Pourquoi je préfère « la polyamorie » au « polyamour »

Définition et retour aux sources

Les mots « polyamour » (souvent d’usage en français) et « polyamorie » – que je lui préfère – sont en réalité deux traductions différentes du même néologisme américain « polyamory » (formé du grec πολύ et du latin amor) qui signifie, non pas le fait d’être amoureux de plusieurs personnes en même temps, mais : la possibilité de vivre des relations plurielles éthiques dans lesquelles l’amour, s’il se présente, est libre de se développer.

Et la nuance est importante.

Définition sur Wikipedia : 
Polyamory is the practice of, or desire for, intimate relationships where individuals may have more than one partner, with the knowledge and consent of all partners.
It has been described as « consensual, ethical, and responsible non-monogamy ».

La polyamorie – appelée souvent à tort à mon sens « polyamour » en français – est en effet  la possibilité de vivre en parallèle des relations intimes plurielles – possiblement amoureuses et/ou sexuelles – avec l’accord libre et en conscience de chacune des personnes concernées.

Les relations en question peuvent être amoureuses… ou pas (on peut être poly et aromantique), de même qu’elles peuvent être sexuelles… ou pas (on peut être poly et asexuel·le) : l’idée est de laisser se développer les relations de manière organique, sans chercher à les faire entrer dans des cases ou à les qualifier.

Il s’agit d’une orientation relationnelle, où l’accent est plus mis sur la forme des relations : éthique — chaque personne s’engage à faire attention et à prendre soin de ses partenaires et relations  que sur leur nature (amoureuses possiblement, mais pas nécessairement).

Or dans « polyamour », on entend « Amour » – avec un grand A, renvoyant le plus souvent à l’amour romantique, l’amour-passion.
Le souci est pour moi encore plus frappant avec « polyamoureuxe » où on entend : « être amoureuxe », là où en anglais, « polyamorous » ne signifie pas « to be in love » mais… « être sexuellement attiré·e » par plusieurs personnes.

Voilà pourquoi je préfère traduire l’américain d’origine « polyamory » par « la polyamorie ».

NB. Cette confusion avec le mot « amour », du latin « amor », n’existe que dans les pays de langue d’origine latine : français, italien, espagnol, portugais. Même hésitation pour traduire polyamory en italien par exemple, entre poliamore et poliamoria.

En effet, quand on entend « polyamour » en français, on croit comprendre qu’il s’agit de « être amoureuxe » de plusieurs personnes et… on se trompe.
Il s’agit pour moi d’un faux-ami de traduction.

En anglais, la confusion n’existe pas : on ne parle pas de « poly-love » et quand on entend pour la première fois le mot « polyamory« , le réflexe est de demander « poly-what ? »
De même qu’en allemand, on ne dit pas « Die Polyliebe » (qui serait la traduction littérale de « polyamour »), mais « Die Polyamorie » – qui ne veut rien dire, et oblige à poser des questions.

Je préfère de même utiliser en français ce même mot de « polyamorie » qui a pour conséquence, quand on l’entend la première fois, de susciter, comme en anglais et en allemand, la question : « poly-quoi ? »


Pour plus de détails sur l’origine du mot polyamory (= ethical non-monogamy),
voir mon article : Poly-quoi ? Amorie. Poly-amorie !
dans ma série d’articles sur l’Éthique relationnelle.

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NB. Une partie des paragraphes ci-dessus ont été écrits pour un  article de Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue, sexologue et président de l’Observatoire International du Couple, pour son article sur son blog sexo sur le journal Le Monde Polyamorie, paru le 13 décembre 2018, quelques jours après sa découverte de LUTINE sur grand écran et sa rencontre avec le public à cette occasion : voir les vidéos sur la chaîne Youtube de Lutine le film.