorateurices de la sexualité sortie du contexte de la Monogamie et de l’exclusivité, et qui savent que c’est encore mal vu, mal jugé, par les normo-pensant·es (celleux qui pensent dans la norme : l’expression est de Christel Petitcollin dans Je pense trop).
Cette amie s’interrogeait sur la vie en Polyamorie, se demandant si ça pourrait être une solution pour enfin peut-être pouvoir vivre une seule et même vie, la sienne. 

Quand on choisit de vivre en Polyamorie, on n’est plus obligé·e de « choisir », on peut explorer plusieurs facettes de notre personnalité avec éventuellement plusieurs personnes différentes, tant que toutes les personnes concernées sont au courant et d’accord, tant que chacun·e fait en sorte d’être de respecter les autres, de ne pas les blesser volontairement, d’être à l’écoute des besoins et des désirs des un·es et des autres. Assumer qui on est, au fond, vraiment. Fièrement.

Certain·es, déçu·es, désillusionné·es des hypocrisies et faire-semblant du monde « ordinaire » normo-pensant (#3), choisissent d’écouter leur cœur, leur intuition – ce que j’ai choisi de nommer leur « petite voix intérieure » (#4) – et de se préparer au voyage en Polyamorie (#5). Un jour, ayant accueilli en elleux leurs peurs d’aller contre le courant, contre la « norme », et sachant ce que cela peut représenter de difficultés, ielles ont choisi « d’y aller quand même » et ont franchi le pas (#6).

Ielles naviguent alors en eaux inconnues (#7), et doivent affronter leurs premiers obstacles, qu’ielles peuvent choisir de considérer non comme des « épreuves », mais comme des « opportunités » de grandir et d’apprendre sur eux/elles (#8).
Quand on choisit de porter sur le monde et notre vie un regard positif en toutes circonstances, de se demander en quoi cette nouvelle expérience de vie va nous permettre de mieux nous connaître, d’être plus fort·e, plus solide encore…, alors il n’y a plus d' »échecs », mais en effet, des « expériences« , qui nous rapprochent de nous-mêmes.

Tandis que la part masculine en chacun·e de nous explore le monde supérieur, à la surface de la terre, enchaînant les conquêtes, accumulant des outils, des forces, des richesses, la part féminine en chacun·e de nous descend en elle-même, se dépouillant peu à peu de toutes les protections, toutes les barrières qu’elle a érigées pour se protéger. On apprend à accueillir les peurs en nous, et à les regarder comme des alliées, qui nous informent sur ce qui se passe tout en dessous, sous la surface, à un endroit où jusqu’à présent, on n’était jamais allé·e regarder : précisément parce qu’on en avait peur.

Avez-vous remarqué comment les émotions sont contagieuses ? C’est le principe même du fonctionnement de nos neurones-miroirs. Si tu bailles, je baille. Dans E.T., Eliott comprend que E.T. est intelligent parce que quand il se gratte le nez, E.T. en fait autant.
Si tu as peurj’ai peur. Tes peurs nourrissent les miennes. 

Si on vit au royaume de la Peur, on projette sans cesse sur l’autre, sur l’inconnu·e, on fait des suppositions (3ème accord toltèque : Ne fais pas de suppositions). On n’ose pas poser de questions directes.
Dans le monde normo-pensant, la plupart gens communiquent en communication indirecteJe lui ai dit ça, il m’a répondu ça, que penses-tu que cela signifie ? Réponse : Je ne sais pas, demande-le lui ! 

Apprenons à communiquer directement : nos désirs, nos besoins, nos demandes. Et apprenons aussi à être capable de recevoir les désirs, besoins et demandes de l’autre… sans le « prendre personnellement », et sans « faire de suppositions ».

Bon. C’est bien beau tout ça, et ça fait rêver. Mais euh…  c’est de la théorie, de la fiction, une construction narrative, écrite pour donner du sens à la vie, qui sinon, n’en a pas.

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Dans la vraie vie, on a souvent d’un côté le discours rationnel, les pensées, les paroles, les « Je voudrais tant être comme ça et lâcher prise, vraiment », et de l’autre, les émotions, qui parfois nous submergent : Je t’ai dit que tu étais libre, que veux-tu que je te dise de plus ? Que je te donne ma bénédiction, en plus ? Que je me réjouisse pour toi que tu passes la nuit avec un·e autre ? Si je pense à toi comme à un personnage de fiction, si j’entre en empathie, alors oui, je suis contente pour toi, et la compersion est quelque chose de top !  Mais dans la vraie vie, j’ai mal au ventre et j’ai l’impression que je vais mourir ! 

Que faire dans ces moments-là ? Savoir, au fond de soi que, bien qu’elles paraissent dévorantes et qu’on a l’impression qu’on va mourir… ce n’est qu’une impression ! C’est une pensée, générée par notre cerveau, alimentée par des sensations physiques désagréables. Et c’est une spirale négative et descendante. Les sensations créent des pensées, qui génèrent à leur tour des sensations désagréables, qui produisent des pensées… On est happé·e dans le tourbillon, c’est la chute.
Et plus on a des espoirs, des attentes, des enjeux forts… plus on a à perdre, et plus la descente est douloureuse.
C’est là qu’on se retrouve dans ce que j’ai appelé le « ventre de la baleine », ou le fond de la grotte, de la caverne, voire le fond du gouffre (#9).

