J’ai choisi aujourd’hui de parler de communication compassionnelle plutôt que de « communication non-violente » qui fait directement référence aux outils développés par Marshall Rosenberg, pour deux raisons principales :
– d’une part, parce que j’ai de plus en plus de mal avec les mots qui se définissent « contre », en « non-quelque chose ».
Le livre J’arrête de râler de Christine Lewicki par exemple a été pour moi une révélation… mais je trouve dommage qu’il s’adresse à notre cerveau par une formule négative : car le cerveau ne connaît pas, ne comprend pas, la négative – d’où les enjeux et le développement de la psychologie positive, dont la découverte a littéralement changé ma vie (cf ma toute première série d’articles : 13 jours… devenus 21 de pensée positive) ;
– d’autre part, parce que je souhaite que mes réflexions ici, puisque je parle d’éthique des relations, dépassent en réalité le cadre de la seule « communication non violente ».
En ce sens, il ne s’agit pas « seulement » de communiquer les un·e·s avec les autres de manière « non-violente », mais bien plus profondément : avec le cœur, et dans l’accueil et la compassion.
Pourquoi ? Parce qu’à mon sens, cela permet de comprendre, de se comprendre, de nous comprendre.
Beaucoup de nos pensées, en effet, sont alimentées par des « projections », des hypothèses, des suppositions : l’autre fait ou a fait quelque chose par rapport à quoi je me sens mal ou mal à l’aise, qui me heurte, me blesse, réveille en moi des émotions désagréables… et ma machine à pensées (négatives, le plus souvent, parce que j’ai été élevé·e à penser comme ça, parce que l’ensemble de notre société fonctionne encore souvent comme ça) se met en route : ielle n’a vraiment aucune considération pour moi ; en fait, ielle s’en fout de moi ; si je comptais pour ielle, ielle n’aurait pas fait une chose pareille… (quelle que soit la chose en question). Sauf que j’ai bien écrit : « réveille en moi des émotions désagréables ».
Les émotions, en effet, sont les miennes : elles sont en moi. La même action, dans un autre contexte, ou faite par quelqu’un·e d’autre, n’aurait pas réveillé en moi les mêmes émotions, ni du coup, les mêmes pensées qui, en réalité, viennent « justifier » ou « trouver des explications (théoriquement) rationnelles » à ces émotions.
Dans notre culture, quand quelque chose pose problème, on a souvent le réflexe (acquis) de chercher un·e responsable, voire un·e coupable. Et comme je ne souhaite pas reconnaître que je pourrais avoir ma part de responsabilité, car, notre culture étant, de mon point de vue, une culture de la punition (si je suis « coupable », alors je dois être « puni·e »),je crains de n’être mis·e en accusation ou montré·e du doigt si je me désigne comme « responsable »… alors je rejette la responsabilité – voire la « faute » – sur l’autre !
Je le vois au quotidien avec mes enfants : qu’est-ce que c’est difficile de déconstruire cette « réactivité » qui paraît automatique – instinctive ? – du « C’est pas moi ! » souvent suivi de : « Et puisque c’est pas moi… c’est l’autre ! »
La véritable question ici est : pourquoi, au nom de quoi, faudrait-il désigner ou trouver un·e « coupable » ?
Quand un verre d’eau a été renversé, l’important est-il de savoir qui l’a renversé, comment il a été renversé ou… de réparer les dégâts ?
Autrement dit, l’enjeu est-il de trouver un·e coupable / responsable (Pourquoi je devrais ranger ? C’est pas moi qui ai dérangé !) ou bien de faire en sorte que tout aille pour le mieux à nouveau ?
Pour moi, la communication compassionnelle – être dans la compassion, dans le sens de cum patior : souffrir avec – est aussi celle qui permet de « comprendre » l’autre. Et quand on comprend l’autre – qui, par définition, est autre (cf #6. L’autre… est autre) -, on peut lâcher les projections, les hypothèses, les suppositions, et se placer simplement de son point de vue.
Finalement, je me rends compte que c’est comme les différents points de vue dans une scène de cinéma : selon si on voit une scène du point de vue de l’un·e ou du point de vue de l’autre, on ne la vit pas, et on ne la comprend pas de la même façon.
Quand on réalise une scène au cinéma, il s’agit toujours de se poser la question : qui est le ou la narrateurice, qui raconte, de quel point de vue se place-t-on ?
Chacun·e d’entre nous est toujours le héros ou l’héroïne de sa propre histoire. Je ne peux voir le monde qu’à travers mes propres yeux : je peux imaginer ce qu’il se passe dans la tête de l’autre, je peux projeter ce qu’ielle pense, ressent… mais je ne peux pas le savoir.
Et fondamentalement, de son point de vue, chaque être humain fait toujours ce qu’ielle pense, sur le moment, dans les circonstances données, être le mieux pour ellui.
Ça me paraît en effet très important à garder en tête : on peut espérer qu’il est quand même rare que quelqu’un·e fasse quelque chose véritablement contre quelqu’un·e d’autre, ou exprès pour lui nuire : c’est plus sûrement parce qu’ielle fait passer son propre intérêt avant celui de quelqu’un·e d’autre…
On voit bien par exemple à quel point ça paraît absurde d’entendre un parent dire à propos de son enfant : Ielle le fait exprès pour me faire enrager, ou encore Il me cherche ! pour reprendre le titre d’un livre d’Isabelle Filliozat – un enfant (surtout petit) a rarement pour intention de faire enrager son parent : ce n’est clairement pas dans son intérêt !
Vu comme ça, on voit bien à quel point il est tout aussi absurde d’entendre quelqu’un·e dire à quelqu’un·e d’autre, quel que soit son âge : Tu ne m’écoutes pas!Tu le fais exprès ou quoi ? Tu ne fais aucun effort.
En réalité, comme je le disais, l’autre est autre, et par définition, personne ne peut savoir ce qu’il se passe dans la tête de quelqu’un·e d’autre.
Découle pour moi de ce grand principe d’égalité de droits et de respect entre les personnes que j’ai posé dans mon article #5, le fait que chacun·e de nous a des droits, des émotions, des ressentis, des limites, des besoins… tout autant légitimes que les nôtres.
Il est donc tout aussi important :
à la fois d’oser affirmer ses émotions, besoins, désirs – car si on ne parle pas pour soi, personne ne peut les imaginer, ou les inventer, sauf dans le cadre d’une fiction ;
et d’entendre et accueillir ceux de l’autre, car c’est la seule façon de connaître ou de comprendre quelqu’un·e : de l’écouter et de comprendre son point de vue.
Étant entendu que comprendre, accueillir, accepter… ne signifie pas « être d’accord ».
Cela permet cependant au moins de : ne pas projeter, ou selon l’accord toltèque #3, ne pas faire de supposition.
Cela permet aussi de mieux ressentir l’accord toltèque #2 : ne rien prendre personnellement. En effet, quand l’autre fait quelque chose avec quoi je me sens mal ou mal à l’aise… partir du principe qu’ielle ne fait jamais rien dans l’intention de me blesser ou de me porter préjudice : quand on comprend son point de vue, on ressent que ça n’est pas “contre” nous, mais “pour” lui ou elle.
Fondamentalement, chacun.e est libre, de manière intrinsèque et inaliénable, de mener sa vie comme ielle l’entend, et… ne nous “doit” rien.
Et notamment, quand j’entends dire : “Les enfants doivent respect à leurs parents… sous-entendu « parce que » ce sont leurs parents” (idem avec des professeurs), je suis profondément choquée.
Oui, un enfant doit respect à son parent ou à son professeur, de même que, pour moi, éthiquement parlant, et de manière non négociable, un parent ou un professeur doit respect à l’enfant.
En réalité, chacun·e doit le respect à chacun·e, quel que soit son âge, son “rang” dans la société, son genre.
Ce sera le thème de la réflexion de mon article #8.
Hâte de lire vos commentaires ! L’espace ci-dessous vous est réservé.
Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle
NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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Vous l’aurez (peut-être ?) remarqué : nous sommes aujourd’hui le 21 novembre, et cet article du 21 novembre porte le numéro #20 au lieu du #21 : j’ai en effet sauté un jour d’écriture hier.
Après consultation avec moi-même, après deux soirées incroyablement riches en émotions positives, suivie d’une autre journée forte en émotions… bouleversantes, je me suis en effet « autorisée » moi-même à ne pas écrire mon 20ème article hier.
Je me suis dit qu’après tout, personne, à part moi-même, ne m’y « forçait », et que je pouvais m’accorder cette pause… après celle du #19, que j’avais pour le coup planifiée à l’avance.
Le 19, j’avais en effet envie que mes lectrices et lecteurs ici puissent entendre directement la voix de mon partenaire, car c’est souvent ce qu’il me manque dans les articles ou les livres des personnes qui racontent l’histoire de leur vie en impliquant un·e autre : je me demande toujours « Et l’autre, qu’est-ce qu’il ou elle aurait envie d’en dire ? »
De même qu’à chaque fois que j’entends quelqu’un·e me dire : « En x années, je n’ai pas trompé mon/ma partenaire et ellui non plus« , je me demande toujours : Comment peut-ielle en être aussi sûr·e ? Qu’aurait à en dire son partenaire si ielle pouvait parler librement ?
Je suis donc heureuse donc que vous ayez pu ici entendre directement la voix de Loïc —qu’il en soit ici remercié chaleureusement et publiquement.
Hier, en revanche, j’avais prévu d’écrire le soir, après une longue journée. Mais une fois de plus, la vie en a décidé autrement. J’étais lessivée, rétamée, sur les rotules. Et j’ai choisi de m’accorder un répit. De me l’autoriser, sans vergogne, en l’assumant.
Parfois il est bon, aussi, de savoir repérer ses limites, et ne pas chercher à les dépasser à tout prix… car autant cela peut parfois être bénéfique, et même exaltant, parfois aussi il est important de s’écouter. Et d’être indulgent·e envers soi-même.
Et alors que j’avais décidé d’écrire un article qui s’intitulerait « Réciprocité », j’ai décidé d’écrire à la place cet article « Indulgence »…
L’indulgence envers nous-mêmes est un élément essentiel, à mon sens, d’une vie sereine et épanouie. Traitons-nous nous-mêmes comme si nous étions notre meilleur·e ami·e.
Avez-vous remarqué à quel point on est parfois sévère avec nous-mêmes ? À quel point on se dit : J’aurais dû… / J’aurais pu… / Si j’avais su… / Si c’était à refaire…À quelle fréquence on se dit (ou on dit aux autres) : Je ne suis pas fier·e de moi, voire Je suis nul·le ?
