ÉTHIQUE RELATIONNELLE #3. Relations consensuelles et éthiques

Je termine ici en réalité mon article #2 sur la polyamorie définie comme : « la possibilité de vivre en parallèle plusieurs relations intimes consensuelles et éthiques« .

L’éthique fait pour moi partie intrinsèque de la polyamorie dès la création même du mot : en effet, si l’on en croit le récit de Deborah Anapol dans son livre Polyamory: The New Love Without Limits – repris par Alan McDonald sur son site polyinthemedia – le terme polyamory aurait été inventé par Oberon et Morning Glory Zell à la fin des années 80 pour remplacer en positif l’expression responsible non-monogamy.

L’idée était de définir les relations multiples possibles entre plusieurs partenaires adultes et librement consentants en un seul mot :

  • à la fois de manière positive, et non plus sous la forme d’un « non-quelque chose » (« non-monogamie ») ;
  • et en incluant leur côté « responsable », qu’on peut comprendre comme un équivalent de « éthique » – par opposition avec les formes de non-monogamie qui ne le sont pas.

Certes, nos relations devraient toujours être consensuelles et éthiques.

Oui, mais voilà, dans les faits, elles ne le sont pas, et insister sur le côté éthique des relations poly permet de les distinguer d’autres formes de non-monogamie :

  • la polyamorie n’est pas la polygamie : où il s’agit d’unions ou de mariages (du grec ancien γάμος, gámos : union, mariage), et qui est a priori, non égalitaire ;
    là où la polyamorie est égalitaire et féministe : chaque partenaire a les mêmes droits, quel que soit son genre, son âge, son orientation sexuelle ou relationnelle.
  • la polyamorie n’est pas de l’infidélité ou de l’adultère : puisque par définition, dans l’adultère, l’un·e des partenaires n’étant pas au courant, ielle ne peut pas être consentant·e.
  • enfin, la polyamorie n’est pas le libertinage, qui est une non-exclusivité consensuelle, certes, mais principalement liée à la sexualité ; là où la polyamorie insiste sur des relations entre les partenaires (qui peuvent d’ailleurs être asexuelles).

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J’insiste aussi sur le mot de « possibilité » – et non pratique dans les faits – de vivre des relations plurielles : comme le dit Françoise Simpère dans LUTINE, l’important est « que la porte soit ouverte, pas de la franchir tous les jours. »

Pour moi, la polyamorie comprend ainsi en réalité ce que j’ai défini comme une « monogamie positive« , qui serait choisie en conscience par deux partenaires qui décideraient d’être monogames tant que ça leur convient à l’un·e et à l’autre, tout en se mettant d’accord que si l’un·e des deux a un jour envie d’ouvrir leur relation, ielles pourront en parler, sans que cela ne la remette en question.

Quand on parle d’éthique, par définition, on tient compte du consentement de l’autre : libre, éclairé et révocable.

On parle ici de culture du consentement : chaque partenaire d’une relation est au courant, et d’accord, sur ses modalités.

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Pour moi, cette culture du consentement s’oppose à deux autres formes malheureusement trop souvent vécues, voire subies, dans les relations :

  • d’une part à ce qu’on appelle la « culture du viol », où l’un·e prend le pouvoir sur l’autre et nie son ressenti, l’accusant en miroir d’être responsable de la situation ;
  • d’autre part et plus largement, à la violence et aux relations abusives “ordinaires”. J’y reviendrai plus en détails : c’est en réalité une de mes motivations pour écrire ici.

 

Aujourd’hui plus que jamais, je souhaite parler ici d’éthique, de respect, et d’amour.

Avec amour, soutien, et bienveillance,
Isabelle

 

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21 JOURS pour des relations positives #18. La Roue du consentement

Comme à propos de l’attachement (#17), voilà en réalité plusieurs mois que je veux écrire un article sur la roue du consentement et que je reporte toujours au lendemain : ce défi que je me suis fixé de 21 jours d’articles d’affilée me donne enfin le cadre dont j’avais besoin pour m’y contraindre, ici et maintenant – et j’en suis heureuse.

C’est à l’OpenCon en Catalogne en mai dernier, grâce à une amie australienne, que j’ai découvert la Roue du consentement, cet outil de développement personnel qui m’a tout de suite paru fondamental, notamment quand on cherche à sortir du cadre autocratique de la société patriarcale et hiérarchisée dans laquelle on vit, et quand on comprend que le consentement – un consentement « enthousiaste » : le « fuck yes! » – est un point essentiel des relations positives et en conscience telles que je souhaite les développer et les vivre autour de moi.

Pour profiter de ma « fenêtre d’opportunité » (mettre aussitôt en pratique ce qu’on vient d’apprendre, afin de l’ancrer en nous, sinon on l’oublie rapidement), j’ai proposé dès le mois de juin un atelier sur ce thème à quelques ami·es choisi·es – des « bêta-testeur·ses » – : je sens aujourd’hui qu’il est temps pour moi d’y revenir et de le présenter à plus large échelle.

La Roue du consentement (en anglais : The Wheel of Consent) est un outil créé par Betty Martin, qui vit à Seattle, aux États-Unis – qui certes, ont engendré un Trump, mais aussi tant de gens formidables que j’aime et qui m’inspirent au quotidien pour vivre ma vie et mes relations autrement – : sur son site, ou sur youtube, vous pourrez trouver des vidéos en anglais, tandis que mon amie Emmanuelle Duchesne vient d’en créer une en français.

Je vous présente donc la roue du Consentement telle que je l’ai dessinée moi-même lors de l’atelier que j’ai animé chez moi il y a quelques mois – puis je vous la commente :
img_7113La roue est particulièrement utile dans les échanges physiques entre les gens. Si elle peut s’appliquer à toutes les relations en général, elle est surtout remarquablement éclairante dans des relations intimes, notamment sexuelles.

Partons par exemple d’une situation toute simple, telle qu’on peut la pratiquer dans un atelier : un massage.
Imaginons quatre personnes en situation de massages, deux par deux : A et C, B et D.

A fait un massage à C, parce que C le lui a demandé : J’ai les épaules un peu tendues, est-ce que tu serais d’accord pour me faire un massage des épaules ?
A fait un massage à C, c’est qui A  « donne », et C qui « reçoit » : l’action et le « don » vont dans le même sens, de A vers C.
Dans la roue, A se trouve en haut à gauche, en position de « donner », tandis que C se trouve en bas à droite, en position de « recevoir ».

B fait un massage à D, parce que B a demandé à D : Je viens de suivre un stage de massage et j’aimerais bien mettre en pratique ce que j’ai appris, est-ce que tu serais d’accord pour que je te fasse un massage des épaules ?
C’est bien B qui fait le massage à D, mais B est en position de « prendre », tandis que D est en position de « laisser faire », « permettre », « autoriser » : l’action physique va bien de B vers D, mais le « don » va de D à B – c’est D qui « offre » à B l’accès à ses épaules.
Dans la roue, B se trouve en haut à droite, en position de « prendre », tandis que D se trouve en bas à gauche, en position de « permettre », « donner accès à ».

Les flèches rouges (l’action) et bleues (le don) au centre de la roue marquent très clairement cette distinction : dans le cas de donner / recevoir (de A vers C), les deux flèches sont dans le même sens ; tandis que dans le cas de prendre / permettre (B fait un massage à D parce que ça fait plaisir à… B), les deux flèches sont en sens inverse.

L’idée de Betty Martin, c’est que chacun·e de nous a dans la vie une position qu’ielle préfère, ou dans laquelle ielle est lae plus à l’aise. Et inversement, une position dans laquelle on ne se sent pas très à l’aise.
Préférez-vous donner ou recevoir ? « Prendre » ou « permettre » à l’autre, exprimer votre préférence par exemple en matière sexuelle, ou plus être dans une position de « passivité », de donner à l’autre accès à votre corps ?

Ce que défend Betty Martin, c’est que pour se sentir parfaitement à l’aise et bien dans sa vie, l’idéal, c’est de pouvoir occuper tour à tour les quatre positions, d’alterner. Dans une relation « positive », de parfois donner, parfois recevoir du plaisir ; parfois oser exprimer son désir, parfois se laisser aller au plaisir de faire plaisir à l’autre.

Là où son outil trouve pour moi toute sa force, c’est quand on regarde ce qu’il se passe… en dehors de cette roue du consentement, quand on s’interroge sur la limite entre l’intérieur et l’extérieur.
Tant qu’on est à l’intérieur, que l’un·e et l’autre des personnes en relation sont satisfaites, à l’aise, totalement consentantes de la manière dont se déroule une interaction (sexuelle par exemple, mais pas seulement), tout va bien…
Mais que se passe-t-il si on « déborde » un peu ?

Si quelqu’un·e a tendance à « trop » donner, par exemple, alors qu’on ne lui demande rien, que se passe-t-il ? Ielle sort du cadre de la roue du consentement (donnant, sans que l’autre ait explicitement affirmé son consentement), et ielle va étouffer l’autre… puis possiblement se poser en martyr (Après tout ce que j’ai fait pour toi ! Quel·le ingrat·e !)

Inversement, si quelqu’un·e ne gère ses relations qu’en mode « recevoir »… les autres autour vont vite se lasser et lae vivre comme égoïste, égocentrique…

Et que se passe-t-il dans la dynamique entre B et D, entre cellui qui « prend » et cellui qui « autorise » ?

Imaginons par exemple quelqu’un·e qui serait « trop » dans la position de B, de « prendre » : si ielle « prend » sans que l’autre soit pleinement consentant·e, ielle « sort du cadre » et se retrouve dans la zone de… l’abus. B devient un.e abuseur·se, un.e prédateur·rice.

Inversement, quelqu’un·e qui serait « trop » dans la case en bas à gauche, la position de D, de « permettre », « autoriser », « donner accès à… », sans véritablement s’interroger sur son propre désir (Est-ce que j’en ai vraiment envie ? Est-ce que je le fais pour faire plaisir à l’autre, ou parce ça me fait vraiment aussi envie à moi ?) se retrouve rapidement dans la position de victime.
D’un côté, l’agresseur·se, l’abuseur·se… de l’autre, la victime.
Un schéma qu’on ne connaît que trop, notamment dans les relations à l’inverse de celles que je cherche à définir ici, et qu’on va qualifier de toxiques, voire d’abusives.

En effet, si la personne en B franchit la limite qui mène à l’abus, elle devient un·e abuseur·se et, de ce fait, envoie la personne D de l’autre côté de la ligne aussi – qui devient victime.

Là où l’outil est intéressant aussi – et délicat à manier, clairement – est quand on observe ce qu’il se passe de l’autre côté de cette dynamique : si quelqu’un·e a tendance à « trop » laisser faire, a du mal à poser ses limites, à oser dire NON, n’est pas en connexion (autorisée) avec ses propres désirs… ielle devient, d’une certaine façon, « victime » en permettant « trop » à l’autre en face de possiblement basculer en mode « abuseur·se », si ielle n’a pas conscience de cette dynamique – ou bien sûr a tendance dans la vie à se comporter en abuseur·se.

Oui, je sais, on est là précisément sur une ligne rouge avec tout plein de clignotants qui s’affolent un peu partout.

Et c’est là où cet outil est intéressant à explorer en ateliers, dans des cadres sécurisés, où les un·es et les autres sont là pour travailler, réfléchir, ressentir, expérimenter ensemble.

J’aurais encore beaucoup de choses à dire sur cette roue, qui me semble une mine de trésors à découvrir… et j’aurai l’occasion d’y revenir, notamment pour vous raconter comment j’ai personnellement vécu les deux ateliers auxquels j’ai assisté : celui où j’ai découvert l’outil, en Catalogne, et le premier que j’ai moi-même animé.
La réaction des un·e.s et des autres, notamment en fonction de leur genre, et de la manière dont ielles se vivaient vulnérables physiquement ou non, était incroyablement parlante, notamment.
À suivre…

En attendant, hâte de lire vos commentaires !

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isa

LIENS, PISTES, ATELIERS ET CONSULTATIONS

Pour regarder la vidéo créée par Emmanuelle Duchesne sur son site Slow Sex Love Life en français, c’est ici :
Et si vous parlez anglais, n’hésitez pas à visiter le site de Betty Martin !

Liens utiles sur le thème du consentement (qui vous en donneront d’autres)
– Article sur le consentement dans ma série sur les relations positives
Coin-lecture (et vidéos) sur le consentement
Éducation au consentement pour les enfants et ados

Pour les dates des prochains ateliers, notamment sur la Roue du consentement, et/ou des salons Lutine & Cie, cliquez sur l’onglet « Salons & Ateliers« .
Le prochain atelier sur la Roue du consentement se tiendra à Paris le mercredi 5 décembre 2018, sur réservation uniquement (max 12 personnes). Pour toute inscription, écrire à contact@lutineetcie.com
Si vous souhaitez en organiser en régions, par exemple en parallèle d’une projection de LUTINE, m’écrire à la même adresse.