C’est là aussi que nous servent les œuvres de fiction que les auteurices inspiré·es, qui sont passé·es par là avant nous, ont choisi de nous transmettre, parce qu’ielles voulaient transcender leur souffrance du moment, ou bien alors lui donner un sens, positiver leur expérience pour qu’elle puisse leur servir de leçon pour la prochaine fois, ou servir à d’autres…
Quand on traverse une épreuve douloureuse, si on garde en tête ce parcours du héros et de l’héroïne… alors on sait que quand on est au plus bas, on va trouver une façon de remonter, sans doute à laquelle on ne s’attendait pas. Là en bas, tout en bas, quelqu’un·e va nous tendre la main, et nous aider à remonter.

Mais en attendant, quand on est tout au fond du ventre de la baleine, on est confronté·e à notre plus grande peur, à notre monstre intérieur, la Grande déesse dévoratrice.
Ça peut être intéressant, quand on est face à ielle, de læ visualiser, voire de læ dessiner, et de lui donner un nom. Comme ça, la prochaine fois qu’on læ verra en face de nous, on læ reconnaîtra et on pourra se souvenir que la première fois, on n’est pas mort·e. Et si on n’est pas mort·e la première fois, alors on peut aussi s’en sortir la deuxième, et puis la troisième et puis, petit à petit, on aura moins peur.

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Mais là, on y est, tout au fond de la caverne, face à notre plus grande peur. Elle nous domine, elle nous terrifie. On lâche prise. On s’avoue vaincu·e. S’il le faut, on renonce même à la relation, ou en tout cas dans la forme qu’elle avait jusque-là.

De toute façon, on le sait, quand bien même on aurait la tentation de se battre… on n’a de prise que sur notre propre moitié de la relation, pas sur la moitié de notre partenaire.
Et si ielle, a envie de faire évoluer la relation, d’aller vers quelqu’un·e d’autre, à partir du moment où on a choisi de communiquer de manière compassionnelle (#13), dans l’attention, l’écoute, l’empathie, et qu’on se refuse, par principe, par philosophie, à l’expression de toute contrainte d’une manière ou d’une autre (ni conditions sine qua non, ni chantage, ni menaces, ni mesures de rétorsion… On a renoncé à la violence quotidienne ordinaire, celle qui prolonge la violence éducative ordinaire : ce n’est pas pour y retourner à la première bourrasque venue !), si ielle, a envie de vivre autre chose, d’avancer sur le chemin de sa vie d’une manière qui vous, ne vous convient pas… vous n’y pourrez rien : c’est sa vie, son chemin. Alors autant lâcher, et le plus tôt sera le mieux.

Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire, et je suis bien placée pour le savoir, dit une personnage dans LUTINE.
Mais on assume : c’est dans cette direction-là qu’on veut aller, qu’on a choisi d’aller. On garde le cap, comme je disais à une amie l’autre jour, parce qu’on le sait : une relation équilibrée, saine, ne peut de toute façon exister qu’entre deux partenaires égalitaires et mutuellement respectueuxes, et que l’un·e et l’autre désirent aller dans la même direction. Rien ne sert de tirer dans un sens… si l’autre tire dans un autre. On ne peut que se faire du mal.

Au moment même où on lâche prise, où on est humble, petite chose fragile, retour à l’humilité du nourrisson à la merci de la mère dévoratrice… on aperçoit une lumière, et le chemin de la remontée. On est homme parmi les hommes, femme parmi les femmes, humain parmi les milliards d’humains qui peuplent cette terre, et toutes celles et tous ceux qui nous ont précédé·e : on n’est plus seul·e, on participe de l’aventure humaine. Et d’autres, là, nous tendent la main, sans nous juger, juste en étant là, pour nous accueillir dans notre humilité et notre humanité (#14). Ielles sont passé·es par là avant nous, et nous guident.

On savoure notre victoire. On est heureuxe. On est en vie. On n’est pas mort·e noyé·e dans la cale du Titanic, on a réussi à monter sur un canot de sauvetage, et on découvre qu’autour de nous, il y a plein d’autres rescapé·es. (#15) Et notre partenaire est là, ielle aussi, dans le même canot. On rit, on s’embrasse, on verse des larmes d’émotion. On va toujours en Polyamorie, plus que jamais, pas question de revenir en arrière : on ne pourrait plus vivre en Hypocrisie.