Je l’entends déjà parfois chez mes enfants, et j’essaie vraiment de les encourager à ne pas parler d’eux-mêmes ainsi : validons le positif, en toutes circonstances. Rien ne sert de s’auto-flageller, et n’oublions jamais que nos pensées créent notre réalité : si nous disons ou pensons quelque chose, le risque est grand qu’on ne le croie.
Et ce serait dommage !
Indulgence, donc, envers nous-même… mais aussi indulgence envers les autres.
Personne n’est parfait – et heureusement ! Tout le monde a droit à l’erreur : Errare Humanum est – et heureusement !
L’un des livres qui m’aide le plus au quotidien et grâce auquel, entre autres, j’ai pu écrire et réaliser LUTINEdans de telles conditions précaires et sans garanties, est L’Apprentissage de l’imperfection. Je ne peux que vous le recommander. À la question qui se pose : Mais comment font les autres ?, il répond cette évidence : Du mieux qu’ielles peuvent, elleux aussi… Sauf que dans notre société, on nous fait croire que les autres sont parfait·es, et que nous sommes les seuls êtres imparfaits – d’où souvent, notre rapport étouffant à une culpabilité.
Yves-Alexandre Thalmann explique très bien que le « sentiment de culpabilité » n’est pas vraiment utile en soi : soit on est en effet « coupable », et alors on fait ce qu’on a à faire pour tenter de réparer… soit on se « sent » coupable mais on ne l’est pas… et alors peut-être la « faute » revient-elle à quelqu’un·e d’autre ?
Ça nous conduit tout droit à toute une réflexion sur la différence entre la « responsabilité » et la « culpabilité ». Mais de parenthèse en parenthèse… je m’égare.
Indulgence, donc, envers nous-mêmes, mais aussi envers les autres. Et c’est aussi, à mon sens, ce qui fait la différence entre une relation positive et une qui ne l’est pas, ou moins.
On rejoint là, le fameux ratio 5:1 et même 7:1 quand il s’agit d’un « couple » (une relation intime et impliquante émotionnellement parlant, qui s’inscrit au quotidien sur le long terme) d’interactions positives versus des interactions négatives, mis en évidence par John Gottman pour caractériser une relation positive.
C’est parce que chacun·e a de l’autre une vision positive, parce que chacun·e a la certitude que l’autre « fait de son mieux » (pour reprendre le 4ème accord toltèque), tient compte de son/sa partenaire et fait à chaque instant en sorte de prendre soinau mieux de la relation, qu’ielle peut cultiver en lui/elle-même cette indulgence envers l’autre.
Ce qui nous met en colère, souvent, c’est notre pensée que l’autre « aurait pu / dû » faire autrement, qu’ielle n’a pas suffisamment tenu compte de nous, ou de nos émotions (voir mon coin-lecture « Mes émotions sont mes alliées« , où sont notamment répertoriés de nombreux livres sur les émotions et notamment sur la colère).
Si on sait que l’autre tient compte de nous, fait attention à notre relation, et fait de son mieux… alors au lieu d’être dominé·e dans un premier temps par la colère, quand quelque chose nous a blessé·e, on peut directement passer à la case « tristesse ».
On peut exprimer nos émotions en mode « JE », au lieu d’exprimer notre « besoin non satisfait » sous une forme « tragiquement suicidaire » en mode « TU », comme le dit Marshall Rosenberg dans ses ouvrages et conférences sur la communication non violente.
Évidemment, tout se tient, et tous ces auteurices, ces penseur·ses, ces théoricien·nes, ces sages, ces moines bouddhistes… disent la même chose, chacun·e avec ses mots différents, mais globalement, cela revient à :
accepter l’autre tel·le qu’ielle est et s’accepter soi-même avec indulgence et non-jugement ;
s’exprimer au « JE » de façon positive en parlant de « ses » émotions, « ses » besoins ;
faire des demandes claires et accepter que l’autre fasse de même ;
entendre les paroles de l’autre sans les prendre personnellement (3e accord toltèque), en étant capable de les entendre avec le langage du cœur (et nos oreilles de girafe) ;
maintenir le canal de communication ouvert tant que faire se peut.
Étant entendu qu’une relation positive se crée à deux, que chacun·e ne peut être responsable que de sa propre part de la relation, qu’on ne peut jamais contrôler ni faire changer un·e autre, qu’on n’a de prise que sur soi-même… et que tout ce que j’ai exprimé et écrit jusqu’à présent sur les relations positives n’a de sens que dans un cadre de respect et de réciprocité.
Ce devait être mon article d’hier… ce sera celui de demain.
Hâte de lire vos commentaires.
Certes, il semble y avoir des gens qui entretiennent systématiquement des relations toxiques, voire abusives, avec de nombreuses personnes. Des gens qui n’ont que peu de vrai·es ami·es – plus des relations de travail ou de voisinage -, qui se fâchent avec … Continuer la lecture →
Aujourd’hui, j’ai eu le plaisir et la joie de pouvoir observer une maman en interaction positive avec sa toute petite fille de 18 mois. Ou devrais-je écrire plutôt : une petite fille qui a la chance, l’immense privilège d’avoir une maman qui la laisse être qui elle est, et est à l’écoute de ses besoins et de ses désirs sans la juger, la presser, la critiquer, ou chercher à lui imposer son propre rythme – autrement dit, qui crée précisément ce que j’ai choisi d’appeler une relation « positive » entre elles.
Avez-vous remarqué comment, quand on dit à un enfant de se dépêcher… il a souvent tendance – intuitivement, pour se protéger ? – à au contraire, ralentir ? Il entre en « résistance », en se concentrant sur ses propres désirs…
Un des (nombreux) livres que j’ai lus sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’éducation ou la discipline positives ou bienveillantes, s’intitule Nos enfants sont des merveilles. C’est vraiment la sensation que j’ai eue tout l’après-midi : de m’émerveiller devant cette toute petite fille qui comprend tout, sait déjà tellement ce dont elle a envie et comment se faire comprendre… parce qu’elle se sent légitime, reconnue et entendue.
Yvane Wiart, qui a écrit sur l’attachement (mais aussi, ce n’est pas un hasard, à la fois sur la violence ordinaire dans les familles et à l’inverse, sur les couples heureux) parlerait sans aucun doute ici d’un attachement « sécure » (j’y reviendrai : la théorie de l’attachement me paraît en effet fondamentale pour comprendre nos relations).
Si on fait confiance à nos enfants, ils se développent naturellement dans le sens de la vie, de l’apprentissage conscient, du plaisir.
Sauf handicap, connaissez-vous un enfant qui n’apprend pas à marcher ? « Avez-vous déjà vu un adulte marcher à quatre pattes ? » faisait remarquer le papa de cette petite fille cet après-midi à mes propres enfants ? Un enfant sans handicap finira toujours par marcher sur ses deux pieds, qu’il commence dès 10 mois, ou aussi « tard » que 17, voire même plus… mais il finira toujours par marcher.
Pourquoi ? Parce qu’il en éprouve le besoin, pour explorer le monde différemment. Il regarde les adultes ou les autres enfants autour de lui… et très vite, dès que son corps le lui permet, il se met en tête de marcher à son tour, et il y arrivera.
Savez-vous combien de fois tombe un enfant avant de savoir marcher ? (J’en parlais justement ce matin avec mes enfants). 2000 fois !
Imaginez-vous un parent qui dirait à son enfant à chaque fois qu’il tombe : Décidément tu es trop nul, tu n’y arriveras jamais ! Si tu n’y mets pas du tien, dans un mois on y est encore ! C’est pour aujourd’hui ou pour demain ? Vous souriez ? Ça vous paraît absurde ? Et pourtant, n’est-ce pas ce qu’on leur dit implicitement un peu plus tard, quand par exemple ils renversent un verre de jus d’orange sans le faire exprès : Tu pourrais faire attention ! Quel.le maladroit.e tu fais ! Combien de fois je t’ai dit de ne pas le mettre trop près du bord ?
La maman de cette petite fille est déjà pour beaucoup « différente » dans son rapport à sa fille : co-dodo, portage, allaitement à la demande, apprentissage de la langue des signes pour lui permettre d’avoir un « langage » avant que son système corporel ne lui permette de prononcer des mots… J’avais l’impression de me revoir il y a dix ans, quand mon fils avait son âge, et que je faisais déjà partie d’un groupe de parents « extra-terrestres »…
Mais tout ça n’est rien si on n’est pas concrètement, pratiquement, à l’écoute de la merveille que sont nos enfants, minute après minute. Et évidemment, cela demande du temps. Le temps du développement des enfants n’est pas celui que tente de nous imposer aujourd’hui la société, avec ses rythmes, ses horaires, ses carcans, ses habitudes, ses « tu devrais« , « il faut » et « parce que c’est comme ça »…
Un exemple, un seul. Après avoir passé un bon moment dans un parc (à avancer à la vitesse d’une petite fille de 18 mois poussant sa poussette de poupée, tandis qu’il y a tant de choses passionnantes à observer à chaque pas : tous ces enfants, ces chiens, ces jeux… : autrement dit, quelques 50 mètres à l’heure, peut-être ?), nous décidons d’en partir, car il commençait à faire nuit et froid.
Après une heure dans le parc à être totalement libre de ses mouvements, la petite fille sort donc du parc toujours en poussant sa poussette… et soudain, sa maman l’arrête : on devait traverser une rue. Elle lui donne le choix : préfère-t-elle monter dans sa poussette (la grande) ou les bras ?
La petite fille s’exprime clairement : ni l’un, ni l’autre. Elle veut continuer à pousser sa poussette. Sauf que ce n’est pas possible : il y a désormais des voitures.
Alors la maman « négocie », typiquement en communication « positive » (appelée classiquement « non-violente », mais à vrai dire, je n’aime pas tellement la négative) – je la souligne avec les lettres OSBD :
– les faits (Observation) : Si tu traverses la rue toute seule…
– sa propre émotion (Sentiment) : … j’ai peur, car il y a des voitures…
– son Besoin : Mon besoin est que tu sois en sécurité et je n’ai pas envie qu’elles te roulent dessus.
– une proposition (Demande) : Est-ce que tu serais ok pour qu’on traverse ensemble ? Tu pousses ta poussette, et tu me donnes la main en même temps ?
