De mon droit à ce qu’on me foute la paix !

Article en réaction à la tribune parue dans le Monde le 9 janvier 2018 à propos de « la liberté d’importuner ». Parce que j’avais besoin d’écrire  tout ça quelque part. 

Au « droit de se laisser importuner », j’oppose, moi, j’assume et je revendique, mon droit à ce QU’ON ME FOUTE LA PAIX !

Si j’ai envie ou besoin qu’on me laisse tranquille, mon droit le plus légitime, mon droit intrinsèque en tant qu’être humain… c’est qu’on me laisse tranquille.

« Mon corps, c’est mon corps ! », disait déjà une ritournelle qui empouvoirait les enfants au Québec en 1986 : « Tu as ton corps à toi, Laisse-moi le mien. »

Mon corps m’appartient. Personne n’a le droit d’y toucher sans mon consentement explicite. C’est compliqué à comprendre, ça ?

Comment ça, on devrait apprendre à nos petites filles à se méfier, se protéger, à… ne « pas provoquer » ? Hein ?

Et si on commençait par expliquer à nos enfants, quel que soit leur genre, à se respecter les un·es les autres ? À se respecter soi, et à respecter l’autre en tant qu’autre, qui a autant de droits et de légimité à « être », et à avoir ses propres désirs, envies ou besoins… que moi ?
Et si l’autre, son besoin, c’est qu’on lae laisse tranquille, alors mon devoir à moi, c’est de lae laisser tranquille !

Non, je n’ai pas envie qu’on « m’importune ». Par définition. Le mot « importuner » lui-même dit bien ce qu’il veut dire, avec tout le dérangement, le malaise, l’intrusion, qu’il contient :

Importuner

  1. Déplaire, ennuyer, fatiguer par des assiduités, des discours, des demandes, une présence hors de propos.
  2. (Par extension) Déplaire, ennuyer, en parlant de choses qui sont hors de propos ou semblent hors de propos. Synonymes : contrarier, embêter, (Vulgaire) emmerder, ennuyer, (Vulgaire) faire chier, (Familier) faire suer, (Familier) gonfler, pomper l’air, (Familier) casser les pieds, (Familier) prendre la tête.

La réciprocité comme point de départ de toute relation, ça vous dit quelque chose ?

Ça va bien au-delà du « non, c’est non » : à l’instar des Québécois·es, je prône le « sans OUI, c’est NON ». SANS OUI explicite, clair, enthousiaste… c’est NON.

Si j’adresse la parole à une personne et qu’elle ne me répond pas… c’est probablement qu’elle n’a pas envie de me parler. Et je considère alors de mon devoir… de la laisser tranquille !

Voulant relire la tribune à l’origine de ma colère, j’ai soudain réalisé qu’en réalité, elle ne mettait pas en avant, comme je l’ai fait au début de cet article, le « droit de se laisser importuner » (c’est d’ailleurs en effet leur « droit » le plus légitime : si les cent femmes qui ont signé ce texte  – et toutes celles qui sont d’accord avec elles – revendiquent le droit de se laisser importuner, qu’elles  l’assument et le signalent aux personnes avec lesquelles elles entrent en contact : « avec moi, tu peux insister, même lourdement ». Ça les regarde.)… mais bien au contraire – et ça en dit long, ô combien ! – la « liberté d’importuner » !

On ne parle pas, on ne se place pas, du même « point de vue » – et c’est en tant que cinéaste, que je vous parle ici.

En effet, je me place, moi, de mon point de vue, je parle de mon droit à ce qu’on me foute la paix si je souhaite qu’on me foute la paix… tandis que les signataires de cette tribune se placent, elles, du point de vue de l’autre, de celui qui importune, de celui qui dérange, qui agresse, qui pose problème.

En signant cette tribune, c’est à ces personnes-là qu’elles s’adressent indirectement, en leur disant : « venez, n’hésitez pas, vous avez le droit, c’est votre liberté d’embêter, de déranger » (le sens premier d’importuner : comme un moustique qui vous tourne autour, prêt à vous piquer : agaçant, non ? C’est pourtant bien cela, que signifie « importuner »).

Je ne suis pas d’accord, profondément, intrinsèquement. Car ma liberté… s’arrête là où commence celle de l’autre. Point. Et, comme renchériraient mes enfants quand ielles se moquent de moi en m’imitant : « C’est non négociable ».

Une relation, pour être positive, heureuse, saine, équilibrée, sereine… ne peut être que RÉ-CI-PRO-QUE. C’est même le B-A-BA des relations positives :  la confiance, le respect et… la réciprocité.

Si j’ai envie d’être avec quelqu’un·e et qu’ielle n’en a pas envie… alors à moi de gérer mes émotions, ma frustration, ma tristesse, ma colère. Si quelqu’un·e n’a pas envie de me voir ou d’être en relation avec moi alors que moi j’en ai envie… mes émotions m’appartiennent. Cette personne n’est en rien « responsable » de ce que je ressens, quelle que soit la violence des émotions que je ressens en moi, et qui peuvent être désagréables, c’est entendu. En effet, le rejet peut me faire revivre des émotions douloureuses de mon enfance, quand les personnes qui s’occupaient de moi n’étaient pas à mon écoute, ne validaient pas mes émotions, n’étaient pas en empathie avec ce que je ressentais. Certes.

Mais ça ne fait pas de la personne qui n’a pas voulu de moi… une mauvaise personne. Et ça ne me donne certainement pas le « droit »  d’insister jusqu’à ce qu’elle cède – par lassitude, ou par peur – et encore moins le droit de lui « forcer  la main », de l’obliger d’une quelconque manière – en la touchant, en la harcelant, en lui faisant peur de vivre encore pire… – à entrer en relation avec moi.

Il est temps, plus que temps, d’apprendre à nos enfants, et donc à nous de commencer par être pour elleux des « role models » à nous respecter les un·es les autres. Afin que chacun·e d’entre nous puisse se sentir en SÉCURITÉ dans le monde. Car c’est là, pour moi, l’essentiel d’une relation sereine et heureuse entre deux personnes : que chacune se sente entendue dans son altérité, respectée dans son intégrité, et… en sécurité.

D’un côté, l’amour  : le respect et la confiance me permettent de me sentir en sécurité.
De l’autre, le monde de la peur, de la méfiance, de l’insécurité.
On ne peut construire une relation saine… si on ne sent pas en sécurité.

C’est cela qu’il faut apprendre à nos enfantsquel que soit leur genre – : à se respecter les un·es les autres.

Et leur faire entendre, comprendre, ressentir profondément et admettre une bonne fois pour toutes, que : sans OUI explicite, c’est NON.
Si c’est « peut-être » : c’est NON. Si c’est « je ne sais pas, je ne suis pas sûr·e, peut-être plus tard, si tu veux, si ça te fait plaisir » : c’est NON. Si c’est sans réponse : c’est NON.

Et pour pouvoir vivre – si on le souhaite – une sexualité libre, joyeuse, ludique, positive, cette sexualité libre et sans entraves pour laquelle je milite depuis des années, il est impératif que notre OUI puisse être un vrai OUI, un OUI enthousiaste, un « Fuck yes!« .
Et pour que notre OUI soit un vrai OUI, il est impératif que nos NON soient entendus, et respectés.

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #21. Respect et Confiance

… Où il est important, aussi, d’entretenir avec soi-même une relation éthique : d’être à sa propre écoute, de savoir s’accueillir avec bienveillance, tolérance, non-jugement et… indulgence.

Me voici donc arrivée au terme de ce nouveau défi que je m’étais lancée à moi-même, ces 21 jours d’articles sur le thème de l’éthique des relations.