Et là, sans qu’on ne l’ait vue venir :  la tempête, la grosse, le cyclone. Il renverse tout sur son passage, envoie les embarcations valdinguer, les vagues nous submergent, on étouffe, on se noie : cette fois-ci, c’est sûr, on ne s’en sortira pas. On lâche prise. Dans l’œil du cyclone, tout est calme. On est serein·e. On va mourir, et on est ok avec ça (#16). C’est ce que Kim Hudson, dans The Virgin’s Promise, appelle Kingdom in Chaos. Le chaos, le vrai.
Son étape #10, elle l’appelle Wanders in Wilderness. C’est le moment où l’héroïne, ne pouvant plus revenir en arrière, et son royaume étant sens dessus-dessous, ne sait plus où aller, et erre comme une âme en peine. Elle regrette, tout, elle aurait aimé ne jamais entamer ce voyage, elle ne sait plus qui elle est, elle a tout perdu, elle n’a plus rien. Elle accepte la vie comme elle vient, elle se laisse porter par les flots, elle ne lutte plus contre le courant : elle accepte que la vie soit changement, mouvement, imprévisible, et elle n’est qu’une malheureuse accrochée à un bout de bois qui dérive sur l’océan.

Que va-t-elle devenir ? Couler au fond de l’océan ? Se faire dévorer par un requin ?

Soudain, elle aperçoit, au loin, les rives de la Polyamorie. Et elle réalise que… elle sait nager !!! Ce que Kim Hudson appelle « Chooses Her Light ». Elle se connecte à la Grande Déesse en elle, à sa confiance intérieure, sa petite lumière, sa boussole, sa voix qui lui parle de temps en temps et qu’elle sait reconnaître : c’est la voix de son désir profond, de son être profond. Si elle est connectée à lui, elle peut être abandonnée par toutes et tous, y compris par celles et ceux qui comptent le plus pour elle, elle s’en sortira toujours, d’une manière ou d’une autre. C’est son Higher Self, sa « source » : chaque auteur a son propre mot pour parler de cette intuition fondamentale en chacun.e de nous, qui nous maintient en vie – notre pulsion de vie – quelles que soient les circonstances extérieures.

Je ne dépends pas de l’autre. Ce qui fait que je suis vivant·e, c’est que je suis moi, unique au monde, et libre, intrinsèquement libre, de choisir ma vie. La Grande Déesse en moi me permet de rayonner, à l’extérieur comme à l’intérieur, en étant réconcilié·e avec moi-même : même si la chose que l’on redoute le plus devait arriver, même si l’autre devait nous quitter, ou nous, si on sentait que notre vie était en danger, même…  on n’en « mourrait » pas. Car on est là, bien vivant·e. Et quoiqu’il arrive, on fera face.
Whatever happens, I’ll handle it, écrit Susan Jeffers. Confiance en la vie et en nous : tant qu’on est en vie.

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Dire oui à l’univers. Alors, et alors seulement, on peut être heureuxe, dans le temps présent, ici et maintenant.

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Le héros a quitté son village et sa communauté qui étaient en danger, pour aller chercher l’elixir, défendu par un dragon, tout au fond de la caverne. Il vaincu le dragon et est reparti sur son chemin du retour, quand il a été assailli par un ennemi plus grand encore, qu’il a réussi à vaincre, grâce à l’élixir. Il peut rentrer à son village, où toutes et tous l’accueillent en héros : il s’est battu pour eux, et revient en vainqueur. Happy end. C’est un voyage linéaire, avec un début, un milieu, une fin.

L’héroïne, elle (entendre : la part féminine en chacun·e de nous) s’est connectée à sa brillance intérieure et a décidé de suivre la voie que celle-ci lui indiquait, contre l’avis de sa famille qui a tout fait pour la retenir et maintenir dans la voie qu’ils avaient décidée pour elle, sans même la consulter. Ce faisant, elle a petit à petit lâché toutes les défenses qui la protégeaient depuis sa tendre enfance et s’est confrontée à sa plus grande peur, en étant totalement nue, et sans plus rien. Et puis elle a entrevu la lumière, sa lumière, s’est reconstruit une communauté, une famille qu’elle s’est choisie, et elle remonte, pour guider à son tour celles et ceux qui, comme elle, voudraient vivre leur vie. C’est un voyage initiatique cyclique, circulaire. Un éternel recommencement. Le cycle de la vie. À chaque nouvelle génération, de nouvelles personnes partent à l’aventure de la découverte de leur moi intérieur.

La polyamorie nous entraîne dans ce voyage à la découverte de nous-même. Qui est-on vraiment ? Qu’attend-on de la vie et de nos relations ? Qu’est-ce qui compte pour nous ? Souhaite-t-on vivre dans le royaume de la Peur, ou dans l’Amour, la confiance et le respect ?
Oh, ce n’est pas facile, et à chaque fois qu’on se croit arrivé·e, il faut recommencer, enlever de nouvelles couches, découvrir de nouvelles peurs. On grandit, on mûrit, on vieillit. On n’est jamais arrivé·e. Ou alors, c’est qu’on est arrivé·e à la toute dernière porte, celle qu’on ne peut franchir que dans une seule et même direction…

Je veux croire qu’avec l’expérience, les peurs s’apaisent, les descentes sont moins violentes, les remontées encore plus joyeuses et libératrices. Je choisis de vivre au royaume de l’Honnêteté, pas en Hypocrisie. Je choisis l’Amour, plutôt que la peur. Je suis libre, je veux rester libre. J’aime l’autre, aussi libre, d’aller et venir, de suivre son chemin, qui est parfois parallèle au mien, parfois peut s’en éloigner. Je fais le choix de la confiance, du respect, et de la communication compassionnelle.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Hâte de lire vos témoignages : l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé.

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #16. 10b. L’Œil du cyclone

Ça y est, c’est dit, votre partenaire, celui ou celle avec qui vous partagez tant depuis plusieurs semaines, mois, années… a rencontré quelqu’un·e  avec qui ielle a envie de vivre une véritable histoire, pas seulement des 5 à 7 coquins, pas seulement une complicité amicalo-sexuelle. Non, ielle a envie de plus, d’une intimité, d’un partage d’émotions, de tendresse, de secrets, de moments intimes profonds… et tout cela, par définition, prend du temps.
Car elle pourrait bien être là, la faille du côté Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil des Bisounours poly : certes, l’Amour est illimité (ou presque) et se multiplie, et de même qu’on a plusieurs ami·es, et qu’un·e ami·e qui vous dirait : Je veux bien être ami·e avec toi, mais je veux que tu n’en aies aucun·e autre, paraîtrait sorti.e d’un monde de science-fiction, on peut aimer plusieurs personnes, et l’amour que l’on éprouve pour une nouvelle personne n’enlève rien – en théorie (parce que bien sûr, il arrive qu’une nouvelle relation naisse précisément parce qu’une ancienne n’a plus de sens) – à ses amours d’avant. Certes.

Mais le temps, lui, n’est pas extensible. Et si l’amour se multiplie, si, comme le dit Françoise Simpère dans mon film, « Les amours ne pas rivales, elles s’additionnent », le temps, lui, se divise.
Et si votre partenaire a une nouvelle relation, qui soudain, parce qu’ielle est en NRE (New Relationship Energy), lui prend du temps qu’auparavant, ielle passait avec vous… comment vivre cette évolution sereinement ?

Dans LUTINE, le personnage de Gaël demande à Isa : « De quoi tu as peur ? » Elle lui répond : « Que tu me quittes. Que tu l’aimes plus que moi. Que tu passes plus de temps avec elle qu’avec moi. Que… D’être en manque… de toi. »

Être seule ne me pose pas de problème, au contraire même. Non seulement j’adore être seule, mais j’en ai fondamentalement besoin. Passer des heures en solitude et dans le silence, c’est comme cela que je peux entrer en moi-même, pour mieux écrire. J’ai besoin de ces moments de repli et d’introspection, pour ensuite retourner dans le monde et partager. Rester seule chez moi… me va très bien.

De quoi ai-je peur alors ? Car c’est bien d’une peur fondamentale qu’il s’agit, quand on cherche à l’accueillir en soi. Et c’est sans doute une peur qui nous reste du mythe de la Monogamie, dans lequel, qu’on le veuille ou non, on a baigné si longtemps, et qui continue à s’insinuer en nous via les films, les émissions de radio, les remarques des autres. Oui, mais… et si ielle tombait vraiment tellement amoureux d’un.e autre… et que ça remettait en cause votre relation ?

L'OEIL DU CYCLONE

Face à cette peur profonde, viscérale, sans doute héritée de notre enfance, pas grand-chose d’autre à faire que… de l’accueillir, de la reconnaître en nous, de l’accepter pour ce qu’elle est : une peur, rien d’autre. Une pensée, voire des pensées. Passagères, éphémères. Qui se nourrissent les unes des autres.

On peut essayer les différents outils d’accueil des émotions (#11). On peut choisir où l’on souhaite porter son attention sur la roue de la conscience. On peut se concentrer sur ses sensations en s’adonnant à la méditation de pleine conscience (#12).

On peut aussi décider… d’en profiter pour faire autre chose, qui nous plaît. Sortir, voir des ami·es, aller au cinéma. Lire, écrire, travailler.
Bien sûr.

Mais l’enjeu est bien plus profond que ça. Il s’agit vraiment de lâcher prise, totalement, complètement. De regarder la peur en face et de lui dire : Je te remercie ma peur, je sais combien tu te préoccupes de moi, et j’en suis très touché·e. Mais ne t’inquiète pas : je choisis d’aller bien. 

Comme me le disait mon coiffeur l’autre jour : Tu travailles ton t’aimeJe travaille mon m’aime.

Dans l’œil du cyclone, comme me le faisait remarquer une amie proche cet après-midi, tout est calme. On peut être en paix avec soi-même.

Par essence et de manière totalement intrinsèque à sa condition d’humain·e, l’autre ne m’appartient pas. Je n’ai aucun « droit » sur ielle.
Il ne peut pas y avoir de rapport hiérarchique, d’autorité, de pouvoir, de qui que ce soit sur qui que ce soit dans le cadre de relations saines, équilibrées, égalitaires, mutuellement respectueuses.
On ne peut que s’écouter, dans l’écoute compassionnelle, et essayer de trouver une manière de nous entendre (#13).

Si l’autre a envie, besoin de vivre une nouvelle relation qui certes, peut ne pas nous réjouir, nous agréer (on peut imaginer que la troisième personne, par exemple, ne nous donne pas toutes les garanties que l’on aimerait d’un comportement respectueux et empathique – et que malgré tout, tout en en ayant conscience, notre partenaire a envie ou besoin d’aller s’y frotter, peut-être parce qu’ielle a encore quelque chose à apprendre de ce côté-là des relations), de toute façon, quoiqu’on fasse, on n’y pourra rien.

Dans tous les cas, et fondamentalement, on ne peut agir que sur notre moitié de la relation.

Plus on va se crisper, se raidir, édicter des règles, poser des cadres, voire basculer du côté de la rive de la rigidité de la rivière du bien-être, comme dit Dan Siegel (#12) ou bien faire des scènes, des crises, lui montrer à quel point son comportement nous insécurise, et basculer du côté de la rive du chaos de la rivière du bien-être… dans un cas comme dans l’autre, cela se retournera contre nous.
Car ce serait tenter de lui faire porter la responsabilité de notre sérénité, de notre bien-être, au lieu d’en assumer nous-même la pleine et entière responsabilité.

Notre sérénité et notre bien-être… ne peuvent venir que de nous-mêmes.

La Rivière du bien-être

C’est à nous à apprendre à naviguer sur la rivière du bien-être, à ne pas trop aller d’un côté, ou trop de l’autre. Pas trop du côté du rationnel froid, rigide, logique et calculateur ; pas trop non plus céder à nos émotions, nos peurs, nos fantasmes, nos projections.

Rester centré·e, en paix avec soi-même.

Si l’autre a envie ou besoin de vivre une relation, une histoire, voire une passion… avec quelqu’un·e d’autre, plus vous tenterez d’endiguer les flots, plus vous chercherez à contrôler… plus vous serez emporté·e par le courant quand la digue cédera.
Vous ne pouvez pas agir sur une relation qui ne vous concerne pas.
Car une relation entre votre partenaire et une troisième personne… ne vous concerne pas. Vous n’êtes pas concerné·e.

Bien sûr, il est possible que votre vie en soit changée, bouleversée, même, et en ce sens, vous êtes concerné·e. Mais vous n’y pouvez rien.
L’un·e et l’autre sont libres, intrinsèquement.
Si votre partenaire a envie de vivre une relation que vous jugerez peut-être, vous, de l’extérieur, toxique… vous êtes la dernière personne à pouvoir le lui dire. Car de vous, ielle ne pourra pas l’entendre. Car la troisième personne, si elle a un comportement réellement toxique, s’empressera de lui faire remarquer à quel point vous cherchez à le/la manipuler, à la faire passer, elle, pour quelqu’un·e de manipulateur, alors même qu’elle essaie de le/la sauver de votre relation à vous.
Les manipulateurices ont ceci de redoutable qu’ielles renversent les situations comme en miroir.

Si vous êtes confronté·e à un tel comportement, à par exemple quelqu’un·e qui fonctionnerait sur une mise en place d’une co-dépendance… alors raison de plus pour lâcher prise, et le plus tôt possible. Vous n’y pouvez rien. Rien de rien.
Et plus vous lutterez contre le courant, plus vous vous épuiserez, et plus vous y laisserez de plumes.

Quand vous vivez en Monogamie, si votre partenaire a envie ou besoin de vivre une autre relation, vous ne le savez pas. Vous en êtes protégé·e. C’est en ce sens que c’est un monde plus « sécurisant », même s’il ne l’est qu’en apparence.
En Monogamie, si votre partenaire se lance dans une relation toxique, vous n’en savez rien. Vous pouvez continuer à vivre votre vie de tous les jours comme d’habitude, et vous constituez pour ielle, un havre de paix.

Quand vous avez fait le choix de vivre en Polyamorie, si votre partenaire a envie ou besoin, pour des raisons qui lui appartiennent, de vivre une relation qui ne vous donne aucune garantie de respect et de confiance mutuels… raison de plus pour lâcher prise, et pour rester, vous, ce havre de paix et de sérénité.

Vis ce que tu as à vivre, mon amour. Je t’attendrai.
Ou pas.

Car si vous n’avez prise que sur la moitié de la relation qui vous appartient, vous avez malgré tout prise sur cette moitié. Et vous pouvez, pour vous-même, décider de ce que vous êtes prêt à accepter… ou non.
Quelqu’un·e qui poserait d’emblée, par exemple, des conditions exclusives (C’est comme ça et c’est moi qui pose mes conditions, et si tu n’es pas d’accord, j’annule tout) vous propose, implicitement, un jeu de dupes : si vous rentrez dans son jeu, si vous acceptez de jouer au jeu du C’est qui le/la plus fort·e, alors vous allez perdre, à coup sûr.

La seule manière de s’en sortir, c’est de ne pas jouer.

Et si les enjeux montent, si les conditions deviennent trop pénibles pour vous, si voir votre partenaire dans des postures trop inconfortables, trop douloureuses – alors qu’on est bien d’accord que l’amour est censé être un plaisir, un bonheur, une joie… pas vous faire peur ou vous faire pleurer – vous devient insupportable, alors vous avez le choix de vous retirer, vraiment.

Parfois, il faut « laisser couler« , comme disait le marabout au personnage de Louise interprété par Marie Gillain dans Tout le plaisir est pour moi, mon premier long-métrage. « Laisser couler… quoi ? » lui demandait-elle. – « Laisser couler. Tout. » 

La vie est mouvement, la vie est changement. Si on ne change pas, si on ne bouge plus… c’est qu’on est mort·e !

Vouloir s’accrocher à tout prix à ce qu’on avait… mais qu’on n’a, de toute façon, déjà plus, au moment même où quelqu’un·e de nouveau fait son entrée dans le paysage, c’est s’exposer à des déceptions, des frustrations.
C’est poser des attentes… qui ne pourront qu’être déçues.

Vivre au jour le jour, dans le moment présent.
Vivre en gratitude, en paix avec soi-même.

Célébrer la vie en nous, nous réjouir de ce que l’autre nous apporte… et de ce qu’ielle ne nous apporte peut-être plus, et qui nous permet de développer d’autres activités, d’autres amitiés, de faire peut-être nous aussi des rencontres.

Avoir peur, projeter sur l’avenir, faire des suppositions… est voué à nous créer des nœuds dans le cerveau, et souvent on provoque ce dont on a le plus peur.
Nos pensées créent notre réalité. 

La seule et unique option qui s’offre à nous, est donc de lâcher prise, et de laisser venir, le cœur ouvert. Et sans doute alors qu’on connaîtra des joies nouvelles auxquelles on ne s’attendait pas, des bonheurs inédits.

Ne plus se laisser dicter son comportement par ses peurs… mais par l’Amour.
Choisir la voix, la voie de l’Amour en nous.

Faire confiance à notre partenaire. Avoir confiance dans notre relation, dans ce qu’on a construit ensemble. C’est la personne dont on se sent le plus proche, la personne en qui on a le plus confiance : ielle saura choisir ce qui lui convient le mieux. On a confiance qu’ielle ne fera rien contre nous.

Célébrons ce que les bouddhistes appellent l’impermanence de la vie. La vie est changement, la vie est mouvement. Les relations sont faites pour changer, évoluer.

En Monogamie, on n’a que deux solutions : rester ensemble ou se quitter. Et c’est souvent la rupture, tragique, douloureuse. Comment quelqu’un·e qui, quelque temps avant, était « tout » pour nous, n’est plus rien du jour au lendemain ? Je n’ai jamais compris.

En Polyamorie, on peut être plus souple, plus inventif·ve, plus créatif·ve… et c’est tant mieux. Les relations sont amenées à se modifier, à se réinventer, chaque jour. Une relation qui a été fusionnelle pendant quelques années, peut soudain, parce qu’une troisième personne fait son apparition dans le paysage, évoluer vers une relation plus espacée en termes d’emplois du temps, mais tout aussi profonde dans le fond et le partage des émotions. Et le fait que l’un.e des deux ait une nouvelle relation qui lui prend du temps, peut dégager du temps libre pour l’autre, qui pourra en profiter à son tour à sa guise.

Sauf dans le cas de relations avérées toxiques (j’en connais personnellement malheureusement un rayon, mais justement, je me dis désormais que c’est une chance : je n’ai plus peur, car je les repère aux premiers symptômes), il n’y a aucune raison, en Polyamorie, de raisonner en termes de ruptures et de séparations.
Parlons plutôt de transitions, d’évolutions.

Lâcher prise.

Dans LUTINE,  j’avais écrit une séquence avec ma psy (qu’interprétait ma vraie psy à l’époque, et puis qui a été coupée au montage) où elle me disait : Lâchez prise. Et mon personnage répondait : J’arrête pas de lâcher prise. En attendant, je contrôle plus rien, moi !
Elle me demandait alors : »Vous connaissez la différence entre laisser tomber et lâcher prise ? » Elle prenait un stylo dans sa main, paume vers le bas, et le lâchait : il tombait. « Ça, c’est laisser tomber« . Puis elle reprenait le même stylo dans la main, paume vers le haut cette fois-ci, et elle ouvrait sa main. Et disait : « Ça, c’est lâcher prise« .

L’autre est libre, fondamentalement, intrinsèquement. Ielle vit ce qu’ielle a à vivre, sur son chemin de vie. Vous n’y pouvez rien, rien de rien. Juste veiller à votre moitié de la relation. Et prendre soin de vous, veiller à votre propre bien-être, à votre propre sérénité.

Une relation se tisse entre deux personnes. Si vous avez envie de quelque chose, mais que l’autre a envie d’autre chose, vous ne pourrez rien y changer. Et si entrent dans votre relation la moindre contrainte, le moindre contrôle, ou une quelconque forme de chantage, affectif ou autre, alors ce n’est plus une relation libre et en conscience. Et vous fabriquez une bombe à retardement.
Lâchez prise !

Et repensez aux accords toltèques :
ayez une parole impeccable : pas de jugements, pas de projections, contrôlez l’expression de vos émotions ;
ne prenez rien personnellement : si l’autre agit comme il agit, ce n’est pas contre vous, mais parce qu’ielle agit comme ielle pense que c’est le mieux pour ielle, même s’il s’agit de comportements qui produisent l’effet inverse de ce qu’ielle souhaite. Dans ce cas, n’entrez pas dans son jeu. Enfilez vos oreilles de girafe et apprenez à entendre ses besoins non satisfaits et exprimés de façon si tragiquement suicidaire. Ne faites rien que vous pourriez pas assumer en vous regardant dans un miroir.
ne faites pas de suppositions : quand vous ne comprenez pas quelque chose que fait l’autre, posez-lui la question. Ne projetez pas vos propres angoisses, vos propres peurs.
– Dans tous les cas, faites de votre mieux. Pas moins, pas plus.

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Dans l’œil du cyclone, c’est la paix. Au fond de votre ventre, ça peut être la paix aussi. À vous de le choisir, de le décider. Tout comme une tempête qui fait rage sur la mer déchaîne les vagues et met les éléments en furie… tandis qu’en-dessous, tout au fond de la mer, c’est calme, serein, tranquille.

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Et vous, comment imaginez-vous que vous réagirez le jour où votre partenaire vous annoncera qu’ielle a envie de vivre une histoire d’amour avec quelqu’un·e d’autre ? Cela vous est-il déjà arrivé ? Comment l’avez-vous vécu ? Hâte de lire vos témoignages et récits dans l’espace des commentaires qui vous est réservé ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #8. 6b. Épreuves et Obstacles

Ça y est, nous voilà parti.e.s, on a laissé derrière nous le monde rassurant et sécurisant du mythe / idéal de la monogamie (#2) auquel la société toute entière veut nous faire croire, à grands renforts de livres, films et autres culpabilisations freudiennes (Tu n’es pas « capable » de t’engager durablement de façon exclusive avec quelqu’un·e ? C’est donc que tu es (cocher la case) immature / infantile / pervers·e), on a regardé le monde autour de nous avec de nouveaux yeux (#3) (combien d’unions se soldent par une rupture douloureuse, voire conflictuelle ? Et parmi les gens qui restent ensemble alors qu’ils ne sont pas heureux (pour qui ? Pour quoi ? Pour les enfants, par conformisme, enjeu financier, matériel, par peur de se retrouver seul.e (À ton âge, te retrouver seule avec deux enfants en bas âge, ça va pas être facile pour retrouver un homme qui voudra bien de toi… – c’est du vécu !)), combien se trompent ? Et combien se résignent ?), et on a décidé de se connecter à notre petite flamme intérieure qui nous dit qu’il doit y avoir une autre manière de vivre les relations amoureuses, en conscience, en harmonie avec soi-même, en honnêteté (#4). On s’est donc préparé.e (#5), on a choisi de regarder en face nos peurs, et de se lancer dans l’aventure (#6) : et nous voilà naviguant sur des eaux inconnues, pour un voyage dont on ne sait où il va nous mener (#7).

C’est à la fois excitant, et un peu effrayant. Et c’est comme tout : c’est en faisant, qu’on apprend à faire. C’est en navigant qu’on apprend à naviguer : avec de vraies vagues, de vraies bourrasques –  pas dans les livres, pas dans les tutos sur Internet, pas en lisant ce blog. Non, c’est en y allant soi-même, en essayant, en faisant des erreurs. Que dis-je, erreurs ? Expériences ! Chaque accident de parcours, chaque moment où on trébuche, n’est qu’une étape de plus pour être plus à l’aise, pour avoir moins peur, pour mieux se connaître.

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Quand un enfant apprend à marcher, imaginez-vous une seconde de lui faire remarquer : Non mais t’es vraiment nul.le ! Ton frère, à ton âge, il courait déjà partout ! Non. Vous allez l’encourager, le/la féliciter, l’accompagner, encore et encore.
Savez-vous combien de fois un enfant tombe avant de savoir marcher ? Plus de 2000 ! Ielle ne s’arrête pas à la première chute, et vous non plus. Pourquoi ? Parce qu’ielle sait, parce que vous savez, qu’à part si ielle souffre d’un handicap particulier, ielle saura marcher un jour. Peut-être à 11 mois, peut-être à 17, peut-être encore plus tard… mais un jour, ielle saura marcher. Alors vous êtes patient.e, et lui/elle persévérant.e.
Ce qui compte, c’est votre objectif.

Connaissez-vous les travaux de Mihaly C. sur le bonheur ?  (Cf son livre Vivre – La Psychologie du bonheur et mon article : « Mes moments magiques« ) ? On est le/la plus heureuxe, quand on poursuit un objectif clair et précis, qui va nous demander des efforts et des compétences particulières, sans être non plus trop difficile à atteindre ; qui va nous donner la sensation d’avancer, petit à petit : on se sent fier.e et compétent.e d’avoir surmonté les obstacles, d’avoir franchi les épreuves.

Parfois, bien sûr, comme dans la création, on a l’impression de faire du sur-place, de « patauger dans le marais », parfois même de régresser, mais c’est souvent pour mieux avancer ensuite.

Ce qui compte, c’est d’avancer en conscience, d’avoir choisi dans quelle direction on veut aller, même si on ne sait pas encore comment y aller : on sait qu’il est possible de vivre des relations amoureuses libres, épanouies, où chacun.e peut exprimer sa personnalité et ses désirs, sans se travestir, sans mentir, en étant honnête avec soi-même et avec l’autre.

Bien sûr, il y a de grandes chances que ça ne soit pas un voyage de tout repos. Mais qui a dit qu’on avait envie de repos ? Les épreuves, les obstacles… nous permettent de mieux nous connaître, de mieux savoir qui on est, qui est l’autre, et comment on a envie de vivre.

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L’un des premiers obstacles auxquels on va se heurter, celui auquel on s’attend, est la fameuse jalousie. Le monstre vert. Mais quand on dit « jalousie », à quoi se réfère-t-on exactement ? Pour moi, c’est un « mot-valise« , qui en contient bien d’autres. Selon les personnes, selon les circonstances, il va renvoyer à bien des émotions différentes : de la colère, de la tristesse, des peurs, diverses et variées.

On dit que l’envie fait référence à quelque chose que quelqu’un.e d’autre possède, tandis que la jalousie renvoie à la peur de perdre quelque chose que l’on possède.
Un homme a peur que sa femme ne tombe amoureuse d’un autre homme : il est « jaloux », parce qu’il a peur de la perdre. Une femme va se comparer à la nouvelle amante de son partenaire, et avoir peur qu’il ait moins envie de la voir qu’avant.

Mais possède-t-on quelqu’un.e ? L’autre est libre, intrinsèquement libre. La monogamie a-t-elle jamais empêché quelqu’un.e de partir ou de tomber amoureuxe de quelqu’un.e d’autre ?
Quand on vit en polyamorie, si votre partenaire a une autre relation, elle s’ajoute à la vôtre : c’est quelque chose en plus, pas quelque chose en moins. 

La jalousie renvoie chacun.e de nous à nos propres insécurités, nos propres angoisses sur la relation : est-ce qu’ielle m’aime assez ? Est-ce qu’ielle ne risque pas d’avoir envie de me quitter ? Est-ce qu’ielle ne va pas « trouver mieux » ?
Elle est l’occasion de nous interroger sur nous-mêmes, de regarder là où ça fait mal… pour être plus solide après.

Comment se manifeste la jalousie ? Souvent par de la peur, parfois par de la colère, de la tristesse. Dans tous les cas, par des émotions désagréables : une boule dans le ventre, une lourdeur dans la poitrine, la sensation d’étouffer… Ouh la ! Pas cool…
Alors dans une vie « mono », on essaie d’éviter de se trouver dans ces situations-là : on trouve des parades, des arrangements, des accords, on met en place tout plein de stratégies d’évitement, de déni, de contournement…

Quand on se lance en polyamorie, on sait au contraire qu’on va – un jour ou l’autre – être confronté.e à ces sensations-là, de peurs, d’insécurités, d’angoisses. On choisit de les regarder en face, et de les accueillir comme des alliées, qui nous informent sur qui on est, et sur ce quoi on a encore besoin de travailler.

Certes, c’est loin d’être simple tous les jours, et la polyamorie n’est pas adaptée à tout le monde. Elle demande une sacrée dose de travail sur soi, d’écoute de l’autre. D’empathie. De compassion. À commencer par soi-même : savoir être indulgent.e avec soi-même et… patient.e.

Comme le dit Don Miguel Ruiz dans Les Quatre Accords toltèques, ça a pris des années pour nous « domestiquer » afin qu’on acquiert nos habitudes de pensée, nos manières de réagir. La polyamorie nous invite à nous déprogrammer, à changer de paradigme, et là aussi, il faut souvent des années. De la patience et de la bienveillance. De la part de toutes les personnes concernées.

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Là où ça se complique, parfois, c’est quand nos obstacles ne sont pas seulement internes (nos peurs, nos insécurités), mais aussi externes : les autres, le jugement des autres, le point de vue des autres, qui auront vite fait de mettre nos doutes, nos moments de difficultés… sur le dos de la polyamorie.

Tu m’étonnes que tu es jalouxe ! C’est complètement foireux, votre histoire ! Si les amours libres marchaient, ça se saurait, depuis le temps !

Françoise Simpère, l’autrice du Guide des Amours plurielles et de Aimer plusieurs hommes, raconte souvent qu’autour d’elle et de son mari – avec lequel elle est aujourd’hui mariée depuis plus de quarante ans – nombre de leurs « ami.e.s » les ont attendus au tournant. S’ils s’étaient séparés, sûr qu’ils auraient mis « l’échec » de leur couple sur leurs amours plurielles. Alors que par ailleurs, tant de relations monogames se terminent chaque jour par des divorces et des séparations houleuses… et ça ne vient à l’idée de personne  d’accuser la monogamie !

Le choix de la polyamorie n’est pas un choix que l’on fait par « facilité ». Au contraire. C’est un chemin souvent ardu, qui demande de la persévérance, de la patience, de la bienveillance.

Et vous, savez-vous êtes indulgent.e envers vous-même quand vous trébuchez ? Au plaisir de lire vos récits dans l’espace des commentaires ci-dessous qui vous est réservé.

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle