ÉTHIQUE RELATIONNELLE #18. Accueillir les transitions

Mon article #17 présentait une relation éthique comme un contrat librement consenti entre deux personnes autonomes et responsables : un contrat s’applique pour une durée donnée.
Quand on se marie, on signe un contrat censé rester valable « jusqu’à la mort » de l’une des partenaires… sauf qu’aujourd’hui, le divorce est communément admis : le contrat est donc renégociable à tout moment si au moins l’un·e des deux évolue et change d’avis.

Quand je parle d’éthique relationnelle, quand j’insiste sur le fait que l’autre a des droits, des émotions, des besoins, des désirs qui sont autant légitimes que les miens, je pars du principe que tout contrat passé entre deux personnes à un moment donné, qu’il soit formalisé ou pas, est renouvelable et renégociable à tout instant, si ses termes ne conviennent plus à l’une des personnes.

Mais… c’est une chose de le savoir, c’en est une autre de le vivre.

La jalousie est un mot-valise, ou bien encore un mot-parapluie, qui, dès qu’on commence à creuser un peu ce qu’il représente, n’a plus beaucoup de sens en lui-même, et renvoie bien plus sûrement à tout un tas d’émotions primaires telles que : la peur, la colère, la tristesse.

Et tout l’enjeu, une fois de plus, est de faire en sorte d’assumer ses émotions et de ne pas chercher à en rendre l’autre responsable : ce n’est que comme ça, que l’on pourra avancer sur son chemin et grandir, en se connaissant mieux soi-même.

Mais à nouveau… ceci est la théorie, et souvent bien plus facile à énoncer qu’à vivre. L’important alors, est de s’autoriser de tomber, comme un enfant qui apprend à marcher, être indulgent·e avec soi-même (et avec l’autre) : l’intelligence émotionnelle est une qualité mais aussi une pratique, qui se travaille – c’est un apprentissage, et comme tout apprentissage, il prend du temps.


On distingue traditionnellement la jalousie de l’envie :
– quand je suis envieuxe, j’aimerais avoir quelque chose que quelqu’un·e d’autre a ;
– quand je suis « jalouxe », j’ai peur de perdre quelque chose que j’ai, au profit de quelqu’un·e d’autre.

Certain·e·s en concluent donc – un peu rapidement à mon sens – que la jalousie a à voir avec la peur de la perte, et donc (c’est là que je ne suis plus) avec un instinct de possession ou de propriété. Sauf qu’évidemment, je le sais, que l’autre ne m’appartient pas, pas plus que son temps, ou son corps, que ce que l’autre fait de son temps, ou de son corps, ne me regarde pas.

Pour moi, la « jalousie » a au moins autant à voir avec la peur de l’abandon, qu’avec la peur de la perte. Je n’ai pas peur de « perdre » quelque chose que je possède, dans le sens où je sais que je ne « possède » pas mon/ma partenaire et où, philosophiquement, éthiquement, je sais qu’ielle est libre.
Mais à nouveau : le « savoir » est une chose, vivre sereinement les moments où l’autre est avec quelqu’un·e d’autre, en est une autre.

C’est là que souvent, en polyamorie comme dans tout apprentissage, on dit qu’il y a d’un côté, la théorie, de l’autre, la pratique. D’un côté, le savoir « intellectuel », rationnel, la raison, et de l’autre, les émotions. D’un côté, la tête, de l’autre le cœur. Et le cœur semble parfois avoir besoin de plus de temps que de la tête pour bien vivre une situation.

Quand la personne que l’on aime et avec laquelle on vit une relation et un attachement forts, a envie de passer du temps avec une autre personne, on peut avoir peur de perdre ce que l’on a ou avait jusqu’à présent : une connexion émotionnelle forte, des soirées ou des nuits passées ensemble, du temps intime.

Et… cette peur est légitime.
En effet, quand une nouvelle personne entre dans la vie de notre partenaire, il y a des chances qu’ielle entre dans une énergie nouvelle qu’en polyamorie, on appelle l’énergie de nouvelle relation (New Relationship Energy: NRE), qu’ielle y pense souvent, qu’ielle ait envie de passer du temps avec cette personne qu’avant ielle passait avec nous.

Ne pas reconnaître ou admettre cela, vouloir à tout prix se « rassurer » sur le fait que « cela ne va rien changer pour nous« , en se répétant que les amours s’additionnent, que si notre partenaire est heureuxe, alors on va l’être aussi, peut être une manière de ne pas regarder la réalité en face, et… se manger le mur quelque temps plus tard, si on cherche à tout prix à se raccrocher à la forme de la relation telle qu’on l’avait avant… et pour peu que l’on commence à faire des reproches ou des accusations à l’autre.

J’aurais aimé qu’ielle ne læ rencontre jamais. Je voudrais revenir comme avant. Pourquoi ne peut-on pas revenir comme avant ? Tu m’avais promis que cela ne changerait rien entre nous, et on se voit moins qu’avant. 

Mes émotions sont légitimes. L’expression de mes émotions est légitime… tant que je parle de moi, de mes peurs, de mes projections, de ce qui m’appartient.
Les problèmes commencent quand / si j’en fais le reproche à l’autre.

C’est là que les outils relationnels, de communication compassionnelle, d’accueil des émotions, d’intelligence émotionnelle, de mindsight, sont essentiels.

Accueillir, accepter mes émotions pour ce qu’elles sont, parce qu’elles sont là, et qu’elles sont légitimes : ma peur est là, je peux l’accueillir, la regarder en face, mettre des mots dessus.

J’ai peur que tu m’aimes moins qu’avant, j’ai peur d’avoir envie de te voir alors que toi tu en auras moins envie, j’ai peur d’être en manque de toi. Voire J‘ai peur qu’un jour tu me quittes. 

Alors certes, quand on choisit de vivre des relations non-exclusives consensuelles, on se confronte possiblement à des émotions parfois difficiles à gérer, mais précisément : on choisit de les regarder en face, et de les apprivoiser peu à peu.


Car reconnaissons-le par ailleurs : la monogamie – autrement dit : un cadre exclusif mis en place par consentement libre et éclairé au début d’une relation, quand l’un·e et l’autre avaient envie d’y croire, étaient en pleine énergie de nouvelle relation et… ne savaient peut-être pas qu’il était possible de faire autrement – n’a jamais empêché personne d’avoir des relations hors cadre si ielle en avait vraiment envie, et ne protège pas du divorce ou d’une séparation. Bien au contraire.

Quand l’autre est libre de vivre d’autres relations, en effet, et si la relation qu’ielle a avec nous est par ailleurs heureuse, alors ielle n’a pas de raison de vouloir la quitter.
Tandis que quand on vit en monogamie et que l’un·e des deux fait une « entorse au contrat » en trompant son partenaire, il est parfois difficile de rétablir la confiance  quand / si l’adultère est découvert. Et c’est là que, la colère et le sentiment de trahison n’aidant pas, on risque de dire ou faire des choses qu’on regrette ensuite.

Dans tous les cas, le fait de vouloir s’accrocher à la forme qu’avait la relation avant n’aide pas à accepter la réalité et le présent tel qu’il est. Quel que soit l’accord passé entre deux personnes (exclusif ou non), si l’une d’entre elles a envie, un jour, de faire évoluer la relation, voire de la quitter, rien ne l’en empêchera.

Et tandis qu’en polyamorie, plusieurs relations peuvent être complémentaires et s’additionner, en monogamie, quand un adultère est découvert, bien souvent, la personne qui l’a « commis » (tout un vocabulaire !) est « sommée de choisir » entre les deux : c’est souvent la fin de l’une des relations.

En polyamorie, il n’y a plus « besoin » de séparations, de ruptures, de « couples brisés », pour reprendre le titre d’un livre de Christophe Fauré : les relations peuvent être fluides et changeantes, on parle de transitions, d’évolution des relations.

Plus besoin de rassurer læ « prochain·e » candidat·e avec qui on voudrait monter dans l’ascenseur relationnel en lui offrant le cadavre de notre relation précédente : plus besoin de « trancher net », on peut rester proches, quelle que soit la nouvelle forme que prendra notre relation.

Et même si une relation doit effectivement se terminer (ça arrive, quand nos chemins de ne correspondent plus, quand on ne se fait plus de bien), elle n’est pas obligée de se terminer dans la violence ou les rancœurs.

On peut apprendre à gérer des transitions « en douceur » : une nouvelle relation peut s’installer en douceur dans la vie de quelqu’un·e, y trouver peu à peu sa place, tandis que la précédente saura peu à peu transitionner de son côté, de manière à ce que progressivement, dans le respect et la bienveillance mutuelschacun·e des personnes concernées y trouve son bonheur.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #15. Assumer mes responsabilités

J’écrivais dans mon article #14 que pour moi, la polyamorie est révolutionnaire, en ce sens qu’elle nous invite à un changement de paradigme, voyant les différent·e·s partenaires d’une relation comme ayant intrinsèquement les mêmes droits, quel que soient leur genre, leur âge, leur orientation sexuelle ou leur rôle dans la société.

Au-delà de cet aspect donc éminemment politique, la polyamorie nous invite aussi à travailler sur nous-mêmes, à avancer sur un chemin (en accéléré) de développement personnel, au risque sinon… de se manger le mur !

Combien de couples, en effet, exclusifs pendant des années (du moins en théorie) ont-ils découvert un jour le concept de polyamorie, trouvé que c’était « super !« , décidé d’ouvrir leur couple sans s’y être véritablement préparés… pour exploser en vol au bout de quelques mois à peine ?

En réalité, il semblerait que la polyamorie renforce les dynamiques déjà existantes dans une relation : si une relation est brinquebalante, si la communication n’est pas fluide, si les rancœurs se sont accumulées, si les partenaires ne sont pas prêt·e·s à passer du temps à parler ensemble, à accueillir les émotions l’un·e de l’autre… alors les enjeux de la polyamorie risquent fort d’aggraver ces dysfonctionnements.

Si quelqu’un·e a tendance à être insécure dans une relation, voire jalouxe, et à éprouver ainsi des émotions fortement désagréables, alors la polyamorie viendra précisément appuyer sur ses « boutons » (triggers), lui offrant cette fois-ci de « vraies » situations sur lesquelles se focaliser, et réveillant par-là même ses peurs, jusque-là contenues malgré tout grâce à la promesse rassurante d’exclusivité.

L’enjeu ici, en polyamorie comme dans toute autre situation de la vie, est de ne pas projeter sur l’autre la responsabilité de ce que je vis.
Autrement dit : ne pas accuser, blamer, critiquer ou dévaloriser.

Dit positivement plutôt qu’en forme « ne pas« , cela donne : assumer la responsabilité de mes émotions et de mes réactions.

En effet, mes émotions m’appartiennent : ce sont les miennes.

Une même situation, selon les personnes concernées ou l’état d’esprit dans lequel on se trouve ce jour-là, déclenchera des émotions – et des réactions – différentes.

Mon/ma partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux :
– en être ravi·e, car je n’avais moi-même pas fini mon travail et ça m’arrange ;
– inquiète, car ça ne lui ressemble pas de ne pas prévenir ; 
– en colère, car ce n’est pas la première fois et que je me sens non respectée.

La situation est la même, mais selon ce que je me raconte, selon les pensées qui m’assaillent (ou pas), alors je ne vais pas réagir de la même manière.

Par ailleurs, il est possible – et même souhaitable – de prendre conscience que mes émotions sont mes alliées. Elles sont là pour m’informer de ce qu’il se passe en moi, comme des vigies.

Sur cette vignette, comment savoir si le pirate alerte ses comparses d’un danger en vue (il a peur) ou bien alors d’une proie à venir (il s’en réjouit) ? Une même situation (galère droit devant) va provoquer en moi des émotions différentes selon ce j’en projette.

L’important est donc de savoir identifier mes émotions, de repérer les sensations physiques qu’elles provoquent en moi, et de les accueillir telles qu’elles sont, sans chercher à les modifier, mais aussi sans les juger… afin de ne pas me laisser diriger par elles. Car si je les refoule ou les rejette par la porte… elles reviendront par la fenêtre.
Et attention : il ne s’agit pas de les acter. Juste, dans un premier temps, de les observer. 

Sauf que la plupart d’entre nous n’avons pas été élevé·e·s dans l’idée que nos émotions, quelles qu’elles soient, sont légitimes. Au contraire, même.

Quand un enfant tombe, souvent un·e adulte lui dit, avec la meilleure intention du monde : Mais non, tu n’as pas mal, ce n’est rien. 
Ah bon ? Comment peut-ielle savoir ce que l’enfant ressent, s’il a mal ou pas ? Et que lui apprend-ielle, au passage ? À ne pas faire confiance à ses propres sensations, et que ses larmes ne sont pas légitimes. Autrement dit : l’adulte prétend mieux savoir que l’enfant ce qu’il ressent   ce qui est absurde (cf mon article #9).

Comme l’explique Patricia Evans dans ses livres sur les relations verbalement abusives,  au lieu de nous laisser la possibilité nous définir nous-mêmes de l’intérieur (inside out), on nous a habitué·e·s à être défini·e·s de l’extérieur (outside in). 

Par ailleurs, combien de fois a-t-on entendu (ou prononcé ?) des phrases telles que Tu m’agaces ! ou Tu me fatigues !
La réalité de la situation étant plutôt : Je suis agacé·e ou fatigué·e (parce que… j’ai eu une dure journée, parce que j’ai faim, je suis stressé·e…).

Beaucoup d’entre nous ont ainsi été élevé·e·s :
– dans le refoulement ou le déni de nos émotions – au risque parfois de ne même plus savoir les repérer ou les identifier ;
– en trouvant « normal·e » d’être défini·e de l’extérieur, par des gens qui prétendent savoir mieux que nous ce que nous sentons, pensons, voulons (Tu le fais exprès ! Ne fais pas ton/ta timide !) 
– en prenant l’habitude de rejeter la responsabilité sur les autres, sans doute en partie pour éviter d’être accusé·e, voire puni·e.

Globalement, tout cela fait partie de ce que l’on appelle la « violence éducative ordinaire« , qu’une amie sociologue belge Frédérique Herbigniaux a très justement désignée comme « l’enfant du patriarcat« .

Les adultes se sentent « supérieur·e·s » aux enfants (sur cette fameuse échelle verticale hiérarchique de ranking  que j’ai empruntée à Elaine N. Aron) et se permettent, en les définissant de l’extérieur, de les « juger »… le tout soi-disant pour « leur bien » (combien de générations sacrifiées au nom du monstrueux Qui aime bien châtie bien ? Si vous n’avez jamais lu Alice Miller, accrochez-vous : ça peut secouer !)

Or, la réalité, c’est que je suis seul·e responsable de mes émotions et de mes réactions.

En éducation positive (ou bienveillante), un des premiers mantra que j’ai appris à l’Atelier des Parents il y a dix ans, est :
– toute émotion est légitme
– tout comportement ne l’est pas.
On dit par exemple à un enfant : Tu as le droit d’être en colère, pas de taper ou de casser ! 

De même, on pourrait dire à un·e partenaire jalouxe : Tu as le droit d’être triste ou en colère, pas de m’insulter ou de m’accuser. 

La violence n’est jamais légitime. Quand on prétend « aimer » quelqu’un·e, on souhaite son bonheur, non sa destruction.

L’enjeu ici, quand on se pose la question de l’éthique dans nos relations, est bien d’assumer sa propre responsabilité et d’agir en conscience.
Ce n’est sans doute pas un hasard, comme je le disais dans mon article #3, si avant de parler de polyamory, on parlait de responsible non-monogamy.

Je parle bien ici de relations « responsables », éthiques, où l’on se pose la question de l’autre, qui est aussi libre que moi, qui a autant de droits, dont les émotions sont autant légitimes que les miennes.

L’idéal dans une relation est de pouvoir avoir confiance dans une bienveillance réciproque.

Quand l’autre fait quelque chose qui réveille en moi des émotions désagréables, je me rappelle qu’ielle ne le fait pas contre moi mais pour ellui : mes émotions sont légitimes, je sais que l’autre saura les accueillir (si toutefois je ne cherche pas à l’en rendre responsable) et, si j’apprends à déchiffrer le message qu’elles m’envoient, elles m’indiqueront le chemin à suivre pour mieux me connaître et devenir une meilleure version de moi-même.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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21 JOURS pour des relations positives #20. Indulgence

Vous l’aurez (peut-être ?) remarqué : nous sommes aujourd’hui le 21 novembre, et cet article du 21 novembre porte le numéro #20 au lieu du #21 : j’ai en effet sauté un jour d’écriture hier.
Après consultation avec moi-même, après deux soirées incroyablement riches en émotions positives, suivie d’une autre journée forte en émotions… bouleversantes, je me suis en effet « autorisée » moi-même à ne pas écrire mon 20ème article hier.
Je me suis dit qu’après tout, personne, à part moi-même, ne m’y « forçait », et que je pouvais m’accorder cette pause… après celle du #19, que j’avais pour le coup planifiée à l’avance.

Le 19, j’avais en effet envie que mes lectrices et lecteurs ici puissent entendre directement la voix de mon partenaire, car c’est souvent ce qu’il me manque dans les articles ou les livres des personnes qui racontent l’histoire de leur vie en impliquant un·e autre : je me demande toujours « Et l’autre, qu’est-ce qu’il ou elle aurait envie d’en dire ? »
De même qu’à chaque fois que j’entends quelqu’un·e me dire : « En x années, je n’ai pas trompé mon/ma partenaire et ellui non plus« , je me demande toujours : Comment peut-ielle en être aussi sûr·e ? Qu’aurait à en dire son partenaire si ielle pouvait parler librement ?
Je suis donc heureuse donc que vous ayez pu ici entendre directement la voix de Loïc —qu’il en soit ici remercié chaleureusement et publiquement.

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Hier, en revanche, j’avais prévu d’écrire le soir, après une longue journée. Mais une fois de plus, la vie en a décidé autrement. J’étais lessivée, rétamée, sur les rotules. Et j’ai choisi de m’accorder un répit. De me l’autoriser, sans vergogne, en l’assumant.
Parfois il est bon, aussi, de savoir repérer ses limites, et ne pas chercher à les dépasser à tout prix… car autant cela peut parfois être bénéfique, et même exaltant, parfois aussi il est important de s’écouter. Et d’être indulgent·e envers soi-même.

Et alors que j’avais décidé d’écrire un article qui s’intitulerait « Réciprocité », j’ai décidé d’écrire à la place cet article « Indulgence »…

L’indulgence envers nous-mêmes est un élément essentiel, à mon sens, d’une vie sereine et épanouie. Traitons-nous nous-mêmes comme si nous étions notre meilleur·e ami·e.
Avez-vous remarqué à quel point on est parfois sévère avec nous-mêmes ? À quel point on se dit : J’aurais dû… / J’aurais pu… / Si j’avais su… / Si c’était à refaire…À quelle fréquence on se dit (ou on dit aux autres) : Je ne suis pas fier·e de moi, voire Je suis nul·le ?

Je l’entends déjà parfois chez mes enfants, et j’essaie vraiment de les encourager à ne pas parler d’eux-mêmes ainsi : validons le positif, en toutes circonstances. Rien ne sert de s’auto-flageller, et n’oublions jamais que nos pensées créent notre réalité :  si nous disons ou pensons quelque chose, le risque est grand qu’on ne le croie.
Et ce serait dommage !

Indulgence, donc, envers nous-même… mais aussi indulgence envers les autres.

Personne n’est parfait – et heureusement ! Tout le monde a droit à l’erreurErrare Humanum est – et heureusement !

L’un des livres qui m’aide le plus au quotidien et grâce auquel, entre autres, j’ai pu écrire et réaliser LUTINE dans de telles conditions précaires et sans garanties, est L’Apprentissage de l’imperfectionJe ne peux que vous le recommander.
51TJ-rjvUwL._SY445_À la question qui se pose : Mais comment font les autres ?, il répond cette évidence : Du mieux qu’ielles peuvent, elleux aussi…
Sauf que dans notre société, on nous fait croire que les autres sont parfait·es, et que nous sommes les seuls êtres imparfaits – d’où souvent, notre rapport étouffant à une culpabilité.

Yves-Alexandre Thalmann explique très bien que le « sentiment de culpabilité » n’est pas vraiment utile en soi : soit on est en effet « coupable », et alors on fait ce qu’on a à faire pour tenter de réparer… soit on se « sent » coupable mais on ne l’est pas… et alors peut-être la « faute » revient-elle à quelqu’un·e d’autre ?
Ça nous conduit tout droit à toute une réflexion sur la différence entre la « responsabilité » et la « culpabilité ». Mais de parenthèse en parenthèse… je m’égare.

Indulgence, donc, envers nous-mêmes, mais aussi envers les autres. Et c’est aussi, à mon sens, ce qui fait la différence entre une relation positive et une qui ne l’est pas, ou moins.
On rejoint là, le fameux ratio 5:1 et même 7:1 quand il s’agit d’un « couple » (une relation intime et impliquante émotionnellement parlant, qui s’inscrit au quotidien sur le long terme)  d’interactions positives versus des interactions négatives, mis en évidence par John Gottman pour caractériser une relation positive.

C’est parce que chacun·e a de l’autre une vision positive, parce que chacun·e a la certitude que l’autre « fait de son mieux » (pour reprendre le 4ème accord toltèque), tient compte de son/sa partenaire et fait à chaque instant en sorte de prendre soin au mieux de la relation, qu’ielle peut cultiver en lui/elle-même cette indulgence envers l’autre.
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Ce qui nous met en colère, souvent, c’est notre pensée que l’autre « aurait pu / dû » faire autrement, qu’ielle n’a pas suffisamment tenu compte de nous, ou de nos émotions (voir mon coin-lecture « Mes émotions sont mes alliées« , où sont notamment répertoriés de nombreux livres sur les émotions et notamment sur la colère).

Si on sait que l’autre tient compte de nous, fait attention à notre relation, et fait de son mieux… alors au lieu d’être dominé·e dans un premier temps par la colère, quand quelque chose nous a blessé·e, on peut directement passer à la case « tristesse ».

On peut exprimer nos émotions en mode « JE », au lieu d’exprimer notre « besoin non satisfait » sous une forme « tragiquement suicidaire » en mode « TU », comme le dit Marshall Rosenberg dans ses ouvrages et conférences sur la communication non violente.

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Évidemment, tout se tient, et tous ces auteurices, ces penseur·ses, ces théoricien·nes, ces sages, ces moines bouddhistes… disent la même chose, chacun·e avec ses mots différents, mais globalement, cela revient à :

  • accepter l’autre tel·le qu’ielle est et s’accepter soi-même avec indulgence et non-jugement ;
  • s’exprimer au « JE » de façon positive en parlant de « ses » émotions, « ses » besoins ;
  • faire des demandes claires et accepter que l’autre fasse de même ;
  • entendre les paroles de l’autre sans les prendre personnellement (3e accord toltèque), en étant capable de les entendre avec le langage du cœur (et nos oreilles de girafe) ;
  • maintenir le canal de communication ouvert tant que faire se peut.

Étant entendu qu’une relation positive se crée à deux, que chacun·e ne peut être responsable que de sa propre part de la relation, qu’on ne peut jamais contrôler ni faire changer un·e autre, qu’on n’a de prise que sur soi-même… et que tout ce que j’ai exprimé et écrit jusqu’à présent sur les relations positives n’a de sens que dans un cadre de respect et de réciprocité.

Ce devait être mon article d’hier… ce sera celui de demain.
Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #15. Réparation

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Certes, il semble y avoir des gens qui entretiennent systématiquement des relations toxiques, voire abusives, avec de nombreuses personnes. Des gens qui n’ont que peu de vrai·es ami·es – plus des relations de travail ou de voisinage -, qui se fâchent avec … Continuer la lecture

21 JOURS pour des relations positives #8. Accueil des émotions

Plutôt qu’un article de théorie sur la gestion des émotions (j’en ai déjà rédigé plusieurs et je vous invite à vous y reporter : « 13 JOURS de pensée positive #7« , « Nos émotions au cinéma« , « Voyage en Polyamorie #11. Spirale positive ; vous en trouverez d’autres en tapant « Émotions » dans l’onglet de recherche), j’ai envie aujourd’hui de donner un exemple concret d’une situation vécue il y a peu. Et pour que le lien avec ce que j’appelle une relation « positive » soit plus clair, il ne s’agira ni d’une situation en rapport avec la polyamorie, ni en rapport avec un enfant : on verra bien alors qu’il s’agit d’une posture générale d’accueil des émotions dans la vie, que ce soit avec un·e adulte, un·e enfant, dans un couple, une famille – ou même avec quelqu’un·e que vous ne connaissez pas dans la rue.

Pendant les vacances de la Toussaint (c’est donc vraiment récent), mon aimé et moi-même avons emmené ma fille, 7 ans, au jardin d’Acclimatation : elle avait envie d’une « fête foraine« . Un manège, deux manèges, trois manèges… tout allait plutôt bien. Ce n’était juste pas moi qui montait avec elle, car ces « trucs » qui secouent dans tous les sens pour créer des sensations – et spécifiquement des sensations de peur – dans le corps, ça fait bien longtemps que j’y ai renoncé…

(Parenthèse : je me souviens de la dernière fois où je suis montée dans un manège type montagne russe pour « faire comme les autres », et soi-disant « m’amuser » : c’était avec le père de mes enfants, sans doute au tout début de notre histoire, car je devais être dans la phase : « j’essaie de paraître cool« , au lieu de préférer être simplement moi-même. C’était donc… il y a vingt ans !
Sur le manège lui-même, j’ai cru… que j’allais mourir. Littéralement. Quand j’en suis descendue, j’ai vomi et pleuré, beaucoup. Dans le genre « cool », je pouvais repasser !
Ce jour-là, j’ai décidé qu’on ne m’y prendrait plus (comme le corbeau de La Fontaine) et que plus jamais, je ne monterais dans un manège que je ne « sens » pas. Fin de la parenthèse).

Retour au jardin d’Acclimatation, où ma fille, donc, s’éclatait avec son beau-père – qu’elle présente aussi souvent comme « l’amoureux de sa mère ». Jusqu’au moment où je les vois aller en direction d’un nouveau manège. Un truc euh… où des nacelles sont tenues par des chaînes…

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Quand on est dessus, ça donne ça : 
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Mais quand on est en-dessous, voilà ce qu’on voit :

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À vrai dire, je n’ai pas « réfléchi »… J’ai juste « vu » et senti monter lentement mais de manière inexorable en moi une bouffée d’angoisse : petit à petit, j’ai senti mes jambes flageoler, mon cœur s’accélérer, ma respiration se saccader… Rapidement, je n’ai plus pu parler, je suffoquais, j’étais en train de m’étouffer. Plus capable de prononcer un mot, bien incapable de dire : « Euh… je crois que je préférerais que vous ne montiez pas dans celui-ci… » Non, c’était bien plus radical que ça : une véritable « panic attack » – ça devait être ça.

C’est à ce moment-là que mon aimé, se retournant vers moi, m’a aperçue, me débattant avec mon corps envahi – j’imagine – de cortisol et d’adrénaline, au point où ils me paralysaient complètement. Je ne pouvais juste plus communiquer autrement que par des signaux physiques de détresse.
Il est aussitôt venu vers moi, a rassuré ma fille, soudain bien sûr un peu inquiète de me voir dans cet état, et c’est lui qui a prononcé les mots auxquels je n’avais plus accès : « Tu ne veux pas qu’on monte là-dedans, c’est ça ? Tu as peur ? »

Alors j’ai senti que, comme il semblait comprendre ce qui m’arrivait, je pouvais à nouveau contacter mon néo-cortex – mon cerveau rationnel – je pouvais « ré-intégrer » mon cerveau gauche et mettre des mots sur la panique de mon cerveau droit et j’ai réussi à dire : « J’ai peur que vous tombiez et que vous mourriez. »

Il n’a pas cherché à me rassurer, pas cherché à « rationaliser », à me dire : « Mais enfin, tu penses bien que ce n’est pas dangereux, ils ne laisseraient pas les gens monter dessus sinon » – ça aurait été bien inutile, et vous pensez bien que je me l’étais déjà dit. Aucune « rationalisation » ne pouvait m’empêcher de penser, moi : « Oui, mais si justement, aujourd’hui, il y a un accident ? »

Non, il a juste « accueilli » mon émotion, et il l’a « expliquée » à ma fille, qui, à son tour, commençait à pleurer : « Mais moi, je veux vraiment y aller sur ce manège… ».
Il lui a expliqué qu’une fois qu’elle était montée, il fallait juste que je laisse « redescendre » mon émotion, et qu’on allait trouver ensemble une solution : et faire une « résolution de problème« . Mais auparavant, il m’a juste prise contre lui, sans parler… et mes larmes ont alors pu sortir, en sanglots, me permettant d’évacuer les hormones de stress qui m’avaient envahie.
Une fois que j’ai pu retrouver une respiration à peu près normale, il m’a alors demandé si ça me paraissait possible, tout simplement, de ne pas regarder, pendant qu’ielles montaient sur le manège. J’ai accepté, en hochant la tête et tout en reniflant. J’avais vraiment la sensation d’avoir cinq ans.

Je me suis alors éloignée, dans la direction d’un rayon de soleil. J’ai trouvé un peu plus loin un petit point d’eau avec des canards, et j’ai regardé les canards, le soleil sur le pont, les gens avec leurs enfants. Je me suis réchauffée au soleil. Et j’ai attendu qu’ielles reviennent.
Au bout d’un moment, j’ai commencé à trouver le temps long… et à sentir à nouveau l’inquiétude remonter en moi : et si ielles ne revenaient pas ?
Alors je me suis concentrée sur ma respiration, en pleine conscience. Et j’ai attendu.
Et ielles sont revenus.

Et on a tou·tes les trois été fièr·es de nous, d’avoir su gérer cette crise. Moi, parce que j’avais réussi à surmonter ma peur qu’ils montent sur le manège et que je les avais laissé·es y aller ; ma fille parce qu’elle avait attendu que mes émotions redescendent sans faire de crise à son tour ; et mon aimé, parce qu’il avait brillamment géré ce moment délicat.

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Qu’aurait fait une personne avec laquelle j’aurais été dans une relation moins positive ? Elle se serait moquée de moi. Elle aurait haussé les épaules en disant : « Tu es vraiment ridicule. Quel âge tu as ? » ou bien encore : « Tu te donnes en spectacle, j’ai honte pour toi » ; ou bien encore : « Reprends-toi ! Tu imagines le modèle que tu donnes à ta fille ? » ; ou bien tout ça en même temps, sur le rythme d’une mitraillette : ta-ta-ta-ta-ta ! 

Et qu’est-ce que ça aurait provoqué en moi ? Une rage, une colère de ne pas être comprise, une humiliation, une rancœur. Est-ce que ça aurait contribué à apaiser mon émotion ? Certes non : ça aurait au contraire ajouté de la colère à ma peur. Et vraisemblablement, je me serais mise à crier ou à pleurer encore plus fort, pour les empêcher de monter sur le manège – à moins que je n’aie été complètement sidérée par la panique, en état de choc. Ma fille aurait paniqué à son tour, et l’après-midi, à coup sûr, aurait été gâché. On serait reparti·es du parc en étant tou·tes trois déçu·es et frustré·es, en colère et tristes. Et j’aurais entendu : « Il faut toujours que tu gâches tout. Tu es pire qu’un enfant ! Tu es ridicule, ma pauvre fille. Il faut te faire soigner, tu es pathétique. »
(Ça vous paraît exagéré comme dialogue ? C’est malheureusement du vécu…).

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Voilà donc ce que j’appelle l’accueil (positif) des émotions : les accueillir pour ce qu’elles sont – nos alliées. Les remercier (dans le cas de la peur par exemple) de nous alerter d’une situation potentiellement dangereuse. Et les accompagner, à leur rythme.

La méthode TIPI nous apprend qu’en deux minutes d’attention portée à la sensation physique d’une émotion, elle se modifie petit à petit… pour disparaître. À vrai dire, il me semble qu’il ne s’agit ni plus ni moins… que d’une attention au corps portée en pleine conscience. 

Au-delà de l’accueil des émotions, voilà ce qu’est pour moi une relation positive : une relation dans laquelle on se sent en sécurité. Dans laquelle on sait que nos émotions seront accueillies pour ce qu’elles sont : des vigies, des alliées, et non des ennemies. Et où la personne en face a suffisamment confiance en elle pour « ne rien prendre personnellement » (3e accord toltèque) : j’y reviendrai.

Pour aujourd’hui… hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #11. 8b. Spirale positive

On a quitté les rives de la Monogamie ordinaire (#2), réalisé que les mythes étaient précisément des mythes et qu’une bonne partie des comportements de nos contemporain·es étaient fondés sur des faux-semblants, mensonges et peurs (#3), on a choisi de croire notre petite voix intérieure qui nous disait qu’il devait être possible de vivre autrement nos relations au monde et aux autres (#4) et on s’est préparé.e au voyage du mieux qu’on a pu (#5) avant de se lancer dans l’aventure (#6).

Sauf qu’on a beau se préparer, rien ne vaut l’expérience : c’est en nageant qu’on apprend à nager… pas en regardant des tutos sur Internet ! Une fois qu’on s’est jeté.e à l’eau, ça remue donc bien plus que ce qu’on avait imaginé, que tout ce qu’on avait essayé d’anticiper : courants, contre-courants, obstacles divers et variés qu’on choisit de voir comme autant d’opportunités de nous affermir, de grandir, on affronte nos peurs (#7).

Les automatismes de notre vie d’avant ne nous servent plus à rien : c’est à nous d’inventer de nouveaux codes, de nouveaux modes de relations, tous nos repères ont sauté et… notre entourage historique nous tourne souvent le dos : leur monde n’est plus notre monde, on ne « colle plus » (ce que Kim Hudson dans son livre The Virgin’s Promise appelle « No Longer Fits Her World »), ielles ne nous reconnaissent plus et ne nous soutiennent pas, bien au contraire (ce qu’on cherche à défendre, une nouvelle éthique amoureuse, est bien trop dérangeante le plus souvent pour l’hypocrisie ambiante).
Et si on a l’impudence, à un moment un peu plus difficile que les autres, de chercher une oreille compatissante, en se confiant à un.e parent.e, un.e ami.e ou même un.e psy, on nous renvoie à notre responsabilité : « Tu l’as bien cherché, tu ne vas pas venir te plaindre en plus ! On t’avait prévenu.e, c’était couru d’avance » (#8).

Malgré tout, on sait, on sent qu’on est sur la bonne voie, et on veut continuer à y croire. On mesure le chemin parcouru, on se rend compte que l’une après l’autre, on a déjà affronté pas mal de nos peurs et insécurités, on est fier.e de soi, on sent qu’on peut aller plus loin, on se le souhaite. Étape après étape.
Et peut-être parce qu’à un moment, on se sent soudain plus fort.e, on fait un pas de côté, on ose affronter une nouvelle peur… et soudain, une bourrasque qu’on n’avait pas vue venir, plus forte que les autres, semble nous emporter (ce que Kim Hudson appelle « Caught Shining ») et des tourbillons nous entraînent vers le « ventre de la baleine«  (#9).

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Et là, euh… c’est la crise, le climax en dramaturgie : on a l’impression qu’on va y laisser notre peau, on voudrait revenir en arrière, mais c’est trop tard : on est « au fond du gouffre » et on se demande si on reverra jamais la lumière du jour… On lâche alors toutes nos défenses, et on s’avoue vaincu.e : « J’ai joué, j’ai perdu », dit mon personnage dans LUTINE. Et c’est là, quand on lâche prise, qu’on aperçoit, tout au fond, tapie dans le noir… la « Grande Déesse » de la créativité et de la destruction, celle qui, après l’hiver, fait renaître les fleurs au printemps.

Et alors, là-bas, tout au bout du bout, on aperçoit soudain une lueur… Humble comme au premier jour, on ose demander de l’aide, tendre la main… et ô miracle : on réalise qu’on n’est pas seul.e, qu’on est pas le/la premier.e à vivre cette expérience, qu’avant nous, d’autres sont passé.e.s par là, et sont prêt.e.s à nous aider, à partager leur expérience avec nous. On va pouvoir ainsi remonter à la surface : d’autres sont là pour nous accompagner sur le chemin de nous-même (#10).

Et ces autres, souvent rassemblé.e.s en communautés (cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole poly, forum sur Internet, groupes sur Facebook) ont tout plein d’outils à partager avec nous – dont certains qu’on avait bien sûr déjà commencé à explorer et utiliser nous-mêmes : mais rien ne vaut le passage de témoin et le relais d’informations de pair·e à pair·e. C’est parce qu’on découvre que d’autres sont passé·es par là, qu’ielles aussi ont cru qu’ielles n’y arriveraient jamais, et qu’aujourd’hui, ielles semblent très heureuxes de leur nouvelle vie en Polyamorie… que notre espoir renaît, et avec lui, notre énergie positive pour nous en sortir et atteindre nous aussi, un jour, les rivages heureux de la Polyamorie.

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Première étape incontournable de cette spirale positive : l’accueil de nos émotions.
Tant d’entre nous ont été élevé·es avec l’idée qu’il fallait cacher, masquer, refouler nos émotions… qu’on n’y a même plus accès parfois, ou qu’on ne sait pas les reconnaître, parce qu’on les déguise. On les prend pour des ennemies… alors qu’elles sont nos alliées : elles sont là pour nous alerter, nous informer sur nous-mêmes, à un moment où le cerveau rationnel, lui, n’est pas nécessairement attentif.

Les émotions, que l’on vit dans notre corps, et qui se manifestent souvent (à l’exception de la joie) par des sensations physiques désagréables, voire douloureuses, sont souvent décriées et elles ont mauvaise presse : Arrête ton cinéma ! Que tu es chochotte ! Calme-toi immédiatement ou je vais te donner une bonne raison de pleurer ! Les garçons, ça ne pleure pas ! Pour qui tu te prends de me répondre comme ça ! C’est qui qui commande, ici ?

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On nous apprend à les mater, à les refouler. On nous apprend à les bloquer. On les ridiculise, on les dévalorise. On nous explique que nous devrions en avoir honte. Qu’on est trop sensible. Alors que c’est une chance d’être sensible et même hypersensible : c’est ce qui permet de nous connecter à la vie en nous, mais aussi à la vie en l’autre. C’est ce qui nous permet l’empathie, par la magie des neurones-miroirs.

[PARENTHÈSE. À propos des émotions, si vous n’avez pas encore vu Inside Out (Vice Versa) des studios Disney Pixar… précipitez-vous sur le DVD ! Pour petit.e.s et grand·es, ce film, construit (c’est mon intuition) à partir des livres de Dan Siegel sur le cerveau, nous explique comment, quand nous sommes tristes, en colère, ou que nous avons peur, notre cerveau émotionnel se déconnecte de notre cerveau rationnel et… passe aux commandes !
Le film est intelligent, drôle, bouleversant et… je vous invite à en lire les quelques lignes que j’ai écrites à son propos au moment de sa sortie tellement j’étais emballée : Nos émotions au cinéma (plus sur le cerveau et Dan Siegel… dans mon article #12 demain !).]

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Le principe de base d’une émotion est qu’elle a besoin d’être écoutée, entendue,  accueillie, acceptée. Si on la refoule, si on la nie, si on lui refuse notre attention, elle va redoubler d’intensité, revenir sous différentes formes, se glisser par l’interstice de la fenêtre quand on lui aura fermé la porte au nez.

Si on en a honte, si on culpabilise (c’est mal d’être jalouxe !), si on lui refuse l’accès à notre conscience… elle se déguisera et reviendra, par exemple, sous la forme de somatisations (j’en connais un rayon !).

Par exemple, la peur peut prendre la forme d’une colère. Mon aimé m’a promis de rentrer à minuit, mais il a du retard et aucune nouvelle. Je résiste un moment, j’essaie de penser à autre chose, et puis les pensées commencent à défiler dans ma tête, toutes plus alarmistes les unes que les autres : il sait pourtant que c’est important pour moi qu’il respecte le « cadre » sur lequel on s’est mis d’accord toutes les deux ; donc s’il a « pris le risque » d’arriver en retard alors qu’il a conscience que je vais sans doute mal le vivre, c’est que : soit il est vraiment très bien avec « elle« , au point d’en oublier que pendant qu’il prend du bon temps, moi je m’angoisse ; et je déroule le fil de mes pensées : il a eu beau faire son maximum pour me rassurer, il est en train de tomber amoureux d’elle, et puis, l’attrait de la nouveauté, je ne fais pas le poids, sans compter qu’elle est peut-être (cocher la case) plus belle, plus mince, plus douée en fellations, plus kinky, plus brillante, plus… (oh, on peut continuer pendant des heures comme ça !), et puis ils sont sûrement en train de faire l’amour en ce moment-même, et il doit prendre tellement de plaisir qu’il n’aura plus envie de me faire l’amour à moi après et… Bref, vous voyez le genre ? (Tout à fait déclinable au masculin, bien entendu : et s’il était plus… grand, plus musclé, plus doué en cunnilingus, s’il lui faisait mieux l’amour, et plus longtemps, s’il bandait plus dur, s’il la faisait plus jouir, plus rire… etc etc., à l’infini…) ; soit… – et c’est encore pire ! – : en fait, il a eu un accident ! Il est dans le coma, et les pompiers vont m’appeler d’une seconde à l’autre… blablabla.

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Quand le dit aimé arrive finalement avec une malheureuse petite demi-heure de retard, tout contrit, parce que le restaurant a eu un problème avec son terminal de carte bleue, et il a dû aller retirer de l’argent et là il s’est rendu compte qu’il n’avait plus de batterie, et après il y a eu un bug avec l’autolib, il a dû trouver une autre borne et… etc etc…, vous, vous n’êtes juste plus en état de l’entendre avec votre cerveau rationnel et… votre peur explose en colère ! Tu le sais pourtant que c’est important pour moi que tu respectes le cadre et que tu rentres à l’heure sur laquelle on s’est mis d’accord, en fait tu n’en as rien à faire de moi, etc. etc.

Et pour retourner à l’émotion de base – la peur qu’il ne vous aime plus et qu’il vous quitte… autrement dit, la peur de l’abandon, qui remonte à votre toute petite enfance, quand vous étiez dépendant·e de votre parent nourricier et que le moindre retard vous mettait en effet en danger vital -, il va falloir déblayer toutes les barrières que vous avez érigées entre vous et vous, nettoyer la colère, aller au-delà… jusqu’au moment où derrière la colère, vous découvrirez en effet la peur, viscérale, tripale… de mourir si on vous abandonne.
Je me suis un soir entendue dire à mon aimé : Quand tu es en retard comme ça et sans prévenir, j’ai peur que tu sois mortE. Et là, quand même, j’en ai pris conscience : est-ce que ma réaction disproportionnée par rapport à la situation ne remonte pas à… quand ma mère arrivait en retard pour me chercher à l’école ?! Aie aie aie…

La polyamorie peut en réalité être une bonne manière de faire en quelques mois autant de progrès qu’en dix ans de thérapie !

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C’est ça que j’appelle la « spirale positive » ?! Oui.
Car une fois qu’on a conscience que derrière l’expression d’une émotion peut s’en cacher une autre, une fois qu’on assume d’aller les débusquer, qu’on travaille dessus, qu’on choisit de les accueillir en amies et non plus en ennemies… alors, petit à petit, on se familiarise avec elles, et elles nous font moins peur.

On accepte que parfois, on semble « ne plus être nous-même » : on ne se reconnaît plus. Et en effet, ce n’est pas « nous », c’est « une partie de nous » qui s’exprime alors, c’est la peur en nous. Et on peut la prendre par la main (on peut même lui donner un nom), et la raccompagner à la porte.

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Et comment on fait ça ? On commence par accueillir l’émotion en nous, sous la forme de la sensation physique – souvent désagréable – qu’elle déclenche en nous.

C’est là par exemple qu’un outil comme TIPI (Technique d’identification des peurs sensorielles inconscientes) est particulièrement intéressant. Le principe en est simple : on se connecte à la sensation en nous, pendant deux minutes. On lâche la spirale négative des pensées qui nous entraîne inéluctablement vers le bas, et on se concentre sur les sensations de notre corps.

Comment se manifeste cette sensation désagréable ? Est-ce qu’on a mal au coeur ? La poitrine compressée ? Les boyaux en vrac ? Une sensation d’étouffer ? La poitrine resserrée ? Et puis on observe, simplement, comment se déplace, se transforme, peut-être, cette sensation physique. Sans chercher à la modifier, à la faire évoluer. Simplement, on l’observe. Sans jugement, sans critique, sans pensée. Et la plupart du temps, elle va en effet d’elle-même se modifier, se déplacer… et puis disparaître, le tout en moins de deux minutes. Magique, ou presque !

Sur les émotions, leurs manifestations et leur accueil, mon livre de référence est celui de Daniel Goleman : L’Intelligence émotionnelleMais j’aime aussi beaucoup ceux de Catherine Aimelet-Périssol, qui anime par ailleurs des ateliers de « Logique émotionnelle« , très « pratico-pratiques » et souvent libres d’accès, qui permettent non seulement de comprendre avec notre tête, mais aussi de ressentir concrètement, physiquement, dans notre corps, ce dont elle parle (j’ai moi-même suivi sa série de sept ateliers il y a environ trois ans, elle semble les reprendre chaque année.)

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Et puis, de manière plus générale, j’ai découvert il y a quelques années, ce qu’on appelle la « pensée positive », ou la psychologie positive. Et vraiment, littéralement, ça a changé ma vie.

Le tout premier livre qui a bouleversé la manière que j’avais de me voir et de me vivre, et m’a permis de m’accepter « telle que je suis » (en tout cas, j’y travaille au quotidien !) est Je pense trop de Christel Petitcollin, qui est devenue ma psy. J’ai accepté que je ne fonctionnais en effet « pas comme les autres » (source de beaucoup de souffrance depuis toujours) et que ce n’était pas « dans ma tête », mais bien réel. Que j’étais hyperesthésique, comme elle dit (je « sens », vois, ressens, entends, plus de choses que la majorité des gens), hypersensitive (lire à ce sujet les magnifiques livres d’Elaine N. Aron), neuro-droitière, avec une pensée en arborescence qui par ailleurs ne s’arrête jamais de tourner (le « petit moulin », le « monkey » dans ma tête, le hamster dans sa roue…).
(Cela fait quelques années que je me demande s’il peut y avoir un rapport entre hypersensitivité, douance, neuro-droitièr·es et polyamorie. Deborah Anapol qui a écrit un paragraphe en ce sens dans Polyamory in the 21st Century semble avoir la même intuition que moi.)

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C’est encore Christel Petitcollin, qui, la première, m’a mise sur la piste de 3 Kifs par jour, écrit par Florence Servan-Schreiber, qui à son tour, m’a donné envie de lire les livres qui l’avaient inspirée, dont  L’Apprentissage de l’imperfection (un trésor ! C’est Ie livre grâce auquel j’ai écrit et réalisé mon film LUTINE ; celui grâce auquel j’ai commencé ce blog ; celui grâce auquel j’ose en ce moment-même être en train d’écrire cet article : j’ai accepté d’apprendre à être imparfaite ! Et je suis très douée pour ça !).

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Le principe de base, c’est qu’une pensée positive entraîne une pensée positive… et une pensée négative, une pensée négative. Emballée par mes lectures, mais ayant aussi découvert que le cerveau est malléable, et que pour lui apprendre à emprunter de nouveaux chemins, il faut l’éduquer progressivement, j’ai entrepris d’écrire, le 1er novembre 2014, 13 articles de pensée positive…devenus 21, que je vous invite à lire – partie pour 13, j’en ai finalement écrit 21 d’affilée, tellement j’y ai pris goût… à un moment où j’étais pourtant au fond du trou et le moral dans les chaussettes.

Tous ces outils, « trucs » que j’ai découverts, explorés, intégrés progressivement, m’aident considérablement au jour le jour, à voir « la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide ».

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Par exemple, au lieu de penser que la personne que vous aimez passe la soirée avec un.e autre et que vous êtes, pauvre malheureuxe, tout.e seul.e dans votre coin, pensez plutôt à la chance que vous avez qu’ielle partage votre vie après x temps passé ensemble, de savoir qu’ielle va revenir vers vous, et sans doute encore plus amoureuxe de vous parce que épanoui.e et libre. Pensez depuis combien de temps ielle vous a montré qu’ielle tenait à vous, jour après jour, et à tous les moments heureux que vous avez passés ensemble, et qui tissent entre vous des liens si forts.

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Et vous, comment vous en sortez-vous quand vous sentez que vos pensées vous entraînent vers le bas ? Avez-vous des « trucs », des outils ? Les partageriez-vous avec nous dans les commentaires ci-dessous ? L’espace vous est réservé.

Au plaisir de vous lire,
et à demain, avec amour, bienveillance et compassion,

Isabelle

Voyage en Polyamorie #9. 7. Le Ventre de la baleine

Le « Ventre de la baleine » (cf Pinocchio !), c’est une image qu’utilise James Campbell dans son Héros aux 1000 visages pour parler de « the inmost cave » : la grotte, la caverne, au fond de laquelle le héros s’affronte au dragon. Sauf que comme j’ai depuis le début de ce voyage opté pour une métaphore de la pleine mer, loin des terres rassurantes de la monogamie (#2), l’image de la grotte paraissait plus compliquée à utiliser.

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Cette fameuse grotte, c’est celle à propos de laquelle je fais dire à mon personnage dans LUTINE ce que j’ai moi-même compris, grâce au Parcours de l’héroïne – ou la Féminité retrouvée de Maureen Murdoch, de la différence entre le voyage du héros et celui de l’héroïne (les polarités masculine et féminine s’entendant comme nos animus / anima : la part masculine en nous, la part féminine en nous – celle tournée plus vers l’extérieur et la conquête de nouveaux territoires d’un côté ; celle tournée plus vers l’intérieur, et la connaissance de notre inconscient, de l’autre) :

« Ce que je comprends de la différence entre le héros et l’héroïne, c’est que le héros part à l’horizontale pour combattre le dragon au fond de sa caverne. Et l’héroïne, elle, descend dans les profondeurs de la terre, dans ses entrailles, à la recherche de la Grande Déesse, la Déesse des origines, la Déesse de la créativité. Comme ça, elle peut remonter en étant réconciliée avec elle-même – et sa féminité.« 

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[Évidemment, le film étant une comédie, et mon propos étant de me moquer de mon propre personnage qui est loin d’avoir un comportement éthique exemplaire, c’est dit et joué de façon à ce qu’on se moque un peu d’elle.
D’où la réponse que lui fait la comédienne à qui elle tente d’expliquer pourquoi elle ne pourra pas « la couper au montage cette fois-ci« , d’un air un peu inquiet pour elle :  « Ben écoute, du moment que tu sais où tu vas » (ce qui est loin de sembler être le cas…)]

Le voyage en Polyamorie nous invite à descendre en nous-même, à la recherche de qui on est vraiment, au fond, quand on enlève le masque social, quand on enlève les barrières qu’on s’est construites pour se protéger de nos émotions trop violentes, qui peut-être, quand on était enfant, n’avaient pas l’écoute dont on aurait eu besoin pour pouvoir les considérer comme nos alliées, et non nos ennemies (Arrête de pleurer, tu m’énerves ! Oh ça va, c’est pas si grave, non plus ! Je vais t’en coller une, tu comprendras pourquoi tu pleures ! Quand on est un garçon, on ne pleure pas ! Il faut souffrir pour être belle ! Pourquoi tu veux pas faire un bisou à la dame ? Tu es vilain.e ! Dans notre famille, on sait se tenir. Reprends-toi, tu es ridicule. )

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On a décidé de partir en voyage, donc. On a quitté les rives sécurisantes, normées, formatées, de la monogamie imposée par les codes de la société et de la culture (#2),  on a ouvert les yeux sur l’hypocrisie générale de la société et des relations entre les gens (ah, les plaisirs compliqués d’une communication indirecte au lieu d’une communication directe), on a constaté autour de nous que la monogamie était un idéal, que la plupart d’entre nous ne parvenaient pas à atteindre, tout en se sentant coupables, ou indignes (puisqu’on croit que les autres, eux, y parviennent, puisqu’ils mentent tous…) (#3) et on a accepté de se connecter à  notre petite voix intérieure, à notre désir profond de vivre autrement, malgré nos peurs (#4).
Alors on s’est préparé.e (#5) et on s’est lancé.e dans l’aventure (#6). Seul.e, ou bien déjà en relation avec quelqu’un.e. On a créé une relation sur des bases nouvelles, en parlant ouvertement et sans tabous de non-monogamie… ou bien alors, on a remis en cause les clauses d’un contrat préexistant, et on en a rediscuté.

On est convaincu.e que la polyamorie est ce qui nous convient. La polyamorie est féministe, fondamentalement féministe, parce qu’égalitaire. Parce que, comme le dit Meta dans LUTINE : « On ne prend pas des libertés qu’on n’accorderait pas à l’autre. »

On assume de faire ce voyage ensemble avec un idéal de communication, de franchise, d’honnêteté, d’accueil de nos émotions. On tâtonne, on essaie, on fait un pas, on recule, on repart, un autre pas, un pas de côté, deux pas en avant, trois pas en arrière. Petit à petit, en faisant attention à soi et à l’autre. En écoutant nos émotions, nos sensations, en apprivoisant nos peurs, une par une. (#7) On rencontre des obstacles, on se cogne à nos doutes, nos insécurités, ça tangue, on a parfois le mal de mer, mais on garde le cap (#8).

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Super ! C’est super, ça, ça donne carrément envie ! Sauf que ça, c’est… la théorie. Et qu’en pratique, c’est euh… comment dire ? Moins… lisse.
Parce que comme le dit mon personnage dans LUTINE : « La théorie, c’est une chose. Les émotions, c’est… plus compliqué à gérer. » 

Le ventre de la baleine, en termes dramaturgiques, c’est l’œil du cyclone, le cœur de la tempête. C’est le moment où le héros – ou l’héroïne – se confronte à soi-même et à ses plus grandes peurs (le dragon). C’est le moment où ielle affronte sa mort symbolique.

Dans la vraie vie, c’est le moment où on se dit qu’on n’y arrive pas, qu’on n’y arrivera jamais, que c’est trop dur, qu’on souffre trop. C’est le moment où on a peur de perdre l’autre, où on croit devenir dingue quand ielle passe la soirée dans les bras d’un.e autre. C’est le moment où on a mal partout, la boule au ventre, la gorge nouée, le dos bloqué (je sais de quoi je parle…).

C’est le moment où on se voit agir comme un monstre ou une sorcière, où on crie, on pleure, on est en colère, on en veut à l’autre parce qu’ielle est rentré.e avec un quart de retard sur l’horaire annoncé et qu’on a eu le temps de se dire : Ça y est, je le savais, ielle est tellement bien avec lui/elle, qu’ielle préfère déborder sur le cadre prévu, au risque que je fasse une crise. Je ne compte plus, je compte moins.

Ou alors, si votre mode d’expression de vos émotions, c’est au contraire de ne pas les exprimer, de les rentrer, de les refouler, de refuser de les voir en face, c’est le moment où vous vous cachez sous votre carapace, le moment où plus rien ne semble vous toucher, où vous êtes planqué.e derrière un masque de façade, et où en réalité, vous êtes enfermé.e en vous-même, et où l’autre ne sait plus comment vous atteindre.

C’est le moment où vos émotions ont pris le contrôle  et vous ne comprenez même plus ce qui vous arrive. Le moment où le cerveau du bas s’est déconnecté de votre cerveau du haut (vous avez vu Inside Out (Vice Versa en français) ? Si non, achetez le DVD !) et où ils ne communiquent plus. Les mots que vous vous entendez dire ne viennent plus de votre cerveau rationnel, mais sont dictés par vos émotions primaires qui sont aux commandes.

Ce sont tous ces moments où on se met en ranking, pour reprendre les mots de Elaine N. Aron dans The Undervalued Self : quand on se compare à l’autre. Quand on bascule en mode « je bats en retraite, je rentre en moi-même, je ne suis qu’un.e nul.le« , comme un animal qui, après avoir subi une défaite, se soumet, pour ne pas risquer sa vie s’il continuait à se battre.
Or (phrase à réciter comme un mantra) : toute comparaison est toxique, toujours.

On est au plus bas, on est au plus mal. On se confronte à ses plus grandes peurs. On a l’impression qu’on va y laisser sa peau, que notre relation ne s’en remettra jamais. C’est le moment où on dit : « J’ai joué, j’ai perdu. » On regrette, on n’aurait jamais dû, on veut revenir en arrière. Mais parfois, l’autre n’est pas d’accord. Parce qu’il y a maintenant une troisième personne concernée, il y a des sentiments nouveaux, des désirs nouveaux.
Alors on lâche prise.  On s’avoue vaincu.e. C’est fini.

Le ventre de la baleine, c’est symboliquement la rencontre avec la Déesse des origines, à la fois la Déesse de la Créativité, mais aussi celle de la Destruction.

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C’est aussi en général le moment que choisit votre entourage pour vous faire remarquer que « Évidemment, à quoi t’attendais-tu d’autre ? C’est foireux depuis le départ, votre truc ! »
Quand ce n’est pas votre psy, à qui vous demandez de l’aide, qui se fait le porte-parole de la société et de la culture : revoilà le « Vous êtes immature, infantile », que nous a raconté mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui a entrepris le voyage avec moi.
[Si vous n’avez pas lu ses articles, jour après jour, sous les miens, foncez-y : c’est passionnant, d’autant plus que son parcours de vie est bien différent du mien, et qu’elle nous raconte une histoire et un voyage qui n’ont absolument rien à voir avec ceux que je vous propose ici, vous invitant d’autant plus, me semble-t-il, à trouver votre propre voie, votre propre voix.
Plus nous serons à nous raconter, plus ça pourra aider les autres, celles et ceux qui en sont encore au tout début du voyage… ou bien précisément celles et ceux qui en sont ici-même, au cœur de la tempête, des doutes et des regrets.]

C’est le moment où, comme le dit mon personnage dans LUTINE« Le gouffre, le fond du gouffre, je vois assez bien. Mais comment je remonte, moi ?« 

Réponse, ou ébauche de réponse… demain !

Et vous, est-ce que ça vous est déjà arrivé, de croire que vous alliez y rester ? Que tout était fini, que vous avez joué aux apprenti.e.s sorcier.e.s et que la vie s’est bien jouée de vous et vous a « puni.e » (encore une de ces satanées petites voix de votre enfance et de votre parent intérieur normatif).
Vous les entendez, toutes ces petites voix qui vous assaillent, qui vous harcèlent ? Qui vous jugent, qui vous condamnent ? Comment les accueillez-vous ? Est-ce que vous savez distinguer parmi elles, votre « petite voix intérieure », celle de votre pulsion de vie intérieur, de votre élan vital ?

Au plaisir de vous lire dans les commentaires ci-dessous, dont l’espace vous est réservé.
Et à demain, avec amour et bienveillance.
Isabelle

Voyage en Polyamorie #8. 6b. Épreuves et Obstacles

Ça y est, nous voilà parti.e.s, on a laissé derrière nous le monde rassurant et sécurisant du mythe / idéal de la monogamie (#2) auquel la société toute entière veut nous faire croire, à grands renforts de livres, films et autres culpabilisations freudiennes (Tu n’es pas « capable » de t’engager durablement de façon exclusive avec quelqu’un·e ? C’est donc que tu es (cocher la case) immature / infantile / pervers·e), on a regardé le monde autour de nous avec de nouveaux yeux (#3) (combien d’unions se soldent par une rupture douloureuse, voire conflictuelle ? Et parmi les gens qui restent ensemble alors qu’ils ne sont pas heureux (pour qui ? Pour quoi ? Pour les enfants, par conformisme, enjeu financier, matériel, par peur de se retrouver seul.e (À ton âge, te retrouver seule avec deux enfants en bas âge, ça va pas être facile pour retrouver un homme qui voudra bien de toi… – c’est du vécu !)), combien se trompent ? Et combien se résignent ?), et on a décidé de se connecter à notre petite flamme intérieure qui nous dit qu’il doit y avoir une autre manière de vivre les relations amoureuses, en conscience, en harmonie avec soi-même, en honnêteté (#4). On s’est donc préparé.e (#5), on a choisi de regarder en face nos peurs, et de se lancer dans l’aventure (#6) : et nous voilà naviguant sur des eaux inconnues, pour un voyage dont on ne sait où il va nous mener (#7).

C’est à la fois excitant, et un peu effrayant. Et c’est comme tout : c’est en faisant, qu’on apprend à faire. C’est en navigant qu’on apprend à naviguer : avec de vraies vagues, de vraies bourrasques –  pas dans les livres, pas dans les tutos sur Internet, pas en lisant ce blog. Non, c’est en y allant soi-même, en essayant, en faisant des erreurs. Que dis-je, erreurs ? Expériences ! Chaque accident de parcours, chaque moment où on trébuche, n’est qu’une étape de plus pour être plus à l’aise, pour avoir moins peur, pour mieux se connaître.

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Quand un enfant apprend à marcher, imaginez-vous une seconde de lui faire remarquer : Non mais t’es vraiment nul.le ! Ton frère, à ton âge, il courait déjà partout ! Non. Vous allez l’encourager, le/la féliciter, l’accompagner, encore et encore.
Savez-vous combien de fois un enfant tombe avant de savoir marcher ? Plus de 2000 ! Ielle ne s’arrête pas à la première chute, et vous non plus. Pourquoi ? Parce qu’ielle sait, parce que vous savez, qu’à part si ielle souffre d’un handicap particulier, ielle saura marcher un jour. Peut-être à 11 mois, peut-être à 17, peut-être encore plus tard… mais un jour, ielle saura marcher. Alors vous êtes patient.e, et lui/elle persévérant.e.
Ce qui compte, c’est votre objectif.

Connaissez-vous les travaux de Mihaly C. sur le bonheur ?  (Cf son livre Vivre – La Psychologie du bonheur et mon article : « Mes moments magiques« ) ? On est le/la plus heureuxe, quand on poursuit un objectif clair et précis, qui va nous demander des efforts et des compétences particulières, sans être non plus trop difficile à atteindre ; qui va nous donner la sensation d’avancer, petit à petit : on se sent fier.e et compétent.e d’avoir surmonté les obstacles, d’avoir franchi les épreuves.

Parfois, bien sûr, comme dans la création, on a l’impression de faire du sur-place, de « patauger dans le marais », parfois même de régresser, mais c’est souvent pour mieux avancer ensuite.

Ce qui compte, c’est d’avancer en conscience, d’avoir choisi dans quelle direction on veut aller, même si on ne sait pas encore comment y aller : on sait qu’il est possible de vivre des relations amoureuses libres, épanouies, où chacun.e peut exprimer sa personnalité et ses désirs, sans se travestir, sans mentir, en étant honnête avec soi-même et avec l’autre.

Bien sûr, il y a de grandes chances que ça ne soit pas un voyage de tout repos. Mais qui a dit qu’on avait envie de repos ? Les épreuves, les obstacles… nous permettent de mieux nous connaître, de mieux savoir qui on est, qui est l’autre, et comment on a envie de vivre.

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L’un des premiers obstacles auxquels on va se heurter, celui auquel on s’attend, est la fameuse jalousie. Le monstre vert. Mais quand on dit « jalousie », à quoi se réfère-t-on exactement ? Pour moi, c’est un « mot-valise« , qui en contient bien d’autres. Selon les personnes, selon les circonstances, il va renvoyer à bien des émotions différentes : de la colère, de la tristesse, des peurs, diverses et variées.

On dit que l’envie fait référence à quelque chose que quelqu’un.e d’autre possède, tandis que la jalousie renvoie à la peur de perdre quelque chose que l’on possède.
Un homme a peur que sa femme ne tombe amoureuse d’un autre homme : il est « jaloux », parce qu’il a peur de la perdre. Une femme va se comparer à la nouvelle amante de son partenaire, et avoir peur qu’il ait moins envie de la voir qu’avant.

Mais possède-t-on quelqu’un.e ? L’autre est libre, intrinsèquement libre. La monogamie a-t-elle jamais empêché quelqu’un.e de partir ou de tomber amoureuxe de quelqu’un.e d’autre ?
Quand on vit en polyamorie, si votre partenaire a une autre relation, elle s’ajoute à la vôtre : c’est quelque chose en plus, pas quelque chose en moins. 

La jalousie renvoie chacun.e de nous à nos propres insécurités, nos propres angoisses sur la relation : est-ce qu’ielle m’aime assez ? Est-ce qu’ielle ne risque pas d’avoir envie de me quitter ? Est-ce qu’ielle ne va pas « trouver mieux » ?
Elle est l’occasion de nous interroger sur nous-mêmes, de regarder là où ça fait mal… pour être plus solide après.

Comment se manifeste la jalousie ? Souvent par de la peur, parfois par de la colère, de la tristesse. Dans tous les cas, par des émotions désagréables : une boule dans le ventre, une lourdeur dans la poitrine, la sensation d’étouffer… Ouh la ! Pas cool…
Alors dans une vie « mono », on essaie d’éviter de se trouver dans ces situations-là : on trouve des parades, des arrangements, des accords, on met en place tout plein de stratégies d’évitement, de déni, de contournement…

Quand on se lance en polyamorie, on sait au contraire qu’on va – un jour ou l’autre – être confronté.e à ces sensations-là, de peurs, d’insécurités, d’angoisses. On choisit de les regarder en face, et de les accueillir comme des alliées, qui nous informent sur qui on est, et sur ce quoi on a encore besoin de travailler.

Certes, c’est loin d’être simple tous les jours, et la polyamorie n’est pas adaptée à tout le monde. Elle demande une sacrée dose de travail sur soi, d’écoute de l’autre. D’empathie. De compassion. À commencer par soi-même : savoir être indulgent.e avec soi-même et… patient.e.

Comme le dit Don Miguel Ruiz dans Les Quatre Accords toltèques, ça a pris des années pour nous « domestiquer » afin qu’on acquiert nos habitudes de pensée, nos manières de réagir. La polyamorie nous invite à nous déprogrammer, à changer de paradigme, et là aussi, il faut souvent des années. De la patience et de la bienveillance. De la part de toutes les personnes concernées.

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Là où ça se complique, parfois, c’est quand nos obstacles ne sont pas seulement internes (nos peurs, nos insécurités), mais aussi externes : les autres, le jugement des autres, le point de vue des autres, qui auront vite fait de mettre nos doutes, nos moments de difficultés… sur le dos de la polyamorie.

Tu m’étonnes que tu es jalouxe ! C’est complètement foireux, votre histoire ! Si les amours libres marchaient, ça se saurait, depuis le temps !

Françoise Simpère, l’autrice du Guide des Amours plurielles et de Aimer plusieurs hommes, raconte souvent qu’autour d’elle et de son mari – avec lequel elle est aujourd’hui mariée depuis plus de quarante ans – nombre de leurs « ami.e.s » les ont attendus au tournant. S’ils s’étaient séparés, sûr qu’ils auraient mis « l’échec » de leur couple sur leurs amours plurielles. Alors que par ailleurs, tant de relations monogames se terminent chaque jour par des divorces et des séparations houleuses… et ça ne vient à l’idée de personne  d’accuser la monogamie !

Le choix de la polyamorie n’est pas un choix que l’on fait par « facilité ». Au contraire. C’est un chemin souvent ardu, qui demande de la persévérance, de la patience, de la bienveillance.

Et vous, savez-vous êtes indulgent.e envers vous-même quand vous trébuchez ? Au plaisir de lire vos récits dans l’espace des commentaires ci-dessous qui vous est réservé.

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS de Mindsight #20 : Méditation de bienveillance

Depuis hier, je me sens comme « en résistance ». J’alterne entre des moments où je me sens « speed », où j’ai l’impression que tout m’agresse (alors je « résiste », au risque d’agresser les autres sans même m’en rendre compte sur le moment), soit au contraire où je m’effondre… et où alors après, je me sens complètement vannée, comme sonnée.
L’un entraînant l’autre comme dans une réaction en chaîne, sans doute, je vis des montagnes russes émotionnelles.

Entre les deux, travaillant sur moi, je réussis malgré tout régulièrement à me connecter à moi-même, à mon centre, et à l’amour en moi. Je m’accepte alors telle que je suis, avec mes failles, mes fragilités, mes blessures, mon hypersensibilité à fleur de peau, et sans doute un stress post-traumatique réactivé ces jours-ci par le contrecoup des attentats, et qui expliquerait ces états d’alternance.

M’observant sans concessions mais avec bienveillance, j’ai pris conscience que quand je me sens agressée et que je passe en mode défensif pour tenter de minimiser les sources de stress supplémentaires autour de moi, je peux moi aussi agresser mes interlocuteurs, sans même en avoir conscience… et participer ainsi à créer un monde de violence autour de moi – qui est ce que précisément je cherche à fuir.

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La colère que je ressens en moi est souvent projetée, provoquée par l’idée de ce que j’attends de l’autre ou de comment je voudrais qu’il soit ; sans le voir tel qu’il est vraiment. Si quelqu’un ne se comporte pas avec moi comme je le voudrais, je me sens agressée, non respectée… et si je le lui renvoie, je l’agresse à son tour : c’est un cercle vicieux dans lequel je ne peux recevoir à mon tour que de la violence – dont le malaise en moi est la cause première.

La pratique de la mindsight consiste à se voir soi-même (insight), voir en l’autre (empathie) et avoir une vision de notre interconnection et de notre interdépendance. Nous formons un tout avec les autres.
Si j’agresse l’autre, je m’agresse moi-même : si je suis en mode défensif, je renvoie à l’autre de la défiance, et pour peu qu’il soit lui-même peu emphatique, il le ressent comme de l’agression, et m’agresse à son tour – pour se « défendre », prétend-il.

Il ne s’agit certainement pas de tout accepter sans réagir. Mais de ne pas réagir tant qu’on ressent de la colère en nous. La colère est comme un bébé : quand elle se réveille, quand on la sent se réveiller en nous, il faut en prendre soin.
Il nous faut retrouver notre calme et notre sérénité AVANT de réagir : si l’on réagit sur le mode de la colère, elle a de fortes chances de nous déborder… et de nous revenir en boomerang.

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La méditation de bienveillance (lovingkindness en anglais) permet de se connecter aux autres en tant qu’êtres humains, comme nous animés du désir de vivre heureux et d’être protégés de la souffrance.
Nous sommes tous vulnérables, tous faillibles, tous sur terre en même temps et soumis aux mêmes aléas : que nous soyons riche ou pauvre, jeune ou vieux, bien portant ou malade, notre vie peut s’arrêter d’une seconde à l’autre parce qu’un autre en aura décidé ainsi.

Si les attentats de cette semaine nous bouleversent tant, même quand on n’est pas touché « directement », même si l’on a essayé de s’en protéger du mieux que l’on a pu… c’est aussi parce qu’ils nous renvoient à ce que notre inconscient essaie de nier le reste du temps : l’immortalité en nous n’est qu’une illusion, en réalité nous sommes mortels, et la mort peut nous faucher, nous ou celles et ceux que l’on aime, à chaque coin de rue, à chaque instant.

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Dans la méditation de bienveillance, l’idée est de se connecter en pleine conscience à quelqu’un(e) que l’on aime et dont sait qu’il/elle nous aime, de se connecter à cet amour et cette bienveillance dont on se sent alors rempli(e) et entouré(e).
De lui souhaiter, comme on se souhaite à soi-même, d’être serein, en santé et en sécurité.

Puis de se connecter à une personne que l’on ne connaît pas vraiment (par exemple que l’on croise parfois dans la rue), et de lui souhaiter d’être serein, en santé et en sécurité.

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Puis de penser à une personne avec laquelle on a des rapports plus compliqués, plus douloureux. Et de lui souhaiter à son tour d’être serein(e), en santé et en sécurité.
Selon la personne que l’on choisit, ce n’est pas toujours simple : on voit alors parfois ressortir des rancunes, des colères, des sentiments de défiance… Ce sont autant de précieux indicateurs qui nous permettent de savoir précisément où l’on doit travailler sur nous-mêmes.

Enfin, on se connecte à tous les êtres vivants que porte cette planète. Et on leur souhaite d’être en sécurité, en santé, et sereins.

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Et on se sent soudain porté(e) par tout cet amour et cette bienveillance en nous.

Il se dit (et il est apparemment prouvé) que si l’on pratique régulièrement cette méditation de bienveillance, notre cœur va s’ouvrir, s’agrandir, s’apaiser.
Que la prochaine fois que l’on croisera une personne avec laquelle on a des relations compliquées, on devrait être moins sur la défensive, plus ouvert(e) au dialogue : on aura alors plus conscience que chacun(e) fait de son mieux, avec les moyens et l’histoire qui sont les siens, et cela devrait nous aider à échapper à la colère en nous.

C’est tout le bien que je me souhaite. Et que je vous souhaite.

Avec amour et bienveillance.

À demain,
Isabelle

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21 JOURS de Mindsight #19 : J’ai le droit de craquer

Ce soir, j’ai craqué. La résultante de plein de petites choses accumulées, sans nul doute, au premier rang desquelles la fatigue. Quand on manque de sommeil, on est clairement moins résistant à toutes les petites piqûres du quotidien. C’est ce qu’on appelle la « fenêtre de tolérance » : elle est réduite quand on est fatigué, qu’on a faim, ou qu’on est déjà contrarié.

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La journée a commencé par une petite contrariété qui peut apparaître mineure… mais qui en réalité est venue réveiller une angoisse bien plus profonde. Angoisse qui s’est immédiatement traduite par une sensation physique d’étouffement.
J’ai choisi de l’observer, en conscience. Une petite séance de TIPI : observer ses sensations physiques, pendant au maximum deux minutes. Et voir comment elles évoluent.
Me trouvant particulièrement réactive et sensible, j’ai décidé de prolonger ma nuit d’une heure.

Malgré tout, d’une certaine manière, le « ver était dans le fruit ». Car plus tard, d’autres petits incidents, qui, si j’avais été d’humeur sereine, seraient passés inaperçus, sont venus réactiver d’anciens schémas défensifs.
Sans doute, sans même m’en rendre compte, j’ai alors bloqué ma respiration : j’ai en effet découvert il y a un an, grâce à l’action conjuguée d’Isabelle Filliozat et de ma super ostéo, que dans le cas d’une émotion forte que je cherche à endiguer, contrôler… j’arrête de respirer, et que ça a pour conséquence mécanique de me donner l’impression d’avoir une vertèbre « coincée » pile en face du diaphragme (cf mon article Que se passe-t-il en moi ?).

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Après, c’est le fameux schéma de la spirale négative : un sentiment de malaise physique entraîne une pensée négative, une pensée négative entraîne une autre pensée négative, qui contribue à bloquer un peu plus la respiration… On est « in the maze« , comme décrivent les auteurs du très utile livre The Tools.
Chaque auteur a son vocabulaire particulier pour décrire cet état où « we lose it« , on « craque », on « bugge » : on emprunte la low road, dit Daniel Siegel, on est « dans le précipice rouge » en-dessous de la prairie verdoyante de la sérénité, selon Isabelle Filliozat, on frôle les « rives du chaos ou de la rigidité », décrit encore Daniel Siegel dans Le Cerveau de votre enfant.

Autrement dit, on est englué dans notre cerveau reptilien, en proie aux conséquences d’une fatigue, d’une colère, d’angoisses possiblement réactivées par un syndrome de stress post-traumatique, évidemment prompt à se réveiller dans ces jours post-attentats… et plouf, on plonge.
J’ai plongé, tête la première.

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La question est : comment on en sort ?

Ou, comme je le fais dire à mon personnage dans mon film LUTINE :
« Le gouffre, le fond du gouffre, même… je vois assez bien. Mais comment je remonte, moi ? »

C’est précisément quand on est dedans, qu’on a besoin de tous ces outils de mindsight : précisément dans ces moments-là qu’ils sont le plus utiles, et que malheureusement si on n’en a pas une pratique quotidienne, on a alors moins le réflexe d’y faire appel.

Premier réflexe :  le bouton STOP ! Prendre conscience de l’état dans lequel on est.

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  •  S‘arrêter
  • et prendre le Temps
  • d’Observer… ses pensées, sentiments, émotions, jugements…
  • avant de Poursuivre

On m’a parlé hier d’un collège en banlieue où ils expérimentent la méditation en 6ème et l’accueil des émotions en 5ème. Une fois par jour, au moins, un des professeurs fait pratiquer aux enfants ce qu’ils appellent « le STOP ». Waouh.

On peut aussi, et tout simplement : boire un verre d’eau, en pleine conscience.
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En réalité, toutes ces méthodes, le bouton STOP, le verre d’eau, TIPI, comme toutes les méditations, les respirations en pleine conscience, reviennent à cette idée simple :  focaliser son attention sur ses sensations physiques, pour échapper à la spirale négative des pensées.

L’idée dans un premier temps est de se rendre compte, accepter, voir, reconnaître qu’on ne va pas bien : se l’autoriser, sans jugement, avec bienveillance et compassion, comme le ferait notre meilleur(e) ami(e).

Et observer nos sensations, accueillir nos émotions… cela suffit souvent déjà pour aller un peu mieux et au moins retrouver une respiration plus apaisée.

Les émotions, par définition, sont passagères : elles finissent toujours par passer.
Demain est un autre jour.

À demain, avec amour, compassion et bienveillance,
Isabelle