Je me rends compte que j’ai finalement parlé plus souvent que je ne l’avais imaginé des relations plurielles consensuelles, et notamment de celles que l’on désigne sous le terme-parapluie de polyamorie (rappelons que le libertinage est aussi une forme de non-exclusivité consensuelle, qui renvoie le plus souvent plus spécifiquement à des relations sexuelles, tandis que l’adultère est certes, une non-exclusivité, mais non-consensuelle par définition, puisqu’au moins l’une des personnes concernées n’est pas même au courant).

De nombreux livres m’ont inspirée lors de mes réflexions, et notamment More Than Two, du blog du même nom, écrit à quatre mains par Franklin Veaux et Eve Rickert, et à qui je tiens à rendre hommage ici : c’est sous leur plume, en effet, que j’ai notamment pris conscience de la différence entre des accords d’un côté, qui sont passés entre toutes les personnes concernées, et des « règles » de l’autre, qui potentiellement s’appliquent à une tierce personne ; de même que la différence entre poser ses propres limites d’un côté, et imposer des règles à quelqu’un·e d’autre, de l’autre.

C’est encore à elleux que je dois une partie de ma réflexion sur les droits qu’ielles ont appelé les « droits de la personne en relation secondaire« , autrement dit d’une personne qui serait en relation avec des personnes déjà elles-mêmes en relation dite « primaire ».
J’avoue cependant que ces termes « primaire » et « secondaire » qui renvoient, pour moi, à une échelle de « hiérarchie » (rankingsupposée entre les personnes (ou les relations) me posent problème en eux-mêmes. Il n’est cependant pas toujours simple de trouver de bons mots pour décrire des situations inédites jusqu’à présent dans les relations (dans mon article #20, j’ai par exemple choisi d’employer le terme de partenaire « historique », pour désigner une relation antérieure à une autre).
Pour celleux que ça intéresse et qui lisent en anglais, je ne peux que vous encourager à prendre connaissance du « Secondary Bill of Rights » écrit par Franklin Veaux en 2013.

Au final, j’ai la sensation que les éléments les plus importants à cultiver dans des relations, quelles qu’elle soient, sont le respect mutuel, en toutes circonstances, et la confiance – confiance en soi, confiance en l’autre, confiance en la relation.

Dans mon Voyage en Polyamorie, j’ai souvent opposé l’Amour d’un côté, la Peur de l’autre.
En réalité, je crois qu’ils correspondent aussi à la Con-fiance d’un côté, la Dé-fiance de l’autre :

  • avoir confiance que son/sa partenaire est quelqu’un·e de fiable, qu’on peut se fier à sa parole, se sentir en sécurité qu’ielle ne fera jamais rien « contre nous » et que, s’il lui arrive de faire quelque chose qui nous perturbe, c’est dans tous les cas « pour ellui » (Ne rien prendre personnellement » : 2ème accord toltèque) ; l’autre soir lors d’un groupe de parole, une femme nous racontait que son mari, quand il la sentait perdre pied, la rassurait en lui disant : Je ne suis pas contre toi.
  • par opposition à se sentir en « in-sécurité », se méfier de l’autre, et en conséquence, une fois que notre système d’alerte interne a été activé (à juste titre ou non), percevoir la réalité à travers un filtre déformant « parano » qui nous fait interpréter tout dans un sens qui nous est défavorable.

Philippe Jeammet, psychiatre qui vient de publier un livre sur les émotions (Quand les émotions nous rendent fous) oppose précisément ces deux états émotionnels : la confiance d’un côté, la peur de l’autre. (À ce propos, je vous invite à écouter en podcast l’excellente émission de La Tête au Carré sur France Inter).

Quand votre partenaire a envie de passer du temps avec une autre personne, plutôt que de vous focaliser sur le « manque », la bouteille à moitié vide, et de vous demander pourquoi ielle n’est pas avec vous… pensez plutôt à la bouteille à moitié pleine : à tous ces moments passés ensemble, à ce qui fait qu’ielle revient, est revenu·e et reviendra encore vers vous, pour tout que vous avez co-créé ensemble, pour cette relation forte que vous avez ensemble.

L’enjeu de la confiance me renvoie à ce mantra qui me vient de Susan Jeffers, ma gourou en chef, celle qu’aucun·e des dizaines d’auteurices que j’ai lu·es depuis des années n’a réussi à détrôner :

Whatever happens, I’ll handle it.

C’est le mantra qui me renvoie à la Déesse intérieure en moi, cette confiance absolue que quoiqu’il arrive, je m’en sortirai. C’est aussi celui qui dit : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. 

Susan Jeffers est aussi l’autrice qui a écrit le super Feel The Fear and Do It Anyway. Il ne s’agit pas de ne « plus avoir peur« , ni de « lutter contre sa peur« , ni encore de chercher se convaincre qu’il n’y a « aucune raison d’avoir peur » (avez-vous déjà essayé de « raisonner » un enfant qui a peur que quelqu’un soit caché derrière ses rideaux ?), mais bien d’accueillir la peur en nous, comme il s’agit d’accueillir en nous toutes nos émotions, qui sont là, qui sont légitimes, qui sont nos alliées pour nous aider à comprendre ce qu’il se passe en nous, et, une fois qu’on l’a accueillie, acceptée, regardée en face, d’y aller quand mêmeNe pas attendre de ne plus ressentir la peur pour faire le premier pas.

Et puis, petit pas à petit pas, chaque jour de mieux en mieux… avancer sur le chemin qui est le nôtre.

L’enjeu, quand on entre en relation avec quelqu’un·e, est de créer de l’intimité, de se relier à ellui d’une manière authentique. De ne pas tricher, de ne pas faire semblant. Si on a peur de lea perdre, partager cette peur avec ellui, la lui faire connaître… en espérant qu’ielle saura l’accueillir sans jugement et dans la bienveillance. Et si ça ne le fait pas… alors c’est que ça ne devait pas le faire, et passer son chemin.

C’est en s’ouvrant peu à peu à l’autre dans la confiance et dans l’amour, que se crée jour après jour entre nous une intimité qui nous rend à la fois plus vulnérable et plus fort·e l’un·e et l’autre.

Rien ne sert de construire des barricades autour de notre relation : si l’autre doit un jour partir, rien ni personne ne pourra jamais lea retenir contre son gré. Les « règles » que l’on cherche à imposer à l’autre pour apaiser nos propres craintes… sont comme autant de barreaux de prison : l’autre y restera tant que cela lui conviendra aussi… et puis si un jour cela ne lui correspond plus, ielle les franchira.
Rien ne sert de lutter contre le courant : mieux vaut se laisser porter.

L’autre est un miroir pour moi. Quand quelqu’un·e me parle de moi, en réalité, ielle me parle d’ellui. Et si moi je suis tenté·e de lui faire un reproche, me poser la question : qu’est-ce que cela révèle… de moi ? Qu’est-ce qui me dérange en l’autre qui, en réalité, me renvoie à moi et à mes propres ombres ?

Une relation intime me permet de petit à petit mieux apprendre à aimer, mieux apprendre à m’aimer moi, mieux apprendre à aimer l’autre, et de devenir une meilleure version de moi-même.

Là encore, les écrits de Susan Jeffers sont une source d’inspiration constante pour moi. C’est elle qui a écrit Embracing Uncertainty, elle encore à qui j’ai emprunté mon fameux petit « … – ou pas » qui m’aide tant au quotidien pour apprendre à lâcher prise sur les attentes et m’ouvrir à ce que la vie m’apporte : rester curieuxe, ouvert·e, cultiver en soi sa capacité d’émerveillement.
Susan Jeffers encore qui parle d’accueillir en soi au moins « un waouh par jour«  !

L’enjeu est d’apprendre à s’aimer soi-même, à être soi-même, pour pouvoir s’ouvrir à l’autre : c’est le fameux « moi-m’aime« .

Si je sais que quoiqu’il arrive, je serai là pour moi, parce que je suis mon propre parent intérieur qui vient rassurer mon « enfant intérieur » – qu’il y a quelques jours, j’ai soudain visualisée comme « mon enfant autiste » – alors je ne crains plus l’autre. Car je sais que l’autre, ellui aussi, fait du mieux qu’ielle peut, et ne fait rien « contre moi », mais « pour ellui ». Et je peux avoir confiance en ellui pour ne pas me vouloir de mal. Je peux alors m’ouvrir à ellui, comme ielle peut s’ouvrir à moi : dans l’accueil et la bienveillance.

Respect – regarder l’autre comme un·e autre, comme une merveille de la vie, aussi libre et légitime que moi – et confiance – confiance en moi, confiance en l’autre, confiance en la relation – sont pour moi les deux piliers d’une relation positive et éthique à l’autre.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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21 JOURS pour des relations positives #12. Sécurité

Je parlais hier de besoin de sécurité dans une relation pour qu’elle puisse être considérée comme « positive ». Il se trouve que c’est aussi le premier des besoins fondamentaux selon William Glasser dont j’ai parlé dans mon article #4.

Se sentir en sécurité dans une relation, cela veut dire ne pas s’y sentir stressé·e, menacé·e ; sentir qu’elle est stable, qu’on peut compter dessus.

L’autre jour, j’ai assisté à une dispute entre deux amoureuxes. L’homme a dit quelque chose à la femme, qu’elle a mal vécu : ça l’a renvoyée – elle en avait conscience – à des relations antérieures abusives, et son corps s’est mis en résistance. Elle était en colère, mais cette colère cachait aussi la peur de se retrouver à nouveau dans une relation abusive.
Alors elle s’est défendue, du mieux qu’elle a pu sur le moment, en mettant en cause leur relation, afin de tenter de lui faire comprendre à quel point c’était important pour elle : « Si tu me parles sur ce ton, c’est fini entre nous. »
Sauf que lui, au lieu d’entendre sa peur, s’est à son tour senti menacé et a réagi sur le même mode de défense agressif« Vas-y, fais ta crise ! », dévalorisant sa réaction. Résultat : souffrance de part et d’autre. Que de gâchis.

On n’est pas très loin des extrêmes des enfants quand ils sont très en colère, dont on sait qu’on ne doit pas les prendre au premier degré : Elle m’a dit qu’elle n’était plus ma copine, ou Tu n’es plus ma mère ! Je ne suis plus ton fils ! 

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La première « règle » que l’on s’impose, mon aimé et moi-même, c’est précisément de ne pas remettre en cause notre relation sous le coup d’une émotion.

Si quelque chose ne nous convient pas, on exprime notre émotion : Je suis fâché·e ; j’ai peur ; voire : Quelque chose ne me convient pas et j’ai besoin qu’on en reparle, mais plus tard, car là je suis trop énervé·e… 
On sait qu’on tient l’un·e à l’autre, et que parfois, l’autre peut faire ou dire quelque chose qui nous insécurise… sans que cela remette pour autant en cause notre relation.

Il me semble que cette règle de respect et fiabilité de la relation peut aussi être valable dans des relations moins impliquantes, par exemple entre ami·es.

Il est important en effet de pouvoir dire les choses qui nous mettent mal à l’aise – sans que l’autre ne le « prenne mal » ou ne le prenne « personnellement », en se sentant visé·e en tant que personne.
C’est tout l’objet du 2nd accord toltèque : ne rien prendre personnellement.

Évidemment, il est important que nous soyons capables de nous exprimer en communication positive : parler de nos émotions, sensations, ressentis, sans faire des reproches ou des critiques à l’autre.
Dire par exemple : Quand tu arrives avec un quart d’heure de retard sans m’avoir prévenu·e, je me sens en colère, car j’ai un besoin de prévisibilité ;
et non : Comme d’habitude, tu ne fais pas attention aux autres ! Ou : Tu t’en fous de moi !

De manière générale… évitons les généralités ! Les jamais, toujours, comme d’habitude, une fois de plus… Évitons les TU et parlons au JE.

Si en revanche, alors que l’on s’exprime en communication non violente, la personne en face réagit « mal », se sent accusée injustement, et entre en défense ou en justification… alors ça peut devenir compliqué.

Avez-vous par exemple dans votre entourage des personnes avec lesquelles vous avez l’impression de « marcher sur des œufs » ?
Si on sait d’expérience qu’une personne peut facilement « prendre la mouche », et mal interpréter l’une de nos remarques, on va avoir tendance à éviter l’explication, pour ne pas envenimer la relation… et c’est la fuite en avant dans la non-communication : le malaise grandit, la personne en face va sentir notre réserve, et nous-même n’oserons plus aborder certains sujets.

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Prenons l’exemple d’un couple dans lequel l’un·e aimerait qu’ielles s’ouvrent à des relations tierces. S’ielle exprime son désir et que l’autre le prend comme une offense personnelle (Ça veut dire que tu ne m’aimes plus ?), il lui deviendra difficile de revenir sur le sujet… Ielle aura alors le choix de se résigner et se frustrer… ou bien de suivre son désir sans plus en parler à l’autre : nous voilà alors dans l’adultère classique, malheureusement si souvent induit par le fait que l’un·e des deux ne veut pas entendre parler d’ouvrir le couple.

Quand, à 21 ans, mon partenaire d’alors m’a dit : Si j’apprends que tu m’as trompé, je te quitte, je me souviens avoir pensé : Tu me demandes donc de te mentir le jour où ça m’arrivera. 

Une relation « positive » est-elle possible dans le mensonge et la dissimulation ? 

Sans pour autant aller jusque-là, si quelque chose me blesse dans l’attitude ou le comportement d’un·e ami·e ou d’une relation et que je ne peux pas lui en parler car je crains sa réaction, alors je vais me sentir en porte-à-faux dans la relation, puis assez vite je vais me retrouver dans l’évitement, et petit à petit, la relation perdra son sens pour moi.

Une relation se fait à deux. On ne peut jamais changer l’autre, ni lea contrôler : on n’a de prise que sur sa moitié de la relation, comme si on était chacun·e à un bout de la corde.

Faisons en sorte

  • d’avoir nous-même une parole « impeccable », comme le dit le premier accord toltèque ;
  • de ne rien prendre personnellement (2ème) ;
  • de ne pas faire de supposition sur ce que pense l’autre : demandons-le lui si on a un doute (3ème) ;
  • et dans tous les cas, faisons de notre mieux (4ème).

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Et si, malgré tous nos efforts pour une communication positive, nous nous retrouvons dans une relation douloureuse, dans laquelle on a l’impression de ne pas pouvoir être sincère et authentique, alors parfois, il peut être nécessaire de mettre fin à une relation, ou de la faire évoluer vers une relation moins proche, moins impliquante.

Car à mon sens, une relation positive est une relation dans laquelle on sent qu’on peut être nous-même, et que si quelque chose nous pose problème, on pourra en parler, sans que l’autre ne se sente remis·e en cause personnellement et ne remette en cause notre relation.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

 

 

21 JOURS pour des relations positives #2. Détournement

Jour 2 de cette nouvelle série d’articles de blog… mais jour 3 d’une formation – formidable ! – que je viens de suivre sur le thème « Cerveau et Apprentissage« , avec l’association L’Atelier des Parents, avec laquelle je prépare une série de vidéos.

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Après trois jours riches et intenses, me voilà donc bien fatiguée… et comme j’ai compris que, pour assimiler de nouvelles connaissances, il fallait surtout bien dormir dans les trois nuits qui suivaient, afin que le sommeil paradoxal puisse faire son travail, je vais me tenir aujourd’hui à un article court… et laisser mon cerveau « digérer » toutes ces nouvelles informations.
J’y reviendrai certainement, et d’autant plus que j’ai compris que, pour bien intégrer de nouvelles connaissances, rien ne vaut de les répéter à d’autres, de les enseigner à son tour, et c’est particulièrement important de le faire dans ce qu’on appelle la « fenêtre d’opportunité » sur laquelle j’avais déjà écrit.

