Voyage en Polyamorie #20. Sexualité positive

Arrivée (presque) au bout de l’engagement que j’ai pris envers moi-même d’écrire 21 articles d’affilée sur la Polyamorie, je m’interroge : est-ce que j’ai dit tout ce que j’avais envie de dire sur le sujet ?

Jusqu’à l’article #18, j’avais un cadre, une structure : ce mixte que je me suis fabriqué sur mesure entre le voyage du héros et celui de l’héroïne, et chaque jour, je savais donc quand même plus ou moins où j’allais. Depuis hier, me voilà livrée à moi-même : je n’ai plus cette architecture pré-existante pour m’aider à donner du sens, une direction à ce que j’écris. Me voilà en free style, et je vois bien que la liberté peut parfois paraître enivrante : quand tout est possible, par où partir, dans quelle direction aller ?

Une amie poly nous confiait, lors du premier groupe de parole poly que nous avons tenu chez moi, que parfois, entre ses deux amoureux réguliers, elle se sentait prise de vertige, se demandant où tout ça « allait la mener ».

D’habitude, en effet, tout semble écrit d’avance, le cadre nous est donné par nos parents, la culture, la société : on rencontre quelqu’un.e, on se plait, on couche ensemble, on se plaît décidément beaucoup, on se voit de plus en plus, on se présente nos ami.e.s, puis notre famille ; les gens commencent à nous inviter « en couple », avant même parfois qu’on ose se définir ainsi soi-même ; puis les questions se font insistantes, les gens ont besoin de mettre des mots : est-ce que c’est sérieux entre vous ? Est-ce que vous allez habiter ensemble ? Selon votre âge : Est-ce que tu envisages d’avoir des enfants avec lui/elle ? Ou bien : Est-ce que tu vas lui présenter tes enfants ? Est-ce que tu as rencontré les siens ? Est-ce que vous allez faire famille recomposée ?
Un jour, vous vous rendez compte qu’en effet, vous êtes un « couple », ne serait-ce qu’aux yeux des autres : ça les rassure, vous êtes rentré.e dans le rang. Les normo-pensants ont besoin d’étiquettes.

Alors quand on est une jeune femme d’une trentaine d’années, qu’on a deux amoureux (voire plus) entre lesquels on navigue, et qu’on ne se projette pas dans un couple avec enfants, je comprends que cela puisse donner le vertige : on n’a plus de carte toute tracée. La Polyamorie vous encourage à être vous-même, à vous poser les questions de ce que vous souhaitez pour vous-même, de ce que vous attendez de la vie et des relations. On ne se définit plus par son/sa conjoint.e, sa « moitié ». On ne fabrique plus de la co-dépendance.
Hier, une femme d’une soixantaine d’années me donne un chèque où il était indiqué « M. ou Mme Philippe A. » Elle était « Mme Philippe A. » ! Même pas de prénom ! Difficile quand / si un jour une séparation se produit, de savoir qui on est, soi-même, quand on s’est toujours défini.e comme « mari » ou « femme » de.

La Polyamorie nous invite à sortir du cadre, à réinventer nos relations, à nous interroger sur ce qu’on souhaite, nous, en conscience. Penser, aimer « outside the box« . Avec qui a-t-on envie de passer la soirée ou la nuit ? De partir en week-end ou en vacances ? On ne se définit plus par rapport à un.e autre (mon mari, ma femme), mais par rapport à qui on est, nous.

Aujourd’hui, de même, je suis sortie du cadre que je m’étais donné à moi-même, celui du Voyage, et me voilà livrée à moi-même. Et je réalise que ce Voyage en Polyamorie parle presque autant d’écriture dramatique, que de polyamorie.
Tout comme LUTINE parle autant de cinéma – et de qu’est-ce que faire un film ? – que de polyamour.

Mon fils me disait tout à l’heure : « Ton film, tu crois qu’il parle de polyamorie, mais en fait, pas du tout ! » Moi, surprise : « Ah bon, de quoi il parle alors ? » Lui, très sûr de lui : « Du couple ! »
Et de développer : « Les gens, ils ne s’intéressent pas à ce qu’ils ne connaissent pas, donc si tu leur dis que ça parle de « polyamour », ils vont te répondre : « Polyamour, connais pas ! », et passer leur chemin. Alors que si tu leur dis : « C’est l’histoire d’une femme qui trompe son amoureux avec son comédien », là, tout de suite, ça les intéresse ! Parce que les gens, ce qui les intéresse, c’est le sexe ! »
Il a 11 ans.

Parlons donc de sexe, donc, aujourd’hui ! Et plus particulièrement, de sexualité positive –  comme on parle de psychologie positive et d’éducation positive (ou bienveillante).

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Sentiment de vivre dans une société schizophrène : d’un côté, le sexe est partout, sur les affiches, dans les magazines, sur les bus, sur Internet des images porno sont disponibles en trois clics, au point que les enfants en voient de plus en plus tôt, alors qu’ils n’y sont pas prêt.e.s et pas préparé.e.s (lire à ce sujet l’article que j’ai co-signé sur Mediapart avec Jérôme Soubeyrand, le réalisateur de Ceci est mon corps : Parlons sexualité avec nos enfants, et celui que j’avais écrit ici-même : Parlons de sexualité – et de respect – à nos enfants ! ) ; et d’un autre côté, dans l’intimité, dans les familles, entre parents et enfants, entre partenaires, même, c’est toujours autant tabou.

Un des livres qui m’a le plus aidée à comprendre cette ambiguïté, cette apparente contradiction, est Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ? de Didier Dumas (cf mon article Osons l’émerveillement de la découverte).

9782226142221mSi aujourd’hui, le sexe est encore tant tabou, c’est en grande partie dû au transgénérationnel : parce que nos parents ont été élevés par leurs parents, eux-mêmes  élevés par leurs parents, directs héritiers de la société bourgeoise puritaine du XIXème siècle, où les médecins se sont associés à l’Eglise pour garantir la stabilité du mariage bourgeois et la transmission de son patrimoine. À cette grande époque des recherches de Charcot sur l’hystérie féminine, la masturbation était considérée comme une manifestation du diable en nous (et parallèlement, ironie de l’histoire bien sûr, on soignait les femmes dites « hystériques » en les masturbant : cf le film Oh my God !). Le plaisir était impensable, sinon on était une « putain ».

Dans TOUT LE PLAISIR EST POUR MOIj’ai mis dans la bouche des vieilles dames qui discutent de la perte de son clitoris par Louise (Marie Gillain), quelques-unes des phrases entendues dans ma famille, et venues de la génération de mes arrière-grands-mères :  » Ils nous racontaient de ces histoires… Que c’était sale, qu’on allait attraper la mort si on se touchait, qu’on irait en enfer…  Moi, j’ai jamais cru à leur enfer. », « Ma mère disait à mon frère : faire l’amour, c’est comme faire pipi, ça soulage. », « Moi j’ai jamais pris de plaisir… et ma mère me disait « Heureusement, sinon tu serais une putain !«  »

Dans tous mes films, je réalise que mes héroïnes – toutes, sauf une, dans A CORPS PERDU, qui raconte l’histoire d’une agression sexuelle et du chemin vers la résilience grâce à l’empathie et l’écoute bienveillante d’une femme qui ne parle pas français), sont des femmes qui interrogent ou mettent en scène leur désir :

CHOCOLAT AMER (une jeune femme a envie de faire l’amour avec son petit-ami, mais ses parents tardent à sortir) ;

PRESSE-CITRON (une femme s’invente une relation avec un homme pour attirer l’attention de son meilleur ami dont elle est amoureuse) ;

LES JOURS BLEUS (une femme, qui se demande si elle est enceinte, invite en week-end un homme qui la drague en prétendant vouloir le présenter à sa meilleure amie – complexité des désirs multiples, pression de la société qui lui fait croire qu’elle doit choisir) ;

TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI : Louise perd la sensation de son clitoris à la veille de présenter son petit-ami à ses parents : l’image du couple comme contraignante, faite de compromis et de concessions, tel que sa mère et sa sœur la lui présentent, ne lui conviennent pas, et son corps se rebelle ;

LUTINE : une femme s’interroge sur la pérennité du désir dans son couple (mais c’est qu’il a raison, mon fils !) : son compagnon ayant trompé sa femme avec elle, il pourrait bien un jour faire de même avec elle ; alors elle part à la découverte de la Polyamorie, découvrant qu’elle-même n’est pas indifférente au comédien qu’elle a embauché pour jouer le rôle de son amoureux… avant de se confronter à sa plus grande peur : le désir de l’homme qu’elle aime pour une autre femme – qui était le point de départ même de son interrogation. Et elle décide en conscience que ce jour-là, elle préfère regarder la vérité en face, plutôt que jouer à l’autruche.

Comme le dit un personnage : « Quand on en parle à son/sa partenaire, au moins ielle est libre de ses réactions : c’est une question de respect… et de confiance.« 
C’est bien l’adultère que nous interrogeons ici, et en effet, la relation de confiance dans un couple. En ce sens, la Polyamorie, basée sur des relations éthiques et consensuelles, est bien pour moi l’exact inverse des violences psychologiques au sein du couple (cf ce site que j’ai créé en 2010, où je recense des liens, pistes, livres, articles,vidéos). En ce sens LUTINE, dans lequel je me mets en scène est totalement un film thérapeutique.

Ce qui pose problème, de mon point de vue, dans l’adultère, ce n’est pas d’avoir du désir pour quelqu’un.e d’autre que son/sa partenaire – « Ça me paraît normal, naturel et même sain, d’aller voir ailleurs au bout d’un moment dans un couple », dit Marianne dans LUTINE – c’est d’avancer masqué.e, de tricher, mentir. De ne pas respecter sa parole, et par là-même, de trahir la confiance de son/sa partenaire. C’est en ce sens que l’on parle « d’infidélité » : c’est en effet une infidélité à la parole donnée.

En Polyamorie, on ne parle pas de « fidélité », mais d’exclusivité. Fidélité vient du latin Fides, fidei, qui signifie « Confiance ». Quand on est polyamoriste, on est fidèle à sa parole, mais on peut être non-exclusif.ve.
Dans Mating in Captivity (le titre à lui tout seul est tout un programme), Esther Perel explique comment les êtres humains ont un double besoin : à la fois celui de se sentir en sécurité ; d’autre part, celui d’explorer, de partir à la découverte de nouveaux territoires, de satisfaire sa curiosité.
On le sait depuis la théorie de l’Attachement (cf le livre d’Yvane Wiart, L’Attachement, un instinct oublié), l’être humain, comme le petit enfant qu’ielle a été un jour, a précisément besoin de se sentir en sécurité pour pouvoir explorer… et revenir à son port d’attache si ielle se sent en danger.
Le couple offre ce havre de sécurité, de réassurance… mais ne nous suffit pas, du moins à la plupart d’entre nous.
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Ce n’est pas parce que quelque chose ne va pas dans notre couple qu’on va voir ailleurs (parfois si, bien sûr, et une relation adultère peut-être un révélateur formidable d’un dysfonctionnement dans un couple), mais bien, la plupart du temps, parce qu’on a envie d’autre chose, en plus : les amours s’additionnent.

Françoise Simpère a cette très jolie formule dans LUTINE : « Je pense que aimer, c’est aussi garder les yeux ouverts sur le monde. Donc, on ne va pas voir ailleurs parce que ça va pas, on va voir ailleurs parce qu’il y a autre chose à regarder, y a autre chose à découvrir. C’est une histoire de découverte. » 

J’aimerais, avec mes films, avec LUTINE, avec le suivant que je suis en train d’écrire, contribuer à libérer la parole, à déculpabiliser les gens, hommes et femmes, de ressentir du désir.
Le désir, la sexualité, c’est la vie en nous, notre énergie de vie. C’est un élément essentiel de notre équilibre. Ce n’est pas pour rien que l’on revient aujourd’hui aux enseignements des anciens : le Tao chinois, le Tantra indien, qui mettaient la sexualité au centre de l’équilibre de l’être humain.
Quand on étouffe le désir en nous… on est mort.e à l’intérieur. Quand on sent coupable, quand on croit qu’on est le/la seul.e à être tenté.e de tromper son/sa partenaire, on se sent mal, et tout le monde avec nous autour.
La culpabilité, la honte, sont des sentiments toxiques, destructeurs.
Accueillons au contraire nos émotions en nous avec bienveilance et tolérance.
Si les gens réalisaient que toutes/tous autour d’eux avaient les mêmes désirs, qu’ielles ne sont pas « tordu.e.s » ou « pervers.e.s » d’éprouver du désir… alors peut-être, ils oseraient plus l’assumer, en parler à leur conjoint.e.
À l’inverse, si les conjoint.e.s en question savaient au fond d’eux/elles-mêmes, que c’est normal d’éprouver du désir à l’extérieur d’un couple établi, alors peut-être, ielles souffriraient moins de la découverte d’un adultère, et pourraient se connecter par l’empathie au besoin non satisfait de leur conjoint.e qui s’est ainsi exprimé, ainsi qu’à sa peur, qui, pour ne pas risquer de perdre la relation à laquelle ielles tiennent, ont préféré tricher.
On est multiples, on est pluriel.le.s. On peut aimer le thé et le chocolat, le cinéma et la musique, les blondes et les brunes, les petits et les grands. On peut avoir besoin de la sexualité sacrée que l’on partage avec son/sa partenaire de vie, à travers laquelle on communique avec l’univers entier et les étoiles… et aimer faire du sexe ludique, joyeux, léger, dans le cadre de relations moins impliquées. On peut aussi… aimer plusieurs personnes.
Si l’affiche de TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI demandait : « Et vous, c’était comment la dernière fois ? », parlant très clairement de sexe, j’ai en tête pour LUTINE cette formule : « L’un n’empêche pas l’autre« . 
Cessons de culpabiliser les un·es et les autres d’éprouver du désir. Libérons les un·es et les autres de ces idées dévalorisantes : Si ielle va voir ailleurs, c’est que je ne lui suffis pas… et donc que je ne suis pas aimable. En effet, quelle prétention de penser qu’on peut être tout pour une personne, pour toute la vie. Mais ce n’est pas parce que l’autre va voir ailleurs, qu’on n’a plus de valeur. On existe par nous-même, en nous-même. On est entier.e.

Dédramatisons les désirs multiples, les amours plurielles : ils font partie de nous, parce que nous sommes humains, multiples, pluriels, complexes, contradictoires.

Et puis aussi : cessons de croire à ce mythe de nos sociétés qui veut nous faire croire que les hommes ont plus de « besoins » (entendez « désirs ») que les femmes, qu’ils ont « besoin » d’aller semer leur semence, pendant que les femmes, elles, restent à garder le foyer. Peut-être nos grands-mères hésitaient-elles plus que leur mari à prendre un amant, de peur de tomber enceintes, mais les désirs sont très également répartis entre hommes et femmes.

C’est la thèse défendue par les auteurs de Sex At Dawnet c’est très libérateur (leur théorie est qu’avant l’agriculture, il y a de grandes chances que nos ancêtres les chasseurs-cueilleurs aient été multi-partenaires, aussi bien multi-mâles que multi-femelles, comme chez nos cousins primates les plus proches, les bonobos).

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Les femmes ont autant de désirs que les hommes, l’enjeu est simplement qu’elles l’assument et qu’elles apprennent à se faire confiance et à l’exprimer.

Inversement, il serait temps, plus que temps, que les hommes (entendez, les machos, les misogynes, ceux des temps anciens, pas nos amis les nouveaux guerriers) apprennent à garder leurs mains derrière leur dos et à attendre que les femmes viennent à eux. Qu’ils se réfrènent, qu’ils apprennent à contrôler et maîtriser leurs pulsions (c’est tout l’enjeu de pouvoir en parler, et notamment à nos enfants : que ça ne soit plus tabou !).

Je veux croire qu’il se passe quelque chose en ce moment dans la société française : que la parole se libère, que la honte change de camp.

Allons vers une sexualité joyeuse, ludique, émouvante, sacrée, allons vers une sexualité respectueuse, positive, égalitaire. Où primerait le consentement enthousiaste, le Fuck, yes! plutôt qu’un mou « pourquoi pas« .

Libérons la parole ! Apprenons à nous écouter, à nous respecter, à nous attendre, à nous entendre.

C’est à tout cela que nous permet de réfléchir la Polyamorie, car au-delà d’une manière d’aimer, c’est une manière de vivre, une philosophie de vie, éthique, qui nous apprend à s’écouter soi, tout en écoutant et accueillant l’autre, dans le respect et sans jugement.

Et vous, quelle est votre expérience de la sexualité ? Vous sentez-vous libre d’explorer à votre guise, d’être vous-même ? Vous sentez-vous écouté.e, accueilli.e, vivant.e ?
Hâte de lire vos commentaires et témoignages dans l’espace ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #19. Éthique de la Polyamorie

La position que j’ai adoptée au début de ce Voyage en Polyamorie (qui est la mienne et n’engage que moi !) est celle de ma désillusion à propos de l’idéal de la Monogamie, petit frère du mythe de l’Amour romantique, dont on nous rabat les oreilles à longueur de films et d’articles de journaux, et qui ne résiste pas, à mon sens, à un regard un peu critique sur ce qu’il se passe en réalité en coulisses, derrière les rideaux de la scène de théâtre sur laquelle nous jouons toutes et tous.

Qu’on ne se méprenne pas : je suis heureuse, profondément et sincèrement, pour les couples qui vivent heureux et épanouis en vraie Monogamie choisie en conscience, et renouvelée de leurs vœux jour après jour.
Ma motivation à entreprendre ce Voyage, et qui est, au fond je crois, la même que pour mon film LUTINE, est d’informer les autres, celles et ceux pour lesquel·les cet idéal inatteignable est écrasant et culpabilisant, qu’il existe d’autres manières de vivre les relations amoureuses que vivre en Monogamie hypocrite, frustrante ou résignée.

Si je ressens en moi ce besoin de transmettre, de créer les conditions pour des débats, c’est sans doute parce que, comme mon personnage au début de LUTINE : « je me dis que potentiellement, [le sujet de la polyamorie] peut intéresser tout le monde, et aider peut-être tout le monde… Parce que l’amour, les histoires d’amour, de couple, de fidélité, d’exclusivité ou pas, ça concerne tout le monde, et je crois en même temps que c’est facile pour personne… ».

Et aussi parce qu’ayant entrepris le voyage moi-même il y a quelques années, grâce à un ami qui m’a fait découvrir le concept alors que je sortais de plus de vingt ans de relations de couples décevantes et douloureuses, me permettant de me réconcilier avec l’Amour et d’envisager à nouveau des relations heureuses, éthiques et en conscience ; parce qu’étant passée par le ventre de la baleine (#9), et étant remontée grâce au soutien constant et bienveillant de nombreuxes ami·es autour de moi et de toute une communauté dont j’ai découvert, en présentant LUTINE à l’étranger (Lisbonne, Barcelone, Rome, Vienne, San Francisco, bientôt New York, Montréal) qu’elle était encore plus riche que je ne l’imaginais, car internationale, je me sens aujourd’hui dans cette position de l’héroïne – en toute modestie ! – qui ayant « choisi sa lumière » (#17), tend à son tour la main à celles et ceux qui seraient curieuxes d’entreprendre le voyage.