Et la petite fille qui avait manifesté très clairement son désaccord pour les bras ou la poussette (la grande) a accepté de traverser la rue en donnant la main à sa maman…
Clairement ça prend du temps… de même que ça avait pris du temps de lui faire accepter de mettre son manteau en sortant : le temps qu’elle-même se rende compte qu’en effet, il faisait frisquet. Et en arrivant au parc, c’est elle-même qui avait réclamé son bonnet à sa maman. Une merveille, je vous dis…
Si cette merveille peut se déployer ainsi sous nos yeux, c’est parce que ses parents créent pour elle cet espace de liberté, d’autonomie, d’indépendance. Cette petite fille se sent autorisée à exprimer ses besoins, ses désirs, ses désaccords. Elle sait qu’elle sera entendue, accueillie, acceptée, et que ses parents feront de leur mieux pour la satisfaire. Elle se sent en confiance.
Et quand sa maman lui exprime ses propres besoins, elle est en capacité de les entendre à son tour. Parce qu’un des plus beaux cadeaux qu’elle lui fait en étant attentive à ses besoins, c’est l’apprentissage de l’empathie.
Waouh !
J’ai tout appris avec mes enfants. Dès la seconde, presque, où j’ai su que j’étais enceinte de ma fille, alors que je venais d’avoir 40 ans, j’ai senti intuitivement que sa naissance serait une « re-naissance » pour moi, comme une « 2ème naissance ». Et en effet, depuis qu’elle est arrivée parmi nous, j’ai l’impression d’avoir, émotionnellement, « l’âge de ma fille ». Je (ré)apprends la vie et les relations avec elle. J’apprends à ressentir, accueillir, mieux canaliser mes émotions.
J’ai encore tant appris cet après-midi. J’ai réalisé que si je devais aujourd’hui avoir un 3ème enfant, je ferais encore tant de choses différemment… On apprend tous les jours.
Comme nous le faisaient remarquer Gervais Sirois et Sylvie Dubé avec lesquels j’ai suivi cette semaine une formation intitulée Cerveau et Apprentissage avec L’Atelier des Parents : le cerveau est fait pour apprendre.
Oui, ça paraît une évidence. Et en même temps, le dire et en prendre conscience paraît révolutionnaire dans notre société qui semble si souvent marcher à l’envers…
Une après-midi comme celle d’aujourd’hui passée à partager l’intimité douce et positive d’une maman et d’un papa avec leur petite fille de 18 mois… est un cadeau de la vie qui me redonne espoir dans l’avenir : je ne suis pas seule à me sentir parfois « extra-terrestre ».
Me voilà arrivée au terme de ce Voyage en Polyamorie, que j’avais annoncé sur 21 jours. Et je me dis qu’en réalité, ce n’est qu’un début.
Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai entamé ce voyage, ni ce que j’en attendais. Je savais juste que j’avais besoin de l’entreprendre. Je souhaitais suivre cette petite lumière qui s’était allumée en moi un jour, comme une voix venue de l’extérieur (ou au contraire, du plus profond de ma conscience) m’indiquant le chemin (#4. 3. L’Éveil à moi-même). Alors je l’ai fait.
Et non seulement j’ai appris beaucoup sur moi-même, avancé sur mon propre chemin, mais ce voyage m’a permis d’entrer en contact avec d’autres personnes, certaines plus loin sur la route, d’autres derrière moi, d’autres encore sur des routes parallèles, mais néanmoins amies, et ça m’a aidée – enrichie, nourrie, et réchauffée.
Que toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagnée tout au long de ces 21 jours – et particulièrement Élisende Coladan, qui a relevé le défi avec moi et dont je vous invite à découvrir les articles en-dessous de chacun des miens – en soient profondément et chaleureusement remercié.e.s.
Que toutes celles et tous ceux qui découvriront ce blog dans un temps décalé se sentent aussi les bienvenu.e.s : le voyage continue, et ce n’est qu’un début. N’hésitez pas à relever le défi vous-même, à jouer le jeu sur 21 jours pour parler de votre expérience ou de vos débuts en Polyamorie… ou simplement à commenter un article ou l’autre.
Car prendre ce temps de réflexion sur soi-même, s’interroger sur ce que l’on croit vraiment, attend vraiment, souhaite vraiment, pour soi-même, dans les relations amoureuses, et plus largement dans toutes les relations humaines… est un temps émouvant de reconnexion avec soi-même et ses valeurs profondes.
Un des livres qui m’aide vraiment au quotidien depuis que je l’ai découvert il y a trois ans, est L’Apprentissage de l’imperfection, de Tal Ben-Shahar. Là aussi, il s’agit de lâcher prise. De préférer « écrire de la merde« , comme m’avait dit une amie réalisatrice, plutôt que de ne rien écrire du tout. En temps « normal », et les premières 44 années de ma vie, j’ai souvent préféré ne rien faire… plutôt que de prendre le risque de faire quelque chose qui ne serait pas « parfait » (enfin, « préféré », n’est pas vraiment le mot…- la procrastination est une souffrance aussi.)
Ce qui a marché ici – et une fois de plus, je veux en retenir la leçon – c’est que m’a appris Florence Servan-Schreiber dans ses 3 Kifs par jour avec son image de « jeter son sac par-dessus le muret » : avoir pris un engagement public de tenir ce défi de 21 jours d’articles d’affilée. Résultat : même bloquée par un lumbago, et alors qu’en temps normal, je me serais accordé une « pause », je me suis tenue à mon engagement, et j’ai écrit.
J’ai rarement relu ces articles. Jour après jour, je me jetais à l’eau, sans filet. Si j’avais dû écrire un livre, seule chez moi et sans lecteurs/trices, j’en serais encore certainement au premier chapitre… et je n’aurais pas eu tous ces retours éclairants, enrichissants, m’aidant à avancer plus avant.
Sans doute, quand je me risquerai à les relire, il y a des chances que je les trouve très mauvais, ces articles. Mais ils me sont précieux néanmoins : ils constituent pour moi un « shitty first draft » : une base de travail, à partir de laquelle je pourrais modifier, gommer, ajouter, moduler…
Je ne sais pas encore ce que j’en ferai… Peut-être un livret d’accompagnement de mon film LUTINE, pour prolonger le dialogue avec les spectateurs/trices. Peut-être carrément un livre, d’abord un e-book, comme Hypatia from Space est en train de rédiger sur la compersion ? Il me semble que plus nous serons nombreux.ses à prendre la parole, à nous « outer », plus nous pourrons aider les autres, à s’assumer, elles et eux aussi, différent.e.s, et fier.e.s de l’être.
J’ai appris tout à l’heure que LUTINE serait projeté à nouveau à San Francisco (ou Berkeley ?) le 26 juin, le jour même de la fierté : Pride Day. Waouh !
En effet, depuis que j’ai entamé ce voyage, je me sens de plus en plus d’affinités et de connexions avec la communauté LGBTQI+. Jusqu’à présent, je faisais partie de la « norme » : femme cis hétéro blanche, en couple, deux enfants, séparée…
Et en même temps, je me suis toujours sentie « différente ». Je sentais que je ne rentrais pas dans les cases. J’étais tour à tour rebelle, et profondément déprimée : je n’y arriverais donc jamais, je ne comprenais pas comment fonctionnait cette société, ce qui régit les rapports entre les gens.
Deux éléments ont sans aucun doute contribué à ce que je me « réconcilie » avec moi-même, à ce que je commence à m’accepter telle que je suis : la découverte de ma douance, quand j’ai lu Je pense trop, de Christel Petitcollin, tout à fait « par hasard » (je l’avais contactée parce que je préparais un documentaire sur les violences psychologiques au sein du couple) et l’accueil dans la communauté poly parisienne, où j’ai découvert que beaucoup, comme moi, étaient « surefficients », neuro-droitiers, ou neuroatypiques.
Ce Voyage en Polyamorie marque en réalité mon coming out. Dans LUTINE, mon personnage adopte une position ambiguë – qui était la mienne, certainement, au moment où j’ai écrit et tourné : « Ce n’est pas parce qu’on fait un film sur les escargots, qu’on est hermaphrodite ».
Je craignais d’éventuelles retombées si je prenais « le risque » d’avancer au grand jour, je ne me sentais pas en sécurité, je parlais depuis une position de peur.
La semaine dernière, étrangement, au jour #13 de mon voyage, soit pile au milieu, juste après ma descente dans le ventre de la baleine, j’ai annoncé que je n’avais « plus peur du loup« .
C’est aussi (est-ce un hasard ?) le jour où j’ai écrit à propos de communication compassionnelle (autre nom donné à la CNV, Communication non violente).
Ai-je enfin compris – plus que « compris » : « ressenti » – ce que j’explique depuis des années à mes enfants : que quand quelqu’un.e vous attaque, vous juge, vous critique, vous dévalorise (« dévaloriser » : enlever de la valeur), c’est parce qu’ielle parle depuis le royaume de la Peur ? Que quand on ne sait pas communiquer autrement que par des menaces, du chantage…, c’est avouer sa faiblesse ?
En réalité, quelqu’un.e ne peut vous « dévaloriser » que si vous lui laissez ce pouvoir-là sur vous.
Un livre m’avait déjà grandement aidé.e, en me proposant un outil qui depuis m’est très précieux, celui d’une échelle de « ranking » et une de « linking »dans les relations humaines. Il s’agit de The Undervalued Selfde Elaine N. Aron, qui a par ailleurs beaucoup écrit sur l’hypersensitivité.
En gros (ou du moins, la manière dont je l’ai retenu), il y aurait dans les relations humaines, deux types de relations possibles :
– l’une hiérarchique, de domination, rapports de pouvoir (les parents sur les enfants, les professeurs sur les élèves, le patron sur l’employé, et avant, le mari sur la femme, avec son lot de « dominants » : les policiers, juges, patrons, hommes politiques, riches, têtes pensantes, etc.) : une échelle verticale, où les gens sont plus ou moins haut, plus ou moins bas, où certains dominent, d’autres sont dominé.e.s. C’est l’échelle du ranking (j’ignore comment cela a été traduit en français), et de la pénurie, où on a tout le temps peur de manquer, où on possède, au détriment de quelqu’un.e d’autre ;
– l’autre, horizontale, vertueuse, qui est l’échelle des relations d’amour, d’amitié, d’altruisme, gratuite, où l’on donne par plaisir, sans attendre de retour, des relations de générosité, de don, d’abondance : c’est l’échelle du « linking », du lien.
Elaine N. Aron explique que dans la nature, quand deux animaux se sont affrontés (par exemple deux loups) et que l’un des deux est vaincu, pour ne pas risquer la mort s’il continuait à se battre alors qu’il a été physiquement mis en échec, sa réaction physiologique, biologique, est de baisser la tête (et de rentrer la queue), en position de soumission, pour montrer allégeance. C’est une réaction naturelle d’auto-protection : il ne sert à rien de continuer à se battre contre plus fort que soi.
Dans Le Livre de la Jungle (magnifique adaptation récente au cinéma, remarquable scénario qui suit tout à fait à la fois le voyage du héros et celui de l’héroïne, avec la « brillance » intérieure (« être un homme » au pays des loups) avec laquelle le héros doit se réconcilier pour remporter la bataille finale), Mowgli et ses amis les loups ne remportent la victoire contre « plus fort qu’eux » individuellement (le tigre, Sherkhan) qu’en se montrant solidaires les uns avec les autres.
Eh bien, pour nous les humain.e.s, quand on subit une « défaite » (réelle ou projetée, sociale, judiciaire ou amoureuse), c’est la même réaction physiologique que l’on observe : on entre en « dépression« , on renonce à se battre, on s’avoue vaincu.e. Parce que soudain, on se projette dans une position de « ranking », sur une échelle sur laquelle l’autre (quel.le qu’ielle soit) serait (je dis bien « serait », car ce n’est qu’une pensée) plus haut, plus fort.e que nous.
Et la solution pour se sortir de cette « dépression », c’est de prendre conscience de ce phénomène naturel, physiologique, de l’accueillir en nous comme quelque chose mis en place par notre corps pour nous protéger et nous sauvegarder, de ne pas s’en culpabiliser, de ne surtout pas croire les pensées qui l’accompagnent, qui sont en réalité induites, crées par l’état même de dépression du corps, et le nourrissent en retour… et de s’en extraire en faisant du « linking »: se reconnecter à celles et ceux qui comptent vraiment pour nous, qui nous aiment sincèrement, et réciproquement, non pas pour ce qu’on leur apporte, ni pour ce qu’on représente, mais pour ce qu’on est(à nouveau, l’avoir et le faire… face à l’être).
Appliqué à la Polyamorie, ça pourrait donner : quand la personne que j’aime ou qui compte pour moi, choisit de passer un moment avec un.e autre que moi… parce la société, ma culture, mes parents, m’ont « appris » que c’était une « défaite », un « échec » de la relation, alors mon corps se met en « ranking », et mes pensées battent la chamade : il est plus beau, plus fort, plus puissant que moi, elle est plus belle, plus sexy, plus intelligente ; il lui fait mieux l’amour, elle suce mieux… Et quand on est en ranking, on déprime, et notre état dépressif nourrit nos pensées dévalorisantes, qui en retour nous font chuter dans une spirale négative.
Et quand on en prend conscience, quand on a intégré que cette réaction « spontanée » – qui peut tout aussi être « acquise », apprise, enseignée depuis notre enfance (car dans les sociétés matriarchales par exemple, que décrivent notamment les auteurs de Sex At Dawn, la jalousie n’a aucun sens, et les hommes et les femmes sont naturellement multi-partenaires, comme le sont les bonobos) – s’auto-alimente, alors on peut choisir de passer en mode linking, et de se rapprocher de nos ami.e.s, de notre famille, de nos autres amoureux.ses, de notre communauté.
C’est grâce aux liens et à l’Amour… que l’on va pouvoir quitter le pays de la soumission et de la Peur.
Fin de la parenthèse sur The Undervalued Self…mais voilà longtemps que ce paragraphe, pour le coup, me trottait en tête, et les attentats de novembre me l’avaient fait reporter, jour après jour, au cours de mes 21 jours de Mindsight.
Est-ce donc, disais-je, grâce à la CNV, que j’ai enfin ressenti, en me projetant par empathie dans la personne en face qui m’attaque, qu’ielle avait tout aussi peur que moi, voire plus ?
La CNV nous apprend à enfiler nos oreilles de girafe et à entendre, derrière l’attaque, le jugement, la critique… le besoin non satisfait qui s’exprime ainsi de manière « tragiquement suicidaire », comme l’écrit si justement Marshall Rosenberg.
Si la personne jalouse, par exemple, dit à son partenaire : Je t’interdis d’aller voir Machin.e ce soir, sinon je te quitte, on peut se dire, par exemple, si on n’a pas le décodeur : Je sais bien que c’est une menace vraisemblablement pour m’impressionner, mais au cas où quand même ielle mette sa menace à exécution, je préfère m’abstenir de le/la provoquer. C’est une expression « tragiquement suicidaire » de la personne jalouse, car sa victime ne ressentira que peur et mépris… (rien ne tue plus sûrement l’amour, que la contrainte et la peur), mais elle s’en moque : la seule chose qui compte pour elle sur le moment, c’est que son/sa partenaire n’aille pas voir Machin.e.
Si on a le décodeur en revanche, et si au lieu de projeter sur le/la jaloux.se et bourreau un regard « venu d’en haut », qui juge à notre tour (Il est pathétique, mais j’ai peur quand même), si on enfile nos oreilles de girafe, alors on peut entendre le besoin non satisfait : ielle a besoin d’être rassuré.e, ielle n’a aucune confiance en mon amour pour lui/elle.
Son attitude (de chantage et menaces, inacceptables par ailleurs) n’est pas quelque chose qu’ielle fait « contre moi », pour me détruire, m’annihiler, me rabaisser (lecture de ranking), mais la seule manière (tragiquement suicidaire) qu’ielle a trouvée pour sauver sa peau… Alors en effet, on peut être en compassion… et non plus en Peur.
Et au lieu de se dire : cette personne est toxique, cette personne est manipulatrice, cette personne fait exprès de me faire du mal, cette personne veut me détruire, on peut choisir de se dire : Cette personne ne sait pas s’exprimer autrement, et moi, j’ai le choix d’entrer ou non, de rester ou non, en relation avec elle, et par ailleurs, je ne suis pas obligé.e de croire ce qu’elle me dit.
C’est là où j’ai aussi libéré quelque chose en moi, je crois, grâce à la lecture des Quatre Accords toltèques et à La Maîtrise de l’amour, de Don Miguel Ruiz : 1. Que ta parole soit impeccable ;
2. Ne prends rien personnellement ;
3. Ne fais pas de suppositions ;
4. Fais toujours de ton mieux (qui rejoint L’Apprentissage de l’imperfection).
Si je ne fais plus la supposition que la personne en face de moi « veut me détruire », mais essaie juste, de manière tragiquement suicidaire, de satisfaire un besoin essentiel pour elle, alors je peux choisir de « ne pas le prendre personnellement » et de ne pas croire un mot de ce qu’elle me dit de moi : Je ne suis pas la personne qu’elle me dit que je suis. Je sais qui je suis, je sais d’où je parle (depuis le pays de l’Amour) et j’ai compris d’où elle, parlait (depuis le royaume de la Peur), et… je n’ai PLUS PEUR DU LOUP.
Waouh. En fait, je crois que c’est ça qui s’est passé en moi au cours de ce Voyage. L’avenir me dira si cette révélation – cette épiphanie, presque – restera en moi de manière durable, et surtout, m’aidera à vivre mes relations au quotidien. En attendant… j’ai le sentiment que c’est comme une porte qui s’ouvre en moi, une libération.
Je peux donner l’impression de m’éloigner de mon sujet de départ… mais en réalité, je ne crois pas.
Je crois que tout est lié : le patriarcat, la domination de l’homme sur la femme parce qu’en réalité, l’homme a peur de la puissance de la sexualité de la femme à laquelle il ne comprend rien (souvenez-vous de l’aveu d’impuissance de Freud : « Les femmes, c’est le continent noir« . Et pourtant, toute notre société, et une grande partie des psy fonctionnent avec ces références : au secours ! ) ; donc « l’instinct » (dicté par la peur) de propriété, de possession, de possessivité et les rapports de force et de soumission (la petite fille obéissait à son père, puis à son mari ; l’enfant obéissait à ses parents, la femme à son mari, le mari à Dieu ; une femme restait « demoiselle » tant qu’elle n’était pas mariée, et n’accédait au statut de « Madame » que par son mari ; une femme ne pouvait pas voter, ouvrir un compte en banque, avorter, disposer de son corps…).
Respect et pensées pour nos grands-mères, nos arrière-grands-mères et toutes ces reines (de mon article Fêtons les reines, qui était le nom de mon arrière-arrière-arrière grand-mère, en lignée féminine) grâce auxquelles nous sommes en vie aujourd’hui et qui se sont tant battues pour nous.
Donc le mariage bourgeois du XIXème siècle, qui permettait à l’homme de prendre possession du ventre de sa femme et de s’assurer que les rejetons auxquels il allait transmettre son patrimoine étaient bien de lui. Puis, au XXème siècle, apparition du mariage d’amour, qui remplace le mariage arrangé. Et où, au lieu d’étendre à la femme le privilège accordé jusque-là aux hommes (avoir plusieurs relations), on a au contraire étendu à l’homme la prison dans laquelle étaient tenues les femmes : exclusivité (appelée fidélité). Quelle absurdité.
Toutes et tous victimes du même système, des mêmes croyances : que l’être humain est « naturellement monogame », et que si on a envie d’aller voir ailleurs, c’est que quelque chose ne va pas, qu’on est « déviant.e », ou bien alors que ce n’est pas « le/la bon.ne ».
Mais si l’être humain était « naturellement monogame », comment expliquer que tant d’hommes et tant de femmes prennent encore le risque de l’adultère, au risque de perdre la famille qu’ils ont mis tant d’années à construire ? C’est bien qu’ielles sont poussé.e.s par quelque chose de plus fort d’eux, qui les dépasse. Et ce quelque chose, c’est cette pulsion naturelle à l’exploration, à la découverte, à la curiosité, à repousser nos limites, à sortir de notre zone de confort : c’est la vie en nous.
Le désir, la sexualité, est ce qui nous rend vivant, ce qui nous fait nous dépasser. Ce qui fait tourner le monde. Ce qui nous motive, profondément. Je milite fondamentalement, et depuis toujours, pour une sexualité positive, joyeuse, profonde. Une sexualité parfois sacrée, parfois plus ludique et légère. Une sexualité multiple, parce que nous sommes des êtres multiples.
Qu’est-ce qui nous reste, quand on arrive au seuil de notre vie ? Nos propriétés, nos réussites professionnelles ? Ou bien les gens qui nous ont aimé.e et qu’on a aimé.e.s, profondément, sincèrement ? Je pense évidemment au Rosebud de Citizen Kane.
Qu’est-ce qui fait tourner le monde ? Le pouvoir, ou bien l’amour et le sexe ? N’est-ce pas pour avoir plus de sexe et parce qu’ils n’ont pas assez reçu d’amour et qu’ils ne sont pas capables d’en donner, parce qu’ils jalousent les gens qui donnent et reçoivent de l’amour, parce qu’ils ne comprennent pas cette force qu’ont en eux les gens simples, mais heureux… que les hommes de pouvoir veulent « toujours plus » ? Ils croient – ou veulent croire – qu’ils peuvent acheter l’amour.
Or s’ils peuvent acheter le sexe, ils ne peuvent pas acheter l’amour. Parce que le pouvoir et l’amour ne se situent pas sur la même échelle : l’une de ranking, l’autre de linking.
La domination de l’homme sur la femme, le système patriarcal… ont conduit à la monogamie – théorique pour l’homme au début, imposée à la femme (comme dans bien des pays encore, où les femmes adultères sont lapidées – cf Timbuktu, qui est l’un des films les plus forts et les plus terriblement bouleversants que j’aie vus ces dernières années)… … et puis ce système s’est refermé sur les hommes eux-mêmes, quand la monogamie s’est imposée à eux aussi petit à petit, suivant le mythe de l’Amour romantique.
Aujourd’hui, tout le monde est piégé dans le même système absurde, où nos croyances sont chaque jour mises à mal, où plus rien ne tient la route.
Car les femmes ont acquis leur autonomie, leur indépendance, elles n’ont plus « besoin » des hommes, elles s’assument, professionnellement, financièrement. La révolution sexuelle est passée par là, la contraception, l’avortement.
Tandis que des hommes – certains hommes, héritiers du machisme, de la misogynie de leurs pères – continuent pourtant à essayer de les dominer, de les réduire à des objets.
Les créatrices de la Conférence gesticulée sur le consentement me l’ont appris et ont contribué à ce que le voile se lève enfin pour moi : ce qui motive un viol n’est pas tant un désir irrépressible, une pulsion irrésistible (ça, c’est ce qu’ils veulent croire, ce qu’ils veulent nous faire croire), mais la volonté de dominer, d’écraser l’autre, de le/la faire taire. Cette résistance qu’elle oppose, cette liberté qu’elle affiche, cette sexualité libre et affolante… sont insupportables. Il leur faut la réduire à néant, l’écrabouiller, l’anihiler.
Quel rapport entre les violences faites aux femmes, le système patriarcal, la domination de l’homme sur la femme… et la Polyamorie ? Tout.
Le rapport, c’est la violence au fondement de la violence : la violence éducative ordinaire (VEO). Lisez cet article bouleversant de Frédérique Herbigniaux, sociologue belge : La Violence éducative ordinaire : enfant du patriarcat.
Cette violence avec laquelle on est toutes et tous élevé.e.s, cette violence qui nous est tellement « ordinaire », qui est tellement ancrée en nous, qu’on n’en a même pas conscience.
Cette violence qui fait que, quand on ressent une sensation désagréable (qu’on appelle « émotion négative ») dans notre corps, on l’attribue à l’autre. Si j’ai mal, c’est parce que l’autre a « fait » quelque chose. Et si je veux que cette souffrance en moi cesse, alors j’ai le « droit » de tout faire pour que l’autre change son comportement, puisqu’il s’agit – je le crois – de ma « survie » : menaces, chantage affectif, contraintes de toutes sortes, punitions (ou son contraire : la récompense, qui fait partie du même système) et, si ça ne marche pas, les grands moyens : la force et la violence physiques.
C’est la croyance à la racine de toute la violence.
Or si on écoute Marshall Rosenberg, si on se forme à la CNV, si on apprend à « enfiler nos oreilles de girafe » et à entendre le besoin non satisfait derrière ces expressions tragiquement suicidaires (Je veux que cette sensation désagréable cesse), alors il me semble que l’autre devient absolument, intrinsèquement AUTRE, tout aussi LIBRE que moi. Je suis libre, mais toi aussi, tu es libre.
Je suis responsable de mes émotions et de mes réactions, et toi aussi, tu es responsable de tes émotions et réactions. En aucun cas et en aucune manière, je ne peux envisager utiliser « contre » l’autre, la moindre mesure coercitive, ou de contrainte.
Je ne « possède » pas l’autre. L’autre s’appartient à lui/elle-même. Et si ielle n’a pas envie d’être en relation avec moi, alors je ne peux fondamentalement pas l’y obliger.
Je ne peux parler que d’une position d’amour, de confiance et de liberté.
Je sais à tout moment que l’autre ne fait rien « contre » moi : ielle vit son propre rêve, et poursuit son propre chemin.
Et si ielle essaie de me contraindre à quoi que ce soit, si ielle se croit, s’attribue, le moindre « droit » sur moi, c’est parce qu’ielle parle depuis le royaume de la Peur.
À moi, alors, de décider en conscience, si je souhaite – ou non – continuer cette relation.
(Évidemment, quand on parle de relations entre un enfant et son parent, c’est plus compliqué pour l’enfant / adolescent de se protéger en se retirant de la relation : c’est la raison pour laquelle les parents ont d’autant plus le devoir fondamental de respecter l’autre intrinsèquement en leur enfant).
Si je suis dans une relation d’amour, d’amour vraiment… d’amour où j’accepte l’autre tel.le qu’ielle est, autre, séparé.e de moi, autonome, libre, et si je construis avec lui/elle une relation d’amour et de confiance, alors je sais que si ielle a envie de vivre d’autres relations en dehors de moi, ce n’est pas « contre » moi, c’est « pour » lui/elle, parce qu’ielle en a besoin, sur son chemin de sa vie.
Si je peux alors maintenir avec l’autre une communication compassionnelle, si je choisis, décide de ne pas projeter (3. Ne fais pas de suppositions), de ne pas le prendre contre moi (2. Ne prends rien personnellement), si dans tous les cas, et même quand les émotions me font valdinguer dans les tours, quand j’ai envie de pleurer, de crier, quand je suis en colère, quand je me « sens » trahi.e (c’est une pensée)… si je sais que ce sont des émotions, donc par définition passagères, éphémères, si dans tous les cas, donc, je choisis de maintenir le lien et la connexion, ou de le reconstruire quand il a été malmené, parce que fondamentalement, j’ai confiance dans l’amour et la bienveillance de l’autre envers moi… alors j’accepte que l’autre puisse trébucher, puisse ne pas être parfait.e en toutes circonstances, puisse faire des choix suite auxquels je peux me sentir en insécurité… Et je choisis de travailler à rétablir la connexion d’amour.
Pour moi, la CNV, les Quatre Accords toltèques, l’accueil des émotions, la Mindsight, si on suit leur logique interne d’acceptation de l’autre comme un être libre et autonome, nous conduisent à la Polyamorie comme la seule façon réellement éthique d’envisager les relations entre les êtres.
Sachant que « Polyamorie » ne veut pas dire « relations plurielles », mais bien : possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques. Dans lesquelles entre totalement pour moi la possibilité de choisir la Monogamie en conscience.
Pour moi, la Monogamie choisie en conscience, consensuelle et éthique, fait partie de la manière dont je comprends, envisage et définis la Polyamorie.
L’idée est de savoir que la Monogamie est un choix, de même que la Polyamorie est un choix, et qu’en réalité, tout est envisageable et acceptable à partir du moment où on peut en parler librement, assumer qui on est ou ce que l’on souhaite pour soi-même, sans craindre des mesures de rétorsion (chantage affectif, drame, crise, conséquences, punitions), et où chacun.e est libre de déterminer pour soi le type de relations qui lui convient.
Pour moi, la Polyamorie est bien à l’inverse absolue du système de domination patriarcale – l’idée fondamentale à la base étant que les êtres humains, quels qu’ils soient, sont libres et égaux en droit.
La Polyamorie est égalitaire. L’égalité stricte, absolue et non négociable entre les partenaires est à la base de ces relations choisies en conscience. Donc absolument féministe. Fondamentalement féministe. Au sens de pro-femmes, et contre le système patriarcal – pas contre les hommes. En Espagne, les polyamoristes sont féministes, les féministes, polyamoristes.
[Connaissez-vous cette vidéo du premier Ministre canadien, Justin Trudeau, qui dit : « Je continuerai à affirmer haut et fort que je suis un féministe, jusqu’à ce que cette affirmation soit reçue par un haussement d’épaules » ?]
Notre combat est le même, femmes et hommes féministes (les vrais !) : contre le système de domination patriarcale. Contre cette société de domination des plus forts sur les plus faibles, des hommes sur les femmes, des majorités sur les minorités, des parents sur les enfants, de « ceux qui savent mieux que les autres » sur les autres.
Pour moi, la CNV et les Accords toltèques amènent à cette libération des relations entre les personnes, de même qu’à l’abolition de la violence éducative ordinaire.
Polyamorie, éducation bienveillante et positive, entreprises libérées… même logique, même évidence. Tout fait sens. Tout est cohérent, interconnecté.
Dans la mesure où, je l’ai dit, pour moi une Monogamie choisie en conscience, consensuelle et éthique, fait partie de la manière dont je comprends, envisage et définis la Polyamorie (la « possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques), alors peut-être faudrait-il en réalité lui trouver une autre appellation ?
Le « libre amour » ? (parce que l’amour libre est déjà pris…). Liberté fondamentale de chacun.e de choisir pour lui/elle, les relations qui lui conviennent, de façon consensuelle et éthique. Sans contrainte d’aucune sorte. Sans jugement. Tout est possible, tout est envisageable, du moment que toutes les personnes concernées sont fondamentalement d’accord et de manière enthousiaste. Des relations en conscience.
C’est, si j’ai bien compris, le sens de Designer relationships: des relations qu’on se choisit, qu’on se dessine sur mesure. L’amour à la carte ? Des relations sur mesure ?
Comme on a l’éducation bienveillante ou positive, la psychologie positive et la sexualité positive… on aurait les amours positives ?
J’aimerais bien un nom de pays, comme la Monogamie ou la Polyamorie. Parce que Voyage en Amours positives, ça sonne tout de suite moins bien…
La libre Amorie ? Hahaha !
Manifeste des amours libres et positives.
Puisqu’en France, c’est « polyamour » qui a dominé le terrain sémantique jusqu’à présent, Françoise Simpère parlant pour sa part plutôt d’amours plurielles ou de lutinage, je peux peut-être choisir d’adopter, moi, la Polyamorie.
Dans laquelle j’inclurais la Monogamie choisie en conscience.
Car l’enjeu fondamental est qu’il s’agit de relations déterminées, dessinées sur mesure, de manière consensuelle et éthique, avec un consentement enthousiaste de toutes les personnes concernées.
On peut donc très bien imaginer que deux personnes, après en avoir discuté ensemble, décident d’adopter… jusqu’à la prochaine discussion, négociation, une monogamie librement consentie. Mais qu’elles en aient discuté, et qu’il soit convenu, qu’à la seconde même où l’un.e d’entre eux a envie d’ouvrir la relation, on en rediscute.
Si l’un.e a envie d’ouvrir et l’autre non, alors chacun.e doit décider en conscience… si ielle désire rester dans cette relation – ou non.
Et si les deux sont d’accord pour ouvrir, parce qu’ielles ont confiance l’un.e en l’autre, que rien ne sera fait sans tenir compte des émotions de l’un.e et de l’autre, alors ielles ouvrent, en discutant des modalités.
Si la Polyamorie est bien définie comme la possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques, il me semble qu’est incluse dedans la possibilité de relations exclusives. Dans ce cas, gardons le nom, mais changeons les termes de la définition ?
La possibilité de choisir en conscience le type de relations – exclusives ou non-exclusives – qui nous convient, de manière consensuelle et éthique.
Est-ce cela que Brigitte Vasallo (poly activiste espagnole) appelle des relations « inclusives » ?
Est-ce que le contraire d’exclusives serait « inclusives » et non « non-exclusives » (double négation) ?
La Polyamorie serait alors la possibilité de relations inclusives, consensuelles et éthiques ?
C’est sur cette interrogation à laquelle je n’ai pour l’instant pas de réponse, que se terminent mes 21 jours de Voyage en Polyamorie.
Je me sens heureuse et libérée. Fondamentalement, je me rends compte que ma revendication (et non « combat », car je souhaite rester positive : je lutte pour, et non contre quelque chose) va dans le sens de la liberté de choisir des relations en conscience, telles qu’elles conviennent à chacun.e d’entre nous.
Il ne s’agit pas pour moi de lutter contre la Monogamie, mais contre le système patriarcal qui impose la Monogamie comme une norme par défaut.
Si la Monogamie vous convient, à l’un.e et à l’autre, et que vous êtes d’accord que ce n’est que pour un temps donné, tant que ça vous convient, et non « pour toute la vie », alors tout va bien !
Je ne vois pas comment on peut s’engager pour l’avenir sur des éléments aussi fluctuants, éphémères et passagers, que des émotions et des sentiments.
La Polyamorie, en cohérence avec la Mindsight, la méditation de pleine conscience (Mindfulness) et l’accueil des émotions en nous, nous invite à vivre au moment présent, ici et maintenant.
Je t’aime, ici et maintenant. Demain, j’en aimerai peut-être un.e autre, en plus. Ou tellement en plus, qu’ielle prendra de plus en plus de place, et que nous en viendrons peut-être à rediscuter de notre relation, à la faire évoluer, transitionner vers un autre type de relation, moins impliquante, moins quotidienne peut-être.
Tu es libre. Je suis libre. Nous sommes en relation parce que nous le souhaitons l’un.e et l’autre, en conscience, de manière consensuelle, éthique, et enthousiaste. Ici et maintenant.
Je ne peux pas m’engager, tu ne peux t’engager, sur des sentiments. Mais bien sur un comportement, le plus possible (4. Fais de ton mieux) éthique et respectueux, de moi-même, de toi-même, des émotions de l’un.e et de l’autre, et de toutes les personnes amenées à entrer en relation avec l’un.e ou l’autre d’entre nous. Sans jugements, sans projections, sans suppositions. Dans l’écoute, la confiance, le respect et la bienveillance de toutes et tous.
Waouh. Tout un programme.
Hâte de lire vos commentaires, vos témoignages, vos réactions. L’espace ci-dessous vous est réservé et vous y êtes les bienvenu.e.s
Et à demain, bien que ce Voyage en Polyamorie soit désormais terminé, pour un récap’ des 21 articles.
Avec amour et bienveillance,
Isabelle
NB. Je dédie cet article à toutes mes amies proches qui m’ont aidée, guidée, soutenue, inspirée, tout au long de ce Voyage : Élisende, Patricia, Laura, Frédérique, Malika, Anne, Tamara, ainsi qu’à Muriel Salmona. Et à l’homme avec lequel je partage tant depuis bientôt cinq ans, qui m’a tant donné et qui m’aide à devenir moi-même, une meilleure moi-même, à ses côtés, jour après jour, pas à pas, et chaque jour de mieux en mieux.
La position que j’ai adoptée au début de ce Voyage en Polyamorie (qui est la mienne et n’engage que moi !) est celle de ma désillusion à propos de l’idéal de la Monogamie, petit frère du mythe de l’Amour romantique, dont on nous rabat les oreilles à longueur de films et d’articles de journaux, et qui ne résiste pas, à mon sens, à un regard un peu critique sur ce qu’il se passe en réalité en coulisses, derrière les rideaux de la scène de théâtre sur laquelle nous jouons toutes et tous.
Qu’on ne se méprenne pas : je suis heureuse, profondément et sincèrement, pour les couples qui vivent heureux et épanouis en vraie Monogamie choisie en conscience, et renouvelée de leurs vœux jour après jour.
Ma motivation à entreprendre ce Voyage, et qui est, au fond je crois, la même que pour mon film LUTINE, est d’informer les autres, celles et ceux pour lesquel·les cet idéal inatteignable est écrasant et culpabilisant, qu’il existe d’autres manières de vivre les relations amoureuses que vivre en Monogamie hypocrite, frustrante ou résignée.
Si je ressens en moi ce besoin de transmettre, de créer les conditions pour des débats, c’est sans doute parce que, comme mon personnage au début de LUTINE : « je me dis que potentiellement, [le sujet de la polyamorie] peut intéresser tout le monde, et aider peut-être tout le monde… Parce que l’amour, les histoires d’amour, de couple, de fidélité, d’exclusivité ou pas, ça concerne tout le monde, et je crois en même temps que c’est facile pour personne… ».
Et aussi parce qu’ayant entrepris le voyage moi-même il y a quelques années, grâce à un ami qui m’a fait découvrir le concept alors que je sortais de plus de vingt ans de relations de couples décevantes et douloureuses, me permettant de me réconcilier avec l’Amour et d’envisager à nouveau des relations heureuses, éthiques et en conscience ; parce qu’étant passée par le ventre de la baleine (#9), et étant remontée grâce au soutien constant et bienveillant de nombreuxes ami·es autour de moi et de toute une communauté dont j’ai découvert, en présentant LUTINE à l’étranger (Lisbonne, Barcelone, Rome, Vienne, San Francisco, bientôt New York, Montréal) qu’elle était encore plus riche que je ne l’imaginais, car internationale, je me sens aujourd’hui dans cette position de l’héroïne – en toute modestie ! – qui ayant « choisi sa lumière » (#17), tend à son tour la main à celles et ceux qui seraient curieuxes d’entreprendre le voyage.
Aussi vraisemblablement, je l’avoue, parce qu’ayant écrit et conçu LUTINE à la fois comme une comédie, un divertissement, mais aussi un outil pédagogique, qui donne des éléments et des clés pour des débats après les projections, je me sens une forme de responsabilité vis-à-vis de tou·tes ces spectateurices qui vont découvrir la Polyamorie à travers mon film… afin de les mettre en garde contre des tentatives de se lancer dans l’aventure qui n’auraient pas été suffisamment préparées et réfléchies.
Aussi enfin, parce qu’en démocratisant, vulgarisant, médiatisant le sujet (je ne suis évidemment pas seule, c’est dans « l’air du temps », il y a de plus en plus d’articles ou de reportages), j’ai tout à fait conscience que la Polyamorie risque d’attirer de nombreux profiteurs, pour ne pas dire « prédateurs », des gens qui penseraient trouver parmi la « communauté » de la chair fraîche et disponible, tel le producteur joué par Philippe Rebbot dans LUTINEqui demande : « Est-ce que quand on est polyamoureuse, on couche plus facilement ?
J’ai l’intuition que risquent de débarquer dans les cafés poly, qui font des petits un peu partout en France, dans les groupes Facebook ou sur le forum de polyamour.info, tout un tas de « faux-poly » ou de poly-fakes, qui auront intégré le discours et viendront « chasser de la meuf ».
C’est pourquoi il me paraît important, fondamental même, de dire, écrire, répéter, marteler, encore et encore, que vivre en Polyamorie, ça ne veut pas seulement dire pouvoir vivre en parallèle plusieurs histoires intimes (sexo-affectives, comme on dit en Espagne), mais avant tout, les vivre de façon éthique et consensuelle.
Qu’il est essentiel que toutes les personnes concernées soient non seulement au courant, mais aussi d’accord, profondément ; et qu’il s’agisse d’un consentement enthousiaste (d’un Fuck yes !), et non d’un consentement mou, ou qui aurait été concédé sous une quelconque pression ou contrainte.
Il me paraît tout aussi important de former les gens aux différents outils d’accueil des émotions, mais surtout de communication, et en particulier à la communication non violente, aussi appelée communication compassionnelle.
Quand on pratique la Polyamorie — comme on pratiquerait un art martial — on se rend vite compte, confronté·e à des peurs dont on est habituellement épargné·e en Monogamie, qu’on a tout intérêt à développer des outils spécifiques pour faire face aux émotions qu’elles réveillent en nous, et qui peuvent parfois être violentes ou bouleversantes.
La CNV (communication non-violente : cf mon coin-lecture) nous apprend que nos émotions et nos réactions nous appartiennent : l’autre ne peut pas être tenu·e pour responsable de notre colère par exemple, ce qu’ielle a fait n’est qu’un « déclencheur ».
Si maon partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux : soit le vivre comme un manque de respect ; soit en être content·e parce que j’ai grappillé un quart d’heure de travail ; soit être en panique parce que j’ai peur qu’ielle n’ait eu un accident.
Ce qui me met en colère n’est donc pas que l’autre arrive en retard, mais ce que je projette sur son comportement. Si pour moi, sa ponctualité est un signe que je compte pour ellui (ou pas) et que je manifeste ma colère quand ielle arrive en retard, ce qui est en jeu – mon besoin derrière cette colère – est mon besoin de réassurance, qui n’a pas été satisfait ; si c’était un rendez-vous de travail et que je comptais dessus pour avancer, alors c’est ma frustration qui s’exprime.
Marshall Rosenberg nous invite à chercher le besoin non satisfait derrière nos émotions, et particulièrement de notre colère.
Certes. Mais quelqu’un.e qui appliquerait la CNV de manière abusive, pourrait chercher à imposer à l’autre ses manières de voir, en lui disant : Si tu es en colère, c’est ton problème. Mon besoin à moi était d’arriver en retard.
La Polyamorie n’est pas seulement une manière différente de vivre ses relations amoureuses, c’est aussi une philosophie de vie. Qui peut être évidemment totalement pervertie, si elle n’est pas pratiquée de façon éthique.
Je pense qu’à titre personnel, je suis d’autant plus entrée de manière enthousiaste en Polyamorie il y a quelques années qu’à l’époque, j’y voyais un moyen de me protéger des personnes toxiques et manipulatrices. Je n’avais en effet plus confiance dans mon instinct, qui m’avait déjà trompée par le passé, et je craignais, si je renouais une relation amoureuse, de ne pas repérer d’emblée un comportement toxique. Le fait de pouvoir vivre plusieurs relations en parallèle me donnait l’impression d’être protégée d’un manipulateur qui ne pourrait alors pas me couper des autres sans qu’ils ne s’en rendent compte.
Aujourd’hui, je ne pense plus qu’il suffise de vivre en Polyamorie pour être protégé·e des relations toxiques. Et je pense au contraire précisément qu’il est urgent de développer dans la société – pas seulement pour les polyamoristes, mais pour tou·tes — et ce, le plus tôt possible, dès l’enfance, des outils afin que chacun·e puisse développer des antennes qui l’alertent contre des comportements qui ne sont pas acceptables.
On n’a pas le droit – PAS LE DROIT ! – de critiquer, juger, dévaloriser, humilier, rabaisser l’autre, de faire du chantage, de menacer de représailles si quelqu’un·e ne fait pas ce qu’on souhaite. On n’a pas le droit de læ contraindre d’une quelconque manière, de minimiser ses émotions : Tu es trop sensible, tu fais des histoires pour rien, tout ça n’est pas très grave.
C’est la logique, la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO) dans laquelle on a grandi. On y est tellement habitué·e que si on ne nous apprend pas à en repérer des symptômes, les « trucs », on peut très bien ne même pas en avoir conscience.
Et pour peu qu’un·e manipulateurice ait parfaitement intégré le discours poly, les outils, les codes, le vocabulaire, ielle peut très bien renverser les outils de CNV pour son intérêt propre.
La CNV nous apprend à entendre les besoins non satisfaits derrière ce que Marshall Rosenberg appelle de manière très émouvante, je trouve, des tentatives d’expression « tragiquement suicidaires ». Mais il ne s’agit pas non plus, en contrepartie, d’offrir de l’empathie à quelqu’un·e qui en abuserait et ne ferait pas preuve de la même empathie envers nous.
Pour développer des relations saines et équilibrées entre deux personnes, il est nécessaire que les deux soient sur la même longueur d’ondes. Une des règles de base d’une relation équilibrée, écrit Michel Bozon dans La Pratique de l’amour, est la réciprocité. Au début d’une relation, je me livre, l’autre se livre, puis moi, puis ellui. Chacun·e donne de soi, s’offre en cadeau, se confie, à tour de rôle. Si une relation n’est que dans un sens, si l’un·e donne et l’autre pas, c’est très vite déséquilibré.
Il me semble qu’il est du devoir – moral et impératif – de l’ensemble de nous tou·tes, de transmettre ces outils, ces expériences, de raconter nos balbutiements, nos plantages, nos galères…
La Polyamorie est un mode de relations qui insiste sur le côté éthique des relations à l’autre : égalitaire, féministe par définition, compassionel. Ce n’est pas pour rien si le bouquin de référence mondial (jusqu’à More Than Two) était La Salope éthique: éthique, la salope !
Il s’agit de faire attention à l’autre, pas d’utiliser les outils développés en CNV pour lui faire avaler des couleuvres.
Quand le personnage d’Isa dans LUTINE, découvrant un article sur la jalousie dans La Salope éthique, le traduit par : « Ta jalousie t’appartient, tu ne peux pas m’en tenir pour responsable », son partenaire lui répond à juste titre : « Si tu couchais pas avec ton comédien dans ton lit pendant que je suis au bureau, j’aurais pas de problème à gérer. » Chacune des phrases commençant par « tu » ou « ta », ceci n’est typiquement pas un dialogue en CNV : en CNV, on parle de soi, de son ressenti, de ses besoins.
Notons aussi que la CNV est avant tout une invitation à travailler sur soi-même et non une exigence à ce que les autres travaillent sur elleux-mêmes !
La polyamorie, contrairement à ce que pense ma grand-mère, ce n’est pas « coucher avec n’importe qui n’importe comment« . Il s’agit de relations éthiques, en conscience. On choisit de vivre dans l’honnêteté (ce qui ne veut pas dire « transparence »), sans tricher, sans mentir, sans tromper. Et dans l’écoute et l’accueil compassionnel des émotions des un·es et des autres.
Ce que l’on dit souvent à l’intention des « débutant·es » ou des poly-curieuxes, c’est : Prenez votre temps. Avancez à votre rythme, et singulièrement, au rythme de la personne la plus lente (formule qui nous vient de More Than Two). Ne forcez pas les choses, ne passez pas en force, vous créeriez des précédents traumatiques, qui rendraient les choses encore plus compliquées par la suite.
À nous tou·tes d’être vigilant·es et de dénoncer les comportements abusifs, les chasseurs dans les cafés poly ou dans les groupes Facebook. Si quelqu’un.e vous importune, vous demande en MP alors que vous ne læ connaissez pas, dénoncez-læ, aux modérateurices des groupes, aux organisateurices des événements publics.
Ne subissez pas en pensant que ce sont des comportements normaux. Ne banalisons pas la violence.
Depuis quelques jours, les voix s’élèvent dans la société – des femmes, mais aussi des hommes féministes – pour dénoncer le harcèlement et les violences sexuelles. Osons parler ! C’est important, aussi dans les milieux poly. Nous ne sommes pas plus épargné·es que partout ailleurs dans la société, et nous le serons d’autant moins que nous sommes de plus en plus exposé·es. Sachons nous montrer exemplaires et préserver nos lieux de vie poly de manière à ce qu’ils restent sécures.
Et vous, quelle est votre expérience des cafés poly ou des groupes Facebook ? Y avez-vous déjà rencontré des poly-fakes ou faux-poly ? Racontons nos expériences ! Libérons la parole !
L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : vous y êtes les bienvenu·es !
À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle
(*) Je vous encourage à lire dans les commentaires à la suite de chacun de mes articles, ceux de mon amie Elisende Coladan : ils se répondent, se complètent, d’une manière que je trouve réjouissante et fort inspirante, montrant par l’exemple ce que nous avançons, je crois, l’une et l’autre : qu’il y a autant de façon de vivre la Polyamorie que de polyamoristes ; et qu’il est avant tout important pour chacun·e de vous / nous, de savoir ce qu’ielle attend de la vie et des relations, et de les définir pour soi en fonction.
Après l’accueil des émotions en nous (quand on tente de les ignorer, voire de les refouler, quand on en a honte ou qu’elles nous culpabilisent… elles nous contrôlent d’autant plus que nous n’en avons pas conscience) et la psychologie positive (#11), après la mindsight (#12), l’art d’observer le fonctionnement de notre cerveau – et celui des autres – pour mieux avancer en harmonie avec nous-même, un autre outil remarquable – et pas seulement pour des relations en Polyamorie, mais plus largement pour des relations en conscience et dans le respect mutuel : la communication non-violente (CNV), développée par Marshall Rosenberg, et que je préfère appeler « communication compassionnelle » pour rester dans une définition positive et non en « non-quelque chose ».
Il ne s’agit bien sûr pas ici d’ériger ces outils en « modèles » ou « mode d’emploi » et on peut évidemment communiquer de manière plus spontanée dans une relation intime ou dans la vie de tous les jours : la CNV est simplement un outil de plus – un outil de choix – quand parfois les émotions sont fortes – ce qui est souvent le cas quand on voyage en Polyamorie et que l’on s’aventure vers des contrées inconnues et des situations inédites qui nous confrontent avec nos peurs parfois profondément ancrées et que notre vie en Monogamie ne nous avait jusqu’à présent pas permis d’explorer.
Voilà l’une de mes philosophie de vie : vivons chaque difficulté comme une expérience nous permettant de mieux nous connaître et de nous approcher de notre moi profond. Il n’y a pas/plus d’échecs : il n’y a que des expériences qui nous font avancer sur notre chemin. Comme un.e enfant qui apprend à marcher. Comme quand on apprend une langue étrangère ou à jouer d’un instrument de musique : il ne vous viendrait pas à l’idée de vous attendre à en maîtriser parfaitement toutes les subtilités du premier coup ?
Eh bien en Polyamorie, comme dans tout, c’est pareil : vous allez tomber, vous relever, tituber, vous rattraper, avoir le mal de mer, puis moins, puis avec un peu de chance, plus, et petit à petit, vous aurez le pied marin – ou pas. Car certaines personnes ne s’habituent jamais au tangage et aux roulis, et préfèrent la terre ferme. Et alors vous déciderez – en conscience, et fièr·e de vous d’avoir au moins essayé – de retourner au port, pour peut-être repartir une fois prochaine – ou pas.
J’aime beaucoup cette expression « – ou pas », qui me vient de Susan Jeffers, et permet souvent de relativiser une situation et d’éviter de s’accrocher à trop d’attentes, comme on s’arrimerait au bastingage en espérant que ça nous permettrait d’affronter la tempête : si on s’arrime au bastingage, quand le bateau coule… on coule avec !
En réalité, tant qu’on n’a pas essayé, on ne peut pas savoir comment on va réagir. Et il ne sert à rien d’anticiper ou de « faire des suppositions », selon l’expression de Miguel Ruiz dans La Maîtrise de l’amour : car, comme pour tout, ce n’est qu’en faisant qu’on apprend à faire.
Et à nouveau, au risque d’insister : si vous renoncez, ou mettez sur « pause » pour un temps, ce ne sera pas non plus un « échec » – juste une étape dans votre voyage.
La communication compassionnelle nous donne des outils concrets, précis, pour nous aider à dénouer une situation possiblement conflictuelle, ou dans laquelle les émotions de l’un·e et de l’autre des partenaires sont tellement fortes, qu’ils n’arrivent pas toujours à s’entendre… ou même à s’écouter.
Elle nous apprend aussi à entendre et écouter l’autre… avec des oreilles nouvelles. Marshall Rosenberg parle d’enfiler nos oreilles de girafe ! Il aime en effet dire qu’il y a deux types de communication : celle qui parle en « langage chacal » (en critiques, accusations, jugements… dont on n’a même pas toujours conscience, celle qui dit « tu » (tu n’as pas fait ceci, tu as fait cela, tu ne me respectes pas… ou Je ne me sens pas respecté.e – ce qui en réalité, bien qu’on parle en « je », renvoie malgré tout à une critique de l’autre), et celle qui parle en « langage girafe », la girafe étant selon lui, l’animal qui a le plus gros cœur (plus gros qu’un éléphant ? m’a demandé ma fille : je ne sais pas, je n’ai pas vérifié…).
Marshall Rosenberg a (avait – il est malheureusement décédé il y a peu…) pour habitude de parler lors de ses conférences ou ateliers en utilisant deux marionnettes : l’une de girafe, l’autre de chacal. Et il jouait à tour de rôle les deux protagonistes d’une même discussion. Ou bien répondait en langage chacal ou en langage girafe aux remarques de ses interlocuteurs. Il est fascinant : si vous parlez un peu anglais, regardez une de ses vidéos (dont les propos sont retranscrits mot pour mot dans certains livres), c’est passionnant, drôle, et tellement instructif !
L’idée est d’écouter, d’écouter vraiment… avant de parler soi-même. D’écouter avec un esprit d’empathie. Et d’écouter jusqu’au moment où l’autre a reçu assez d’empathie… qu’il peut alors vous écouter à son tour. On rejoint bien évidemment ici les préceptes de l’accueil des émotions et de l’intégration chère à Dan Siegel quand il nous décrit ce qu’il se passe dans notre cerveau.
J’ai parlé hier du cerveau dans la main (#12). Dan Siegel utilise une autre image que je trouve très parlante : celle d’une maison où le cerveau émotionnel serait représenté par le rez-de-chaussée (les fonctions essentielles, vitales : la cuisine, la salle de bains, la chambre à coucher, la salle à manger, la buanderie), et le cerveau rationnel par le 1er étage (le bureau, le salon, la bibliothèque, les pièces qui nourrissent notre « raison »).
Quand les émotions sont trop fortes, c’est comme si on coupait la communication entre le cerveau du haut et le cerveau du bas, comme si on fermait l’accès au 1er étage : les deux étages ne communiquent plus.
Rien ne sert alors, d’essayer de s’adresser à quelqu’un·e en langage qui se veut « raisonnable » ou rationnel : ielle ne vous entend / comprend pas. Il faut attendre que les émotions aient été accueillies, et entendues (c’est là que joue l’empathie de Marshall) jusqu’au moment où les deux parties du cerveau peuvent à nouveau communiquer, pour ensuite pouvoir parler de manière raisonnable ou rationnelle.
Dan Siegel, avec ses travaux sur le cerveau, nous explique scientifiquement ce que Marshall Rosenberg avait observé empiriquement.
Donner de l’empathie… jusqu’au moment où cellui qui en avait besoin, peut vous en donner à son tour, et vous écouter à son tour. Alors seulement, vous pouvez vous exprimer.
Et dans une relation, quand l’un·e et l’autre ont des enjeux forts (par exemple, l’un·e qui a envie de vivre une nouvelle relation, l’autre qui en a peur…), il n’est pas toujours facile de s’écouter, d’être capable d’écouter l’autre sans vouloir se faire entendre à son tour, là maintenant tout de suite.
Ou il n’est pas facile d’entendre l’autre nous faire des reproches sans céder à la tentation de nous « défendre » ou de nous « justifier ».
D’où l’intérêt d’apprendre déjà dans un premier temps à parler au « je », sans faire de reproches ou de critiques, sans rejeter la faute sur l’autre. Sans dire Je me sens mal parce que tu as fait ceci ou cela. C’est tout un changement de paradigme dans la communication traditionnelle, là encore.
Que nous apprend la communication non violente ? À parler au « je » : à exprimer nos émotions, nos sentiments, nos besoins, nos demandes.
Et à être capable d’entendre ceux de l’autre… même quand ielle ne s’exprime pas en langage « je » : être capable d’entendre le besoin non satisfait… derrière l’accusation, le jugement ou la critique !
Ouh la ! On met la barre haut ! Oui, et c’est bien cela qui est passionnant… et mind-blowing.
Si je vous la fais courte (je vous encourage à dévorer ne serait-ce que le petit livre aux éditions Jouvence : 4,90€ qui les valent largement !), on communique en 4 points essentiels :
1) On observe : quand… tu fais ceci ou dis cela (précisément : pas quand tu rentres tard, mais quand tu arrives avec un quart d’heure de retard sur l’horaire convenu) : parler en langage scénario (des descriptions, des faits, pas de jugements ou de suppositions, pas de généralités ou d’approximations… comme lors d’une déposition au poste de police).
2) On décrit le sentiment ou l’émotion que cela éveille en nous : Je me sens… (en colère, triste, agacé.e, angoissé.e – pas pas respecté.e, pas entendu.e, pas aimé.e : ce sont des projections).
3) On exprime son besoin : j’ai besoin que quand on se met d’accord sur le cadre, il soit respecté ; si tu es en retard, j’ai besoin que tu me préviennes.
4) On fait une demande précise : serais-tu d’accord pour...
Justement, vous avez sûrement déjà entendu parler de la communication non violente : avez-vous déjà essayé de la pratiquer en conscience ? Racontez-nous vos expériences dans les commentaires ci-dessous, partageons ! J’aimerais organiser des ateliers de communication compassionnelle sur Paris : est-ce que cela pourrait vous intéresser ? Au plaisir de vous lire.
À demain et au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Connaissez-vous cette expression : « Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage » ?
Il est souvent plus facile –et surtout moins dangereux pour l’image que l’on a de nous-même – de prêter à l’autre des intentions négatives à notre égard, que de reconnaître en nous-même nos blessures et nos failles…
La colère est en effet parfois une protection efficace contre la peine et le chagrin.
Plutôt que de reconnaître notre tristesse de nous sentir exclu(e, rejeté(e), non respecté(e), non désiré(e)… et de nous interroger sur notre propre comportement éventuellement agressif, violent, rejetant, qui a pu mettre l’autre en face en position défensive de protection, il peut parfois être tentant de nous positionner en victime d’un « méchant » (manipulateur ou égoïste) et de nous laisser aller à une colère, qu’on considère alors comme « légitime ».
Et si on choisissait, non de céder à cette colère en nous, mais de l’observer, comme un signal d’alarme, comme un voyant rouge sur le tableau de bord d’une voiture ?
Qu’est-ce que notre colère essaie de nous dire, sur notrebesoin non satisfait ? Qu’est-ce qui est blessé en moi ? Qu’est-ce qui crie : « Au secours, je me sens… pas reconnu(e), pas compris(e), pas aimé(e), rejeté(e), envahi(e), trahi(e) » ?
Et si on essayait d’écouter notre colère et ce qu’elle peut nous apprendre sur nous-même, nos failles, nos faiblesses et nos blessures ? Si on la recevait comme une amie, qui vient pile poil mettre le doigt là où ça fait mal… pour nous aider à aller mieux ?
Car souvent, notre colère est en réalité déclenchée par nos pensées : ce que l’on imagine ou que l’on projette sur le comportement ou les intentions de l’autre :
– si quelqu’un vous marche sur le pied, mais ne l’a pas fait exprès (bousculade dans le bus) et s’en excuse aussitôt, vous ne serez pas en colère (sauf si vous êtes parano ou cherchez à entrer en conflit avec la terre entière, mais… vous ne seriez sans doute pas en train de lire cet article…) ;
– en revanche, si quelqu’un vous marche sur le pied de façon délibérée, parce que juste avant vous l’avez bousculé sans le faire exprès et qu’il cherche à « se venger »… alors là, vous vous mettrez en colère… et vous aurez raison !
La colère est une émotion qui nous aide à prendre conscience que quelqu’un a outrepassé les limites (physiques ou psychiques) de notre territoire, en nous manquant du respect minimum dont nous estimons avoir besoin : la colère est un signal que nous sommes en danger d’envahissement et de non respect, et que nous devons nous défendre.
Mais ça, c’est quand nous avons un rapport sain à notre colère et à nos émotions.
Car parfois, notre pensée consciente nous pousse à croire que nous sommes victimes d’un manque de respect – nous projetons sur l’autre une intention de nous blesser ou de nous nuire – alors qu’en réalité, notre inconscient cherche à nous protéger d’une émotion bien plus désagréable et plus douloureuse à gérer que la colère : la tristesse.
Que cache notre colère ? Quel est notre besoin insatisfait qui se planque derrière ?
Prenons contact avec ce besoin insatisfait en nous : reconnaissons-le, accueillons-le, chérissons-le… il nous guidera vers nous-même.
Car une fois que nous avons reconnu notre besoin insatisfait dans la relation (besoin de… reconnaissance, communication, confiance, connexion, présence aimante, accueil inconditionnel…), nous n’éprouverons peut-être plus la colère initiale : nous serons en connexion avec nous-même.
Et nous pourrons alors exprimer une demande à l’autre, ici et maintenant.
Selon les principes de la CNV (Communication Non Violente) développée par Marshall B. Rosenberg :
1) INCIDENT DÉCLENCHEUR (OBSERVATION) : Quand tu as dit ou fait, pas dit ou pas fait, ceci ou cela…
2) SENTIMENT (ou JUGEMENT): Je me suis senti(e)… pas respecté(e), pas entendu(e), rejeté(e)…
3) BESOIN : En réalité, je me rends compte que j’ai besoin de… communication, connexion, câlin, amour, reconnaissance…
4) DEMANDE : Serais-tu d’accord pour… que l’on parle, que l’on se voie…
5) afin de pouvoir continuer à être en lien l’un avec l’autre sur des bases satisfaisantes pour l’un et l’autre (OBJECTIF gagnant-gagnant) ?
D’où l’intérêt du bouton STOP :
– S‘arrêter
– et prendre le Temps
– d’Observer… ses pensées, sentiments, émotions, jugements…
– avant de Poursuivre
Surtout, n’hésitez pas à réagir dans l’espace des commentaires ci-dessous : je serai ravie d’en discuter avec vous !
Au plaisir,
Isabelle
PS. Et aussi incroyable qu’il y paraisse, CECI EST MON CORPS est en 22ème semaine au cinéma La Clef à Paris : samedi 9 mai à 15h30, nouvelle projection suivie d’une rencontre avec Jérôme Soubeyrand, le réalisateur, et Bruno Clavier, psychogénéalogiste et auteur du livre LesFantômes familiaux : où l’on parlera d’amour, de sexualité et de transgénérationnel !
Et tout cela, par le miracle du bouche-à-oreille, car ce « petit » film – par son budget (pas de pub, pas de promo) – ne tient QUE par son public : parce qu’il est joyeux et authentique… et que ça fait du bien dans le monde dans lequel nous vivons !