ÉTHIQUE RELATIONNELLE #17. Un contrat librement consenti et renouvelable

Une relation éthique correspond, pour moi, à un contrat librement consenti entre deux personnes, et constamment renouvelé : autrement dit, renouvelable, et renégociable, à tout moment.

NB. Pour une fois, je ne parle donc pas ici des relations parents / enfants, dans lesquelles, par définition, l’un·e des partenaires est sous la dépendance de l’autre. 

Le modèle de l’ascenseur relationnel continue à s’imposer comme une certaine « norme » implicite pour une relation, et « on » nous fait croire (notre culture, notre société) que, dans une relation dite amoureuse, l’exclusivité « va de soi ».

Il n’y a cependant qu’à regarder les chiffres impressionnants des sondages sur les infidélités et les divorces (selon les sources, on oscillerait entre 50 et 80% de personnes qui disent avoir trompé leur partenaire au moins une fois après cinq ans de relation) pour se convaincre que ce n’est juste pas le cas.

Pourquoi alors qu’aujourd’hui, les enjeux pour les unes et les autres qui ont conduit à cette norme de l’exclusivité dans le mariage – la dépendance financière des femmes, et le fait que les hommes voulaient être sûrs de transmettre leur patrimoine à leurs enfants biologiques – n’ont plus lieu d’être (les femmes sont autonomes et on a la contraception),
la non-exclusivité est-elle encore la « norme » implicite dans une relation ?

Parce qu’à mon sens, même si elle est communément partagée, la non-exclusivité reste encore  « tabou » : en réalité, comme on ne sait pas qu’il est possible de vivre des amours plurielles autrement que dans l’adultère, l’idée de non-exclusivité reste associée à l’adultère, tandis que l’adultère lui, est associé à des sentiments de honte et de culpabilité (d’avoir menti et triché d’un côté, d’avoir été trompé·e de l’autre).

Autrement dit, même si on en rit sur les scènes de théâtre et que Gleeden s’affiche dans le métro, ce n’est pas pour autant que les « vrais » gens en parlent avec leurs ami·e·s quand ça leur arrive à eux : comme ils pensent être les seul·e·s à qui ça arrive, ils en ont honte, donc à leur tour, ils n’en parlent pas, et confortent ainsi le mythe.
Autrement dit, l’adultère… ça n’arrive qu’aux autres.

Alors qu’il me semble que s’il n’était plus si tabou, si on regardait en face les chiffres de la non-exclusivité non-éthique, si on admettait que ça peut nous arriver à nous, et qu’il n’y a pas nécessairement à en avoir honte, alors on pourrait alors bien plus justement s’interroger sur une manière plus éthique de vivre cette non-exclusivité.
(Mais sans doute y a-t-il aussi là un lien avec le tabou d’un rapport décomplexé, joyeux et positif à la sexualité ?)

Pour moi, une relation est comme un contrat que passeraient entre elles deux personnes adultes et autonomes.

D’un point de vue éthique, moral, personne n’a aucun “droit” sur personne d’autre :
chacun·e d’entre nous est libre, absolument, intrinsèquement, et les émotions, désirs et besoins de l’un·e  sont autant légitimes ceux de l’autre.
Chaque personne s’appartient et est libre de mener sa vie comme elle l’entend – du moment qu’elle ne blesse pas intentionnellement quelqu’un·e d’autre.

Quand deux personnes ont envie d’être en relation l’une avec l’autre, il me semble que la première chose à faire est de discuter de la relation : De quoi as-tu envie ? De quoi ai-je envie ? Est-ce compatible ? Peut-on trouver un terrain d’entente entre nous ?

Cela suppose bien entendu que chacun·e ait une idée de ce dont ielle a envie… et on ne le sait pas toujours.

On peut alors convenir de tester ensemble, d’avancer pas à pas, de faire un pas… puis un pas de côté si on le souhaite, puis de revenir en arrière si l’un·e des deux le souhaite : ce serait comme une danse.
Une relation est une co-création, comme une œuvre d’art que l’on créérait à deux, où chacun·e serait co-scénariste de l’histoire que l’on écrit à deux.

Ce qui suppose aussi, donc, que l’un·e peut avoir envie de quelque chose… et l’autre pas. Ou que l’un·e peut avoir envie de parler de quelque chose qui, pour ellui, ne lui convient pas, ou plus, dans le contrat passé initialement, peut-être parce que les conditions ont changé, peut-être parce qu’ielle a rencontré quelqu’un·e d’autre, ou parce qu’ielle a envie de rencontrer quelqu’un·e d’autre.

Il me semble que l’un des éléments importants, voire essentiels, pour moi dans une relation, est de… pouvoir parler de ce qui ne va pas. De ce qu’on voudrait voir changer. Et sans « craindre » la réaction de l’autre, en lui laissant la chance de sa réaction, et éventuellement, de nous surprendre.

Une fois de plus, ne pas projeter, ne pas supposer : personne ne peut savoir à l’avance comment quelqu’un·e d’autre va réagir.
(Si on est habitué·e à ce qu’une personne réagisse en nous renvoyant systématiquement la « faute » sur nous, en nous accusant, nous faisant des reproches, en faisant des crises, des menaces… euh… c’est qu’on n’est malheureusement sans doute pas dans ce que j’ai défini comme une relation « éthique » ou « positive« .)

À partir du moment où on accepte qu’une relation est quelque chose de vivant, et non de figé dans le temps, que la vie est mouvement, la vie est changement, alors on accepte de se remettre en cause régulièrement, et de laisser évoluer la relation à son rythme, et dans la direction dans laquelle les deux personnes concernées sont d’accord pour la laisser évoluer.
On prend alors chaque « épreuve » que la vie nous envoie non plus comme une « épreuve », mais comme une expérience, qui nous permet d’avancer sur notre chemin.

Une relation, pour reprendre l’image de Franklin Veaux et Eve Rickert dans More Than Two, est comme une plante, qu’il faut entretenir, nourrir, et dont il faut prendre soin.
Chaque évolution, chaque modification doit être discutée entre les partenaires, et agréée par les deux. Dans l’absolu respect de leur consentement mutuel – et libre. 

Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut être sûr·e que les deux partenaires continuent à s’épanouir dans une relation : en êtres libres et heureux d’être en relation l’un·e avec l’autre.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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21 JOURS pour des relations positives #21. Réciprocité

Un des éléments qui me paraît essentiel pour une relation positive entre deux personnes (qui vaut évidemment pour un groupe plus large), c’est qu’elle soit souhaitée et travaillée de part et d’autre.

En effet, comme je le disais à nouveau dans mon article #20 sur l’indulgence, on ne peut agir que sur sa « moitié » de la relation, comme si chacun·e tenait un des deux bouts d’une corde dans ses mains.
Si on avance vers l’autre avec des oreilles de girafe et les meilleures intentions du monde, mais qu’en face, l’autre nous tire dessus à boulets rouges, il y a un moment où notre devoir premier est de nous protéger.

femme_homme_corde_imagelargeDans son livre Pratique de l’amour, le sociologue Michel Bozon insiste sur cette notion de réciprocité, notamment dans les débuts d’une relation, mais je pense qu’on peut l’étendre à l’ensemble de la durée d’une relation.
En effet, quand on rencontre quelqu’un·e, l’idée est de se livrer progressivement : on donne quelque chose, l’autre y répond, nous donne quelque chose à son tour (une information, une confidence, un sourire, un regard…) et c’est ainsi que petit à petit, se construisent la confiance et le désir d’échanger plus.

31gnw2prohl-_sx305_bo1204203200_ Si, dans une relation, l’un·e donne toujours, et l’autre se contente de « recevoir » ou de « prendre », sans jamais « donner » à son tour… très vite, la relation va se trouver déséquilibrée (on rejoint là les idées de la Roue du consentement : #18).

Dans ses recherches sur les relations, notamment au sein d’un couple – mais pas seulement : et c’est bien là que c’est aussi intéressant aussi pour moi, qui cherche à définir des relations positives plus largement que dans une relation de « couple » -, John Gottman parle de « bids for connection », que j’ai un peu de mal à traduire (« offres de connexion » me semble trop renvoyer à des enjeux économiques… »Perches de connexion », comme on tendrait une perche ? « Tentatives » ?)

L’idée, c’est que quand on entre en relation avec quelqu’un·e, que ce soit pour acheter du pain ou avec son/sa partenaire de vie, on envoie des « signaux » : un mot, un geste, un regard, un sourire.
De la manière dont l’autre va y répondre, et dont on y répondra à notre tour, va dépendre la suite de l’échange.

John Gottman identifie trois manières de répondre :

  • turning toward : se tourner vers
  • turning away : se dé-tourner
  • turning against : se tourner contre

Exemple : quelqu’un·e s’adresse à un·e collègue à son bureau en lui disant : Je vais déjeuner, est-ce que ça t’intéresse de venir avec moi ?, lui envoyant très clairement une « proposition de connexion ». L’autre peut répondre :

  1. Oui, avec plaisir.
    Ou : Je dois d’abord finir quelque chose, mais je te rejoins ensuite.
    Ou : Pas possible aujourd’hui, mais demain pour sûr !
    Dans les trois cas, ielle se « tourne vers » son interlocuteur·trice, lui envoyant à son tour un « signal de connexion », maintenant ainsi le canal de connexion ouvert entre elleux.
  2. Non, merci (sans relancer). 
    Ou : Est-ce que tu as vu passer le mail de Machin ? (Ne répondant pas à la proposition, dé-tournant la conversation).
    Dans un cas comme dans l’autre, ielle se « dé-tourne« , ce qui ferme la discussion, et n’encourage pas vraiment la première personne à réitérer son offre une fois suivante.
  3. Tu n’as vraiment rien de mieux à faire qu’aller manger alors qu’on a tellement de travail ?
    Ielle se « tourne contre« , attaque, voire agresse, et fait plus que fermer la discussion.

En fonction, ensuite, de comment la première personne réagira, la conversation s’en tiendra là (dans les deux derniers cas, la plupart du temps, les gens n’y reviennent pas…) ou aura une chance d’être relancée.

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Une fois qu’on a repéré ces trois manières de répondre, il est extrêmement intéressant de les observer à l’œuvre dans nos relations de tous les jours.

Par exemple, si on a commis un impair et qu’on présente des excuses sincères (bid for connection) mais que l’autre, au lieu d’accepter vos excuses et de passer à autre chose, continue à vous faire la tête (turning away), voire des reproches (turning against), ça ne donne que moyennement envie de venir s’y re-frotter… sauf si on n’a pas le choix (dans le cas par exemple d’un enfant avec son parent), ou si on tient vraiment à la relation et qu’on s’attache à entendre (en faisant preuve d’une grande intelligence émotionnelle) combien l’autre a vraiment été très blessé·e ou mis·e en colère : cela va alors prendre du temps pour réparer la relation.

Autre exemple avec un enfant qui renverse un verre de jus d’orange sans le faire exprès : il est bien embêté, et souvent, de lui-même, va présenter ses excuses.
À quoi bon alors continuer à le houspiller : Tu pourrais faire attention, quand même ! Combien de fois je t’ai dit de ne pas mettre ton verre au bord de la table ? Ce qui le conduit inévitablement sur la défensive.
Il est bien plus efficace – à court, moyen et long terme – d’accueillir ses excuses, et de le laisser réparer sa maladresse (qui est une « maladresse » et non une « bêtise » : les mots comptent…).

Cet exemple avec un enfant vaut en réalité pour toutes nos relations : si on tient à elles et qu’on veut le bien de notre partenaire, une relation, ça s’entretient, comme le disent Franklin Veaux et Eve Rickert dans More Than Two, comme une plante ou un jardin.
Si on n’y met que des déchets, que du négatif, petit à petit, elle va s’étioler.
Si on veut qu’elle grandisse, s’épanouisse, mieux vaut la nourrir de nutriments positifs, de petits mots gentils, câlins et autres douceurs relationnelles.

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À nouveau, on ne peut pas changer les autres, et on n’est responsable que de la moitié d’une relation.
Si l’autre est négatif·ve, toxique, voire abusif·ve… si on le peut, le mieux que l’on puisse faire, c’est couper court aux échanges et se protéger – voire fuir.

C’est en travaillant au quotidien, dans chaque petit détail de la vie, dans chaque échange, qu’on contribuera à créer avec un·e autre une relation heureuse, épanouie, positive.

Et pour cela, il est important d’être à l’écoute, de soi-même et de l’autre. D’être capable d’exprimer ses émotions, ses désirs, ses besoins, ses demandes… et aussi – tout aussi important – d’être capable d’entendre les émotions, les désirs, les besoins, les demandes, de l’autre.
En présupposant de sa part de la bienveillance envers nous et notre relation – autrement dit (3ème accord toltèque), sans rien prendre « personnellement » : sans imaginer qu’ielle se « tourne contre » nous.

J’étais partie pour 21 articles… je crois bien qu’il m’en faudra au moins un 22ème…
En attendant, hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #16. Prendre soin

Aujourd’hui je publie mon article plus tard que d’habitude… parce que je reviens du théâtre – où j’ai vu une nouvelle pièce formidable d’Alexis Michalik, Edmond sur le moment de la vie d’Edmond Rostand où il a écrit Cyrano de Bergerac, dans une urgence absolue alors qu’il n’avait rien écrit depuis deux ans (je me suis pas mal retrouvée dans cette créativité de l’urgence !). Puis j’ai pris un pot avec les comédiens, et au moment où je partais en disant « je veux aller finir mon article de blog« , en expliquant la discipline que je me suis fixée à moi-même, une jeune femme dit : « Ah c’est drôle, j’ai lu un article comme ça l’autre jour sur Internet, d’une autrice qui écrit sur les relations positives » ! 
Imaginez mon émotion… et comme par hasard, justement après avoir vu la même scène avec Rostand, où il est au café avec un ami et une jeune femme qui – ne sachant pas que c’est lui – dit tout le bien qu’elle pense d’une pièce qu’il a écrite.

J’ai souvent l’impression d’écrire dans le vide, ou d’écrire avant tout pour moi, parce que j’en éprouve le besoin, pour ancrer ces réflexions en moi, avoir un lieu où les retrouver, et aussi bien sûr, pour mes enfants… et soudain, ce soir, ce blog prend toute sa dimension quand une personne que je ne connais pas m’en parle sans savoir que c’est moi qui l’ai écrit… Waouh ! Merci la vie !

WAOUH

Un chercheur a beaucoup travaillé sur les relations positives au sens où je l’entends — la polyamorie en moins, bien entendu (c’est bien, de mon point de vue, ce qui manque chez tous ces auteurices et théoricien·nes) — : John M. Gottman, qui a notamment écrit Les Couples heureux ont leurs secrets et The Relationship Cure.

 

John M. Gottman commence son livre par une affirmation un peu contre-intuitive par rapport à tout ce qui se dit habituellement en thérapies de couple, et par rapport à ce que j’ai moi-même écrit ici, à propos de « communication » : que la « communication » ne fait pas tout dans un couple, et qu’il ne suffit pas de rétablir le « dialogue » dans une relation pour qu’elle se répare durablement quand elle a été abîmée.

Eh bien oui, en effet ! Pour reprendre l’image de Franklin Veaux et Eve Rickert dans leur remarquable ouvrage écrit à quatre mains sur la polyamorie : More Than Two, une relation est comme une plante dont il faut prendre soin, qu’il faut nourrir, mettre au soleil et arroser, si on veut avoir une chance de la voir survivre et s’épanouir.
Car avez-vous déjà essayé de ressusciter une plante que vous avez oublié d’arroser en plein été et qui a séché au soleil ? Parfois, on y arrive malgré tout, mais parfois aussi… il est trop tard.

De même, réparer une relation quand elle a été abîmée… n’est pas toujours chose aisée, ni garantie.

51+1ROAvV6L._SX331_BO1,204,203,200_La meilleure façon d’entretenir des relations positives avec les gens qui comptent pour vous… est donc de les entretenir au quotidien !

Chaque jour, chaque petit geste, chaque parole sont importantes.

Quand on s’est laissé·e aller à un mouvement d’humeur, quand on s’est laissé·e déborder par nos émotions, quand on n’a pas assez dormi, pas assez mangé, quand on s’est disputé·e avec quelqu’un·e d’autre… et qu’on se comporte mal, même ponctuellement, même une seule fois, avec une personne qui compte pour nous – notre conjoint·e, notre parent, notre enfant, un ami·e, un·e collègue… – il est important de le reconnaître et de faire de son mieux pour réparer, comme je l’ai écrit dans mon article #15. Certes.

Mais avant tout, il vaut mieux travailler à ce que la relation et les différentes interactions restent positives tout du long… – ou du moins, de faire de son mieux pour (4ème accord toltèque  !)

Et que faut-il pour qu’une relation soit « globalement positive » ? Des interactions « positives » !

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De même qu’un sentiment d’amour est constitué, jour après jour, minute après minute, de moments d' »émotions d’amour » partagées (voir à ce propos mon article sur une nouvelle définition de l’amour dans Love 2.0), de même une relation positive se nourrit, jour après jour, de petites interactions positives, les unes après les autres.

Comme l’écrit Anne Lamott dans son remarquable livre sur l’écriture : Bird by bird, ou plus classiquement, step by step – pas à pas, petit geste par petit geste…

C’est ça, d’après John M. Gottman, le « secret » des couples heureux – ou donc, pour l’entendre plus largement, des relations positives – : entretenir le positif au quotidien, de telle façon que quand apparaît un petit souci, chacun·e voit l’autre avec les yeux de l’amour et de la bienveillance, sait qu’il n’y avait aucune « intention » de faire du mal ou de blesser, se raccroche à ce qu’il y a de positif dans la relation, et décide de faire en sorte de résoudre ce petit souci sur le moment… au lieu de le rajouter à une grande liste de doléances et de complaintes, qui, petit à petit, ferait pencher la balance du côté négatif (vous connaissez les images de la cocotte-minute qui à un moment donné, explose, ou bien encore de la collection de timbres, qui, au dernier timbre, fait ressortir toutes les  rancœurs anciennes –  la fameuse « goutte d’eau qui fait déborder le vase ?)

Dans une relation positive entretenue jour après jour, geste après geste, petit mot d’amour après petit mot d’amour, quand quelque chose ne va pas, on peut penser à tout ce qui va bien – qui l’emporte alors sur le négatif.

John M. Gottman avance le ratio de 5 à 1, voire même de 7 à 1 dans un couple, pour que la relation soit positive : pour une critique ou un reproche, il faut auparavant avoir dit 5 ou 7 choses positives. Sinon, petit à petit, le négatif l’emportera et minera, lentement mais sûrement, la relation.

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D’où l’importance de la pensée positive, de la psychologie positive, de toujours valider le positif… et de prendre soin de notre relation au quotidien.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isa

Voyage en Polyamorie #19. Éthique de la Polyamorie

La position que j’ai adoptée au début de ce Voyage en Polyamorie (qui est la mienne et n’engage que moi !) est celle de ma désillusion à propos de l’idéal de la Monogamie, petit frère du mythe de l’Amour romantique, dont on nous rabat les oreilles à longueur de films et d’articles de journaux, et qui ne résiste pas, à mon sens, à un regard un peu critique sur ce qu’il se passe en réalité en coulisses, derrière les rideaux de la scène de théâtre sur laquelle nous jouons toutes et tous.

Qu’on ne se méprenne pas : je suis heureuse, profondément et sincèrement, pour les couples qui vivent heureux et épanouis en vraie Monogamie choisie en conscience, et renouvelée de leurs vœux jour après jour.
Ma motivation à entreprendre ce Voyage, et qui est, au fond je crois, la même que pour mon film LUTINE, est d’informer les autres, celles et ceux pour lesquel·les cet idéal inatteignable est écrasant et culpabilisant, qu’il existe d’autres manières de vivre les relations amoureuses que vivre en Monogamie hypocrite, frustrante ou résignée.

Si je ressens en moi ce besoin de transmettre, de créer les conditions pour des débats, c’est sans doute parce que, comme mon personnage au début de LUTINE : « je me dis que potentiellement, [le sujet de la polyamorie] peut intéresser tout le monde, et aider peut-être tout le monde… Parce que l’amour, les histoires d’amour, de couple, de fidélité, d’exclusivité ou pas, ça concerne tout le monde, et je crois en même temps que c’est facile pour personne… ».

Et aussi parce qu’ayant entrepris le voyage moi-même il y a quelques années, grâce à un ami qui m’a fait découvrir le concept alors que je sortais de plus de vingt ans de relations de couples décevantes et douloureuses, me permettant de me réconcilier avec l’Amour et d’envisager à nouveau des relations heureuses, éthiques et en conscience ; parce qu’étant passée par le ventre de la baleine (#9), et étant remontée grâce au soutien constant et bienveillant de nombreuxes ami·es autour de moi et de toute une communauté dont j’ai découvert, en présentant LUTINE à l’étranger (Lisbonne, Barcelone, Rome, Vienne, San Francisco, bientôt New York, Montréal) qu’elle était encore plus riche que je ne l’imaginais, car internationale, je me sens aujourd’hui dans cette position de l’héroïne – en toute modestie ! – qui ayant « choisi sa lumière » (#17), tend à son tour la main à celles et ceux qui seraient curieuxes d’entreprendre le voyage.

Aussi vraisemblablement, je l’avoue, parce qu’ayant écrit et conçu LUTINE à la fois comme une comédie, un divertissement, mais aussi un outil pédagogique, qui donne des éléments et des clés pour des débats après les projections, je me sens une forme de responsabilité vis-à-vis de tou·tes ces spectateurices qui vont découvrir la Polyamorie à travers mon film… afin de les mettre en garde contre des tentatives de se lancer dans l’aventure qui n’auraient pas été suffisamment préparées et réfléchies.
Aussi enfin, parce qu’en démocratisant, vulgarisant, médiatisant le sujet (je ne suis évidemment pas seule, c’est dans « l’air du temps », il y a de plus en plus d’articles ou de reportages), j’ai tout à fait conscience que la Polyamorie risque d’attirer de nombreux profiteurs, pour ne pas dire « prédateurs », des gens qui penseraient trouver parmi la « communauté » de la chair fraîche et disponible, tel le producteur joué par Philippe Rebbot dans LUTINE qui demande  : « Est-ce que quand on est polyamoureuse, on couche plus facilement ?
J’ai l’intuition que risquent de débarquer dans les cafés poly, qui font des petits un peu partout en France, dans les groupes Facebook ou sur le forum de polyamour.info, tout un tas de « faux-poly » ou de poly-fakes, qui auront intégré le discours et viendront « chasser de la meuf ».
C’est pourquoi il me paraît important, fondamental même, de dire, écrire, répéter, marteler, encore et encore, que vivre en Polyamorie, ça ne veut pas seulement dire pouvoir vivre en parallèle plusieurs histoires intimes (sexo-affectives, comme on dit en Espagne), mais avant tout, les vivre de façon éthique et consensuelle.
Qu’il est essentiel que toutes les personnes concernées soient non seulement au courant, mais aussi d’accord, profondément ; et qu’il s’agisse d’un consentement enthousiaste (d’un Fuck yes !), et non d’un consentement mou, ou qui aurait été concédé sous une quelconque pression ou contrainte.
 Il me paraît tout aussi important de former les gens aux différents outils d’accueil des émotions, mais surtout de communication, et en particulier à la communication non violente, aussi appelée communication compassionnelle.

Quand on pratique la Polyamorie — comme on pratiquerait un art martial — on se rend vite compte, confronté·e à des peurs dont on est habituellement épargné·e en Monogamiequ’on a tout intérêt à développer des outils spécifiques pour faire face aux émotions qu’elles réveillent en nous, et qui peuvent parfois être violentes ou bouleversantes.

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La CNV (communication non-violente : cf mon coin-lecture) nous apprend que nos émotions et nos réactions nous appartiennent : l’autre ne peut pas être tenu·e pour responsable de notre colère par exemple, ce qu’ielle a fait n’est qu’un « déclencheur ».

Si maon partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux : soit le vivre comme un manque de respect ; soit en être content·e parce que j’ai grappillé un quart d’heure de travail ; soit être en panique parce que j’ai peur qu’ielle n’ait eu un accident.

Ce qui me met en colère n’est donc pas que l’autre arrive en retard, mais ce que je projette sur son comportement. Si pour moi, sa ponctualité est un signe que je compte pour ellui (ou pas) et que je manifeste ma colère quand ielle arrive en retard, ce qui est en jeu – mon besoin derrière cette colère – est mon besoin de réassurance, qui n’a pas été satisfait ; si c’était un rendez-vous de travail et que je comptais dessus pour avancer, alors c’est ma frustration qui s’exprime.

Marshall Rosenberg nous invite à chercher le besoin non satisfait derrière nos émotions, et particulièrement de notre colère.

Certes. Mais quelqu’un.e qui appliquerait la CNV de manière abusive, pourrait chercher à imposer à l’autre ses manières de voir, en lui disant : Si tu es en colère, c’est ton problème. Mon besoin à moi était d’arriver en retard.

La Polyamorie n’est pas seulement une manière différente de vivre ses relations amoureuses, c’est aussi une philosophie de vie. Qui peut être évidemment totalement pervertie, si elle n’est pas pratiquée de façon éthique.

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Je pense qu’à titre personnel, je suis d’autant plus entrée de manière enthousiaste en Polyamorie il y a quelques années qu’à l’époque, j’y voyais un moyen de me protéger des personnes toxiques et manipulatrices. Je n’avais en effet plus confiance dans mon instinct, qui m’avait déjà trompée par le passé, et je craignais, si je renouais une relation amoureuse, de ne pas repérer d’emblée un comportement toxique. Le fait de pouvoir vivre plusieurs relations en parallèle me donnait l’impression d’être protégée d’un manipulateur qui ne pourrait alors pas me couper des autres sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Aujourd’hui, je ne pense plus qu’il suffise de vivre en Polyamorie pour être protégé·e des relations toxiques. Et je pense au contraire précisément qu’il est urgent de développer dans la société – pas seulement pour les polyamoristes, mais pour tou·tes — et ce, le plus tôt possible, dès l’enfance, des outils afin que chacun·e puisse développer des antennes qui l’alertent contre des comportements qui ne sont pas acceptables.

On n’a pas le droit – PAS LE DROIT ! – de critiquer, juger, dévaloriser, humilier, rabaisser l’autre, de faire du chantage, de menacer de représailles si quelqu’un·e ne fait pas ce qu’on souhaite. On n’a pas le droit de læ contraindre d’une quelconque manière, de minimiser ses émotions : Tu es trop sensible, tu fais des histoires pour rien, tout ça n’est pas très grave.

C’est la logique, la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO) dans laquelle on a grandi. On y est tellement habitué·e que si on ne nous apprend pas à en repérer des symptômes, les « trucs », on peut très bien ne même pas en avoir conscience.
Et pour peu qu’un·e manipulateurice ait parfaitement intégré le discours poly, les outils, les codes, le vocabulaire, ielle peut très bien renverser les outils de CNV pour son intérêt propre.

La CNV nous apprend à entendre les besoins non satisfaits derrière ce que Marshall Rosenberg appelle de manière très émouvante, je trouve, des tentatives d’expression « tragiquement suicidaires ». Mais il ne s’agit pas non plus, en contrepartie, d’offrir de l’empathie à quelqu’un·e qui en abuserait et ne ferait pas preuve de la même empathie envers nous.

Pour développer des relations saines et équilibrées entre deux personnes, il est nécessaire que les deux soient sur la même longueur d’ondes. Une des règles de base d’une relation équilibrée, écrit Michel Bozon dans La Pratique de l’amour, est la réciprocité. Au début d’une relation, je me livre, l’autre se livre, puis moi, puis ellui. Chacun·e donne de soi, s’offre en cadeau, se confie, à tour de rôle. Si une relation n’est que dans un sens, si l’un·e donne et l’autre pas, c’est très vite déséquilibré.

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Il me semble qu’il est du devoir – moral et impératif – de l’ensemble de nous tou·tes, de transmettre ces outils, ces expériences, de raconter nos balbutiements, nos plantages, nos galères…

La Polyamorie est un mode de relations qui insiste sur le côté éthique des relations à l’autre : égalitaire, féministe par définition, compassionel. Ce n’est pas pour rien si le bouquin de référence mondial (jusqu’à More Than Two) était La Salope éthique : éthique, la salope !

Il s’agit de faire attention à l’autre, pas d’utiliser les outils développés en CNV pour lui faire avaler des couleuvres.
Quand le personnage d’Isa dans LUTINE, découvrant un article sur la jalousie dans La Salope éthique, le traduit par  : « Ta jalousie t’appartient, tu ne peux pas m’en tenir pour responsable », son partenaire lui répond à juste titre : « Si tu couchais pas avec ton comédien dans ton lit pendant que je suis au bureau, j’aurais pas de problème à gérer. »
Chacune des phrases commençant par « tu » ou « ta », ceci n’est typiquement pas un dialogue en CNV : en CNV, on parle de soi, de son ressenti, de ses besoins.

IMG_5108Notons aussi que la CNV est avant tout une invitation à travailler sur soi-même et non une exigence à ce que les autres travaillent sur elleux-mêmes !

La polyamorie, contrairement à ce que pense ma grand-mère, ce n’est pas « coucher avec n’importe qui n’importe comment« . Il s’agit de relations éthiques, en conscience. On choisit de vivre dans l’honnêteté (ce qui ne veut pas dire « transparence »), sans tricher, sans mentir, sans tromper. Et dans l’écoute et l’accueil compassionnel des émotions des un·es et des autres.

Ce que l’on dit souvent à l’intention des « débutant·es » ou des poly-curieuxes, c’est : Prenez votre temps. Avancez à votre rythme, et singulièrement, au rythme de la personne la plus lente (formule qui nous vient de More Than Two). Ne forcez pas les choses, ne passez pas en force, vous créeriez des précédents traumatiques, qui rendraient les choses encore plus compliquées par la suite.

À nous tou·tes d’être vigilant·es et de dénoncer les comportements abusifs, les chasseurs dans les cafés poly ou dans les groupes Facebook. Si quelqu’un.e vous importune, vous demande en MP alors que vous ne læ connaissez pas, dénoncez-læ, aux modérateurices des groupes, aux organisateurices des événements publics.
Ne subissez pas en pensant que ce sont des comportements normaux. Ne banalisons pas la violence.

Depuis quelques jours, les voix s’élèvent dans la société – des femmes, mais aussi des hommes féministes – pour dénoncer le harcèlement et les violences sexuelles. Osons parler ! C’est important, aussi dans les milieux poly. Nous ne sommes pas plus épargné·es que partout ailleurs dans la société, et nous le serons d’autant moins que nous sommes de plus en plus exposé·es. Sachons nous montrer exemplaires et préserver nos lieux de vie poly de manière à ce qu’ils restent sécures.

Et vous, quelle est votre expérience des cafés poly ou des groupes Facebook ? Y avez-vous déjà rencontré des poly-fakes ou faux-poly ? Racontons nos expériences ! Libérons la parole !
L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : vous y êtes les bienvenu·es !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

 (*) Je vous encourage à lire dans les commentaires à la suite de chacun de mes articles, ceux de mon amie Elisende Coladan : ils se répondent, se complètent, d’une manière que je trouve réjouissante et fort inspirante, montrant par l’exemple ce que nous avançons, je crois, l’une et l’autre : qu’il y a autant de façon de vivre la Polyamorie que de polyamoristes ; et qu’il est avant tout important pour chacun·e de vous / nous, de savoir ce qu’ielle attend de la vie et des relations, et de les définir pour soi en fonction.