21 JOURS de Mindsight #18 : Mindsight à 10 ans

Ce soir, en lisant les quelques lignes écrites à l’école par mon fils de 10 ans à qui la maîtresse avait demandé d’écrire son ressenti après les attentats, j’ai eu l’intuition de véritablement comprendre ce qu’était la « mindsight« , dont je tente de saisir les enjeux depuis maintenant 18 jours : cette compétence de l’esprit à

  • se voir, ou voir à l’intérieur de soi-même (insight),
  • donc aussi voir, pouvoir se projeter à l’intérieur de l’esprit des autres (empathie)
  • et plus largement voir les relations entre les gens, et la façon dont on est interdépendants les uns des autres : ce que Daniel Siegel appelle « intégration » ou « moralité » et qui est à la base de la bienveillance et de la compassion.

Mindsight

Je me suis alors dit que, plutôt que de tenter un nième exposé théorique, le mieux – et sans aucun doute le plus efficace tout en étant le plus touchant – était de vous transmettre directement ces quelques lignes écrites par mon fils à l’école (avec son autorisation, bien évidemment… et ses fautes d’orthographe.)

« Les attentats. 

Ce que je ressens.
Moi, la première sensation que j’ai ressenti, c’était de la tristesse ou je sais pas, de la peur ? Je l’ai appris samedi matin, ma mère m’a raconté et, j’ai pleuré, beaucoup pleuré. Puis, je me suis calmé et j’en ai beaucoup parlé avec ma mère :

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Pourquoi ? pourquoi tant de haine, pourquoi tant d’abomination ? c’est la question qui me tournait et qui me tourne toujours dans la tête. Ces gens pourquoi font-ils tant de maleur et tant de mort. Mais, maintenant regardez tous ces gens qui nous soutiennent comme les anglais qui chanter la marseillaise ou qui était peint aux couleurs françaises hier. Pendant la minute de silence je pense que l’on envoyer une immense vague d’amour dans toute la france et le message que l’on envoyer c’était de la résistance au problème qui vie en ce moment.
Ce qu’ils veulent eux c’est nous tuer à l’intérieur pour eux gagner de la puissance mais non je ne suis pas d’accord. Il ne faut pas leur donner ce plaisir, il faut continuer à vivre et vivre sans cette peur des terroristes car les terroristes sont en vrai des hommes très derranger assurément mais des hommes qui à mon avis ont été mal aimé ou mal traité pendant leurs enfances. Mais il faut nous proteger de cette folie et penser plutôt à tous les gens qui restent au lieux de tous les gens qui ont quittés tragiquement. La france est forte, l’amour triomphera. »

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Paraphrase :
– Insight : capacité à se voir soi-même, à repérer ses sensations, à mettre des mots sur ses émotions : « de la tristesse ou je sais pas, de la peur ? » ;
à voir son esprit en action, à identifier ses pensées comme étant des pensées : « la question qui me tournait et qui me tourne toujours dans la tête » ;
« je ne suis pas d’accord », « il faut continuer à vivre et vivre sans cette peur des terroristes »

Empathie : capacité à voir ce qu’il se passe en l’autre, à se projeter dans la tête de l’autre :
« Ce qu’ils veulent eux c’est nous tuer à l’intérieur pour eux gagner de la puissance »,
« les terroristes sont en vrai des hommes très derranger assurément mais des hommes qui à mon avis ont été mal aimé ou mal traité pendant leurs enfances.
 »

Intégration et « moralité« , bienveillance et compassion : se voir comme faisant partie d’un tout, de la société, de la planète, vouloir le bien des autres et de l’humanité plus largement :
« regardez tous ces gens qui nous soutiennent« ,
« Pendant la minute de silence je pense que l’on envoyer une immense vague d’amour dans toute la france et le message que l’on envoyer c’était de la résistance… »,
« penser plutôt à tous les gens qui restent »,
« La france est forte, l’amour triomphera. »

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D’après Daniel Siegel, ce qui fait la différence entre les résilients et les autres, c’est, quelles que soient les épreuves parfois terrifiantes auxquelles on a été exposé, cette capacité à raconter et à donner du sens à notre vie. C’est être capable de récit autobiographique, dans lequel on intègre nos sensations et émotions (cerveau droit) tout en les nommant (cerveau gauche), c’est donner des faits factuels (logique du cerveau gauche) tout en le réinscrivant dans un temps personnel (cerveau droit) : « la première sensation que j’ai ressenti, c’était de la tristesse ou je sais pas, de la peur ? » ; « Pendant la minute de silence je pense que l’on envoyer une immense vague d’amour dans toute la france ».

Du passé (« j’ai pleuré, beaucoup pleuré »), du présent (« la question (…) qui me tourne toujours dans la tête« ), du futur (« l’amour triomphera« ).
Une vision de soi, des autres, et de l’humanité en général.

Waouh. Voilà, il me semble que grâce à ces quelques lignes d’un enfant de 10 ans, on comprend mieux ce qu’est la mindsight, cette capacité que l’on peut développer en soi, à voir à l’intérieur de soi (insight), voir et ressentir l’intérieur des autres (empathie), et voir la société et l’humanité dans son ensemble, pour œuvrer dans la direction du bien commun (intégration, moralité).

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Au moment de s’endormir, des images revenaient à sa mémoire, des pensées le hantaient, il se sentait angoissé, il avait peur de ne pas réussir à s’endormir. Alors on a fait une grenouille, la grenouille n°6 : « Premier secours ».
À la fin de ces quelques minutes de méditation accompagnée, la voix de Sara Giraudeau disait :
« Toi et ton corps, vous êtes forts et solides. Tu peux supporter beaucoup. Tu es comme un jeune arbre, souple et fort. Beaucoup de choses peuvent te toucher, mais tu es fort. On ne peut pas facilement te renverser. Aie confiance. »
Il s’est endormi en quelques minutes à peine, en me tenant par la main.

À demain,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS de Mindsight #4 : Journal de bord

Mardi matin, j’ai euh… crié sur mon fils de 10 ans. Si si. Juste avant de partir à l’école.

L’idée ici est de tenir comme un journal de mes 21 jours de mindsight, de voir si progressivement j’avance dans ma vie, si j’arrive à mieux « intégrer » les différentes parties de mon cerveau, à mieux m’observer, et à moins emprunter la « low road » ; pas de faire semblant, de prétendre que j’assure à tous moments, de vous donner des « leçons » : au contraire, de partager avec vous, en tant qu’être humain faillible, et perfectible

Donc voilà. Mardi, quand mon fils, à 8h20, a déboulé comme un bolide dans la cuisine en me reprochant de ne pas l’avoir prévenu qu’il était déjà si tard, et qu’il allait être en retard à l’école, et que c’était de ma faute, etc etc… et alors que de mon côté, j’étais en train d’envoyer un mail qui me stressait, que je ne suis pas « du matin » et qu’en plus, quand je n’ai pas assez dormi, tout me semble parfois déjà une agression, j’ai euh… explosé !
Je l’ai renvoyé dans ses cordes, lui faisant remarquer qu’il était assez grand pour apprendre à gérer son temps le matin, que je ne suis pas à son service, etc etc… Toutes choses que j’aurais pu dire avec le sourire et gentiment. Sauf que je les ai dites en criant. Aie. Pas fière.
Il est parti à l’école, et j’y ai longtemps repensé, d’autant plus que la veille au soir, j’avais écrit ici même à propos des choses qu’on dit ou fait quand on est en colère et qu’on regrette aussitôt… J’étais un bon terrain d’observation pour moi-même.

En réalité, cette fois-ci, j’étais physiquement tellement en colère, qu’il m’a manqué sur le moment ce recul malgré tout nécessaire pour « m’observer » : je n’avais aucune envie de m’observer. J’avais juste envie de crier ma colère. De lui dire que je n’acceptais pas ce mode de relations sous forme d’accusations et de reproches… en le lui reprochant !
Ben oui. On n’est pas toujours cohérent dans ces moments-là.

Donc voilà, c’est comme tout : il y a la théorie, et il y a la pratique !

L’idée ici, n’est pas d’être parfaite – L’Apprentissage de l’imperfection est depuis deux ans un de mes livres de chevet – mais d’avancer : chaque jour de mieux en mieux, et pas à pas. En observant (même après coup) et en cherchant à comprendre, afin de mieux faire la prochaine fois… – ou pas.

Le soir, je suis allée le chercher à l’école, l’ai embrassé et lui ai aussitôt dit : « Je suis désolée pour ce matin. Vraiment. » Ce à quoi il m’a répondu : « Moi aussi, je suis désolé, Maman. J’étais de mauvaise humeur et j’avais peur d’être en retard à l’école. » – « Je sais. Mais j’aurais dû être capable, moi, de te répondre calmement. Si j’ai explosé comme ça, ça n’a rien à voir avec toi, tout à voir avec moi, et mon histoire. Tu n’en es pas responsable. Je te présente mes excuses et te promets de travailler sur moi pour que ça n’arrive plus. »

Alors voilà, je travaille. Je cherche à comprendre. Je réfléchis. Je revis des scènes de mon passé, lointain ou moins lointain. Je crois que j’ai compris aujourd’hui à quel point, sans doute, mon fils me fait revivre des scènes de mon enfance, quand j’avais le même âge que lui aujourd’hui. Que je le vois comme en miroir. Que ces explosions soudaines qui parfois me submergent, ont de grandes chances d’être « héritées ».

Le titre original de cet article était « De l’attachement », parce que ce soir, j’avais envie de vous parler de cette théorie fondamentale de Bowlby que Dan Siegel nous permet de revisiter à la lumière des neurosciences. Sauf que dès les premières lignes, je suis partie sur tout autre chose. Alors pendant un temps, il s’est intitulé « mea culpa » : ça en dit long sur mon sentiment de culpabilité, et le travail qui me reste à faire.

J’ai finalement choisi comme titre celui que vous avez lu : « Journal de bord« . Car l’idée ici n’est pas de me jeter la pierre, mais bien de comprendre ce qui se joue en moi, afin de sortir des ornières et des schémas acquis dans lesquels mon cerveau s’embourbe quand il fonctionne en pilote automatique.

L’un des exercices phares de mindsight que conseille Dan Siegel est en effet d’écrire, de tenir un journal. C’est un peu ce que je fais ici, en le partageant avec vous.
En  espérant que ce travail de réflexion que je mène avec ces 21 jours de mindsight m’aidera à mieux articuler ma vie et mes émotions.
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Ce soir, avec ma fille, nous avons fait cette « Petite Grenouille », la méditation n°2 sur le CD enregistré par Sarah Giraudeau. Je vous l’offre, puisque c’est celle-ci que l’on trouve sur  Internet. Hâte de savoir si elle vous plaît, à vous aussi…

Au plaisir, et à demain.
Isabelle