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Cet article va soudain prendre un tour inattendu…: c’est un peu le jeu – et le principe tel que je le comprends – du blog. Car alors que je m’apprêtais à parler de la devise du serment d’Hippocrate : Primum Non Nocere (avant tout, ne pas nuire, ne pas blesser) pour définir les relations positives en commençant par dire ce qu’elles ne sont pas : des relations dans lesquelles on se sent mal… voilà que la vie m’offre une opportunité d’explorer, d’expérimenter, et d’apprendre.

Je viens en effet de recevoir un message particulièrement désagréable d’une personne avec laquelle j’ai – c’est le moins que l’on puisse dire – une relation qui est loin d’être positive.
J’ai eu beau lui demander à plusieurs reprises de respecter mon espace vital en s’abstenant de m’envoyer des textos et de réserver notre communication, quand elle lui paraît « nécessaire », à des mails, voici un nouveau texto violent, agressif et insultant qui vient de m’arriver.
Je ne l’ai pas lu : j’en ai juste malgré moi aperçu les deux premières lignes. Et ça a suffit à mon corps pour réagir, de manière réflexe : rythme cardiaque accéléré, mains moites, raideur dans la nuque, diaphragme bloqué. En un quart de seconde, toutes les manifestations du stress, sous la montée du cortisol envoyé dans mon corps suite à la sensation de la « menace » et du danger.

Voici une des choses que je viens d’apprendre ces quelques jours : même si je le savais déjà, j’ai mieux pris conscience de comment fonctionne notre cerveau quand, dès les premières minutes de la formation, Gervais Sirois et Sylvie Dubé nous ont dit : notre cerveau – qui n’a pas été mis en place au cours de l’évolution pour qu’on « aille à l’école » ! – est un formidable détecteur de menaces et de dangers.
Donc, dès qu’il pressent une menace (réelle ou imaginaire), il lui donne priorité.

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Les informations de nos sens (toucher, ouïe, vue, goûter, plus la proprioception : autrement dit, tous sauf l’odorat), arrivent directement via notre cerveau reptilien au thalamus, qui est un « répartiteur » d’informations (comme une sorte de standard téléphonique).

Si tout va bien, l’information est envoyée au néo-cortex pour traitement (c’est la voie dite « lente ») ; en revanche, si un danger est détecté, l’information emprunte la « voie rapide« , passant directement à l’amygdale qui déclenche alors le système de survie : production d’adrénaline et de cortisol, tandis que le flux sanguin quitte notre cerveau pour affluer vers nos muscles – pour nous permettre de fuir ou d’attaquer (car dans les temps où ce système s’est mis en place, c’est un grizzli que l’on craignait – comme nous l’ont dit nos formateurs venus… de Rimouski au Québec – pas un texto !).
Conséquence immédiate : nos facultés cognitives, notre jugement, nos capacités à réfléchir, à décider… sont amoindries.

Et difficile donc, pour moi, dans cet état-là, de penser à la suite de mon article.

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J’ai pris conscience de mon changement de rythme cardiaque et j’ai aussitôt décidé d’utiliser un des outils disponibles dans ma boîte à outils : une courte méditation guidée de mon amie Elisabeth Allier, tirée de son site Mieux-Être au travail.

En effet, se concentrer sur sa respiration, et donc orienter son attention sur son corps au lieu de subir ses pensées, permet en quelques minutes de retrouver un rythme cardiaque « normal » (c’est ce qu’on appelle la « cohérence cardiaque » : on inspire en comptant jusqu’à cinq, on expire en comptant jusqu’à cinq, et on recommence, pendant quelques minutes ; j’aurais aussi pu choisir un autre outil tel que TIPI – j’y reviendrai).

J’ai ensuite choisi de mettre une musique entraînante, qui me donnait envie de chanter et de taper dans mes mains, et je me suis remise à mon article… qui a donc totalement changé de contenu, même si nous sommes resté·es dans le thème des « relations positives », dans une démonstration par l’absurde à laquelle je ne m’attendais pas : voilà en effet typiquement une relation qui n’est pas positive, mais bien toxique, voire même abusive.

À chaque fois que j’aperçois le nom de cette personne sur mon téléphone, mon cerveau se souvient des agressions précédentes et déclenche aussitôt, automatiquement et malgré moi, mon « système de survie« .

Ce qu’elle-même ne sait clairement pas faire ? Gérer ses émotions, et notamment sa colère. En effet, quand quelque chose l’énerve, au lieu de faire ce que la « sagesse populaire » nous a transmis sous la formule : « tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler« , elle éructe des messages écrits d’une absolue violence, agressifs et insultants, tout comme vraisemblablement elle me hurlerait dessus si j’étais en face d’elle.

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Sophie Benkemoun, la créatrice de l’Atelier des Parents, auprès de laquelle j’ai suivi une formation il y a neuf ans, alors que mon fils avait tout juste deux ans, et qui m’a en quelque sorte tout appris (c’est grâce à ma prise de conscience alors de la réalité de la violence éducative ordinaire dans laquelle on a tou·tes baigné dans notre enfance et qui pollue notre société toute entière, que j’ai ensuite lu sur la psychologie et l’éducation positives, sur la communication non-violente, sur la gestion des émotions, et tous ces outils formidables de développement personnel que j’utilise au quotidien et sur lesquels je reviendrai bien sûr, au cours de ces vingt articles) ; Sophie Benkemoun, donc, a une formule que je trouve très parlante : « quand vous êtes en colère, fermez votre bouche ! Car sinon, la seule chose qui en sortira, ce seront des couteaux… et les couteaux, ça blesse. »

Une relation toxique ou abusive… crée ce genre de réactions physiologiques en nous : on se contracte, on est sur la défensive, on craint ce qui pourrait arriver (une nouvelle crise, une nouvelle scène, un mot blessant), on est en permanence sur nos gardes, et en constante vigilance.

Impossible de travailler, de se concentrer, d’apprendre. Impossible de créer. Sentiment de danger, d’enfermement, de piège.

Face à une telle relation qui nous fait du mal, qui non seulement nous empêche d’avancer, mais nous tire en arrière, nous maintient en souffrance, le mieux – quand on le peut bien sûr – est de s’en distancer le plus vite possible. Mais parfois, ce n’est pas si simple.

Alors on peut développer des outils pour s’en protéger et rassurer notre cerveau et notre système de survie : le « danger » est limité, ce n’est après tout qu’un texto – même s’il contient des menaces et des insultes.
Et les insultes n’engagent que la personne qui les profère, qui en réalité, nous parle d’elle : pas de nous.

Reste qu’à chaque fois, le fait que de telles relations entre les humain·es puissent exister… me renvoie à l’ensemble de l’humanité, et à l’absurdité de telles situations.
La vie est un miracle et tient à si peu de choses… et je reviens ainsi à mon point de départ : PRIMUM NON NOCERE.

Au moins ne pas nuire, ne pas faire de mal, ne pas blesser, ne pas heurter. On n’est pas obligé·e d’aimer tout le monde… mais on peut au minimum faire en sorte de ne pas faire de mal. Donc ne pas dénigrer, dévaloriser, critiquer, juger… et bien sûr encore moins menacer, insulter, frapper.
Des mots qui agressent et insultent sont comme des coups portés au cœur et au cerveau. Nous y reviendrons.

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En attendant, je suis fière de moi. Ce texto et ces insultes m’ont certes détournée de mon chemin prévu… mais ne m’ont pas empêchée d’écrire, ni de créer. J’ai réussi à calmer le stress en moi, qui était monté en un éclair, et à rester concentrée sur mon objectif. J’apprends. Chaque jour de mieux en mieux, et pas à pas.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle