ÉTHIQUE RELATIONNELLE #15. Assumer mes responsabilités

J’écrivais dans mon article #14 que pour moi, la polyamorie est révolutionnaire, en ce sens qu’elle nous invite à un changement de paradigme, voyant les différent·e·s partenaires d’une relation comme ayant intrinsèquement les mêmes droits, quel que soient leur genre, leur âge, leur orientation sexuelle ou leur rôle dans la société.

Au-delà de cet aspect donc éminemment politique, la polyamorie nous invite aussi à travailler sur nous-mêmes, à avancer sur un chemin (en accéléré) de développement personnel, au risque sinon… de se manger le mur !

Combien de couples, en effet, exclusifs pendant des années (du moins en théorie) ont-ils découvert un jour le concept de polyamorie, trouvé que c’était « super !« , décidé d’ouvrir leur couple sans s’y être véritablement préparés… pour exploser en vol au bout de quelques mois à peine ?

En réalité, il semblerait que la polyamorie renforce les dynamiques déjà existantes dans une relation : si une relation est brinquebalante, si la communication n’est pas fluide, si les rancœurs se sont accumulées, si les partenaires ne sont pas prêt·e·s à passer du temps à parler ensemble, à accueillir les émotions l’un·e de l’autre… alors les enjeux de la polyamorie risquent fort d’aggraver ces dysfonctionnements.

Si quelqu’un·e a tendance à être insécure dans une relation, voire jalouxe, et à éprouver ainsi des émotions fortement désagréables, alors la polyamorie viendra précisément appuyer sur ses « boutons » (triggers), lui offrant cette fois-ci de « vraies » situations sur lesquelles se focaliser, et réveillant par-là même ses peurs, jusque-là contenues malgré tout grâce à la promesse rassurante d’exclusivité.

L’enjeu ici, en polyamorie comme dans toute autre situation de la vie, est de ne pas projeter sur l’autre la responsabilité de ce que je vis.
Autrement dit : ne pas accuser, blamer, critiquer ou dévaloriser.

Dit positivement plutôt qu’en forme « ne pas« , cela donne : assumer la responsabilité de mes émotions et de mes réactions.

En effet, mes émotions m’appartiennent : ce sont les miennes.

Une même situation, selon les personnes concernées ou l’état d’esprit dans lequel on se trouve ce jour-là, déclenchera des émotions – et des réactions – différentes.

Mon/ma partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux :
– en être ravi·e, car je n’avais moi-même pas fini mon travail et ça m’arrange ;
– inquiète, car ça ne lui ressemble pas de ne pas prévenir ; 
– en colère, car ce n’est pas la première fois et que je me sens non respectée.

La situation est la même, mais selon ce que je me raconte, selon les pensées qui m’assaillent (ou pas), alors je ne vais pas réagir de la même manière.

Par ailleurs, il est possible – et même souhaitable – de prendre conscience que mes émotions sont mes alliées. Elles sont là pour m’informer de ce qu’il se passe en moi, comme des vigies.

Sur cette vignette, comment savoir si le pirate alerte ses comparses d’un danger en vue (il a peur) ou bien alors d’une proie à venir (il s’en réjouit) ? Une même situation (galère droit devant) va provoquer en moi des émotions différentes selon ce j’en projette.

L’important est donc de savoir identifier mes émotions, de repérer les sensations physiques qu’elles provoquent en moi, et de les accueillir telles qu’elles sont, sans chercher à les modifier, mais aussi sans les juger… afin de ne pas me laisser diriger par elles. Car si je les refoule ou les rejette par la porte… elles reviendront par la fenêtre.
Et attention : il ne s’agit pas de les acter. Juste, dans un premier temps, de les observer. 

Sauf que la plupart d’entre nous n’avons pas été élevé·e·s dans l’idée que nos émotions, quelles qu’elles soient, sont légitimes. Au contraire, même.

Quand un enfant tombe, souvent un·e adulte lui dit, avec la meilleure intention du monde : Mais non, tu n’as pas mal, ce n’est rien. 
Ah bon ? Comment peut-ielle savoir ce que l’enfant ressent, s’il a mal ou pas ? Et que lui apprend-ielle, au passage ? À ne pas faire confiance à ses propres sensations, et que ses larmes ne sont pas légitimes. Autrement dit : l’adulte prétend mieux savoir que l’enfant ce qu’il ressent   ce qui est absurde (cf mon article #9).

Comme l’explique Patricia Evans dans ses livres sur les relations verbalement abusives,  au lieu de nous laisser la possibilité nous définir nous-mêmes de l’intérieur (inside out), on nous a habitué·e·s à être défini·e·s de l’extérieur (outside in). 

Par ailleurs, combien de fois a-t-on entendu (ou prononcé ?) des phrases telles que Tu m’agaces ! ou Tu me fatigues !
La réalité de la situation étant plutôt : Je suis agacé·e ou fatigué·e (parce que… j’ai eu une dure journée, parce que j’ai faim, je suis stressé·e…).

Beaucoup d’entre nous ont ainsi été élevé·e·s :
– dans le refoulement ou le déni de nos émotions – au risque parfois de ne même plus savoir les repérer ou les identifier ;
– en trouvant « normal·e » d’être défini·e de l’extérieur, par des gens qui prétendent savoir mieux que nous ce que nous sentons, pensons, voulons (Tu le fais exprès ! Ne fais pas ton/ta timide !) 
– en prenant l’habitude de rejeter la responsabilité sur les autres, sans doute en partie pour éviter d’être accusé·e, voire puni·e.

Globalement, tout cela fait partie de ce que l’on appelle la « violence éducative ordinaire« , qu’une amie sociologue belge Frédérique Herbigniaux a très justement désignée comme « l’enfant du patriarcat« .

Les adultes se sentent « supérieur·e·s » aux enfants (sur cette fameuse échelle verticale hiérarchique de ranking  que j’ai empruntée à Elaine N. Aron) et se permettent, en les définissant de l’extérieur, de les « juger »… le tout soi-disant pour « leur bien » (combien de générations sacrifiées au nom du monstrueux Qui aime bien châtie bien ? Si vous n’avez jamais lu Alice Miller, accrochez-vous : ça peut secouer !)

Or, la réalité, c’est que je suis seul·e responsable de mes émotions et de mes réactions.

En éducation positive (ou bienveillante), un des premiers mantra que j’ai appris à l’Atelier des Parents il y a dix ans, est :
– toute émotion est légitme
– tout comportement ne l’est pas.
On dit par exemple à un enfant : Tu as le droit d’être en colère, pas de taper ou de casser ! 

De même, on pourrait dire à un·e partenaire jalouxe : Tu as le droit d’être triste ou en colère, pas de m’insulter ou de m’accuser. 

La violence n’est jamais légitime. Quand on prétend « aimer » quelqu’un·e, on souhaite son bonheur, non sa destruction.

L’enjeu ici, quand on se pose la question de l’éthique dans nos relations, est bien d’assumer sa propre responsabilité et d’agir en conscience.
Ce n’est sans doute pas un hasard, comme je le disais dans mon article #3, si avant de parler de polyamory, on parlait de responsible non-monogamy.

Je parle bien ici de relations « responsables », éthiques, où l’on se pose la question de l’autre, qui est aussi libre que moi, qui a autant de droits, dont les émotions sont autant légitimes que les miennes.

L’idéal dans une relation est de pouvoir avoir confiance dans une bienveillance réciproque.

Quand l’autre fait quelque chose qui réveille en moi des émotions désagréables, je me rappelle qu’ielle ne le fait pas contre moi mais pour ellui : mes émotions sont légitimes, je sais que l’autre saura les accueillir (si toutefois je ne cherche pas à l’en rendre responsable) et, si j’apprends à déchiffrer le message qu’elles m’envoient, elles m’indiqueront le chemin à suivre pour mieux me connaître et devenir une meilleure version de moi-même.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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