ÉTHIQUE RELATIONNELLE #10. Primum non nocere

Comme je l’ai développé dans mes articles #8 sur le droit inaliénable de chacun·e à se définir soi-même et #9 sur l’importance de nos limites psychiques, si quelqu’une prétend me définir ou me qualifier de l’extérieurprojetant en réalité sur moi son jugement, son point de vue, ses pensées… ielle est dans l’absurde, dans du non-sens, mais aussi déjà dans une forme d’abus, cherchant (même inconsciemment, bien sûr) à outrepasser mes limites psychiques.

Or c’est malheureusement l’un des modes de communication les plus répandus dans notre société et notre culture.

Quand quelque chose nous dérange, nous blesse, nous met mal à l’aise… on a appris à en chercher la cause à l’extérieur de nous, au lieu de la chercher à l’intérieur.

Un parent dont l’enfant chante et danse joyeusement autour de lui, s’il est fatigué, inquiet, pourra lui dire : Arrête de faire du bruit comme ça, tu m’énerves ! Ou tu me fatigues ! Alors qu’à un autre moment, de bonne humeur et en pleine forme, il aurait tout aussi bien pu se mettre à chanter et danser aussi !
La formule juste n’est donc pas Tu m’énerves ou Tu me fatigues, mais bien Je suis énervée ou Je suis fatiguée.
Et… ça change tout, évidemment, pour l’enfant.

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Dans le premier cas, l’enfant se sentira « responsable », voire « coupable » de l’état d’énervement ou de fatigue de son parent, puisque celui-ci le lui a dit – et que tout ce que dit son parent, l’enfant le croit, naturellement.
Dans le deuxième cas, l’enfant saura que les émotions ou l’état émotionnel de son parent lui appartient, et qu’en effet, parfois ielles réussissent à être en connexion positive… et parfois pas, mais que l’enjeu ne repose pas sur ses épaules.

D’ailleurs, l’avez-vous remarqué ? Souvent la première question qu’un enfant pose quand ielle nous sent énervé·e est : Est-ce que c’est à cause de moi ? Est-ce que j’ai fait quelque chose ?

Chacun·e a le devoir d’assumer la responsabilité de ses propres émotions – et réactions : ne pas chercher la cause de mon état émotionnel à l’extérieur, mais s’interroger sur quel besoin non satisfait en moi se révèle ainsi dans ce que je ressens en moi comme une émotion désagréable ou pénible à éprouver (tristesse, peur ou colère). 

Car si je cherche à projeter sur un·e autre la responsabilité de ce que je ressens, je vais aussi, à coup sûr, abîmer la relation entre nous.

Un des premiers préceptes que j’aime mettre en avant, qui nous arrive tout droit d’Hippocrate et me paraît encore incroyablement inspirant, est Primum non nocere : D‘abord… ne pas nuire !

Primum Non Nocere

Quand on le rapporte au langage et à la communication verbale, cela donne notamment… le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable.
On parle ici d’éthique du langage, ou d’éthique de la parole.

Accord #1

Avant de parler, se poser la question : à quoi ce que je m’apprête à dire va-t-il servir ? Vais-je améliorer la relation ? Faire du bien à la personne ? Comment se sentira-t-ielle après avoir entendu ce que je m’apprête à lui dire ?

C’est le fameux dicton de nos grands-parents : tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler !

Si j’éprouve le “besoin” d’émettre une critique ou un jugement à l’égard de quelqu’un·e d’autre… peut-être peut-il alors être utile d’appuyer sur le bouton STOP ? S‘arrêter et prendre le Temps d’Observer avant de Poursuivre : de quoi ce “besoin” – qui m’appartient – est-il révélateur ?

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C’est là où les outils développés par Marshall Rosenberg dans ce qu’il a appelé la communication non-violente (CNV) trouvent toute leur utilité.
En particulier lorsqu’il attire notre attention sur le fait qu’une attitude ou une parole agressive de la part de quelqu’un·e est le plus souvent ce qu’il nomme : “l’expression tragique d’un besoin non satisfait”.

Mon “devoir” alors, si je souhaite entretenir avec mes proches (ou moins proches) des relations harmonieuses, est de prendre conscience de ces besoins non satisfaits en moi… et d’apprendre à les exprimer de façon que l’autre puisse les entendre : sans le juger, le critiquer, le dévaloriser, ou l’accabler de reproches.

Car quand quelqu’un·e entend ce qui ressemble à un reproche, un blâme, ou un jugement, quelle est le plus souvent sa réaction ? C’est une ré-action, précisément, car comme elle se sent (à juste titre) « attaqué·e » – et donc, en danger -, instinctivement et de façon réflexe, son amygdale s’active, et la personne va chercher, pour se protéger, soit à se justifier, soit à attaquer en retour, soit à fuir la discussion, souvent par crainte de ne l’envenimer ou se disant que, de toute façon, cela ne servirait à rien d’entrer sur ce terrain.

Autrement dit, et dans tous les cas, s’adresser à quelqu’un·e sous la forme d’une fléche décochée à son encontre, est bien la meilleure manière de… nuire à la communication, et par là-même, à la relation.

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Que souhaite-t-on ? Souhaite-t-on maintenir le lien, aller dans le sens de la relation… ou avoir raison, et que l’autre se retire la queue basse en signe de soumission, ou bien encore que cela nous mène tout droit à un combat de coqs ?

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La véritable question que l’on a à se poser est en effet bien celle-ci : quel but poursuit-on ? Que souhaite-t-on pour la relation à court, moyen et long terme ? De quoi a-t-on envie ?

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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21 JOURS de Mindsight #19 : J’ai le droit de craquer

Ce soir, j’ai craqué. La résultante de plein de petites choses accumulées, sans nul doute, au premier rang desquelles la fatigue. Quand on manque de sommeil, on est clairement moins résistant à toutes les petites piqûres du quotidien. C’est ce qu’on appelle la « fenêtre de tolérance » : elle est réduite quand on est fatigué, qu’on a faim, ou qu’on est déjà contrarié.

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La journée a commencé par une petite contrariété qui peut apparaître mineure… mais qui en réalité est venue réveiller une angoisse bien plus profonde. Angoisse qui s’est immédiatement traduite par une sensation physique d’étouffement.
J’ai choisi de l’observer, en conscience. Une petite séance de TIPI : observer ses sensations physiques, pendant au maximum deux minutes. Et voir comment elles évoluent.
Me trouvant particulièrement réactive et sensible, j’ai décidé de prolonger ma nuit d’une heure.

Malgré tout, d’une certaine manière, le « ver était dans le fruit ». Car plus tard, d’autres petits incidents, qui, si j’avais été d’humeur sereine, seraient passés inaperçus, sont venus réactiver d’anciens schémas défensifs.
Sans doute, sans même m’en rendre compte, j’ai alors bloqué ma respiration : j’ai en effet découvert il y a un an, grâce à l’action conjuguée d’Isabelle Filliozat et de ma super ostéo, que dans le cas d’une émotion forte que je cherche à endiguer, contrôler… j’arrête de respirer, et que ça a pour conséquence mécanique de me donner l’impression d’avoir une vertèbre « coincée » pile en face du diaphragme (cf mon article Que se passe-t-il en moi ?).

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Après, c’est le fameux schéma de la spirale négative : un sentiment de malaise physique entraîne une pensée négative, une pensée négative entraîne une autre pensée négative, qui contribue à bloquer un peu plus la respiration… On est « in the maze« , comme décrivent les auteurs du très utile livre The Tools.
Chaque auteur a son vocabulaire particulier pour décrire cet état où « we lose it« , on « craque », on « bugge » : on emprunte la low road, dit Daniel Siegel, on est « dans le précipice rouge » en-dessous de la prairie verdoyante de la sérénité, selon Isabelle Filliozat, on frôle les « rives du chaos ou de la rigidité », décrit encore Daniel Siegel dans Le Cerveau de votre enfant.

Autrement dit, on est englué dans notre cerveau reptilien, en proie aux conséquences d’une fatigue, d’une colère, d’angoisses possiblement réactivées par un syndrome de stress post-traumatique, évidemment prompt à se réveiller dans ces jours post-attentats… et plouf, on plonge.
J’ai plongé, tête la première.

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La question est : comment on en sort ?

Ou, comme je le fais dire à mon personnage dans mon film LUTINE :
« Le gouffre, le fond du gouffre, même… je vois assez bien. Mais comment je remonte, moi ? »

C’est précisément quand on est dedans, qu’on a besoin de tous ces outils de mindsight : précisément dans ces moments-là qu’ils sont le plus utiles, et que malheureusement si on n’en a pas une pratique quotidienne, on a alors moins le réflexe d’y faire appel.

Premier réflexe :  le bouton STOP ! Prendre conscience de l’état dans lequel on est.

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  •  S‘arrêter
  • et prendre le Temps
  • d’Observer… ses pensées, sentiments, émotions, jugements…
  • avant de Poursuivre

On m’a parlé hier d’un collège en banlieue où ils expérimentent la méditation en 6ème et l’accueil des émotions en 5ème. Une fois par jour, au moins, un des professeurs fait pratiquer aux enfants ce qu’ils appellent « le STOP ». Waouh.

On peut aussi, et tout simplement : boire un verre d’eau, en pleine conscience.
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En réalité, toutes ces méthodes, le bouton STOP, le verre d’eau, TIPI, comme toutes les méditations, les respirations en pleine conscience, reviennent à cette idée simple :  focaliser son attention sur ses sensations physiques, pour échapper à la spirale négative des pensées.

L’idée dans un premier temps est de se rendre compte, accepter, voir, reconnaître qu’on ne va pas bien : se l’autoriser, sans jugement, avec bienveillance et compassion, comme le ferait notre meilleur(e) ami(e).

Et observer nos sensations, accueillir nos émotions… cela suffit souvent déjà pour aller un peu mieux et au moins retrouver une respiration plus apaisée.

Les émotions, par définition, sont passagères : elles finissent toujours par passer.
Demain est un autre jour.

À demain, avec amour, compassion et bienveillance,
Isabelle

 

Le bouton STOP !

Connaissez-vous cette expression : « Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage » ?
Il est souvent plus facile – et surtout moins dangereux pour l’image que l’on a de nous-même – de prêter à l’autre des intentions négatives à notre égard, que de reconnaître en nous-même nos blessures et nos failles…

La colère est en effet parfois une protection efficace contre la peine et le chagrin.

Plutôt que de reconnaître notre tristesse de nous sentir exclu(e, rejeté(e), non respecté(e), non désiré(e)… et de nous interroger sur notre propre comportement éventuellement agressif, violent, rejetant, qui a pu mettre l’autre en face en position défensive de protection, il peut parfois être tentant de nous positionner en victime d’un « méchant » (manipulateur ou égoïste) et de nous laisser aller à une colère, qu’on considère alors comme « légitime ».

Et si on choisissait, non de céder à cette colère en nous, mais de l’observer, comme un signal d’alarme, comme un voyant rouge sur le tableau de bord d’une voiture ?

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Qu’est-ce que notre colère essaie de nous dire, sur notre besoin non satisfait ? Qu’est-ce qui est blessé en moi ? Qu’est-ce qui crie : « Au secours, je me sens… pas reconnu(e), pas compris(e), pas aimé(e), rejeté(e), envahi(e), trahi(e) » ?

Et si on essayait d’écouter notre colère et ce qu’elle peut nous apprendre sur nous-même, nos failles, nos faiblesses et nos blessures ? Si on la recevait comme une amie, qui vient pile poil mettre le doigt là où ça fait mal… pour nous aider à aller mieux ?

Car souvent, notre colère est en réalité déclenchée par nos pensées : ce que l’on imagine ou que l’on projette sur le comportement ou les intentions de l’autre :
– si quelqu’un vous marche sur le pied, mais ne l’a pas fait exprès (bousculade dans le bus) et s’en excuse aussitôt, vous ne serez pas en colère (sauf si vous êtes parano ou cherchez à entrer en conflit avec la terre entière, mais… vous ne seriez sans doute pas en train de lire cet article…) ;
– en revanche, si quelqu’un vous marche sur le pied de façon délibérée, parce que juste avant vous l’avez bousculé sans le faire exprès et qu’il cherche à « se venger »… alors là, vous vous mettrez en colère… et vous aurez raison !

La colère est une émotion qui nous aide à prendre conscience que quelqu’un a outrepassé les limites (physiques ou psychiques) de notre territoire, en nous manquant du respect minimum dont nous estimons avoir besoin : la colère est un signal que nous sommes en danger d’envahissement et de non respect, et que nous devons nous défendre.

Mais ça, c’est quand nous avons un rapport sain à notre colère et à nos émotions.

Car parfois, notre pensée consciente nous pousse à croire que nous sommes victimes d’un manque de respect – nous projetons sur l’autre une intention de nous blesser ou de nous nuire – alors qu’en réalité, notre inconscient cherche à nous protéger d’une émotion bien plus désagréable et plus douloureuse à gérer que la colère : la tristesse.

Que cache notre colère ? Quel est notre besoin insatisfait qui se planque derrière ?

Prenons contact avec ce besoin insatisfait en nous : reconnaissons-le, accueillons-le, chérissons-le… il nous guidera vers nous-même.

Car une fois que nous avons reconnu notre besoin insatisfait dans la relation (besoin de… reconnaissance, communication, confiance, connexion, présence aimante, accueil inconditionnel…), nous n’éprouverons peut-être plus la colère initiale : nous serons en connexion avec nous-même.
Et nous pourrons alors exprimer une demande à l’autre, ici et maintenant.

Selon les principes de la CNV (Communication Non Violente) développée par Marshall B. Rosenberg :
1) INCIDENT DÉCLENCHEUR (OBSERVATION) : Quand tu as dit ou fait, pas dit ou pas fait, ceci ou cela…
2) SENTIMENT (ou JUGEMENT): Je me suis senti(e)… pas respecté(e), pas entendu(e), rejeté(e)…
3) BESOIN : En réalité, je me rends compte que j’ai besoin de… communication, connexion, câlin, amour, reconnaissance…
4) DEMANDE : Serais-tu d’accord pour… que l’on parle, que l’on se voie…
5) afin de pouvoir continuer à être en lien l’un avec l’autre sur des bases satisfaisantes pour l’un et l’autre (OBJECTIF gagnant-gagnant) ?

D’où l’intérêt du bouton STOP :
S‘arrêter
– et prendre le Temps
– d’Observer… ses pensées, sentiments, émotions, jugements…
– avant de Poursuivre

Pour aller plus loin : Les Ressources insoupçonnées de la colèrede Marshall B. Rosenberg :

Unknown-1Surtout, n’hésitez pas à réagir dans l’espace des commentaires ci-dessous : je serai ravie d’en discuter avec vous !

Au plaisir,
Isabelle

PS. Et aussi incroyable qu’il y paraisse, CECI EST MON CORPS est en 22ème semaine au cinéma La Clef à Paris : samedi 9 mai à 15h30, nouvelle projection suivie d’une rencontre avec Jérôme Soubeyrand, le réalisateur, et Bruno Clavier, psychogénéalogiste et auteur du livre Les Fantômes familiaux : où l’on parlera d’amour, de sexualité et de transgénérationnel !
Et tout cela, par le miracle du bouche-à-oreille, car ce « petit » film – par son budget (pas de pub, pas de promo) – ne tient QUE par son public : parce qu’il est joyeux et authentique… et que ça fait du bien dans le monde dans lequel nous vivons !