Aussi vraisemblablement, je l’avoue, parce qu’ayant écrit et conçu LUTINE à la fois comme une comédie, un divertissement, mais aussi un outil pédagogique, qui donne des éléments et des clés pour des débats après les projections, je me sens une forme de responsabilité vis-à-vis de tou·tes ces spectateurices qui vont découvrir la Polyamorie à travers mon film… afin de les mettre en garde contre des tentatives de se lancer dans l’aventure qui n’auraient pas été suffisamment préparées et réfléchies.
Aussi enfin, parce qu’en démocratisant, vulgarisant, médiatisant le sujet (je ne suis évidemment pas seule, c’est dans « l’air du temps », il y a de plus en plus d’articles ou de reportages), j’ai tout à fait conscience que la Polyamorie risque d’attirer de nombreux profiteurs, pour ne pas dire « prédateurs », des gens qui penseraient trouver parmi la « communauté » de la chair fraîche et disponible, tel le producteur joué par Philippe Rebbot dans LUTINE qui demande  : « Est-ce que quand on est polyamoureuse, on couche plus facilement ?
J’ai l’intuition que risquent de débarquer dans les cafés poly, qui font des petits un peu partout en France, dans les groupes Facebook ou sur le forum de polyamour.info, tout un tas de « faux-poly » ou de poly-fakes, qui auront intégré le discours et viendront « chasser de la meuf ».
C’est pourquoi il me paraît important, fondamental même, de dire, écrire, répéter, marteler, encore et encore, que vivre en Polyamorie, ça ne veut pas seulement dire pouvoir vivre en parallèle plusieurs histoires intimes (sexo-affectives, comme on dit en Espagne), mais avant tout, les vivre de façon éthique et consensuelle.
Qu’il est essentiel que toutes les personnes concernées soient non seulement au courant, mais aussi d’accord, profondément ; et qu’il s’agisse d’un consentement enthousiaste (d’un Fuck yes !), et non d’un consentement mou, ou qui aurait été concédé sous une quelconque pression ou contrainte.
 Il me paraît tout aussi important de former les gens aux différents outils d’accueil des émotions, mais surtout de communication, et en particulier à la communication non violente, aussi appelée communication compassionnelle.

Quand on pratique la Polyamorie — comme on pratiquerait un art martial — on se rend vite compte, confronté·e à des peurs dont on est habituellement épargné·e en Monogamiequ’on a tout intérêt à développer des outils spécifiques pour faire face aux émotions qu’elles réveillent en nous, et qui peuvent parfois être violentes ou bouleversantes.

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La CNV (communication non-violente : cf mon coin-lecture) nous apprend que nos émotions et nos réactions nous appartiennent : l’autre ne peut pas être tenu·e pour responsable de notre colère par exemple, ce qu’ielle a fait n’est qu’un « déclencheur ».

Si maon partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux : soit le vivre comme un manque de respect ; soit en être content·e parce que j’ai grappillé un quart d’heure de travail ; soit être en panique parce que j’ai peur qu’ielle n’ait eu un accident.

Ce qui me met en colère n’est donc pas que l’autre arrive en retard, mais ce que je projette sur son comportement. Si pour moi, sa ponctualité est un signe que je compte pour ellui (ou pas) et que je manifeste ma colère quand ielle arrive en retard, ce qui est en jeu – mon besoin derrière cette colère – est mon besoin de réassurance, qui n’a pas été satisfait ; si c’était un rendez-vous de travail et que je comptais dessus pour avancer, alors c’est ma frustration qui s’exprime.

Marshall Rosenberg nous invite à chercher le besoin non satisfait derrière nos émotions, et particulièrement de notre colère.

Certes. Mais quelqu’un.e qui appliquerait la CNV de manière abusive, pourrait chercher à imposer à l’autre ses manières de voir, en lui disant : Si tu es en colère, c’est ton problème. Mon besoin à moi était d’arriver en retard.

La Polyamorie n’est pas seulement une manière différente de vivre ses relations amoureuses, c’est aussi une philosophie de vie. Qui peut être évidemment totalement pervertie, si elle n’est pas pratiquée de façon éthique.

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Je pense qu’à titre personnel, je suis d’autant plus entrée de manière enthousiaste en Polyamorie il y a quelques années qu’à l’époque, j’y voyais un moyen de me protéger des personnes toxiques et manipulatrices. Je n’avais en effet plus confiance dans mon instinct, qui m’avait déjà trompée par le passé, et je craignais, si je renouais une relation amoureuse, de ne pas repérer d’emblée un comportement toxique. Le fait de pouvoir vivre plusieurs relations en parallèle me donnait l’impression d’être protégée d’un manipulateur qui ne pourrait alors pas me couper des autres sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Aujourd’hui, je ne pense plus qu’il suffise de vivre en Polyamorie pour être protégé·e des relations toxiques. Et je pense au contraire précisément qu’il est urgent de développer dans la société – pas seulement pour les polyamoristes, mais pour tou·tes — et ce, le plus tôt possible, dès l’enfance, des outils afin que chacun·e puisse développer des antennes qui l’alertent contre des comportements qui ne sont pas acceptables.

On n’a pas le droit – PAS LE DROIT ! – de critiquer, juger, dévaloriser, humilier, rabaisser l’autre, de faire du chantage, de menacer de représailles si quelqu’un·e ne fait pas ce qu’on souhaite. On n’a pas le droit de læ contraindre d’une quelconque manière, de minimiser ses émotions : Tu es trop sensible, tu fais des histoires pour rien, tout ça n’est pas très grave.

C’est la logique, la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO) dans laquelle on a grandi. On y est tellement habitué·e que si on ne nous apprend pas à en repérer des symptômes, les « trucs », on peut très bien ne même pas en avoir conscience.
Et pour peu qu’un·e manipulateurice ait parfaitement intégré le discours poly, les outils, les codes, le vocabulaire, ielle peut très bien renverser les outils de CNV pour son intérêt propre.

La CNV nous apprend à entendre les besoins non satisfaits derrière ce que Marshall Rosenberg appelle de manière très émouvante, je trouve, des tentatives d’expression « tragiquement suicidaires ». Mais il ne s’agit pas non plus, en contrepartie, d’offrir de l’empathie à quelqu’un·e qui en abuserait et ne ferait pas preuve de la même empathie envers nous.

Pour développer des relations saines et équilibrées entre deux personnes, il est nécessaire que les deux soient sur la même longueur d’ondes. Une des règles de base d’une relation équilibrée, écrit Michel Bozon dans La Pratique de l’amour, est la réciprocité. Au début d’une relation, je me livre, l’autre se livre, puis moi, puis ellui. Chacun·e donne de soi, s’offre en cadeau, se confie, à tour de rôle. Si une relation n’est que dans un sens, si l’un·e donne et l’autre pas, c’est très vite déséquilibré.

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Il me semble qu’il est du devoir – moral et impératif – de l’ensemble de nous tou·tes, de transmettre ces outils, ces expériences, de raconter nos balbutiements, nos plantages, nos galères…

La Polyamorie est un mode de relations qui insiste sur le côté éthique des relations à l’autre : égalitaire, féministe par définition, compassionel. Ce n’est pas pour rien si le bouquin de référence mondial (jusqu’à More Than Two) était La Salope éthique : éthique, la salope !

Il s’agit de faire attention à l’autre, pas d’utiliser les outils développés en CNV pour lui faire avaler des couleuvres.
Quand le personnage d’Isa dans LUTINE, découvrant un article sur la jalousie dans La Salope éthique, le traduit par  : « Ta jalousie t’appartient, tu ne peux pas m’en tenir pour responsable », son partenaire lui répond à juste titre : « Si tu couchais pas avec ton comédien dans ton lit pendant que je suis au bureau, j’aurais pas de problème à gérer. »
Chacune des phrases commençant par « tu » ou « ta », ceci n’est typiquement pas un dialogue en CNV : en CNV, on parle de soi, de son ressenti, de ses besoins.

IMG_5108Notons aussi que la CNV est avant tout une invitation à travailler sur soi-même et non une exigence à ce que les autres travaillent sur elleux-mêmes !

La polyamorie, contrairement à ce que pense ma grand-mère, ce n’est pas « coucher avec n’importe qui n’importe comment« . Il s’agit de relations éthiques, en conscience. On choisit de vivre dans l’honnêteté (ce qui ne veut pas dire « transparence »), sans tricher, sans mentir, sans tromper. Et dans l’écoute et l’accueil compassionnel des émotions des un·es et des autres.

Ce que l’on dit souvent à l’intention des « débutant·es » ou des poly-curieuxes, c’est : Prenez votre temps. Avancez à votre rythme, et singulièrement, au rythme de la personne la plus lente (formule qui nous vient de More Than Two). Ne forcez pas les choses, ne passez pas en force, vous créeriez des précédents traumatiques, qui rendraient les choses encore plus compliquées par la suite.

À nous tou·tes d’être vigilant·es et de dénoncer les comportements abusifs, les chasseurs dans les cafés poly ou dans les groupes Facebook. Si quelqu’un.e vous importune, vous demande en MP alors que vous ne læ connaissez pas, dénoncez-læ, aux modérateurices des groupes, aux organisateurices des événements publics.
Ne subissez pas en pensant que ce sont des comportements normaux. Ne banalisons pas la violence.

Depuis quelques jours, les voix s’élèvent dans la société – des femmes, mais aussi des hommes féministes – pour dénoncer le harcèlement et les violences sexuelles. Osons parler ! C’est important, aussi dans les milieux poly. Nous ne sommes pas plus épargné·es que partout ailleurs dans la société, et nous le serons d’autant moins que nous sommes de plus en plus exposé·es. Sachons nous montrer exemplaires et préserver nos lieux de vie poly de manière à ce qu’ils restent sécures.

Et vous, quelle est votre expérience des cafés poly ou des groupes Facebook ? Y avez-vous déjà rencontré des poly-fakes ou faux-poly ? Racontons nos expériences ! Libérons la parole !
L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : vous y êtes les bienvenu·es !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

 (*) Je vous encourage à lire dans les commentaires à la suite de chacun de mes articles, ceux de mon amie Elisende Coladan : ils se répondent, se complètent, d’une manière que je trouve réjouissante et fort inspirante, montrant par l’exemple ce que nous avançons, je crois, l’une et l’autre : qu’il y a autant de façon de vivre la Polyamorie que de polyamoristes ; et qu’il est avant tout important pour chacun·e de vous / nous, de savoir ce qu’ielle attend de la vie et des relations, et de les définir pour soi en fonction.

Voyage en Polyamorie #18. 12. Éternel recommencement

Nous voilà arrivé·es à l’ultime étape de notre Voyage en Polyamorie (j’ai annoncé 21 jours : les derniers jours seront consacrés à des réflexions plus générales, hors « arche dramatique » de ce voyage).

On est parti·es du monde ordinaire de la Monogamie (#2), rassurante et « normée », où les règles sont implicites le plus souvent (Si on est « ensemble », alors on est exclusifs : je renonce à ma liberté pour toi, en échange de quoi, tu renonces à ta liberté pour moi ; présenté dans des termes plus « positifs », cela donnerait : ma liberté est de te choisir toi et toi exclusivement, ta liberté est de me choisir moi, et moi exclusivement, en échange).

En réalité, la liberté peut faire peur. Car depuis qu’on est tout petit.e, on ne nous a pas souvent donné l’occasion de l’expérimenter.

Combien de parents, par exemple, choisissent pour leurs enfants quels vêtements ils vont porter ? Combien décident de ce qu’ils vont manger ? Et leur laissent-ils le choix de leurs activités extra-scolaires ? Combien d’enfants font du piano ou du violon parce que c’est ce que leurs parents ont choisi pour eux ? Danse classique ou danse moderne ? Judo ou tennis ? Allemand ou espagnol ? Qui choisit, de l’enfant, ou de ses parents, qui « savent mieux que lui ce qui est bon pour lui/elle » ?

Avez-vous lu C’est pour ton bien, d’Alice Miller ? La toute première fois que j’ai découvert Alice Miller, c’était avec Notre corps ne ment jamais. J’en ai sangloté pendant de longues minutes. Tout d’un coup, c’est toute cette « violence éducative ordinaire » (VEO) dans laquelle on a grandi, qui nous apparaît dans toute son évidence.

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La Monogamie est rassurante, voire « reposante » : une fois qu’on a posé ses valises… on n’a plus à se poser de questions. Et même si on a construit soi-même les barreaux de notre cage, on peut aussi choisir de voir la Monogamie comme libératrice : elle nous libère du temps, en effet, et on peut consacrer nos pensées et notre temps à « autre chose » que nos histoires d’amour, de cœur, et de relations.
Et tant pis s’il s’agit d’une sécurité de surface, en apparence seulement, et qu’en réalité, elle cache bien des secrets, des faux-semblants, des masques, des tricheries, mensonges et autres adultères.
De nombreuses personnes préfèrent en effet, et en conscience, vivre dans ce qui est « peut-être » une Hypocrisie, mais dont ils espèrent que, si c’est le cas, elles ne le découvriront jamais.

Certain·es en revanche, ne se satisfont pas, ou plus, de ce monde de faire-semblant.

Cela vous est-il arrivé d’avoir l’impression de vivre comme si on était toutes et tous sur une vaste scène de théâtre ? Un des personnages du dernier film de Woody Allen dit : « La vie est une comédie, écrite par un auteur sadique. » Don Miguel Ruiz, dans Les Quatre Accords toltèques parlent d’un « rêve » que partageraient tous les humains, sauf ceux qui, un jour, se sont soudain réveillés et ont alors compris qu’ils avaient le choix de choisir leur rêve, plutôt que de vivre celui que les générations avant eux ont choisi pour eux.

Sur cette scène de théâtre, chacun·e y joue le rôle qui lui a été distribué, du mieux possible. Une femme, à l’école, joue le rôle de la « bonne mère de famille » ; au bureau, de la « bonne employée » ; dans ses rencontres sexuelles, de la « bonne amante » ; avec ses parents, de la « bonne fille » ; avec la boulangère, de la « bonne cliente souriante et polie » ; et si soudain, cette même « mère-employée-fille-parfaite » a l’idée d’entrer dans des relations BDSM, elle deviendra peut-être une « bonne dominatrice » : les autres n’en reviendraient pas s’ils la connaissaient sous ce jour-là !

Une amie me confiait l’autre jour qu’au travail et dans sa vie sociale, elle « jouait » à être cette bonne bourgeoise, pour qui ses enfants et son travail comptent avant tout. Elle se « déguise » pour aller travailler : tailleur, talons, rien ne dépasse. Sauf que de temps en temps, elle sent que ça bout trop à l’intérieur, qu’elle a besoin d’aller explorer d’autres aspects d’elle-même. Et alors elle va écumer les black-rooms des clubs libertins. Où elle peut laisser sortir la partie d’elle qu’elle tient enchaînée et cachée le reste du temps. Elle a deux profils Facebook, comme la plupart des libertin·es, mais aussi des polyamoureuxes, et de nombreuxes explorateurices de la sexualité sortie du contexte de la Monogamie et de l’exclusivité, et qui savent que c’est encore mal vu, mal jugé, par les normo-pensant·es (celleux qui pensent dans la norme : l’expression est de Christel Petitcollin dans Je pense trop).
Cette amie s’interrogeait sur la vie en Polyamorie, se demandant si ça pourrait être une solution pour enfin peut-être pouvoir vivre une seule et même vie, la sienne. 

Quand on choisit de vivre en Polyamorie, on n’est plus obligé·e de « choisir », on peut explorer plusieurs facettes de notre personnalité avec éventuellement plusieurs personnes différentes, tant que toutes les personnes concernées sont au courant et d’accord, tant que chacun·e fait en sorte d’être de respecter les autres, de ne pas les blesser volontairement, d’être à l’écoute des besoins et des désirs des un·es et des autres. Assumer qui on est, au fond, vraiment. Fièrement.

Certain·es, déçu·es, désillusionné·es des hypocrisies et faire-semblant du monde « ordinaire » normo-pensant (#3), choisissent d’écouter leur cœur, leur intuition – ce que j’ai choisi de nommer leur « petite voix intérieure » (#4) – et de se préparer au voyage en Polyamorie (#5). Un jour, ayant accueilli en elleux leurs peurs d’aller contre le courant, contre la « norme », et sachant ce que cela peut représenter de difficultés, ielles ont choisi « d’y aller quand même » et ont franchi le pas (#6).

Ielles naviguent alors en eaux inconnues (#7), et doivent affronter leurs premiers obstacles, qu’ielles peuvent choisir de considérer non comme des « épreuves », mais comme des « opportunités » de grandir et d’apprendre sur eux/elles (#8).
Quand on choisit de porter sur le monde et notre vie un regard positif en toutes circonstances, de se demander en quoi cette nouvelle expérience de vie va nous permettre de mieux nous connaître, d’être plus fort·e, plus solide encore…, alors il n’y a plus d' »échecs », mais en effet, des « expériences« , qui nous rapprochent de nous-mêmes.

Tandis que la part masculine en chacun·e de nous explore le monde supérieur, à la surface de la terre, enchaînant les conquêtes, accumulant des outils, des forces, des richesses, la part féminine en chacun·e de nous descend en elle-même, se dépouillant peu à peu de toutes les protections, toutes les barrières qu’elle a érigées pour se protéger. On apprend à accueillir les peurs en nous, et à les regarder comme des alliées, qui nous informent sur ce qui se passe tout en dessous, sous la surface, à un endroit où jusqu’à présent, on n’était jamais allé·e regarder : précisément parce qu’on en avait peur.

Avez-vous remarqué comment les émotions sont contagieuses ? C’est le principe même du fonctionnement de nos neurones-miroirs. Si tu bailles, je baille. Dans E.T., Eliott comprend que E.T. est intelligent parce que quand il se gratte le nez, E.T. en fait autant.
Si tu as peurj’ai peur. Tes peurs nourrissent les miennes. 

Si on vit au royaume de la Peur, on projette sans cesse sur l’autre, sur l’inconnu·e, on fait des suppositions (3ème accord toltèque : Ne fais pas de suppositions). On n’ose pas poser de questions directes.
Dans le monde normo-pensant, la plupart gens communiquent en communication indirecteJe lui ai dit ça, il m’a répondu ça, que penses-tu que cela signifie ? Réponse : Je ne sais pas, demande-le lui ! 

Apprenons à communiquer directement : nos désirs, nos besoins, nos demandes. Et apprenons aussi à être capable de recevoir les désirs, besoins et demandes de l’autre… sans le « prendre personnellement », et sans « faire de suppositions ».

Bon. C’est bien beau tout ça, et ça fait rêver. Mais euh…  c’est de la théorie, de la fiction, une construction narrative, écrite pour donner du sens à la vie, qui sinon, n’en a pas.

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Dans la vraie vie, on a souvent d’un côté le discours rationnel, les pensées, les paroles, les « Je voudrais tant être comme ça et lâcher prise, vraiment », et de l’autre, les émotions, qui parfois nous submergent : Je t’ai dit que tu étais libre, que veux-tu que je te dise de plus ? Que je te donne ma bénédiction, en plus ? Que je me réjouisse pour toi que tu passes la nuit avec un·e autre ? Si je pense à toi comme à un personnage de fiction, si j’entre en empathie, alors oui, je suis contente pour toi, et la compersion est quelque chose de top !  Mais dans la vraie vie, j’ai mal au ventre et j’ai l’impression que je vais mourir ! 

Que faire dans ces moments-là ? Savoir, au fond de soi que, bien qu’elles paraissent dévorantes et qu’on a l’impression qu’on va mourir… ce n’est qu’une impression ! C’est une pensée, générée par notre cerveau, alimentée par des sensations physiques désagréables. Et c’est une spirale négative et descendante. Les sensations créent des pensées, qui génèrent à leur tour des sensations désagréables, qui produisent des pensées… On est happé·e dans le tourbillon, c’est la chute.
Et plus on a des espoirs, des attentes, des enjeux forts… plus on a à perdre, et plus la descente est douloureuse.
C’est là qu’on se retrouve dans ce que j’ai appelé le « ventre de la baleine », ou le fond de la grotte, de la caverne, voire le fond du gouffre (#9).

C’est là aussi que nous servent les œuvres de fiction que les auteurices inspiré·es, qui sont passé·es par là avant nous, ont choisi de nous transmettre, parce qu’ielles voulaient transcender leur souffrance du moment, ou bien alors lui donner un sens, positiver leur expérience pour qu’elle puisse leur servir de leçon pour la prochaine fois, ou servir à d’autres…
Quand on traverse une épreuve douloureuse, si on garde en tête ce parcours du héros et de l’héroïne… alors on sait que quand on est au plus bas, on va trouver une façon de remonter, sans doute à laquelle on ne s’attendait pas. Là en bas, tout en bas, quelqu’un·e va nous tendre la main, et nous aider à remonter.

Mais en attendant, quand on est tout au fond du ventre de la baleine, on est confronté·e à notre plus grande peur, à notre monstre intérieur, la Grande déesse dévoratrice.
Ça peut être intéressant, quand on est face à ielle, de læ visualiser, voire de læ dessiner, et de lui donner un nom. Comme ça, la prochaine fois qu’on læ verra en face de nous, on læ reconnaîtra et on pourra se souvenir que la première fois, on n’est pas mort·e. Et si on n’est pas mort·e la première fois, alors on peut aussi s’en sortir la deuxième, et puis la troisième et puis, petit à petit, on aura moins peur.

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Mais là, on y est, tout au fond de la caverne, face à notre plus grande peur. Elle nous domine, elle nous terrifie. On lâche prise. On s’avoue vaincu·e. S’il le faut, on renonce même à la relation, ou en tout cas dans la forme qu’elle avait jusque-là.

De toute façon, on le sait, quand bien même on aurait la tentation de se battre… on n’a de prise que sur notre propre moitié de la relation, pas sur la moitié de notre partenaire.
Et si ielle, a envie de faire évoluer la relation, d’aller vers quelqu’un·e d’autre, à partir du moment où on a choisi de communiquer de manière compassionnelle (#13), dans l’attention, l’écoute, l’empathie, et qu’on se refuse, par principe, par philosophie, à l’expression de toute contrainte d’une manière ou d’une autre (ni conditions sine qua non, ni chantage, ni menaces, ni mesures de rétorsion… On a renoncé à la violence quotidienne ordinaire, celle qui prolonge la violence éducative ordinaire : ce n’est pas pour y retourner à la première bourrasque venue !), si ielle, a envie de vivre autre chose, d’avancer sur le chemin de sa vie d’une manière qui vous, ne vous convient pas… vous n’y pourrez rien : c’est sa vie, son chemin. Alors autant lâcher, et le plus tôt sera le mieux.

Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire, et je suis bien placée pour le savoir, dit une personnage dans LUTINE.
Mais on assume : c’est dans cette direction-là qu’on veut aller, qu’on a choisi d’aller. On garde le cap, comme je disais à une amie l’autre jour, parce qu’on le sait : une relation équilibrée, saine, ne peut de toute façon exister qu’entre deux partenaires égalitaires et mutuellement respectueuxes, et que l’un·e et l’autre désirent aller dans la même direction. Rien ne sert de tirer dans un sens… si l’autre tire dans un autre. On ne peut que se faire du mal.

Au moment même où on lâche prise, où on est humble, petite chose fragile, retour à l’humilité du nourrisson à la merci de la mère dévoratrice… on aperçoit une lumière, et le chemin de la remontée. On est homme parmi les hommes, femme parmi les femmes, humain parmi les milliards d’humains qui peuplent cette terre, et toutes celles et tous ceux qui nous ont précédé·e : on n’est plus seul·e, on participe de l’aventure humaine. Et d’autres, là, nous tendent la main, sans nous juger, juste en étant là, pour nous accueillir dans notre humilité et notre humanité (#14). Ielles sont passé·es par là avant nous, et nous guident.

On savoure notre victoire. On est heureuxe. On est en vie. On n’est pas mort·e noyé·e dans la cale du Titanic, on a réussi à monter sur un canot de sauvetage, et on découvre qu’autour de nous, il y a plein d’autres rescapé·es. (#15) Et notre partenaire est là, ielle aussi, dans le même canot. On rit, on s’embrasse, on verse des larmes d’émotion. On va toujours en Polyamorie, plus que jamais, pas question de revenir en arrière : on ne pourrait plus vivre en Hypocrisie.

Et là, sans qu’on ne l’ait vue venir :  la tempête, la grosse, le cyclone. Il renverse tout sur son passage, envoie les embarcations valdinguer, les vagues nous submergent, on étouffe, on se noie : cette fois-ci, c’est sûr, on ne s’en sortira pas. On lâche prise. Dans l’œil du cyclone, tout est calme. On est serein·e. On va mourir, et on est ok avec ça (#16). C’est ce que Kim Hudson, dans The Virgin’s Promise, appelle Kingdom in Chaos. Le chaos, le vrai.
Son étape #10, elle l’appelle Wanders in Wilderness. C’est le moment où l’héroïne, ne pouvant plus revenir en arrière, et son royaume étant sens dessus-dessous, ne sait plus où aller, et erre comme une âme en peine. Elle regrette, tout, elle aurait aimé ne jamais entamer ce voyage, elle ne sait plus qui elle est, elle a tout perdu, elle n’a plus rien. Elle accepte la vie comme elle vient, elle se laisse porter par les flots, elle ne lutte plus contre le courant : elle accepte que la vie soit changement, mouvement, imprévisible, et elle n’est qu’une malheureuse accrochée à un bout de bois qui dérive sur l’océan.

Que va-t-elle devenir ? Couler au fond de l’océan ? Se faire dévorer par un requin ?

Soudain, elle aperçoit, au loin, les rives de la Polyamorie. Et elle réalise que… elle sait nager !!! Ce que Kim Hudson appelle « Chooses Her Light ». Elle se connecte à la Grande Déesse en elle, à sa confiance intérieure, sa petite lumière, sa boussole, sa voix qui lui parle de temps en temps et qu’elle sait reconnaître : c’est la voix de son désir profond, de son être profond. Si elle est connectée à lui, elle peut être abandonnée par toutes et tous, y compris par celles et ceux qui comptent le plus pour elle, elle s’en sortira toujours, d’une manière ou d’une autre. C’est son Higher Self, sa « source » : chaque auteur a son propre mot pour parler de cette intuition fondamentale en chacun.e de nous, qui nous maintient en vie – notre pulsion de vie – quelles que soient les circonstances extérieures.

Je ne dépends pas de l’autre. Ce qui fait que je suis vivant·e, c’est que je suis moi, unique au monde, et libre, intrinsèquement libre, de choisir ma vie. La Grande Déesse en moi me permet de rayonner, à l’extérieur comme à l’intérieur, en étant réconcilié·e avec moi-même : même si la chose que l’on redoute le plus devait arriver, même si l’autre devait nous quitter, ou nous, si on sentait que notre vie était en danger, même…  on n’en « mourrait » pas. Car on est là, bien vivant·e. Et quoiqu’il arrive, on fera face.
Whatever happens, I’ll handle it, écrit Susan Jeffers. Confiance en la vie et en nous : tant qu’on est en vie.

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Dire oui à l’univers. Alors, et alors seulement, on peut être heureuxe, dans le temps présent, ici et maintenant.

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Le héros a quitté son village et sa communauté qui étaient en danger, pour aller chercher l’elixir, défendu par un dragon, tout au fond de la caverne. Il vaincu le dragon et est reparti sur son chemin du retour, quand il a été assailli par un ennemi plus grand encore, qu’il a réussi à vaincre, grâce à l’élixir. Il peut rentrer à son village, où toutes et tous l’accueillent en héros : il s’est battu pour eux, et revient en vainqueur. Happy end. C’est un voyage linéaire, avec un début, un milieu, une fin.

L’héroïne, elle (entendre : la part féminine en chacun·e de nous) s’est connectée à sa brillance intérieure et a décidé de suivre la voie que celle-ci lui indiquait, contre l’avis de sa famille qui a tout fait pour la retenir et maintenir dans la voie qu’ils avaient décidée pour elle, sans même la consulter. Ce faisant, elle a petit à petit lâché toutes les défenses qui la protégeaient depuis sa tendre enfance et s’est confrontée à sa plus grande peur, en étant totalement nue, et sans plus rien. Et puis elle a entrevu la lumière, sa lumière, s’est reconstruit une communauté, une famille qu’elle s’est choisie, et elle remonte, pour guider à son tour celles et ceux qui, comme elle, voudraient vivre leur vie. C’est un voyage initiatique cyclique, circulaire. Un éternel recommencement. Le cycle de la vie. À chaque nouvelle génération, de nouvelles personnes partent à l’aventure de la découverte de leur moi intérieur.

La polyamorie nous entraîne dans ce voyage à la découverte de nous-même. Qui est-on vraiment ? Qu’attend-on de la vie et de nos relations ? Qu’est-ce qui compte pour nous ? Souhaite-t-on vivre dans le royaume de la Peur, ou dans l’Amour, la confiance et le respect ?
Oh, ce n’est pas facile, et à chaque fois qu’on se croit arrivé·e, il faut recommencer, enlever de nouvelles couches, découvrir de nouvelles peurs. On grandit, on mûrit, on vieillit. On n’est jamais arrivé·e. Ou alors, c’est qu’on est arrivé·e à la toute dernière porte, celle qu’on ne peut franchir que dans une seule et même direction…

Je veux croire qu’avec l’expérience, les peurs s’apaisent, les descentes sont moins violentes, les remontées encore plus joyeuses et libératrices. Je choisis de vivre au royaume de l’Honnêteté, pas en Hypocrisie. Je choisis l’Amour, plutôt que la peur. Je suis libre, je veux rester libre. J’aime l’autre, aussi libre, d’aller et venir, de suivre son chemin, qui est parfois parallèle au mien, parfois peut s’en éloigner. Je fais le choix de la confiance, du respect, et de la communication compassionnelle.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Hâte de lire vos témoignages : l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé.

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #17. 11. Être moi-même

Plus j’ai avancé dans ce Voyage en Polyamorie, commencé je ne savais pas trop pourquoi, ni où j’allais, ni pourquoi même j’avais besoin de l’entreprendre, plus j’en ai senti la force en moi, comme une force tellurique, ancestrale, puissante, des profondeurs. Une force mystique, qui me dépasse complètement.
Aujourd’hui, je me réveille comme rincée, lessivée, essorée. Comme si j’étais passée par le programme d’une machine à laver, et que je me réveillais nue, à la fois fragile et forte, comme un nouveau-né, avec ma vie devant moi, et tous les possibles. À nouveau étonnamment reconnectée à moi-même, à ma force intérieure, à ma créativité. Je ne saurais pas même vraiment l’expliquer.
Depuis quelque temps déjà, je sens que les choses bougent en moi, que je ne vois plus le monde de la même manière. Je crois que l’un des premiers déclics est venu de mon fils, quand il m’a dit : « Maman, parfois tu me regardes comme si tu voyais en moi un ennemi, un prédateur. Maman, tu vois en moi mon père, et derrière lui, tous les hommes. Mais je ne suis pas mon père, je ne suis pas « les hommes ». Je suis ton fils. »
J’ai parfaitement conscience qu’il m’a dit ça ce jour-là, parce que j’étais capable de l’entendre, et de le recevoir. J’ai entendu, j’ai accueilli, j’ai pleuré, et je l’ai remercié de la confiance qu’il me témoignait en se dévoilant ainsi à moi.
Et au fond de moi, je savais qu’il avait raison. De toute façon, par le fait même que c’était son ressenti, il avait « raison ». Et je n’avais rien d’autre à faire qu’à l’entendre, et le recevoir.

Je crois que c’est en partie la force de la métaphore entre proies et prédateurs, victimes / bourreaux, dans le magnifique film Zootopie, qui nous a permis, à l’un comme à l’autre, de comprendre, de manière très profonde, la répartition des rôles entre hommes et femmes dans cette société patriarcale dans laquelle on vit, ces codes, ces schémas et ces peurs avec lesquels s’est construit.e.s, les un.e.s et les autres.

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Les hommes ont peur de la puissance de la sexualité des femmes. Alors ils ont eu besoin de la brider, de la contrôler. Cette capacité des femmes (entendre : la part féminine en chacun.e de nous) de comprendre le monde, de descendre dans leur moi profond, de parler avec leurs émotions, leurs ressentis, leur cœur émotionnel, d’être connectées aux forces de la terre, aux forces de la vie en nous.

Les hommes ont bâti cette société sur le rapport de forces, la domination, le pouvoir, la propriété, la possessivité. Sur une logique du manque (les anglophones utilisent le mot « scarcity » : pénurie, rareté, famine). Parce qu’ils.elles sont en nombre limité, j’accumule des richesses, des biens, voire des femmes : au cas où je vienne à manquer, je fais des provisions.

Cette société patriarcale, qui apprend aux un.e.s et aux autres, et ce, depuis tout petits, que leurs émotions, leurs ressentis, ne sont pas légitimes. On dit aux petites filles qu’elles font des scènes « pour rien« , que c’est « de la comédie » : Ne fais pas ton cinémaquelle comédienne tu fais ! Tu n’en fais pas un peu trop ? On les ridiculise, on les dévalorise.
C’est la maîtresse de ma fille l’autre jour au cinéma qui me dit, quand j’exprime mon désir d’être assise à côté d’elle (ma fille) : Vous n’allez pas faire un caprice ? Vous n’êtes plus une petite fille !
Quel « caprice » ? Quelle « petite fille » ? J’exprime mon désir, et mon désir est légitime.
Parallèlement, on apprend aux petits garçons à refouler leurs émotionsUn garçon, ça ne pleure pas ; dans notre famille, on sait se tenir ; chez nous, on se contrôle. Et on leur met en tête tout un tas de « devoirs » et obligations : de performance, de protection, de conquêtes, de « signes extérieurs de richesse« .
Et on offre aux petites filles des poupées, en leur expliquant qu’elles aussi, un jour, elles seront « maman ». Est-ce qu’on explique aux petits garçons qu’un jour ils seront « papa », est-ce qu’on les encourage à jouer à la poupée afin que le jour venu, ils sachent bien s’occuper de leur nouveau-né ? Que nenni. Les jouets de « filles », sont dévalorisés.
Ma fille, dès sa rentrée au CP, a lâché les robes et le rose, pour s’habiller « comme un garçon », en jogging et baskets. Parce qu’elle sent bien que les garçons sont « plus forts » et qu’elle veut être comme eux. Alors chaque jour, elle s’entraîne : elle fait des pompes et des bras de fer, elle se muscle, elle court, elle porte les sacs des courses : pour être « plus forte ».

On vit dans une société qui a le culte de la performance, qui valorise « l’avoir » et le « faire » sur l' »être ». Toujours plus. Accumuler. Les derniers gadgets, les marques à la mode. Tout va vite, toujours plus vite. On n’a plus le temps de rien. Les réseaux sociaux nous donnent l’illusion d’être connecté.e au monde, mais ça n’est qu’une illusion. En réalité, on est sans doute plus seul.e qu’avant, chacun.e derrière son ou ses écrans multiples.
On ne prend pas/plus le temps de se poser. De se « pauser ». Faire une pause. Se regarder en face, et prendre le temps de se demander qui on est, nous, très profondément, et ce qu’on attend de la vie, et de nos relations aux autres. Qu’est-ce qui est important pour nous, vraiment ? De quoi a-t-on envie, vraiment ? Qui a-t-on envie de voir, vraiment ? Avec qui aimerait-on passer la soirée, si on avait le choix ?

Ce Voyage en Polyamorie, ce blog où je me suis astreinte à écrire un article par jour depuis déjà 17 jours, m’a permis ça : de me « pauser ». De regarder en moi-même, et de m’interroger. Sur l’amour, la liberté, ma dépendance aux modèles et schémas ambiants. De me demander à quel point les croyances et les peurs créées par les générations avant nous étaient ancrées en moi. Si ma peur des hommes – et ma colère, dérivée de cette peur fondamentale, physique, aussi bien que psychologique – n’était pas héritée de celle de ma mère. Et au-delà, de celle de sa propre mère, et ce, sur des générations et des générations.

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Parallèlement à mon voyage, étonnamment, la société française me semble en train de bouger. Ces femmes qui soudain, osent enfin parler, lever le voile sur le tabou des violences sexuelles et du harcèlement sexiste au quotidien. Ces 17 ex-ministres qui écrivent cette tribune : « Nous ne nous tairons plus. » Les articles et interviews de Muriel Salmona qui atteignent enfin la sphère des médias nationaux. Cet article d’un journaliste dans Libération, enjoignant les hommes, eux aussi, à se lever aux côtés des femmes en écrivant : « C’est parce que ces femmes pensent, à juste titre, qu’elles ne seront pas entendues, écoutées par leurs collègues masculins, les cadres, etc. qu’elles ne disent rien. Et que le harceleur se sent légitimé. Très souvent, pourtant, nous savons ce qui se passe. Ne faisons plus semblant de ne pas savoir. Et ne nous cherchons plus d’excuses pour ne pas voir et dire. » J’en ai pleuré.

Je me sens femme. Je me sens enfin, entendue.
Ex-victime de violences psychologiques, sexistes, si non sexuelles.
Je me sens fière d’être femme parmi les femmes. À la fois infiniment triste et en colère d’entendre que toutes ont la même expérience, et en même temps, heureuse que toutes  enfin, reconnaissent cette sororité entre nous.
Jusqu’à présent, quand je parlais, j’avais l’impression d’être en position de « victime », donc de « faiblesse » : comme dans « faible femme », « le sexe faible », ou « les femmes et les enfants d’abord ». Et les faibles ont toujours tort dans cette société binaire qui valorise les « winners« , par opposition aux « losers« .
Le fameux « La raison du plus fort est toujours la meilleure » de la fable Le Loup et l’Agneau.

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Aujourd’hui, je récupère ma puissance. Je peux parler, et ma parole peut être entendue.
Je ne dépends plus d’un homme, du regard d’un homme, de la valorisation ou non d’un homme. Ma valeur m’appartient. J’ai de la valeur en moi-même. Ma parole a de la valeur. Je suis entendue. Je suis entière. Je m’appartiens.

Je me sens libérée.

Ce n’est sans doute pas seulement grâce à mon Voyage en Polyamorie, mais aussi à la conjonction de ce voyage et de tout ce qu’il s’est passé autour en parallèle : mes échanges avec mes amies, mes lectures sur les réseaux sociaux, les différents articles. Et aux discussions avec mon fils. Et à mon « Je n’ai plus peur du loup« , sorti spontanément à mon coiffeur vendredi dernier (j’en ai été la première surprise à m’entendre le dire !).  Libérée de la peur qui m’entravait.
Je renais à moi-même.

Comme le disait mon coiffeur : « je travaille mon m’aime« .

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Hier, j’ai lâché prise, profondément, totalement.

J’ai compris que si j’avais peur de l’amour que l’homme que j’aime peut éprouver pour une autre que moi, en plus de son amour pour moi, c’est parce que je vivais au royaume de la Peur, et non dans celui de l’Amour et la confiance.
J’ai choisi d’avoir confiance en lui, et dans son amour pour moi.
Si je n’ai plus peur du loup, si je me suis départie, une à une, de toutes les protections que j’avais soigneusement érigées autour de moi, comme autant de barricades et de barrières, en descendant dans le fond de ma caverne, je peux remonter en étant dans l’amour, et uniquement dans l’amour.

J’ai ressenti que j’avais construit ces barrières, une à une, depuis l’enfance, sans doute parce que comme (presque) chacun.e d’entre nous, j’ai été élevée dans la VEO : la Violence éducative ordinaire. Celle qui nous est tellement habituelle, qu’on n’y fait même pas/plus attention.
À ce propos, lire absolument, impérativement, le formidable article de mon amie sociologue et thérapeute Frédérique Herbigniaux : La Violence éducative ordinaire : enfant du patriarcat.

Je me suis construite dans l’idée que je devais me méfier des autres, et notamment des hommes, qui n’étaient pas fiables, dont le soi-disant « amour » (car je ne savais pas que ce que je croyais être de l’amour, n’en était pas) pouvait mener à des dangers, des violences, des abandons.
Je vivais au royaume de la Peur, et je projetais ces peurs venues du tréfonds de mon être… sur l’homme que j’aime. Je ne lui faisais pas suffisamment confiance et je me sentais en danger, si soudain une autre entrait dans sa vie.
C’est ça, que j’ai lâché hier.
Parce que j’ai compris que ces peurs étaient « mes » peurs, mes projections, héritées d’avant, et peut-être même d’avant moi, d’avant ma naissance. Et que si je lâchais ma peur du loup, alors je pouvais aussi lâcher toutes ces peurs qui ne m’appartenaient pas/plus.
Et j’ai lâché. D’un coup. Tout.
Et ce matin, je me suis réveillée lessivée, essorée, vidée… mais aussi moi m’aime, entière, autonome, sereine, solide.
Si je lâche prise, si je reconnais et accepte que je n’ai pas de prise sur « sa » moitié de la relation et sur les relations qu’il peut vivre avec d’autres que moi, alors je récupère l’entièreté de « ma » moitié de la relation, elle m’appartient à moi. À moi qui m’aime.Je me retrouve entière, whole. Je n’appartiens à personne et personne ne m’appartient. Je ne suis plus dans la dépendance, mais uniquement dans l’amour. Dans l’amour qui est don de soi. Et liberté. La mienne, et celle de l’autre. Intrinsèquement. Profondément. Philosophiquement.

Roue du voyage J’avais prévu d’intituler cet article #17, étape n°11 de mon Voyage en Polyamorie,  « Résurrection » d’après le Voyage du héros, « Rebirth / renaissance« , d’après celui de l’héroïne (toujours entendre : la part masculine, consciente, dans l’action, et la part féminine, inconsciente, dans l’introspection, en chacun.e de nous).

En effet, même si je ne savais pas véritablement où j’allais, dans le sens où je ne savais pas à l’avance ce que j’allais écrire et le découvrais moi-même au fur et à mesure, au moment même où je l’écrivais… j’avais tout de même une idée générale du voyage et de sa structure. En témoigne ci-dessus la roue que j’ai dessinée au tout début de ce voyage et qui a été ma boussole : ce voyage, comme un scénario de fiction, a une structure dramatique.

Mais je ne savais pas comment j’allais écrire ça, et surtout si j’allais le comprendre de l’intérieur, d’une manière ou d’une autre, ou bien si j’allais devoir le « plaquer » de manière un peu artificielle.

Ce matin, sensation première d’être, comme je l’ai dit, « lessivée, vidée, essorée », passée par le programme essorage d’une machine à laver. Et puis, soudain, l’image s’est imposée à moi : j’étais en effet vidée, comme déprogrammée, nettoyée de toutes ces peurs qui m’avaient construite et protégée jusque-là. Et je pouvais, en effet, renaître à moi-même. J’en ai été la première bouleversée. Car si la « renaissance » était écrite sur ma roue, je ne pensais pas réellement l’éprouver dans la vraie vie – juste l’écrire, la théoriser, la fictionaliser.

En quoi mes pensées créent-elles ma réalité ?
Je pense que je réinterprète mes sensations, que je cherche à leur donner un sens. Le travail de fiction n’est rien d’autre que d’essayer de donner un sens à une existence qui sinon, n’en a pas, comme un bateau qui dériverait au gré des flots. Je choisis de lui donner une direction, un cap, voire une destination.

L’autre jour, discutant polyamorie, une amie me dit : j’ai du mal à déterminer mon objectif. Je lui réponds, du « haut de mon savoir » et de ma grande expérience (sourire d’auto-dérision, là) : Tu n’as pas nécessairement besoin d’avoir un « objectif ». Tu peux aussi vivre au jour le jour. Et observer où tu vas, en te faisant confiance. 
Quelques minutes après, je sors du café sur ces quelques mots : Et garde le cap !
La porte franchie, une fois sur sur le trottoir, j’éclate de rire, n’en revenant pas moi-même : je m’étais entendue dans toutes mes contradictions. (NB. Ne jamais avoir peur du ridicule !)

Éviter les généralisations, fuir les certitudes, autant que les projections, les anticipations, les attentes : car elles figent, enferment, anesthésient.

Une seule solution à mon sens, celle que nous propose Susan Jeffers dans un de ses livres, qui, comme tous, me touche en profondeur : Embracing UncertaintyC’est aussi le sens de ce que l’on appelle l’impermanence de la vie.

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On ne sait pas de quoi demain sera fait. Ne pas faire de plans sur la comète. Si on a des attentes, des projections, des espoirs… on ne peut qu’être déçu.e.
On ne peut pas s’engager sur l’avenir. La vie est mouvement, la vie est changement. Quand on arrête de bouger, de changer… c’est qu’on est mort.e !

Susan Jeffers propose plusieurs « trucs » de langage. Par exemple, au lieu de dire « J’espère… » qu’il appellera,qu’elle pense à moi, que je le/la verrai bientôt, dire « I wonder / Je me demande… » s’il va appeler, si elle pense à moi, si je le/la verrai bientôt.
Essayez : ça change tout !

Mon fameux « …- ou pas« , c’est d’elle aussi que je le tiens.
On sera toujours ensemble dans un an… – ou pas. Je t’attendrai… – ou pas.
À chaque fois que vous vous surprenez à émettre une certitude (ou un vœu) sur l’avenir, ajoutez « … – ou pas ». C’est très libérateur.
Ça permet de ne pas s’accrocher à des choses sur lesquelles, de toute façon, on n’a aucune prise. Et par définition, on n’a aucune maîtrise sur des émotions et des sentiments.

Comment des amoureux aujourd’hui peuvent-ils se leurrer eux-mêmes à vouloir croire leurs promesses faites de vent et de poussière : Je t’aimerai toujours, mon amour ; toi et moi, c’est pour la vie ; je ne quitterai jamais.
Comment peut-on faire des promesses sur des sentiments, des émotions ?

Le sentiment d’amour se construit sur la répétition de moments et d’émotions d’amour, jour après jour. Les émotions, par définition, sont passagères, éphémères. On aime quelqu’un.e quand se renouvellent entre nous, jour après jour, ces moments de partage d’émotions positives et d’échange d’ocytocine qu’on appelle l’amour.

Mais l’amour peut disparaître, du jour au lendemain, si on le néglige. L’amour entre deux personnes est comme une plante, qu’il faut arroser et dont il faut prendre soin, jour après jour.

On ne peut jamais être sûr.e de rien, et certainement pas du sentiment amoureux. Lâcher prise, fondamentalement.

Quand on choisit en conscience de vivre en Polyamorie, il y a plus de chances, statistiquement, qu’en Monogamie, qu’en s’autorisant mutuellement à vivre d’autres relations, on développe de véritables histoires d’amour.
Au début d’une histoire d’amour, il y a d’abord une attirance, un désir de mieux connaître l’autre, parfois un désir sexuel. Ce n’est que si l’on s’autorise à vivre cette histoire, que peuvent alors se développer des sentiments d’attachement plus forts entre deux personnes.

Et il y a des chances que quand on voit la personne que l’on aime tomber amoureux.se d’un.e autre, ou en avoir envie et nous le dire dire, cela réveille en nous des insécurités.
L’autre est libre, comme moi-même je suis libre, intrinsèquement, et on n’a pas, on n’aura jamais, aucune prise sur ses émotions et ses sentiments. Alors autant lâcher prise, dès le début et le plus tôt possible.

À ce propos, une amie chère et bien plus avancée que moi en Polyamorie, m’écrivait dimanche (je la cite avec son autorisation) :
« Déjà savoir, comprendre, accepter que si l’on installe une forme de contrôle (je parle ici de ce contrôle sur l’autre qui prend naissance dans nos propres peurs et qui donc fait fi de l’honnêteté, et de qui est cet autre que l’on aime pour ne pas lui faire confiance ? Confiance à qui ? À soi ? À lui/elle ?), donc cette forme de contrôle sur l’autre pour apaiser nos peurs peut souvent créer une situation contraire à celle attendue.

Petit à petit, ielle risque soit de moins se confier à toi, soit de ne plus entrer en relations, soit de ne vivre que des moments où ielle niera ses sentiments pour d’autres… Ielle va se névroser en somme. C’est une bombe à retardement qui est en train de se fabriquer alors. Frustrations, déceptions et colères… puis boum, le clash :  ce qui a été contenu explose fatalement à un moment.
Lâcher… Se dire que cet homme / cette femme que j’aime est solide, fort.e et que j’ai bien raison de lui faire confiance et je vais travailler cette confiancenon pas la sienne, mais bien la mienne !

Tu vas aimer qu’ielle s’émancipe, qu’ielle soit amoureux.se, qu’ielle devienne gaga d’un.e autre. Ce que tu vas aimer, ce n’est pas qu’ielle aime un.e autre, ni que, sur une période, ce qu’ielle vit avec cet.te autre soit plus fort, plus pétillant et même plus enivrant qu’avec toi… non non, ce que tu vas aimer, c’est qu’ielle puisse t’en parler librement, tu vas aimer être son/sa meilleur.e ami.e et confident.e dans ces moments-là, tu vas aimer sentir combien sa parole est libre avec toi, combien ielle n’a pas peur de ton jugement ou de tes autorisations, tu vas aimer ce moment – quand il va arriver – où il n’y a plus besoin de se mentir, de faire attention, d’être précautionneux avec toi… par peur de te décevoir ou de se faire prendre en situation peu glorieuse où une règle ou une consigne a été oubliée lors d’une rencontre.

Tu vas aimer, car dans un couple, ce n’est pas le sexe ou l’amour pour un.e autre, ce n’est pas ce que l’autre vit sans nous qui est le ciment/liant de la structure, de la construction de notre couple, ce n’est pas non plus la fondation/solidité de notre couple, ce qui se vit ailleurs que sous notre regard, non non non, ce qui est et fera la force et la beauté de votre relation, c’est cette confiance particulière sans restriction qui fait de ton amoureux.se la personne avec laquelle tout peut se vivre, tout peut se dire, le meilleur comme le pire. »

Et vous, avez-vous déjà vécu l’amour de quelqu’un.e que vous aimez pour quelqu’un.e d’autre ? Comment l’avez-vous vécu ? Connaissez-vous ce sentiment qu’on appelle compersion ? Hâte de lire vos témoignages dans l’espace des commentaires ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #16. 10b. L’Œil du cyclone

Ça y est, c’est dit, votre partenaire, celui ou celle avec qui vous partagez tant depuis plusieurs semaines, mois, années… a rencontré quelqu’un·e  avec qui ielle a envie de vivre une véritable histoire, pas seulement des 5 à 7 coquins, pas seulement une complicité amicalo-sexuelle. Non, ielle a envie de plus, d’une intimité, d’un partage d’émotions, de tendresse, de secrets, de moments intimes profonds… et tout cela, par définition, prend du temps.
Car elle pourrait bien être là, la faille du côté Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil des Bisounours poly : certes, l’Amour est illimité (ou presque) et se multiplie, et de même qu’on a plusieurs ami·es, et qu’un·e ami·e qui vous dirait : Je veux bien être ami·e avec toi, mais je veux que tu n’en aies aucun·e autre, paraîtrait sorti.e d’un monde de science-fiction, on peut aimer plusieurs personnes, et l’amour que l’on éprouve pour une nouvelle personne n’enlève rien – en théorie (parce que bien sûr, il arrive qu’une nouvelle relation naisse précisément parce qu’une ancienne n’a plus de sens) – à ses amours d’avant. Certes.

Mais le temps, lui, n’est pas extensible. Et si l’amour se multiplie, si, comme le dit Françoise Simpère dans mon film, « Les amours ne pas rivales, elles s’additionnent », le temps, lui, se divise.
Et si votre partenaire a une nouvelle relation, qui soudain, parce qu’ielle est en NRE (New Relationship Energy), lui prend du temps qu’auparavant, ielle passait avec vous… comment vivre cette évolution sereinement ?

Dans LUTINE, le personnage de Gaël demande à Isa : « De quoi tu as peur ? » Elle lui répond : « Que tu me quittes. Que tu l’aimes plus que moi. Que tu passes plus de temps avec elle qu’avec moi. Que… D’être en manque… de toi. »

Être seule ne me pose pas de problème, au contraire même. Non seulement j’adore être seule, mais j’en ai fondamentalement besoin. Passer des heures en solitude et dans le silence, c’est comme cela que je peux entrer en moi-même, pour mieux écrire. J’ai besoin de ces moments de repli et d’introspection, pour ensuite retourner dans le monde et partager. Rester seule chez moi… me va très bien.

De quoi ai-je peur alors ? Car c’est bien d’une peur fondamentale qu’il s’agit, quand on cherche à l’accueillir en soi. Et c’est sans doute une peur qui nous reste du mythe de la Monogamie, dans lequel, qu’on le veuille ou non, on a baigné si longtemps, et qui continue à s’insinuer en nous via les films, les émissions de radio, les remarques des autres. Oui, mais… et si ielle tombait vraiment tellement amoureux d’un.e autre… et que ça remettait en cause votre relation ?

L'OEIL DU CYCLONE

Face à cette peur profonde, viscérale, sans doute héritée de notre enfance, pas grand-chose d’autre à faire que… de l’accueillir, de la reconnaître en nous, de l’accepter pour ce qu’elle est : une peur, rien d’autre. Une pensée, voire des pensées. Passagères, éphémères. Qui se nourrissent les unes des autres.

On peut essayer les différents outils d’accueil des émotions (#11). On peut choisir où l’on souhaite porter son attention sur la roue de la conscience. On peut se concentrer sur ses sensations en s’adonnant à la méditation de pleine conscience (#12).

On peut aussi décider… d’en profiter pour faire autre chose, qui nous plaît. Sortir, voir des ami·es, aller au cinéma. Lire, écrire, travailler.
Bien sûr.

Mais l’enjeu est bien plus profond que ça. Il s’agit vraiment de lâcher prise, totalement, complètement. De regarder la peur en face et de lui dire : Je te remercie ma peur, je sais combien tu te préoccupes de moi, et j’en suis très touché·e. Mais ne t’inquiète pas : je choisis d’aller bien. 

Comme me le disait mon coiffeur l’autre jour : Tu travailles ton t’aimeJe travaille mon m’aime.

Dans l’œil du cyclone, comme me le faisait remarquer une amie proche cet après-midi, tout est calme. On peut être en paix avec soi-même.

Par essence et de manière totalement intrinsèque à sa condition d’humain·e, l’autre ne m’appartient pas. Je n’ai aucun « droit » sur ielle.
Il ne peut pas y avoir de rapport hiérarchique, d’autorité, de pouvoir, de qui que ce soit sur qui que ce soit dans le cadre de relations saines, équilibrées, égalitaires, mutuellement respectueuses.
On ne peut que s’écouter, dans l’écoute compassionnelle, et essayer de trouver une manière de nous entendre (#13).

Si l’autre a envie, besoin de vivre une nouvelle relation qui certes, peut ne pas nous réjouir, nous agréer (on peut imaginer que la troisième personne, par exemple, ne nous donne pas toutes les garanties que l’on aimerait d’un comportement respectueux et empathique – et que malgré tout, tout en en ayant conscience, notre partenaire a envie ou besoin d’aller s’y frotter, peut-être parce qu’ielle a encore quelque chose à apprendre de ce côté-là des relations), de toute façon, quoiqu’on fasse, on n’y pourra rien.

Dans tous les cas, et fondamentalement, on ne peut agir que sur notre moitié de la relation.

Plus on va se crisper, se raidir, édicter des règles, poser des cadres, voire basculer du côté de la rive de la rigidité de la rivière du bien-être, comme dit Dan Siegel (#12) ou bien faire des scènes, des crises, lui montrer à quel point son comportement nous insécurise, et basculer du côté de la rive du chaos de la rivière du bien-être… dans un cas comme dans l’autre, cela se retournera contre nous.
Car ce serait tenter de lui faire porter la responsabilité de notre sérénité, de notre bien-être, au lieu d’en assumer nous-même la pleine et entière responsabilité.

Notre sérénité et notre bien-être… ne peuvent venir que de nous-mêmes.

La Rivière du bien-être

C’est à nous à apprendre à naviguer sur la rivière du bien-être, à ne pas trop aller d’un côté, ou trop de l’autre. Pas trop du côté du rationnel froid, rigide, logique et calculateur ; pas trop non plus céder à nos émotions, nos peurs, nos fantasmes, nos projections.

Rester centré·e, en paix avec soi-même.

Si l’autre a envie ou besoin de vivre une relation, une histoire, voire une passion… avec quelqu’un·e d’autre, plus vous tenterez d’endiguer les flots, plus vous chercherez à contrôler… plus vous serez emporté·e par le courant quand la digue cédera.
Vous ne pouvez pas agir sur une relation qui ne vous concerne pas.
Car une relation entre votre partenaire et une troisième personne… ne vous concerne pas. Vous n’êtes pas concerné·e.

Bien sûr, il est possible que votre vie en soit changée, bouleversée, même, et en ce sens, vous êtes concerné·e. Mais vous n’y pouvez rien.
L’un·e et l’autre sont libres, intrinsèquement.
Si votre partenaire a envie de vivre une relation que vous jugerez peut-être, vous, de l’extérieur, toxique… vous êtes la dernière personne à pouvoir le lui dire. Car de vous, ielle ne pourra pas l’entendre. Car la troisième personne, si elle a un comportement réellement toxique, s’empressera de lui faire remarquer à quel point vous cherchez à le/la manipuler, à la faire passer, elle, pour quelqu’un·e de manipulateur, alors même qu’elle essaie de le/la sauver de votre relation à vous.
Les manipulateurices ont ceci de redoutable qu’ielles renversent les situations comme en miroir.

Si vous êtes confronté·e à un tel comportement, à par exemple quelqu’un·e qui fonctionnerait sur une mise en place d’une co-dépendance… alors raison de plus pour lâcher prise, et le plus tôt possible. Vous n’y pouvez rien. Rien de rien.
Et plus vous lutterez contre le courant, plus vous vous épuiserez, et plus vous y laisserez de plumes.

Quand vous vivez en Monogamie, si votre partenaire a envie ou besoin de vivre une autre relation, vous ne le savez pas. Vous en êtes protégé·e. C’est en ce sens que c’est un monde plus « sécurisant », même s’il ne l’est qu’en apparence.
En Monogamie, si votre partenaire se lance dans une relation toxique, vous n’en savez rien. Vous pouvez continuer à vivre votre vie de tous les jours comme d’habitude, et vous constituez pour ielle, un havre de paix.

Quand vous avez fait le choix de vivre en Polyamorie, si votre partenaire a envie ou besoin, pour des raisons qui lui appartiennent, de vivre une relation qui ne vous donne aucune garantie de respect et de confiance mutuels… raison de plus pour lâcher prise, et pour rester, vous, ce havre de paix et de sérénité.

Vis ce que tu as à vivre, mon amour. Je t’attendrai.
Ou pas.

Car si vous n’avez prise que sur la moitié de la relation qui vous appartient, vous avez malgré tout prise sur cette moitié. Et vous pouvez, pour vous-même, décider de ce que vous êtes prêt à accepter… ou non.
Quelqu’un·e qui poserait d’emblée, par exemple, des conditions exclusives (C’est comme ça et c’est moi qui pose mes conditions, et si tu n’es pas d’accord, j’annule tout) vous propose, implicitement, un jeu de dupes : si vous rentrez dans son jeu, si vous acceptez de jouer au jeu du C’est qui le/la plus fort·e, alors vous allez perdre, à coup sûr.

La seule manière de s’en sortir, c’est de ne pas jouer.

Et si les enjeux montent, si les conditions deviennent trop pénibles pour vous, si voir votre partenaire dans des postures trop inconfortables, trop douloureuses – alors qu’on est bien d’accord que l’amour est censé être un plaisir, un bonheur, une joie… pas vous faire peur ou vous faire pleurer – vous devient insupportable, alors vous avez le choix de vous retirer, vraiment.

Parfois, il faut « laisser couler« , comme disait le marabout au personnage de Louise interprété par Marie Gillain dans Tout le plaisir est pour moi, mon premier long-métrage. « Laisser couler… quoi ? » lui demandait-elle. – « Laisser couler. Tout. » 

La vie est mouvement, la vie est changement. Si on ne change pas, si on ne bouge plus… c’est qu’on est mort·e !

Vouloir s’accrocher à tout prix à ce qu’on avait… mais qu’on n’a, de toute façon, déjà plus, au moment même où quelqu’un·e de nouveau fait son entrée dans le paysage, c’est s’exposer à des déceptions, des frustrations.
C’est poser des attentes… qui ne pourront qu’être déçues.

Vivre au jour le jour, dans le moment présent.
Vivre en gratitude, en paix avec soi-même.

Célébrer la vie en nous, nous réjouir de ce que l’autre nous apporte… et de ce qu’ielle ne nous apporte peut-être plus, et qui nous permet de développer d’autres activités, d’autres amitiés, de faire peut-être nous aussi des rencontres.

Avoir peur, projeter sur l’avenir, faire des suppositions… est voué à nous créer des nœuds dans le cerveau, et souvent on provoque ce dont on a le plus peur.
Nos pensées créent notre réalité. 

La seule et unique option qui s’offre à nous, est donc de lâcher prise, et de laisser venir, le cœur ouvert. Et sans doute alors qu’on connaîtra des joies nouvelles auxquelles on ne s’attendait pas, des bonheurs inédits.

Ne plus se laisser dicter son comportement par ses peurs… mais par l’Amour.
Choisir la voix, la voie de l’Amour en nous.

Faire confiance à notre partenaire. Avoir confiance dans notre relation, dans ce qu’on a construit ensemble. C’est la personne dont on se sent le plus proche, la personne en qui on a le plus confiance : ielle saura choisir ce qui lui convient le mieux. On a confiance qu’ielle ne fera rien contre nous.

Célébrons ce que les bouddhistes appellent l’impermanence de la vie. La vie est changement, la vie est mouvement. Les relations sont faites pour changer, évoluer.

En Monogamie, on n’a que deux solutions : rester ensemble ou se quitter. Et c’est souvent la rupture, tragique, douloureuse. Comment quelqu’un·e qui, quelque temps avant, était « tout » pour nous, n’est plus rien du jour au lendemain ? Je n’ai jamais compris.

En Polyamorie, on peut être plus souple, plus inventif·ve, plus créatif·ve… et c’est tant mieux. Les relations sont amenées à se modifier, à se réinventer, chaque jour. Une relation qui a été fusionnelle pendant quelques années, peut soudain, parce qu’une troisième personne fait son apparition dans le paysage, évoluer vers une relation plus espacée en termes d’emplois du temps, mais tout aussi profonde dans le fond et le partage des émotions. Et le fait que l’un.e des deux ait une nouvelle relation qui lui prend du temps, peut dégager du temps libre pour l’autre, qui pourra en profiter à son tour à sa guise.

Sauf dans le cas de relations avérées toxiques (j’en connais personnellement malheureusement un rayon, mais justement, je me dis désormais que c’est une chance : je n’ai plus peur, car je les repère aux premiers symptômes), il n’y a aucune raison, en Polyamorie, de raisonner en termes de ruptures et de séparations.
Parlons plutôt de transitions, d’évolutions.

Lâcher prise.

Dans LUTINE,  j’avais écrit une séquence avec ma psy (qu’interprétait ma vraie psy à l’époque, et puis qui a été coupée au montage) où elle me disait : Lâchez prise. Et mon personnage répondait : J’arrête pas de lâcher prise. En attendant, je contrôle plus rien, moi !
Elle me demandait alors : »Vous connaissez la différence entre laisser tomber et lâcher prise ? » Elle prenait un stylo dans sa main, paume vers le bas, et le lâchait : il tombait. « Ça, c’est laisser tomber« . Puis elle reprenait le même stylo dans la main, paume vers le haut cette fois-ci, et elle ouvrait sa main. Et disait : « Ça, c’est lâcher prise« .

L’autre est libre, fondamentalement, intrinsèquement. Ielle vit ce qu’ielle a à vivre, sur son chemin de vie. Vous n’y pouvez rien, rien de rien. Juste veiller à votre moitié de la relation. Et prendre soin de vous, veiller à votre propre bien-être, à votre propre sérénité.

Une relation se tisse entre deux personnes. Si vous avez envie de quelque chose, mais que l’autre a envie d’autre chose, vous ne pourrez rien y changer. Et si entrent dans votre relation la moindre contrainte, le moindre contrôle, ou une quelconque forme de chantage, affectif ou autre, alors ce n’est plus une relation libre et en conscience. Et vous fabriquez une bombe à retardement.
Lâchez prise !

Et repensez aux accords toltèques :
ayez une parole impeccable : pas de jugements, pas de projections, contrôlez l’expression de vos émotions ;
ne prenez rien personnellement : si l’autre agit comme il agit, ce n’est pas contre vous, mais parce qu’ielle agit comme ielle pense que c’est le mieux pour ielle, même s’il s’agit de comportements qui produisent l’effet inverse de ce qu’ielle souhaite. Dans ce cas, n’entrez pas dans son jeu. Enfilez vos oreilles de girafe et apprenez à entendre ses besoins non satisfaits et exprimés de façon si tragiquement suicidaire. Ne faites rien que vous pourriez pas assumer en vous regardant dans un miroir.
ne faites pas de suppositions : quand vous ne comprenez pas quelque chose que fait l’autre, posez-lui la question. Ne projetez pas vos propres angoisses, vos propres peurs.
– Dans tous les cas, faites de votre mieux. Pas moins, pas plus.

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Dans l’œil du cyclone, c’est la paix. Au fond de votre ventre, ça peut être la paix aussi. À vous de le choisir, de le décider. Tout comme une tempête qui fait rage sur la mer déchaîne les vagues et met les éléments en furie… tandis qu’en-dessous, tout au fond de la mer, c’est calme, serein, tranquille.

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Et vous, comment imaginez-vous que vous réagirez le jour où votre partenaire vous annoncera qu’ielle a envie de vivre une histoire d’amour avec quelqu’un·e d’autre ? Cela vous est-il déjà arrivé ? Comment l’avez-vous vécu ? Hâte de lire vos témoignages et récits dans l’espace des commentaires qui vous est réservé ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #15. 10a. Tempête

Je parle depuis le début des « rives rassurantes et sécurisantes » de la Monogamie (#2) : mais elles ne le sont qu’en apparence. Je ne parle bien sûr pas ici de celles et ceux qui vivent en conscience en Monogamie, renouvellent leurs vœux tous les jours et en sont l’un.e et l’autre très heureux : car il y en a, bien sûr, et tant mieux. Mais beaucoup d’autres, très nombreuxes, qui vivent en Monogamie, vivent en réalité en Hypocrisie : ils mentent et portent un masque, ils dissimulent et font semblant.
Les chiffres, aussi bien des divorces et des séparations (indiquant des monogamies sérielles… mais alors on n’est déjà plus dans le mythe de la Monogamie pour toute la vie auquel ielles ont renoncé) que des adultères, en disent long sur cet idéal qui semble inatteignable, tout juste bon à culpabiliser (Les autres y arrivent, pourquoi pas moi ? ) 

Les gens qui vivent en Monogamie hypocrite vivent en effet avant tout dans le royaume de la Peur : puisqu' »on » nous a fait croire (la société, la culture, nos parents, les films) qu’on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois, que donc, si notre partenaire tombe amoureuxe d’un·e autre, alors ielle ne nous aime plus, on redoute, on repousse, on projette, on imagine, on fantasme… le moment où ça pourrait arriver.
Pour s’en protéger, pour parer à toute éventualité, on blinde les contrats, on construit des barrières, des barricades, on érige des murs autour de notre théorique cocon sécurisant : si tu es prêt·e à renoncer aux autres pour moi, moi en échange, je m’engage à renoncer aux autres pour toi.
Même si, pour soi-même, on n’y croit qu’à moitié. On s’auto-convainc.

Ça m’est arrivé moi-même, dans ma vie d’avant. Le partenaire avec lequel je souhaitais revenir « en couple » après l’avoir quitté quelques mois avant (avez-vous remarqué comment, en Monogamie, on raisonne sur un mode binaire ? On est « ensemble », ou on ne l’est pas, « en couple », ou pas : il n’y a pas d’intermédiaire, sauf s’il s’agit de relations amicales ou « que » sexuelles), m’a posé sa condition : l’exclusivité. C’était une condition sine qua nonSi tu veux être en couple avec moi, tu acceptes ma condition ; sinon, je ne souhaite pas être en couple avec toi.
J’aurais pu, bien sûr, si j’avais su à l’époque que la Polyamorie existait, si j’avais pu assumer mieux qui j’étais, lui répondre qu’alors, on allait être malheureuxes tous les deux, et avoir la force de ne pas entrer dans ce jeu de dupes. Mais j’étais amoureuse. Je me suis auto-convaincue moi-même qu’on pourrait au moins vivre quelques bons moments ensemble… tout en pensant : Puisque ça n’est pas ouvert à la discussion et apparemment ne le sera jamais, alors quand j’aurai envie d’aller voir ailleurs (et je sais que ça arrivera, car à 20 ans, cela n’a aucun sens pour moi de renoncer à tou·tes les autres pour toute la vie), je te mentirai.
Autrement dit, en m’imposant cette condition sine qua non, c’est comme s’il m’avait fait signer un engagement à lui mentir.
À partir de là, lui et moi avons vécu, non pas en Monogamie intentionnelle, mais en Monogamie hypocrite : moi qui le savais, lui qui vivait dans l’Illusion.

Combien de celles et ceux qui vivent en Monogamie, qui y croient quand ielles signent leur contrat d’exclusivité au tout début de la relation, se réveillent un jour avec la sensation de s’être piégé·es elleux-mêmes ? Ne parle-t-on pas de se « passer la corde au cou » quand on se marie ?
Un jour, ils ressentent une attirance pour quelqu’un·e d’autre que leur conjoint·e. Amour naissant (ielles se surprennent à y penser tout le temps, à attendre de lea croiser, sentent cette petite décharge caractéristique si ielles reçoivent un message par exemple), ou bien attirance sexuelle (ielles fantasment, y pensent dans la nuit, s’endorment en y pensant, projettent des images dans leur cinéma intérieur)… quelles options ont-ielles alors ?

  • vivre en Frustration : refouler, nier, enterrer ces émotions, ces sensations, tuer le désir en elleux-mêmes. Et cultiver ainsi peut-être les mauvaises herbes de frustration et de ressentiment : lors d’un désaccord, par exemple, ielles en voudront d’autant plus à leur partenaire qu’ielles auront l’impression de lui avoir fait un sacrifice – le leur.
    (Certain·es ont des accords tels que on peut se parler et se raconter, du moment qu’on ne « passe pas à l’acte ». La frustration reste alors bien présente, mais peut-être la violence que l’on s’inflige à soi-même est-elle moins prégnante ?)
  • vivre en Clandestinité : choisir la fidélité à soi-même et à son désir intérieur, plutôt que la fidélité à un contrat qu’on a signé il y a longtemps, et dont on se rend compte avec le recul que c’était sans doute une erreur de jeunesse ou de débutant·e. Comme on n’ose pas aborder le sujet, de peur de remettre en cause la relation, parce que l’autre pourrait mal réagir, et qu’on tient malgré tout au couple, alors on choisit de vivre caché·e. On mène donc une double vie : on prétend être à l’extérieur, dans sa famille et en société, quelqu’un·e d’autre que ce qu’on est à l’intérieur. Combien de temps peut-on vivre comme ça, dans le faire-croire et faire-semblant ?
  • vivre en Monogamie sérielle : on peut aussi préférer être intègre, honnête, avec soi-même, refuser de tricher et mentir, et alors, avançant à visage découvert, on prend le risque de remettre en cause ce qu’on a si soigneusement construit parfois depuis des années : de nombreux couples se séparent (et apparemment, les séparations des deuxièmes et troisièmes couples sont encore bien plus nombreuses que pour les premiers). Certain·es enchaînent ainsi plusieurs unions – théoriquement – monogames (avec parfois quelques mois de recoupements entre un couple et le suivant).

Dans tous les cas, on vit des émotions douloureuses, compliquées… et que, la plupart du temps, on ne peut même pas partager avec notre partenaire, la personne qui est pourtant censée être celle qui nous connaît le mieux, et dont on voudrait se sentir lea plus proche.
Souvent, les gens qui vivent en Hypocrisie, se confient plus facilement à leurs ami·es, ou à leur psy, voire à des inconnu·es sur Internet… qu’à leur partenaire de vie.

Comment être bien avec soi-même quand on doit sans cesse se surveiller, surveiller ses paroles, ses rêves, ses communications ? Pourquoi s’impose-t-on de pareilles dissimulations, tricheries, mensonges ? Pourquoi s’impose-t-on de vivre en Hypocrisie ?

Parce qu’on a peur !
Peur de quoi ? Celui ou celle qui exige de l’autre l’exclusivité… a peur de ses propres réactions, émotions, insécurités qui pourraient se manifester si ielle apprenait que son/sa partenaire est attiré·e ou a une relation avec quelqu’un·e d’autre.
De nombreux couples vivent en Don’t Ask, Don’t Tell. Autrement dit : Je ne veux pas savoir. J’espère que tu es exclusif·ve, mais si tu ne l’étais pas, du moment que je ne le sais pas, je peux continuer à vivre dans l’Illusion.
Sans doute certain·es ont-ielles aussi peur de cette pression sociale et culturelle qui dicte que, si son/sa partenaire a une liaison, alors la « bonne attitude » à adopter est de se séparer. Et qu’au fond, ielles n’en ont pas envie. Donc ielles préfèrent jouer à l’autruche. C’est plus confortable.
Vraiment ?
Peut-on jamais vraiment avoir totalement confiance en son/sa partenaire en vivant ainsi ?

L’autre aussi, celui ou celle qui trompe son/sa conjoint·e, a peur. Bien sûr, ielle vit même dans la peur constante d’être pris·e en flagrant délit, peur de faire du mal.
Mais ielle a encore plus peur d’oser avancer à visage découvert, de dire sa vérité : car comment l’autre pourrait-ielle le vivre ? Ne risquerait-ielle pas de lea rejeter ? Si ielle osait dire qu’ielle a des désirs ailleurs, a un amour ailleurs… ne risque-t-ielle pas de tout perdre ? Ielle a rompu le contrat d’origine, et le sait. Parfois ielle regrette, voudrait revenir en arrière… mais c’est trop tard. Et si les angoisses de l’autre étaient réveillées en apprenant la vraie situation, ne risquerait-ielle pas de remettre en question la relation ?
Alors, malgré la peur, comme l’autre peur est encore plus grande, ielle continue dans le mensonge et la dissimulation.

La question se pose alors : une fois qu’on a pris conscience que la Monogamie était un mythe, une construction, aussi dignes de foi que les contes de fées de notre enfance, une fois qu’on a pris conscience que vivre en Monogamie hypocrite, c’est vivre dans le royaume de la Peur, que fait-on ?

On peut choisir de changer de paradigme. On peut choisir, plutôt que de vivre dans la peur, de vivre dans l’amour. On peut choisir, consciemment, d’écouter sa petite voix intérieure, son intuition, qu’il est possible de vivre autrement, et de faire le pari de la Polyamorie (#4).
Alors ielles se préparent au voyage (#5), et s’embarquent pour des eaux inconnues (#6).

Ce n’est pas toujours facile, il faut réapprendre les codes, se familiariser avec les rouleaux, les vagues, les creux… et certain·es ont le mal de mer (#7).
Au fur et à mesure des épreuves, d’un côté leur part masculine (lea combattant·e, lea guerrier·e, cellui qui est à la surface, qui gère au quotidien) se renforce, acquiert de nouveaux outils, se prépare à la bataille qui ne va pas manquer d’arriver (#8) ; de l’autre, leur part féminine, au contraire, se dépouille de toutes les protections qu’elle avait mises en place depuis son enfance, et se retrouve ainsi de plus en plus nue, fragile, vulnérable.

J’ai utilisé l’image d’un tourbillon qui soudain vous entraînerait vers le bas, vers le ventre de la baleine (#9). Hier, une autre image m’est venue : celle d’un bateau, comme le Titanic, qui coulerait. Notre héros et notre héroïne se retrouveraient dans la cale du bateau, au risque de mourir noyé·es.
C’est alors qu’ielles verraient la lumière, une porte de sortie. Ielles remonteraient à la surface et réussiraient à embarquer dans un canot de sauvetage, et se retrouveraient avec  d’autres rescapés, dans de petites embarcations sur la mer (#10).
Quand ielles étaient tout au fond de la cale, alors qu’ielles pensaient qu’ielles allaient mourir, confronté·es à leur plus grande peur, ielles ont lâché prise. Ielles ont accepté l’inéluctable. Ielles ont renoncé à se battre.
Maintenant qu’ielles naviguent à nouveau sur les flots, ielles respirent, ielles savourent la vie. Ielles célèbrent leur victoire, se félicitent de s’en être sortis, se disent que plus rien ne peut leur arriver. Ielles sont déjà sur les eaux territoriales de la Polyamorie.

Par exemple, ça peut être un·e solo-poly qui réussit à bien mener de front plusieurs relations. Ou un couple qui a noué une relation avec une 3ème personne, et qui vit heureusement en triade. Ou un couple où l’un·e et/ou l’autre vivent des relations extérieures principalement amicalo-sexuelles, sans beaucoup de sentiments forts ni d’implications émotionnelles. Ielles ont réussi à gérer les premières crises de jalousie, d’angoisses de l’un·e ou de l’autre, ont trouvé un équilibre, des arrangements, et le vivent tou·tes les deux plutôt pas mal.

Ielles se sentent peut-être forts, solides. Leur part masculine a affronté et remporté beaucoup d’épreuves, s’est enrichie de nombreux outils (#11, #12, #13).
Dans les cafés poly, ielles sont devenu.e.s des « ancien·nes », on s’adresse à elleux comme à des gens qui ont traversé quelques épreuves et s’en sont plutôt bien sorti·es.

C’est alors qu’au loin, arrive une tempête, qu’ielles n’ont pas vue venir, et qui risque fort de mettre à mal leur petite embarcation. Comment se préparer, de toute façon, contre une tempête ? Ce n’est en effet qu’en vivant les choses, qu’on découvre qui on est vraiment. Comme lorsqu’on écrit un scénario, un personnage ne se révèle que par ses actions.

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Le couple qui avait trouvé un arrangement en vivant une triade, se sent soudain menacé lorsque l’un·e des deux émet le vœu de vivre une relation à part, rien que pour ellui.
Le couple qui s’accommodait volontiers des relations amicalo-sexuelles de l’un·e ou de l’autre se met à tanguer dangereusement lorsque l’un·e des deux annonce à l’autre : J‘ai rencontré quelqu’un·e avec qui je sens qu’une histoire d’amour est possible.

Là, il est possible que son/sa partenaire se sente à nouveau totalement déstabilisé·e. Parce que la théorie, c’est une chose, mais vivre « pour de vrai » les émotions auxquelles nous confronte la polyamorie… c’en est une autre.

Certes, on a plein d’outils dans notre besace, et désormais, on sait parler ensemble. N’empêche : quand on est amoureuxe, on n’est parfois plus totalement soi-même. On peut vivre ce qu’en Polyamorie, on appelle la NRE, pour New Relationship Energy : l’énergie d’une nouvelle relation. La nouvelle relation prend soudain toute la place, on pense à la nouvelle personne tout le temps, on est scotché·e sur son portable, à envoyer des SMS.

Une amie me racontait qu’au début d’une certaine nouvelle relation, alors que son mari était pourtant bien tout à fait le même quand il était avec elle, il devenait uniquement préoccupé par sa nouvelle amoureuse si elle se trouvait dans la même pièce qu’eux. Et elle, mon amie, se sentait soudain transparente : son mari, l’homme qu’elle connaissait depuis vingt-ans, et avec lequel elle avait déjà partagé tant d’épreuves, son mari, soudain, ne la voyait plus. Et cette sensation de ne plus exister aux yeux de l’autre… la faisait complètement paniquer.

Une amie est partie quelques semaines en voyage, laissant derrière elle son mari et son amoureux de plusieurs années. Pendant qu’elle n’était pas là, son amoureux a noué une relation dont il n’a pas osé lui parler, puisqu’elle n’était pas là. Quand elle l’a découverte, elle s’est sentie trahie.

Un couple vivait plutôt sereinement en Polyamorie… quand tout d’un coup, l’un·e a trompé l’autre. Ça existe, l’adultère en Polyamorie ? Bien sûr ! Un adultère est une rupture de contrat. Si on a convenu qu’on était exclusif·ves, et que l’un·e a une relation avec quelqu’un·e d’autre, c’est un adultère. Si on s’est mis d’accord sur le fait qu’on est non-exclusif·ves, mais que le contrat est de se dire les choses, et que l’un·e commence une nouvelle relation en cachette, c’est un adultère.
Si on est d’accord sur le fait qu’on est libre d’avoir des relations avec qui on veut, mais pas avec des ami·es commun·es ou des voisin·es par exemple, et que l’un·e vit une relation cachée, c’est un mensonge, une tromperie : un adultère.

Et ce qui fait le plus mal dans l’adultère – c’est d’autant plus évident dans le cadre de relations poly – ce n’est pas nécessairement que l’autre ait envie d’aller voir ailleurs : c’est la rupture de contrat, la rupture de confiance. On se sent – à juste titre – trompé·e.

Mais admettons que notre tempête, alors que nos deux poly sont sur leur canot de sauvetage, ne les ait pas « surprises dans leur sommeil » : ielles la voient venir, il n’y a pas eu tromperie, pas de mensonge. Juste : l’un·e des deux a fait une rencontre, et en parle à l’autre, en disant : Cette fois-ci, je sens que c’est un peu plus que d’habitude, je sens que je pourrais être amoureuxe. 

À nouveau, on perd tous ses repères. On ne sait pas où on va. On peut paniquer. Ça peut réveiller des angoisses dont on ignorait même l’existence. On peut vouloir essayer de se protéger, de construire des barricades, de poser des règles. Par exemple : Tu peux coucher avec ellui, mais pas rester dormir.

Françoise Simpère, poly depuis plusieurs décennies, raconte en riant : la première fois, ce qui fait peur, c’est que l’autre ait du désir pour une autre, qu’il veuille coucher avec elle ; puis qu’il passe une soirée entière ; puis on est ok sur la soirée, mais pas sur la nuit ; puis on lâche sur la nuit et on dit : Ok pour la nuit, mais alors pas le petit-dejeuner ! Et puis après, on lâche sur le petit-déjeuner, mais on dit : Pas un week-end entier ! Et puis on lâche sur le week-end, puis sur les vacances…
En réalité, ce qu’on travaille, ce qu’on éprouve à chaque fois, c’est la force du lien qui nous lie l’un à l’autre. Ce qui fait peur, ce sont toujours les premières fois. Et puis comme on voit qu’on a survécu, alors on peut tenter une deuxième, et puis une troisième.

Mais à chaque fois qu’il va y avoir une première fois, on paniquera à nouveau…?

Personne n’est jamais à l’abri de ce que Franklin Veaux a appelé The Game Changer : cette nouvelle relation qui met à mal la précédente, qui pourtant paraissait solide, après vingt ans de mariage et de relations poly. Parce que soudain, lui a eu envie d’habiter au quotidien avec cette nouvelle amoureuse, remettant en cause les accords de vie qu’il avait avec son épouse.

Sachons-le cependant : ce n’est pas parce qu’on érige des barrières, des barricades, qu’on tente de se protéger – théoriquement – avec des règles ou des cadres plus ou moins rigides, que si la digue doit sauter, on l’empêchera de sauter. Au contraire, même.

Quand on vit dans la peur, on provoque souvent ce dont on a le plus peur.

Si par exemple, quand l’un·e a une nouvelle relation, celle-ci découvre des règles qui lui préexistent, parce qu’elles ont été mises en place lors d’une prédécente aventure, comment va-t-elle le vivre ? Peut-elle être sereine, a-t-elle l’impression qu’on tient compte d’elle, de ses émotions, de ses ressentis, de ses désirs, de ses besoins ?

En effet, s’il a été écrit avant même qu’ielle ne rencontre l’un·e des membres du couple, que : Ok la soirée, mais pas la nuit, peut-ielle se sentir en sécurité dans cette nouvelle relation ?
Car si l’autre a peur, et que son/sa partenaire cède à ses peurs en acceptant ses conditions, qui dit qu’ielle ne paniquera pas un jour et n’exigera pas que la relation ne cesse du jour au lendemain ?
C’est ce que Franklin Veaux raconte que sa femme a un jour exigé de lui… et lui s’est exécuté, brisant son propre cœur, et brisant celui de son amoureuse.
Ce jour-là, il s’est exécuté (le mot même en dit long…), mais il n’a jamais pardonné. Ce genre de situations, de sacrifices (au sens propre du terme), est durablement toxique pour la relation.

De manière générale, quand quelqu’un·e exige quelque chose de quelqu’un·e d’autre, quand on pose des conditions, quand on émet un chantage, quand soi-même on est mu·e par la peur et qu’on pousse l’autre à nous céder car ellui-même a peur des possibles conséquences s’ielle ne se plie pas à nos exigences… on s’expose à du ressentiment, à de la frustration, on fabrique une bombe à retardement. Un jour ou l’autre, ça aura un effet boomerang.

On ne peut pas, me semble-t-il, prétendre vouloir vivre libre et que l’autre vive libre… et poser des conditions, émettre des exigences.
Si on le fait malgré tout, c’est qu’on vit encore dans le royaume de la Peur. Et qu’on a encore du travail à faire sur soi.

Alors comment faire ? Comment avancer ?
Eh bien, on accueille ses peurs, on observe ses émotions, ses sensations, les pensées qui vont et viennent dans notre tête comme autant de fourmis dans une fourmilière, et lentement, on déconstruit, on essaie d’aller au fond des choses, tout au fond de la peur. On a encore de la route à faire

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? La tempête est-elle passée par vous ? Avez-vous tenté de résisté, ou avez-vous choisi de vous laisser porter par le courant ?
Hâte de lire vos commentaires dans l’espace réservé ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #14. Lâcher prise

Après avoir vécu un temps dans le monde ordinaire et sécurisant de la Monogamie (#2), on a soudain, suite à un accident, une maladie, une rencontre, une émission, un livre… fait face à la désillusion, comme une révélation (#3) : la société dans laquelle on a grandi et dont on a intégré sans même en avoir conscience les codes et les croyances, repose en réalité sur une vaste hypocrisie. Tout le monde fait mine d’adhérer au mythe de l’Amour romantique, l’Amour toujours, l’Amour qui conquiert tout et dure toute la vie pour une seule et unique personne (et si l’amour vient à disparaître, c’est que cette personne « n’était pas la bonne », et on s’emploie à passer à la suivante… enchaînant ainsi des monogamies sérielles)… et en même temps, dans la « vraie vie », rares sont les couples durables qui sont réellement heureux : combien de concessions, de compromis, jour après jour, qui sont autant de sacrifices ? Combien ont renoncé à exprimer leur véritable personnalité ? Combien sont frustré.e.s, ou tout simplement, comme je l’ai été si longtemps, « mort.e à l’intérieur » ? Et combien qui passent pour des conjoint.e.s « exemplaires »… sont en réalité adultères ?
Sauf que si tout le monde triche, et porte le masque du/de la partenaire exclusif/ve exemplaire – alors qu’il n’en est rien – comment les autres pourraient-ils savoir, quand arrive leur tour d’être confronté.e au désir extérieur, qu’ils ne sont pas seul.e.s à vivre ce dilemme, cette déchirure intérieure ? Pour quelques-un.e.s qui assument pleinement et absolument d’être adultères, parce qu’ielles assument d’être avant tout fidèles à eux/elles-mêmes… combien le vivent dans la honte et la culpabilité (deux sentiments qui sont des projections des règles de la société en nous et sont avant tout destructives – voir à ce propos ce qu’en écrit Yves-Alexandre Thalmann dans Au diable la culpabilité) ?

Un jour, donc, on s’est réveillé, et on a vu le monde autour de nous tel qu’il est vraiment. Et on a décidé – ou accepté – de suivre la petite lumière en nous, qui nous indiquait qu’il était possible de vivre autrement (#4). Alors on s’est renseigné, on a cherché, on a lu…: en un mot, on s’est préparé.e au voyage (#5). Et puis on est parti.e : on a largué les amarres, bravant nos peurs (#6).
Et pourtant, elles étaient grandes, nos peurs, et à juste titre : car on le sait au fond de nous, la société, nos pairs, notre famille… nous le feront payer très cher quand ils découvriront ce que eux, de leur point de vue, considèreront comme une trahison. On est sorti.e du jeu. On a choisi de devenir un électron libre, on s’est connecté.e à notre moi profond – tout ce qu’elles/eux n’ont jamais osé faire : remettre en cause les certitudes et croyances avec lesquelles on a toujours grandi.

Alors ça y est, on navigue en eaux inconnues. Et ça tangue, et on n’a pas (encore) le pied marin, on glisse, on manque de tomber, on a le mal de mer (#7). Et on rencontre, bien évidemment, les premiers obstacles (#8). On s’y attendait, on s’y est préparé.e. Ça remue, ça secoue… mais à chaque fois, on a décidé de vivre l’obstacle comme une opportunité qui s’offre à nous. On n’a plus de repères, et on est de plus en plus seul.e, car on ne correspond plus à notre monde d’avant (No Longer Fits Her World, propose Kim Hudson dans The Virgin’s Promise.)

Liiou - Bateau + requin

En réalité, le voyage du héros et celui de l’héroïne (entendre : le masculin en nous et le féminin en nous, l’extérieur et l’intérieur, le conscient et l’inconscient) sont complémentaires, à la fois symétriques et opposés.
Le héros part à l’horizontale, à la surface de la terre, à la conquête de nouveaux territoires (#6, #7, #8) , pour combattre le dragon au fond de sa caverne (#9) et en ramener l’élixir (#14) qui lui permettra, après une ultime bataille sur son chemin du retour (#15), de revenir sauver son village et sa communauté qui étaient en danger et le soutiennent depuis le début : il se bat pour eux, et à leur place, en représentant.

L’héroïne, elle, descend en elle-même et dans les profondeurs de la terre, à la recherche d’elle-même. Tandis qu’à chaque obstacle rencontré, le héros s’aguerrit, s’affermit, acquiert de nouveaux outils, qui le rendent de plus en plus expérimenté pour pouvoir vaincre le dragon… l’héroïne, elle, à chaque porte du jugement qu’elle franchit, se dépouille un à un de ses oripeaux, se coupant de plus en plus de sa communauté d’origine qui la juge très sévèrement, car, en remettant en cause les principes et les croyances du monde de dépendance dans laquelle ils vivent, elle les renvoie à leurs propres compromis, concessions et sacrifices, leur montrant qu’il est possible, si on le choisit en son âme et conscience, de vivre sa vie – ce qui est insupportable pour elles/eux, qui ont renoncé, ou bien qui n’en ont même pas l’idée.

C’est donc totalement nue qu’elle atteint le fond de la grotte, le fond du gouffre, le ventre de la baleine (#9). Là, sachant que tout ce qui l’avait aidée dans sa vie ne lui sert plus à rien, elle fait face à sa plus grande peur : elle est confrontée à la Grande Déesse, la Déesse de la destruction et de la créativité. Celle qui a le pouvoir de vie et de mort. La Mère, qui donne la vie, et peut vous la reprendre, la Mère dévoreuse. Le père TyranLiiou - Maman nue Elle lâche prise, elle n’a plus d’autre option. Elle renonce. Elle accepte de mourir. Elle devient humble. Et en devenant humble, en renonçant à se battre… elle se connecte à la part d’humanité en elle. Elle devient réellement elle-même, homme ou femme, ou ni homme, ni femme, queer, et se connecte à tous/tes les autres qui ont entrepris ce voyage avant elle et en sont revenu.e.s. Et ces autres lui tendent la main, et lui montrent la lumière à la sortie du tunnel (#10).

Le héros surmonte ses peurs pour acquérir des outils et franchir les obstacles qui, comme autant d’opportunités, le rendront plus fort pour affronter le dragon.
L’héroïne, elle, fait un chemin d’acceptation et de lâcher-prise. C’est parce qu’elle se dépouille de toutes ses certitudes et croyances, que chaque nouvelle étape de sa descente la rapproche d’elle-même.

Alors que le héros est tout du long soutenu par sa communauté, qui l’encourage au début et l’attend à l’arrivée… l’héroïne, elle, est lâchée par sa famille d’origine et la société qui la considèrent comme une traîtresse puisqu’elle a rompu le pacte. Ce n’est qu’au fond du ventre de la baleine, qu’elle découvrira sa nouvelle famille, celle qu’elle se sera choisie, sa nouvelle communauté, celle des gens éveillés, qui sont passés par là avant-elle, et lui tiennent la main pour remonter. Elle n’est plus seule. Elle n’est qu’un maillon parmi une longue chaîne d’électrons libres, qui, chacun.e différent.e les un.e.s ont malgré tout en commun ceci qu’ils ont rompu avec leur famille première, et ont choisi de vivre leur vie, en accord avec leur petite flamme intérieure – et en en payant malheureusement souvent le prix (ils y ont sacrifié leur confort, leur sécurité, parfois leur famille).

Ces autres vont partager avec elles tous les outils, toute la sagesse qu’ils ont acquis au cours des générations et des générations de créateurs/trices, d’inventeurs/ses, de pionnier.e.s, d’aventurier.e.s (#11, #12, #13) et dont elle ne sera, à son tour, qu’une courroie de transmission. Car sa mission, son chemin de vie, est de remonter à la surface, plus riche de tout ce savoir… et de le transmettre à son tour aux suivant.e.s.
Mais n’allons pas trop vite.

Le Voyage du héros et de l'héroïne

Nous voilà donc dans l’étape #14 de notre voyage. Notre héroïne / ou héros (rappelons que le féminin et le masculin ne sont utilisés que comme des archétypes, le yin et le yang), remonte donc à la surface en étant libéré.e, délesté.e de tout ce qui le/la rendait dépendant.e de son monde d’origine. Elle n’a plus peur. En acceptant, en accueillant ses peurs comme faisant partie d’elle… elle les a intégrées, et marche à leurs côtés. Au lieu de les combattre comme des ennemis, comme le fait la part masculine en elle, elle les accueille comme des alliées. Elle est réconciliée avec elle-même, et reconnaît ses peurs comme faisant partie d’elle-même : elle n’est pas ses peurs, mais ses peurs sont une partie d’elle, là pour l’alerter, la protéger, l’aider à avancer, pour aller plus loin, toujours plus loin.

Liiou - Maman nue de dos

Elle peut se réconcilier avec le féminin en elle, avec sa féminité. Elle pardonne à sa mère. Car le pardon est le plus puissant de tous les outils. Accepter l’autre pour ce qu’ielle est. Qui fait ce qu’ielle peut, du mieux qu’ielle peut sur le moment, avec ses propres peurs, failles, béances.

Elle lâche prise. Elle reconnaît que l’autre est autre. Libre comme elle est libre elle-même. Une personne autonome, avec ses failles et ses richesses. Qui fait de son mieux. Elle/lui aussi sur son propre chemin de découverte – ou pas (car certains vont accepter la mission qu’il leur est assignée par leur communauté d’origine (agir, conquérir, protéger) sans jamais se poser la question de ce qu’ils désirent eux… et ne jamais se connaître eux-mêmes, continuant la tradition, prisonniers des croyances des autres, restant à la surface de la terre.)

L’autre est libre. Comme je suis moi-même libre. Ielle ne m’appartient pas plus que je ne lui appartiens, moi. Nous vivons toutes et tous sur des petites embarcations différentes et séparées. Parfois nous choisissons de vivre un bout de chemin ensemble. Parfois cela dure longtemps. Parfois moins. Ce n’est pas la durée de la relation qui compte, mais la qualité de ce qu’elle nous apporte, sur le moment, pendant le temps où on la vit, pleinement, nous aidant à nous approcher de qui on est vraiment, et de qui on a envie d’être.

Quand vous êtes en relation avec quelqu’un.e, posez-vous la question : ce quelqu’un.e réveille-t-il le meilleur en vous… ou le pire ? Vous aimez-vous quand vous vous regardez en interaction avec lui/elle ? Vous reconnaissez-vous ? Avez-vous envie de vous prendre dans les bras et de vous dire à vous-même : je t’aime ?

Hier, chez mon coiffeur. Me découvrant en robe rouge, il me dit : Attention au loup. Je ne comprends pas. Je lui réponds : Le loup s’habille en noir, pas en rouge ! Je n’avais pas compris : je croyais qu’il me prenait moi, pour un loup.
Il précise : Tu es le Petit Chaperon rouge.
Je ris alors, et lui dis, comme ça vient et sans réfléchir : C’est incroyable que tu me dises ça, là, maintenant. Parce que justement, depuis ce matin, je n’ai plus peur.

Liiou - Maman petite en rouge

Dix minutes plus tard, son collègue, à qui je raconte que j’écris ce Voyage en Polyamorie sur mon blog, tout en finissant la deuxième version du scénario de mon troisième long-métrage (qui raconte l’histoire d’un couple qui s’ouvre à la Polyamorie), et à qui je dis : Je travaille mon thème ; me répond en souriant : Tu travailles ton t’aime.
J’aime mes coiffeurs…

J’ai écrit au début de ce voyage : Je ne sais pas où je vais… mais j’y vaisEt je commence simplement à entrevoir le sens de tout ça. Je lâche mes peurs. Je travaille mon m’aime.
Et si je peux aider certain.e.s d’entre vous à descendre en eux/elles-mêmes à leur tour, en leur tendant la main, en leur montrant qu’ielles ne sont pas seul.e.s sur le chemin de leur vie, qui ne ressemble à aucune autre et qui est la leur, la leur propre… alors j’en suis heureuse.

Et si j’écris seule et que personne ne descend avec moi… je suis heureuse aussi. Car ce voyage, je l’ai entrepris parce que j’en avais besoin. Parce que c’était le moment. Et que je sais qu’une fois que je serai remontée, quand j’aurais accueilli et regardé mes peurs en moi et que je pourrais marcher côte à côte avec elles, et non plus en craignant qu’elles ne me dévorent… alors je serai plus moi-même, plus forte, plus sereine – ou pas. Mais au moins, j’aurais fait quelque chose. Et déjà, j’en suis fière.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Voyez-vous ou avez-vous vu la lumière au fond du tunnel ? Avez-vous trouvé des pairs, une communauté qui vous soutient ? Ou vous sentez-vous encore seul.e ? Hâte de lire vos récits dans les commentaires ci-dessous : vous y êtes les bienvenu.e.s.

Au plaisir et à demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

Voyage en Polyamorie #12. 8c. Mindsight

Après souvent des années passées en Monogamie (réelle ou théorique) – ou non – (#2), on s’est rendu compte que l’hypocrisie générale dans laquelle vit la société, qui veut nous faire croire à ce que mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, a appelé dans son article #8, le « mythe de l’Amour romantique », ne nous correspondait plus (#3) et on a eu envie de suivre notre petite voix intérieure qui nous dit qu’une autre manière de vivre ses relations amoureuses – et peut-être ses relations tout court – est possible (#4) : en conscience, avec bienveillance, tolérance, et dans une communication compassionnelle. On a donc commencé à se préparer (#5), en en parlant autour de nous, voire avec notre partenaire, et en lisant quelques livres ou articles, puis, convaincu.e que rien ne vaut l’expérience, on s’est lancé dans l’inconnu (#6) en bravant nos peurs qui, malgré tout, nous disaient qu’on risquait peut-être gros. Partir à l’aventure comme ça dans des contrées dans lesquelles on n’a plus aucun repère, ni aucun soutien de notre entourage proche, demande beaucoup de courage (#7) et on fièrement franchi les premiers obstacles, les premiers doutes (#8) : Mon mari s’est inscrit sur Okcupid, écrivait l’une des contributrices dans les commentaires il y a deux jours, et je me suis réveillée avec la sensation d’une forte angoisse dans la poitrine. Mais voilà, maintenant elle est passée et aujourd’hui, on en rit.
Les expériences sont toutes nouvelles et on ne peut pas se rapporter à ce qu’on a déjà vécu auparavant, ni aux films qu’on a vus ou aux romans qu’on a lus : on a perdu tous nos repères, et c’est très déstabilisant.

N’empêche, on est drôlement content.e de nous, parce qu’on s’en sort quand même pas mal dans l’ensemble. On commence à vivre de vrais moments chouettes, et si on est en couple, on a vraiment la sensation que l’amour que l’on partage, la confiance, sont renforcés. Parce que si l’autre va parfois voir « ailleurs », ielle « revient ». Et que ce qui compte, c’est précisément ce moment où ielle revient, par choix, par plaisir d’être avec nous, et non par contrainte ou obligation. Et que quand ielle revient, ielle nous dit : j’ai suivi mon désir et tu ne t’es pas senti.e rejeté.e ni nié.e, je sais que ça n’a pas nécessairement été facile pour toi, et je t’en remercie, car j’ai le sentiment que je peux explorer qui je suis, tout en gardant mon havre de sécurité auprès de toi – comme un enfant avec un attachement sécure – et je t’en aime d’autant plus. Je peux vivre ce que j’ai moi, à vivre, indépendamment de toi, parce que je suis moi et que je ne suis pas que la personne que je suis quand je suis en relation avec toi, et je peux explorer différentes facettes de ma personnalité, et je suis heureux.se que cela ne remette en rien en cause la relation que l’on a tous les deux. Je peux avoir une relation amoureuse avec toi, ET avoir une relation, possiblement aussi amoureuse – mais pas non plus nécessairement – avec quelqu’un d’autre. Comme on a plusieurs ami.e.s, ou comme on aime – différemment – chacun de nos enfants.

On commence à apprécier ce mode de vie, on avance pas à pas, étape par étape. Et puis à un moment, alors qu’on ne l’a pas vu venir, un tourbillon nous entraîne soudain vers les profondeurs. C’est la panique. (#9) Pourquoi cette personne-ci semble-t-elle nous insécuriser, alors qu’avec la précédente, tout s’était passé comme sur des roulettes ?

Parfois, cela tient à nous : on est dans une période un peu plus compliquée, professionnellement, ou avec notre ex, ou on est fatigué.e, malade… et soudain, plus sensible, plus fragile aussi, et on aurait besoin de voguer sur des eaux paisibles, plutôt que de repartir en remous. Sur une échelle émotionnelle de 1 à 10, on est déjà à un 5, par exemple. Et alors, au lieu de se laisser porter par le courant, on tente de résister… Et quand on résiste au courant, on s’épuise vite.

La Rivière du bien-être Parfois cela tient à notre partenaire : lui-même est dans une période différente, et pour des raisons qui lui sont propres, ielle a besoin d’un peu plus d’espace, d’intimité, ielle voudrait se ménager un jardin secret – et comme on ne fonctionnait pas comme ça jusque-là, cette situation nouvelle nous insécurise – comme toute situation nouvelle. On ne comprend pas pourquoi ielle, soudain, ne nous raconte plus comme ielle nous racontait avant. Alors on projette, on imagine, on anticipe… C’est toujours une mauvaise idée de « faire des suppositions » (Accord toltèque #3).
Parfois aussi, cela tient à la tierce personne : la précédente relation, tout roulait, la communication était fluide, un rendez-vous était pris, et tenu, le cadre pré-défini était clair pour tout le monde, et respecté par tout le monde, pas de débordement, on se sentait en sécurité. Et puis là, par exemple, alors qu’on a précisé que, pour se sentir en sécurité, on aimerait être tenu.e au courant d’un rendez-vous au moins trois jours avant, voilà que systématiquement, ielle propose un rendez-vous quasiment du midi pour le soir même. On n’a pas le temps de se poser la question si ça nous va ou pas, on doit répondre, là, maintenant, tout de suite. Et l’excitation, la spontanéité de la troisième personne, deviennent pour nous source de stress et de précipitation. Je dois donner une réponse là tout de suite ? Eh bien, alors, c’est non. Et si tu me poses la question, alors même que j’avais demandé trois jours d’anticipation et que donc tu sais d’avance que ça va faire monter d’un cran mon baromètre intérieur, c’est donc que c’est plus important pour toi que ce que tu veux bien me dire. Donc ça m’angoisse. Et je me sens coupable de ressentir au fond de moi cette angoisse. Et donc je lutte contre. Et donc elle redouble. Et donc… eh bien me voilà dans la spirale négative, entraîné.e vers le bas, et je ne sais plus comment m’en sortir. 

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Ce dispositif – moi, l’autre, la relation – est aussi celui que propose comme cadre de travail Daniel Siegel dans tous ses livres sur ce qu’il a appelé la mindsight. J’ai écrit un article par jour sur la mindsight et la méditation de pleine conscience pendant 21 jours, du 1er au 21 novembre 2015, et je ne peux que vous encourager à aller lire quelques articles.
L’idée est que nous apprenions à prendre conscience du fonctionnement de notre cerveau (insight), de celui de l’autre avec le/laquelle nous sommes en relation (empathie) et que nous en tirions des conséquences pour les relations que nous souhaitons entretenir – ce qu’il appelle « moralité », mais que nous pourrions appeler, nous, des relations éthiques et en conscience. 

Si je tente d’en résumer en quelques lignes les grands principes : il s’agit dans tous les cas, de connexion, de ce qu’il appelle « intégration« , entre les différentes parties de notre cerveau : maintenir la connexion entre notre cerveau du bas émotionnel, et notre cerveau du haut rationnel, comme on l’a vu dans notre article sur les émotions ; maintenir aussi la connexion entre notre cerveau droit plus intuitif, et notre cerveau gauche plus logique ; naviguer sur ce qu’il appelle la « rivière du bien-être« , entre la rive droite du chaos (quand on part en vrilles émotionnelles) et la rive gauche de la rigidité (quand on se tient à de grands principes, sans laisser la place à l’imprévu de la vie, au point où on en devient « psycho-rigide »). Dans tous les cas, maintenir le lien.
Si on bascule d’un côté ou de l’autre (trop rationnel ou trop émotionnel, trop logique ou trop intuitif, trop chaotique ou trop rigide), on n’est plus en lien avec la fluidité de la vie, et nos relations avec les autres se grippent.

Le Cerveau dans la main

Pour apprendre à repérer comment fonctionne notre cerveau, rien de tel que de l’observer. Et pour cela, apprendre à maintenir notre attention avec intention : sur quoi je décide de focaliser mon attention, et est-ce que j’y parviens ? Cela peut être sur mes sensations intérieures (et on rejoint la méthode Tipi par exemple), sur les bruits extérieurs, sur la sensation de la douche sur mon corps ; ça peut être de manger un carré de chocolat en pleine conscience, ou… pratiquer la méditation orgasmique !

Dans tous les cas, l’enjeu de l’exercice n’est pas « d’y parvenir », mais bien d’apprendre à repérer le moment où on décroche, et de ramener notre attention sur ce sur quoi on l’avait préalablement décidé. On entraîne ainsi petit à petit notre cerveau, et surtout on apprend à repérer ses chemins habituels. Ce qui fait que quand on part en vrilles, on ne peut pas nécessairement arrêter la vrille (si on ne s’en est pas rendu compte à temps), mais au moins, on peut avoir conscience qu’on est en vrilles, et donc plus du tout en état de discuter de manière rationnelle.

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J’ai assisté il y a quelques jours à une conférence de l’Atelier des parents donnée par Sophie Benkemoun qui donnait comme image que quand on était en colère, la seule chose qui allait sortir de notre bouche, c’était non pas des mots, mais des couteaux : et que les couteaux, ça coupe, ça fait mal, ça fait des dégâts.
Et elle proposait donc comme option, quand on est en colère et au moment où on en prend conscience, de « fermer notre bouche ».
Thich Nhat Hanh, l’auteur de La Colère, ne dit pas autre chose quand il propose, pour mieux avoir prise sur son comportement quand on sent qu’on est en colère, quand ce n’est plus nous qui parlons, mais la voix de la colère en nous, de (au choix) : s’éloigner, faire quelques mètres en marchant, boire un verre d’eau, faire 5 minutes de respiration en conscience.

518k9cxo4aL._SX303_BO1,204,203,200_Si vous comptez jusqu’à 5 en inspirant, puis jusqu’à 5 en expirant, et ainsi de suite pendant 3 minutes, vous pratiquez ce qu’on appelle la cohérence cardiaque. Ça vous remet rapidement d’aplomb.

Souvent, le simple fait de « reconnaître » qu’on est en train de partir en vrilles (la spirale négative de la descente dans le ventre de la baleine) nous permet déjà de prendre du recul… et de nous apaiser un peu. Parce que c’est le cerveau émotionnel (celui du bas) et le cerveau intuitif (le côté droit), qui basculent du côté de la rive du chaos, et rien que le fait de mettre des mots « logico-rationnels » dessus… permet de recréer la connexion entre les différentes parties de notre cerveau. 

Un des outils que propose Dan Siegel et dont je n’avais finalement pas pris le temps de parler pendant mes 21 jours de mindsight (qui avaient été assez colonisés, à partir du 13 novembre, par les émotions post-attentats) est ce qu’il appelle la roue de la conscience. Il en parle comme d’une roue de vélo, mais j’aime assez, moi, visualiser plutôt une horloge. Quand on prend conscience, par exemple, qu’on tourne en rond sur des pensées négatives, qui, petit à petit, nous entraînent de manière mécanique dans une spirale descendante, on peut imaginer qu’on est resté.e bloqué.e sur le 12 par exemple. Et alors, on peut choisir de focaliser notre attention sur le 3 ou le 4 : quand on a pris l’habitude de pratiquer des moments de pleine conscience, où on observe le fonctionnement de notre cerveau et où on ramène consciemment notre attention là où on l’avait décidé, il est plus facile de le faire quand on est en crise.
La Roue de la conscience C’est là que quand on se surprend par exemple à penser (notre cerveau, sur pilote automatique et ayant basculé en réactivité émotionnelle, s’engouffrant dans les schémas habituels du mythe de l’amour romantique) que s’ielle « préfère » passer cette soirée avec un.e autre plutôt qu’avec nous, c’est qu’ielle nous aime peut-être moins qu’avant (attention, mantra : Toute comparaison est toxique !), on peut décider de changer de braquet et de nous focaliser sur à quel point on est heureux qu’ielle soit dans notre vie depuis si longtemps, et de penser qu’ielle choisit en toute liberté de revenir nous voir après : c’est choisir en conscience la bouteille à moitié pleine plutôt que la bouteille à moitié vide dont je parlais dans l’article #11.

Un des articles que j’ai pu écrire en novembre et qui me paraît le mieux expliquer en réalité les enjeux de la mindsight est celui où mon fils de 10 ans 1/2 alors, m’a donné une leçon d’intelligence émotionnelle. Je vous invite à le lire.

Et vous, pratiquez-vous d’une manière ou d’une autre la méditation de pleine conscience ? La mindsight de Daniel Siegel vous inspire-t-elle ? Hâte de lire vos réactions et témoignages dans les commentaires ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

Voyage en Polyamorie #11. 8b. Spirale positive

On a quitté les rives de la Monogamie ordinaire (#2), réalisé que les mythes étaient précisément des mythes et qu’une bonne partie des comportements de nos contemporain·es étaient fondés sur des faux-semblants, mensonges et peurs (#3), on a choisi de croire notre petite voix intérieure qui nous disait qu’il devait être possible de vivre autrement nos relations au monde et aux autres (#4) et on s’est préparé.e au voyage du mieux qu’on a pu (#5) avant de se lancer dans l’aventure (#6).

Sauf qu’on a beau se préparer, rien ne vaut l’expérience : c’est en nageant qu’on apprend à nager… pas en regardant des tutos sur Internet ! Une fois qu’on s’est jeté.e à l’eau, ça remue donc bien plus que ce qu’on avait imaginé, que tout ce qu’on avait essayé d’anticiper : courants, contre-courants, obstacles divers et variés qu’on choisit de voir comme autant d’opportunités de nous affermir, de grandir, on affronte nos peurs (#7).

Les automatismes de notre vie d’avant ne nous servent plus à rien : c’est à nous d’inventer de nouveaux codes, de nouveaux modes de relations, tous nos repères ont sauté et… notre entourage historique nous tourne souvent le dos : leur monde n’est plus notre monde, on ne « colle plus » (ce que Kim Hudson dans son livre The Virgin’s Promise appelle « No Longer Fits Her World »), ielles ne nous reconnaissent plus et ne nous soutiennent pas, bien au contraire (ce qu’on cherche à défendre, une nouvelle éthique amoureuse, est bien trop dérangeante le plus souvent pour l’hypocrisie ambiante).
Et si on a l’impudence, à un moment un peu plus difficile que les autres, de chercher une oreille compatissante, en se confiant à un.e parent.e, un.e ami.e ou même un.e psy, on nous renvoie à notre responsabilité : « Tu l’as bien cherché, tu ne vas pas venir te plaindre en plus ! On t’avait prévenu.e, c’était couru d’avance » (#8).

Malgré tout, on sait, on sent qu’on est sur la bonne voie, et on veut continuer à y croire. On mesure le chemin parcouru, on se rend compte que l’une après l’autre, on a déjà affronté pas mal de nos peurs et insécurités, on est fier.e de soi, on sent qu’on peut aller plus loin, on se le souhaite. Étape après étape.
Et peut-être parce qu’à un moment, on se sent soudain plus fort.e, on fait un pas de côté, on ose affronter une nouvelle peur… et soudain, une bourrasque qu’on n’avait pas vue venir, plus forte que les autres, semble nous emporter (ce que Kim Hudson appelle « Caught Shining ») et des tourbillons nous entraînent vers le « ventre de la baleine«  (#9).

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Et là, euh… c’est la crise, le climax en dramaturgie : on a l’impression qu’on va y laisser notre peau, on voudrait revenir en arrière, mais c’est trop tard : on est « au fond du gouffre » et on se demande si on reverra jamais la lumière du jour… On lâche alors toutes nos défenses, et on s’avoue vaincu.e : « J’ai joué, j’ai perdu », dit mon personnage dans LUTINE. Et c’est là, quand on lâche prise, qu’on aperçoit, tout au fond, tapie dans le noir… la « Grande Déesse » de la créativité et de la destruction, celle qui, après l’hiver, fait renaître les fleurs au printemps.

Et alors, là-bas, tout au bout du bout, on aperçoit soudain une lueur… Humble comme au premier jour, on ose demander de l’aide, tendre la main… et ô miracle : on réalise qu’on n’est pas seul.e, qu’on est pas le/la premier.e à vivre cette expérience, qu’avant nous, d’autres sont passé.e.s par là, et sont prêt.e.s à nous aider, à partager leur expérience avec nous. On va pouvoir ainsi remonter à la surface : d’autres sont là pour nous accompagner sur le chemin de nous-même (#10).

Et ces autres, souvent rassemblé.e.s en communautés (cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole poly, forum sur Internet, groupes sur Facebook) ont tout plein d’outils à partager avec nous – dont certains qu’on avait bien sûr déjà commencé à explorer et utiliser nous-mêmes : mais rien ne vaut le passage de témoin et le relais d’informations de pair·e à pair·e. C’est parce qu’on découvre que d’autres sont passé·es par là, qu’ielles aussi ont cru qu’ielles n’y arriveraient jamais, et qu’aujourd’hui, ielles semblent très heureuxes de leur nouvelle vie en Polyamorie… que notre espoir renaît, et avec lui, notre énergie positive pour nous en sortir et atteindre nous aussi, un jour, les rivages heureux de la Polyamorie.

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Première étape incontournable de cette spirale positive : l’accueil de nos émotions.
Tant d’entre nous ont été élevé·es avec l’idée qu’il fallait cacher, masquer, refouler nos émotions… qu’on n’y a même plus accès parfois, ou qu’on ne sait pas les reconnaître, parce qu’on les déguise. On les prend pour des ennemies… alors qu’elles sont nos alliées : elles sont là pour nous alerter, nous informer sur nous-mêmes, à un moment où le cerveau rationnel, lui, n’est pas nécessairement attentif.

Les émotions, que l’on vit dans notre corps, et qui se manifestent souvent (à l’exception de la joie) par des sensations physiques désagréables, voire douloureuses, sont souvent décriées et elles ont mauvaise presse : Arrête ton cinéma ! Que tu es chochotte ! Calme-toi immédiatement ou je vais te donner une bonne raison de pleurer ! Les garçons, ça ne pleure pas ! Pour qui tu te prends de me répondre comme ça ! C’est qui qui commande, ici ?

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On nous apprend à les mater, à les refouler. On nous apprend à les bloquer. On les ridiculise, on les dévalorise. On nous explique que nous devrions en avoir honte. Qu’on est trop sensible. Alors que c’est une chance d’être sensible et même hypersensible : c’est ce qui permet de nous connecter à la vie en nous, mais aussi à la vie en l’autre. C’est ce qui nous permet l’empathie, par la magie des neurones-miroirs.

[PARENTHÈSE. À propos des émotions, si vous n’avez pas encore vu Inside Out (Vice Versa) des studios Disney Pixar… précipitez-vous sur le DVD ! Pour petit.e.s et grand·es, ce film, construit (c’est mon intuition) à partir des livres de Dan Siegel sur le cerveau, nous explique comment, quand nous sommes tristes, en colère, ou que nous avons peur, notre cerveau émotionnel se déconnecte de notre cerveau rationnel et… passe aux commandes !
Le film est intelligent, drôle, bouleversant et… je vous invite à en lire les quelques lignes que j’ai écrites à son propos au moment de sa sortie tellement j’étais emballée : Nos émotions au cinéma (plus sur le cerveau et Dan Siegel… dans mon article #12 demain !).]

Unknown

Le principe de base d’une émotion est qu’elle a besoin d’être écoutée, entendue,  accueillie, acceptée. Si on la refoule, si on la nie, si on lui refuse notre attention, elle va redoubler d’intensité, revenir sous différentes formes, se glisser par l’interstice de la fenêtre quand on lui aura fermé la porte au nez.

Si on en a honte, si on culpabilise (c’est mal d’être jalouxe !), si on lui refuse l’accès à notre conscience… elle se déguisera et reviendra, par exemple, sous la forme de somatisations (j’en connais un rayon !).

Par exemple, la peur peut prendre la forme d’une colère. Mon aimé m’a promis de rentrer à minuit, mais il a du retard et aucune nouvelle. Je résiste un moment, j’essaie de penser à autre chose, et puis les pensées commencent à défiler dans ma tête, toutes plus alarmistes les unes que les autres : il sait pourtant que c’est important pour moi qu’il respecte le « cadre » sur lequel on s’est mis d’accord toutes les deux ; donc s’il a « pris le risque » d’arriver en retard alors qu’il a conscience que je vais sans doute mal le vivre, c’est que : soit il est vraiment très bien avec « elle« , au point d’en oublier que pendant qu’il prend du bon temps, moi je m’angoisse ; et je déroule le fil de mes pensées : il a eu beau faire son maximum pour me rassurer, il est en train de tomber amoureux d’elle, et puis, l’attrait de la nouveauté, je ne fais pas le poids, sans compter qu’elle est peut-être (cocher la case) plus belle, plus mince, plus douée en fellations, plus kinky, plus brillante, plus… (oh, on peut continuer pendant des heures comme ça !), et puis ils sont sûrement en train de faire l’amour en ce moment-même, et il doit prendre tellement de plaisir qu’il n’aura plus envie de me faire l’amour à moi après et… Bref, vous voyez le genre ? (Tout à fait déclinable au masculin, bien entendu : et s’il était plus… grand, plus musclé, plus doué en cunnilingus, s’il lui faisait mieux l’amour, et plus longtemps, s’il bandait plus dur, s’il la faisait plus jouir, plus rire… etc etc., à l’infini…) ; soit… – et c’est encore pire ! – : en fait, il a eu un accident ! Il est dans le coma, et les pompiers vont m’appeler d’une seconde à l’autre… blablabla.

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Quand le dit aimé arrive finalement avec une malheureuse petite demi-heure de retard, tout contrit, parce que le restaurant a eu un problème avec son terminal de carte bleue, et il a dû aller retirer de l’argent et là il s’est rendu compte qu’il n’avait plus de batterie, et après il y a eu un bug avec l’autolib, il a dû trouver une autre borne et… etc etc…, vous, vous n’êtes juste plus en état de l’entendre avec votre cerveau rationnel et… votre peur explose en colère ! Tu le sais pourtant que c’est important pour moi que tu respectes le cadre et que tu rentres à l’heure sur laquelle on s’est mis d’accord, en fait tu n’en as rien à faire de moi, etc. etc.

Et pour retourner à l’émotion de base – la peur qu’il ne vous aime plus et qu’il vous quitte… autrement dit, la peur de l’abandon, qui remonte à votre toute petite enfance, quand vous étiez dépendant·e de votre parent nourricier et que le moindre retard vous mettait en effet en danger vital -, il va falloir déblayer toutes les barrières que vous avez érigées entre vous et vous, nettoyer la colère, aller au-delà… jusqu’au moment où derrière la colère, vous découvrirez en effet la peur, viscérale, tripale… de mourir si on vous abandonne.
Je me suis un soir entendue dire à mon aimé : Quand tu es en retard comme ça et sans prévenir, j’ai peur que tu sois mortE. Et là, quand même, j’en ai pris conscience : est-ce que ma réaction disproportionnée par rapport à la situation ne remonte pas à… quand ma mère arrivait en retard pour me chercher à l’école ?! Aie aie aie…

La polyamorie peut en réalité être une bonne manière de faire en quelques mois autant de progrès qu’en dix ans de thérapie !

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C’est ça que j’appelle la « spirale positive » ?! Oui.
Car une fois qu’on a conscience que derrière l’expression d’une émotion peut s’en cacher une autre, une fois qu’on assume d’aller les débusquer, qu’on travaille dessus, qu’on choisit de les accueillir en amies et non plus en ennemies… alors, petit à petit, on se familiarise avec elles, et elles nous font moins peur.

On accepte que parfois, on semble « ne plus être nous-même » : on ne se reconnaît plus. Et en effet, ce n’est pas « nous », c’est « une partie de nous » qui s’exprime alors, c’est la peur en nous. Et on peut la prendre par la main (on peut même lui donner un nom), et la raccompagner à la porte.

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Et comment on fait ça ? On commence par accueillir l’émotion en nous, sous la forme de la sensation physique – souvent désagréable – qu’elle déclenche en nous.

C’est là par exemple qu’un outil comme TIPI (Technique d’identification des peurs sensorielles inconscientes) est particulièrement intéressant. Le principe en est simple : on se connecte à la sensation en nous, pendant deux minutes. On lâche la spirale négative des pensées qui nous entraîne inéluctablement vers le bas, et on se concentre sur les sensations de notre corps.

Comment se manifeste cette sensation désagréable ? Est-ce qu’on a mal au coeur ? La poitrine compressée ? Les boyaux en vrac ? Une sensation d’étouffer ? La poitrine resserrée ? Et puis on observe, simplement, comment se déplace, se transforme, peut-être, cette sensation physique. Sans chercher à la modifier, à la faire évoluer. Simplement, on l’observe. Sans jugement, sans critique, sans pensée. Et la plupart du temps, elle va en effet d’elle-même se modifier, se déplacer… et puis disparaître, le tout en moins de deux minutes. Magique, ou presque !

Sur les émotions, leurs manifestations et leur accueil, mon livre de référence est celui de Daniel Goleman : L’Intelligence émotionnelleMais j’aime aussi beaucoup ceux de Catherine Aimelet-Périssol, qui anime par ailleurs des ateliers de « Logique émotionnelle« , très « pratico-pratiques » et souvent libres d’accès, qui permettent non seulement de comprendre avec notre tête, mais aussi de ressentir concrètement, physiquement, dans notre corps, ce dont elle parle (j’ai moi-même suivi sa série de sept ateliers il y a environ trois ans, elle semble les reprendre chaque année.)

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Et puis, de manière plus générale, j’ai découvert il y a quelques années, ce qu’on appelle la « pensée positive », ou la psychologie positive. Et vraiment, littéralement, ça a changé ma vie.

Le tout premier livre qui a bouleversé la manière que j’avais de me voir et de me vivre, et m’a permis de m’accepter « telle que je suis » (en tout cas, j’y travaille au quotidien !) est Je pense trop de Christel Petitcollin, qui est devenue ma psy. J’ai accepté que je ne fonctionnais en effet « pas comme les autres » (source de beaucoup de souffrance depuis toujours) et que ce n’était pas « dans ma tête », mais bien réel. Que j’étais hyperesthésique, comme elle dit (je « sens », vois, ressens, entends, plus de choses que la majorité des gens), hypersensitive (lire à ce sujet les magnifiques livres d’Elaine N. Aron), neuro-droitière, avec une pensée en arborescence qui par ailleurs ne s’arrête jamais de tourner (le « petit moulin », le « monkey » dans ma tête, le hamster dans sa roue…).
(Cela fait quelques années que je me demande s’il peut y avoir un rapport entre hypersensitivité, douance, neuro-droitièr·es et polyamorie. Deborah Anapol qui a écrit un paragraphe en ce sens dans Polyamory in the 21st Century semble avoir la même intuition que moi.)

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C’est encore Christel Petitcollin, qui, la première, m’a mise sur la piste de 3 Kifs par jour, écrit par Florence Servan-Schreiber, qui à son tour, m’a donné envie de lire les livres qui l’avaient inspirée, dont  L’Apprentissage de l’imperfection (un trésor ! C’est Ie livre grâce auquel j’ai écrit et réalisé mon film LUTINE ; celui grâce auquel j’ai commencé ce blog ; celui grâce auquel j’ose en ce moment-même être en train d’écrire cet article : j’ai accepté d’apprendre à être imparfaite ! Et je suis très douée pour ça !).

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Le principe de base, c’est qu’une pensée positive entraîne une pensée positive… et une pensée négative, une pensée négative. Emballée par mes lectures, mais ayant aussi découvert que le cerveau est malléable, et que pour lui apprendre à emprunter de nouveaux chemins, il faut l’éduquer progressivement, j’ai entrepris d’écrire, le 1er novembre 2014, 13 articles de pensée positive…devenus 21, que je vous invite à lire – partie pour 13, j’en ai finalement écrit 21 d’affilée, tellement j’y ai pris goût… à un moment où j’étais pourtant au fond du trou et le moral dans les chaussettes.

Tous ces outils, « trucs » que j’ai découverts, explorés, intégrés progressivement, m’aident considérablement au jour le jour, à voir « la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide ».

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Par exemple, au lieu de penser que la personne que vous aimez passe la soirée avec un.e autre et que vous êtes, pauvre malheureuxe, tout.e seul.e dans votre coin, pensez plutôt à la chance que vous avez qu’ielle partage votre vie après x temps passé ensemble, de savoir qu’ielle va revenir vers vous, et sans doute encore plus amoureuxe de vous parce que épanoui.e et libre. Pensez depuis combien de temps ielle vous a montré qu’ielle tenait à vous, jour après jour, et à tous les moments heureux que vous avez passés ensemble, et qui tissent entre vous des liens si forts.

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Et vous, comment vous en sortez-vous quand vous sentez que vos pensées vous entraînent vers le bas ? Avez-vous des « trucs », des outils ? Les partageriez-vous avec nous dans les commentaires ci-dessous ? L’espace vous est réservé.

Au plaisir de vous lire,
et à demain, avec amour, bienveillance et compassion,

Isabelle

Voyage en Polyamorie #10. 8a. Remonter à la surface

Alors voilà, c’est la crise : le ventre de la baleine, le cœur de la tempête, l’œil du cyclone, le  fond de la caverne – ou du gouffre.

On est parti.e.s confiant.e.s et plein.e.s d’espoir (bien qu’avec aussi quelques appréhensions), on a quitté les rives sécurisantes de la monogamie érigée en norme sociétale et culturelle (#2), on a vu le monde avec des yeux nouveaux (#3) et on a choisi de suivre notre petite voix intérieure qui nous disait qu’on avait envie d’essayer autre chose, de vivre autrement (#4). On s’est préparé.e, on a lu, discuté (#5) et on s’est lancé.e dans l’aventure (#6). Bien sûr, on savait qu’en naviguant sur des eaux inconnues (#7), on allait rencontrer des obstacles, aussi bien internes (faire face au monstre vert de la jalousie, qui nous renvoie à nos insécurités) qu’externes (le jugement et les a priori des autres) (#8), qu’on allait devoir travailler sur nous-mêmes… Mais on ne s’attendait pas à d’aussi grandes difficultés et au ventre de la baleine (#9).

[NB. Bien sûr, il y en a pour lesquel.le.s tout se passe plus en douceur, et tant mieux : je vous invite à lire les articles de mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui publie dans les commentaires sous chacun de mes articles, car son voyage est bien différent du mien. J’ai, moi, précisément choisi d’écrire pour les cas où c’est douloureux, et où on peut en arriver à se dire qu’on s’est trompé.e, que finalement c’était une mauvaise idée, voire qu’on souhaite renoncer au voyage.]

Une fois qu’on est parti.e, cependant, il est parfois difficile de « revenir en arrière »…  Et de toute façon, le « monde ordinaire » qu’on a choisi de quitter ne sera plus jamais le même. Sans compter bien sûr qu’en général, on n’est pas non plus tout.e seul.e dans ce voyage…
Et puis… renoncer ? Non, parfois, c’est vraiment important, on sait que c’est là qu’on veut aller, on ne croit pas / plus à la monogamie et au monde de l’hypocrisie, on a besoin de relations nouvelles, honnêtes, en conscience. On veut y arriver.

Souvent, ce qu’on découvre au fond de la caverne, c’est… soi-même. Le voyage en Polyamorie nous invite à nous regarder en face, et à décider en conscience, ce que l’on souhaite de la vie et des relations.

Et c’est là, que fort.e de cette nouvelle résolution et de ce désir profond, on accepte qu’on ne peut pas toujours tout faire tout.e seul.e et que parfois – souvent, toujours – on a besoin d’aide. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, en élevant ses enfants qu’on apprend à être parent, en faisant qu’on apprend à faire, en vivant en Polyamorie qu’on devient poly. L’amour, les relations amoureuses, ça s’apprend.

Dans les livres, dans les films, on nous raconte souvent la rencontre amoureuse, le moment où deux personnes « tombent » amoureuses. C’est l’amour des débuts, l’amour souvent passionnel, parfois fusionnel, la passion (Françoise Simpère dans  LUTINE, dit de la passion : « C‘est une pathologie de l’amour, qui heureusement se guérit, et passe  » !) C’est le éros grec des débuts. Or l’amour, l’amour durable, se construit dans la durée, précisément.
L’amour, si on reprend la définition qu’en donne Barbara Fredrickson dans Love 2.0 et qui me parle particulièrement, est un moment d’émotion positive partagée entre deux (ou plusieurs) personnes. Et le « sentiment d’amour » dans une relation (la philia grecque, l’intimité, cet amour mutuel où l’on se veut du bien, le même entre deux ami.e.s) se construit à partir de tous ces petits moments d’émotions positives partagées, jour après jour.
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L’amour, les relations, l’art des relations, c’est comme tout, ça n’est pas donné, pas inné, ça s’apprend, ça se transmet, ça se partage. Certain.e.s sont plus ou moins « doué.e.s » dès le départ, ils ont eu des débuts dans la vie plus heureux, ont connu un attachement sécure à leur(s) parent(s) ou à leur figure de référence, D’autres, nombreux/ses, ont malheureusement plutôt un attachement insécure (anxieux, évitant ou désorganisé), et pour celleux-ci, c’est plus compliqué de faire confiance, et de lâcher prise dans la relation amoureuse.

La bonne nouvelle, et ce que nous apprennent depuis peu les neuro-sciences, c’est que le cerveau est malléable, toute la vie. Qu’on peut avoir connu un attachement insécure, et évoluer vers un attachement sécure.

Et ce qui est sûr, c’est que la polyamorie nous invite à un travail sur nous-même, à regarder en face nos modes de fonctionnement et nos réactions « automatiques », qui sont parfois de fuite ou d’attaque quand on se sent – ou qu’on se croit – en danger et qu’une situation réveille en nous le souvenir (souvent inconscient, mais le corps, lui, se souvient) d’une situation antérieure douloureuse.

Parfois, la polyamorie peut en effet nous confronter à des situations où on se sent en totale panique ou angoisse, et où on n’a alors plus qu’une seule envie : que ça s’arrête.   Et la réaction que l’on nous a apprise, depuis toujours, c’est d’en accuser l’autre : si je souffre, là, c’est parce que l’autre a fait quelque chose. Sauf que non, ce n’est pas comme cela que ça marche.

C’est là, alors, qu’il faut nous armer de patience et d’indulgence, et d’abord envers nous-même. Avancer pas à pas. Avec empathie, compassion et bienveillance. Commencer par repérer, prendre conscience de nos fonctionnements. Puis dés-apprendre nos réactions automatiques, dé-construire, pour re-construire, autrement. De manière plus sécure.

Alors évidemment, il est souvent difficile de s’aventurer seul.e dans ce terrain inconnu, où l’on peut parfois être rattrapé.e par des émotions d’une violence telle que l’on en est le/la premier.e surpris.e.

Quand on est en couple, et qu’on voit l’autre être bouleversé.e par de telles émotions, ça peut être tout aussi secouant. On peut (réaction apprise) se sentir coupable, proposer soi-même de repartir en arrière.

C’est là que l’aide et le soutien d’une communauté prend toute son importance. Voir, savoir, lire, entendre… que d’autres sont passé.e.s par là avant, et qu’il est possible de s’en sortir. Possible d’avancer, de progresser, de trouver un chemin vers la lumière.

Et cette communauté peut vous donner des outils, des pistes, des lectures. Les jours prochains seront consacrés à quelques-uns de ces outils de développement personnel pour des relations plus harmonieuses avec nous-même et les autres.

Aujourd’hui, je veux vous parler de cette communauté poly, qui désormais, existe.
L’intérêt d’avoir un mot commun (polyamour ou polyamorie dans les pays francophones, polyamory dans les pays anglophones), bien que par ailleurs on parle donc aussi de relations plurielles, ou multiples, ou non-exclusives, consensuelles et éthiques, est bien de créer ce vocabulaire commun, avec ces concepts communs, et des outils.

Si vous habitez un hameau dans la campagne, vous avez malgré tout Internet (sinon ne seriez pas en train de lire ce blog). Et donc accès à toutes sortes d’informations, et de blogs, sites, forum. Vous n’êtes pas seul.e.
Si vous tapez « aimer plusieurs personnes » sur un moteur de recherche, par exemple, vous allez très vite arriver sur les livres de Françoise Simpère, qui ont aidé tant d’entre nous, et très vite sur ce nouveau mot, qu’on entend cependant de plus en plus dans les médias : polyamour.
Et alors, très vite, vous tomberez sur le site polyamour.info. Qui est une mine d’infos, précisément, et notamment pour les événements : tous les cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole… y sont répertoriés.
Vous pouvez vous inscrire à la newsletter, et recevoir chaque mois les infos et la liste des différents événements.
Vous pouvez aller poser une question, de manière anonyme si vous le souhaitez, sur le forum.
C’est un forum, donc parfois des gens prennent l’initiative de répondre… d’une manière qui leur appartient. Mais le site est « modéré », de façon très sérieuse. Les modérateurs sont compétents, consciencieux, présents. Et communiquent entre eux.

Parallèlement au forum de polyamour.info, vous pouvez demander à rejoindre l’un des nombreux groupes sur Facebook : polyamour ou polyamour Paris, ou Poly Lyon… et tant d’autres. Là aussi, les groupes sont modérés.

NB : si, suite à l’un de vos posts, vous êtes contacté.e par quelqu’un.e en MP (message privé) qui vous dérange, n’hésitez pas à le signaler aux modérateurs ! Le groupe polyamour sur Facebook n’est pas un site de rencontres ni de drague ! Il y a d’autres espaces pour cela. C’est en étant chacun.e de nous vigilant.e et en osant dénoncer les comportements non éthiques, que l’on créera petit à petit un espace safe autour de nous.

Au-delà d’Internet, il y a donc nombre de rencontres dans la vraie vie : cafés poly (on y parle de polyamorie), goûters poly, pique-nique poly, soirées Poly Pop In à Paris une fois par trimestre, groupes de parole et de soutien.

Et la communauté est internationale ! Mon film LUTINE m’a permis de m’en rendre compte et de vivre des moments très forts avec les communautés poly locales à Rome, Lisbonne ou San Francisco. Et ce n’est pas fini. Je suis en contact avec les communautés poly à Barcelone, Milan, Vienne, New York, Montréal, Varsovie…

Réaliser que dans tous ces pays, où l’on parle des langues si différentes, ce sont les mêmes outils que les gens ont développés pour apprendre à vivre en Polyamorie… est très émouvant.

Si vous choisissez de vous engager en Polyamorie… ne restez pas seul.e. Rencontrez d’autres gens qui, comme vous, ont fait ce même choix et ont peut-être défriché quelques chemins embourbés avant vous : ils auront des « trucs » à vous transmettre, soyez-en sûr.e. Et ielles seront heureux.ses de partager avec vous. Car eux/elles-mêmes auparavant ont été aidé.e.s par d’autres. L’information circule, libre, gratuite, désintéressée. Et rien que pour ça, déjà, ça fait chaud au cœur d’intégrer une communauté poly, de gens a priori bienveillants, tolérants, ouverts, accueillants.

Et vous, où en êtes-vous ? Êtes-vous déjà en contact avec d’autres « poly » ? Avez-vous connaissance d’événements près de chez vous ? S’il n’en existe pas… vous pouvez les créer, et créer autour de vous la communauté dont vous avez envie et besoin. Sans doute d’autres autour de vous n’attendent que ça et seront ravi.e.s de vous rejoindre. Au plaisir de lire vos témoignages dans les commentaires ci-dessous : l’espace vous y est réservé.

À demain pour de nouvelles aventures en Polyamorie,
avec amour et bienveillance,
Isabelle