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21 JOURS pour des relations positives #10. Consentement

Le consentement est un sujet récurrent dans ma vie ces derniers temps. À plus d’un titre. Les premières qui m’ont fait prendre conscience de l’importance du consentement sont les créatrices de la « Conférence gesticulée sur le consentement », que j’ai eu la chance de voir à Paris il y a quelques mois. Depuis, tout m’y ramène.

Au mois de mai, à l’OpenCon en Catalogne où je présentais mon film LUTINE, j’ai assisté à un atelier qui m’a bouleversée, inspiré des travaux de Betty Martin sur « the Wheel of Consent » (la roue du consentement) : j’y reviendrai de manière plus détaillée, à coup sûr.

Dès que l’on commence à s’interroger sur les relations positives et sur quel type de relations on souhaite entretenir avec les personnes autour de nous, c’est évidemment une question que l’on est amené·e à se poser à chaque seconde, non seulement dans nos relations amoureuses, mais bien plus largement avec nos enfants, nos ami·es, nos voisin·es…

Si je te propose quelque chose et que tu réponds « oui », est-ce que c’est un « vrai oui » ? Ou est-ce que d’une manière ou d’une autre, tu t’y es senti.e obligé·e, contraint·e ? Est-ce que tu t’es senti·e piégé·e, coincé·e ? Est-ce que tu as eu peur des possibles conséquences ou « représailles » si tu disais non ?
T’es-tu même seulement senti·e autorisé·e à te demander à toi-même si tu avais « vraiment envie » de dire oui, ou si le non ne semblait tout simplement pas une option ?

À quel moment sort-on de la « roue du consentement » et franchit-on la limite qui nous fait basculer du côté de l' »abus », voire de l’agression, ou de la transgression ?

Quelqu’un·e qui « prend » quelque chose à quelqu’un·e d’autre qui le lui a librement et pleinement consenti, avec plaisir et enthousiasme… c’est super ! Les deux sont gagnant·es (case en haut à droite). Mais quelqu’un·e qui franchit la limite et sort de la roue du consentement, « prenant » sans que l’autre en face ne l’y ait totalement autorisé·e… passe dans la case hors de la roue : dans l’abus (j’y reviendrai dans un article qui sera consacré à cette roue, qui me paraît un outil fondamental depuis que je l’ai découvert).

En France, on entend souvent l’expression : « NON, c’est NON. »
Je l’ai par exemple souvent entendue scandée dans les manifestations contre les violences faites aux femmes, contre le viol ou toutes formes d’agressions sexuelles.
Ça nous vient peut-être aussi de souvenirs de notre enfance. Quand un enfant insiste : « Mais pourquoi ? », on lui répond souvent : « Parce que c’est comme ça ! » ou bien alors cette formule : « parce que NON, c’est NON ».

Sauf que pour moi, « non, c’est non »… ne suffit pas. Et depuis que je l’ai découverte sur des sites de nos ami·es du Québec, j’ai faite mienne cette expression : SANS OUI, C’EST NON !

Sans oui c'est non

Si, quand vous posez une question à quelqu’un·e, la réponse ne vous apparaît pas explicitement positive (Oui bien sûr ! Avec plaisir ! Évidemment ! À ta disposition !), mais plutôt dans le genre « mou du genou » (Pourquoi pas ? Il faut que j’y réfléchisse. Ça pourrait se faire. On en reparle ?), alors appliquez cette règle : Sans OUI, c’est NON.

La manière dont on formule une demande est importante.
Quand j’ai un service à demander à ma voisine par exemple, je prends toujours la précaution de préciser : Sens-toi libre de dire nonOu Aucune obligation bien sûr : si ça t’embête, je trouverai une autre solution.

Je préfère sans aucune hésitation quelqu’un·e qui sait me dire « Non, pas aujourd’hui » ou « Je ne préférerais pas » plutôt que quelqu’un·e qui me dirait toujours « Oui », mais dont je sentirais qu’en réalité, ça l’embête… ou qui ne me demanderait jamais rien en échange.

L’idée est de faire en sorte que la personne à qui vous avez quelque chose à demander se sente toujours totalement libre de vous dire oui… ou non, sans conséquence aucune pour votre amitié, votre relation, ou la suite de vos échanges.

Et ce que je présente là comme un échange de services entre voisin·es vaut évidemment pour l’ensemble de nos relations, et notamment nos relations amoureuses… et sexuelles.

Il est temps, plus que temps, que l’on apprenne à demander explicitement avant de toucher quelqu’un·e d’autre. Et il est important que l’on fasse une demande de façon à ce l’autre se sente totalement libre de dire non… sans que ça ne remette en cause la relation.

Helping hands, male hand takes young female hand

Un exemple concret ? Il y a quelques mois, j’ai été confrontée au cas d’un homme, dans un cercle d’ami·es, qui, quand il me disait bonjour, me tenait par la taille un peu trop longtemps à mon goût. Ça ne me mettait pas très à l’aise, et je me suis dit que peut-être, j’avais pu lui laisser croire, par une attitude un peu « trop » ouverte (ah, le sentiment de culpabilité…) que j’étais disponible pour une relation qui dépasserait le cadre strictement amical. Alors j’ai essayé d’être plus distante, plus froide. Ça n’a pas suffit. Il me prenait par la main, parfois. Et je ne savais pas comment la retirer.
Je ne me suis jamais sentie en « danger » – aussi sans doute parce que je n’ai jamais eu l’occasion (je m’en serais bien gardée…) de me trouver dans une pièce seule avec lui : nous ne nous voyions que dans un cadre public, entouré·es de nombreuxes ami·es.

Malgré tout, je me demandais, semaine après semaine, comment faire en sorte qu’il ne me prenne plus la main, alors que je n’en avais, moi, pas envie. Et je n’osais pas le lui dire explicitement, de peur de le blesser : je me disais qu’il ne « pensait pas à mal », qu’il se sentirait mortifié de ne pas s’en être rendu compte lui-même, j’espérais qu’il saurait lire mes signaux non-verbaux. Mais non.

J’ai fini par faire part de mon malaise à des amis communs, afin qu’ils puissent me venir en « aide » s’ils me voyaient en difficulté. Ils ont pris sur eux de lui parler : ça a libéré ma parole, nous nous sommes expliqué·es, et tout s’est arrangé.

Au final : des semaines de malaise, au cours desquelles j’avais fini par adopter une stratégie d’évitement : j’y pensais à l’avance et me demandais comment faire pour éviter de me trouver « piégée ».

Comment cet homme aurait-il pu s’y prendre autrement ?
En me demandant : J’aimerais beaucoup te tenir la main, est-ce ok pour toi ?
J’aurais alors pu y penser, et me serais sentie « autorisée » à répondre non : Je suis heureuse que tu me poses la question, et justement, je ne préfère pas. Je t’aime beaucoup comme ami, mais je ne ressens aucune attirance physique envers toi.

Et pourquoi cet homme ne me l’a-t-il pas demandé ? Sans doute parce qu’il a eu peur de cette réponse ! Parce que, tant qu’il ne pose pas la question, il peut me tenir la main !
CQFD.

La question est bien alors : quel genre de relations voulons-nous ?
Cet homme a-t-il conscience même de mon malaise ? Ne serait-il pas plus satisfaisant pour lui de peut-être tenir la main à moins de femmes… mais qu’elles en aient elles aussi vraiment envie ?

Des relations contraintes, forcées, où dès qu’ielle en a la possibilité, l’autre s’échappe… sont-elles / peuvent-elles être satisfaisantes ?

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Nous devons apprendre à demander mais aussi apprendre à recevoir un non, sans pour autant le prendre personnellement (3ème accord toltèque) et sans en vouloir à la personne qui nous dit non, qui a sans doute tout plein de raisons – qui lui appartiennent – de nous dire non.

Par ailleurs et inversement, nous devons non seulement apprendre à dire non, mais aussi apprendre à dire oui. Pour que nos « oui » aient une vraie valeur de « oui », et pas ce côté « mou du genou ».

Sauf que, pour pouvoir dire non, on a besoin de se sentir… en sécurité !
Voilà, le mot est lâché : SÉ-CU-RI-TÉ !

À suivre… car j’ai l’impression, là, de seulement commencer à dérouler la pelote.
Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour, compassion pour celleux d’entre vous qui souffrez – je pense notamment à tou·tes mes ami·es américain·es chez qui des souffrances physiques refont surface depuis hier-, et bienveillance,
Isa