21 JOURS pour des relations positives #5. Prendre le temps

Aujourd’hui, j’ai eu le plaisir et la joie de pouvoir observer une maman en interaction positive avec sa toute petite fille de 18 mois. Ou devrais-je écrire plutôt : une petite fille qui a la chance, l’immense privilège d’avoir une maman qui la laisse être qui elle est, et est à l’écoute de ses besoins et de ses désirs sans la juger, la presser, la critiquer, ou chercher à lui imposer son propre rythme – autrement dit, qui crée précisément ce que j’ai choisi d’appeler une relation « positive » entre elles.

Avez-vous remarqué comment, quand on dit à un enfant de se dépêcher… il a souvent tendance – intuitivement, pour se protéger ? – à au contraire, ralentir ? Il entre en « résistance », en se concentrant sur ses propres désirs…

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Un des (nombreux) livres que j’ai lus sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’éducation ou la discipline positives ou bienveillantes, s’intitule Nos enfants sont des merveilles.
C’est vraiment la sensation que j’ai eue tout l’après-midi : de m’émerveiller devant cette toute petite fille qui comprend tout, sait déjà tellement ce dont elle a envie et comment se faire comprendre… parce qu’elle se sent légitime, reconnue et entendue.

Yvane Wiart, qui a écrit sur l’attachement (mais aussi, ce n’est pas un hasard, à la fois sur la violence ordinaire dans les familles et à l’inverse, sur les couples heureux) parlerait sans aucun doute ici d’un attachement « sécure » (j’y reviendrai : la théorie de l’attachement me paraît en effet fondamentale pour comprendre nos relations).

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Si on fait confiance à nos enfants, ils se développent naturellement dans le sens de la vie, de l’apprentissage conscient, du plaisir.

Sauf handicap, connaissez-vous un enfant qui n’apprend pas à marcher ?
« Avez-vous déjà vu un adulte marcher à quatre pattes ? » faisait remarquer le papa de cette petite fille cet après-midi à mes propres enfants ? Un enfant sans handicap finira toujours par marcher sur ses deux pieds, qu’il commence dès 10 mois, ou aussi « tard » que 17, voire même plus… mais il finira toujours par marcher.
Pourquoi ? Parce qu’il en éprouve le besoin, pour explorer le monde différemment. Il regarde les adultes ou les autres enfants autour de lui… et très vite, dès que son corps le lui permet, il se met en tête de marcher à son tour, et il y arrivera.
Savez-vous combien de fois tombe un enfant avant de savoir marcher ? (J’en parlais justement ce matin avec mes enfants). 2000 fois !

Imaginez-vous un parent qui dirait à son enfant à chaque fois qu’il tombe : Décidément tu es trop nul, tu n’y arriveras jamais ! Si tu n’y mets pas du tien, dans un mois on y est encore ! C’est pour aujourd’hui ou pour demain ?
Vous souriez ? Ça vous paraît absurde ? Et pourtant, n’est-ce pas ce qu’on leur dit implicitement un peu plus tard, quand par exemple ils renversent un verre de jus d’orange sans le faire exprès : Tu pourrais faire attention ! Quel.le maladroit.e tu fais ! Combien de fois je t’ai dit de ne pas le mettre trop près du bord ?

IMG_0165La maman de cette petite fille est déjà pour beaucoup « différente » dans son rapport à sa fille : co-dodo, portage, allaitement à la demande, apprentissage de la langue des signes pour lui permettre d’avoir un « langage » avant que son système corporel ne lui permette de prononcer des mots… J’avais l’impression de me revoir il y a dix ans, quand mon fils avait son âge, et que je faisais déjà partie d’un groupe de parents « extra-terrestres »…

Mais tout ça n’est rien si on n’est pas concrètement, pratiquement, à l’écoute de la merveille que sont nos enfants, minute après minute. Et évidemment, cela demande du temps. Le temps du développement des enfants n’est pas celui que tente de nous imposer aujourd’hui la société, avec ses rythmes, ses horaires, ses carcans, ses habitudes, ses « tu devrais« , « il faut » et « parce que c’est comme ça »…

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Un exemple, un seul. Après avoir passé un bon moment dans un parc (à avancer à la vitesse d’une petite fille de 18 mois poussant sa poussette de poupée, tandis qu’il y a tant de choses passionnantes à observer à chaque pas : tous ces enfants, ces chiens, ces jeux… : autrement dit, quelques 50 mètres à l’heure, peut-être ?), nous décidons d’en partir, car il commençait à faire nuit et froid.

Après une heure dans le parc à être totalement libre de ses mouvements, la petite fille sort donc du parc toujours en poussant sa poussette… et soudain, sa maman l’arrête : on devait traverser une rue. Elle lui donne le choix : préfère-t-elle monter dans sa poussette (la grande) ou les bras ?
La petite fille s’exprime clairement : ni l’un, ni l’autre. Elle veut continuer à pousser sa poussette. Sauf que ce n’est pas possible : il y a désormais des voitures.

Alors la maman « négocie », typiquement en communication « positive » (appelée classiquement « non-violente », mais à vrai dire, je n’aime pas tellement la négative) – je la souligne avec les lettres OSBD :
– les faits (Observation) : Si tu traverses la rue toute seule…
– 
sa propre émotion (Sentiment) : … j’ai peur, car il y a des voitures…
– son Besoin : Mon besoin est que tu sois en sécurité et je n’ai pas envie qu’elles te roulent dessus.
– 
une proposition (Demande) : Est-ce que tu serais ok pour qu’on traverse ensemble ? Tu pousses ta poussette, et tu me donnes la main en même temps ?
Et la petite fille qui avait manifesté très clairement son désaccord pour les bras ou la poussette (la grande) a accepté de traverser la rue en donnant la main à sa maman…

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Clairement ça prend du temps… de même que ça avait pris du temps de lui faire accepter de mettre son manteau en sortant : le temps qu’elle-même se rende compte qu’en effet, il faisait frisquet. Et en arrivant au parc, c’est elle-même qui avait réclamé son bonnet à sa maman. Une merveille, je vous dis…

Si cette merveille peut se déployer ainsi sous nos yeux, c’est parce que ses parents créent pour elle cet espace de liberté, d’autonomie, d’indépendance. Cette petite fille se sent autorisée à exprimer ses besoins, ses désirs, ses désaccords. Elle sait qu’elle sera entendue, accueillie, acceptée, et que ses parents feront de leur mieux pour la satisfaire. Elle se sent en confiance.
Et quand sa maman lui exprime ses propres besoins, elle est en capacité de les entendre à son tour. Parce qu’un des plus beaux cadeaux qu’elle lui fait en étant attentive à ses besoins, c’est l’apprentissage de l’empathie.
Waouh !

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J’ai tout appris avec mes enfants. Dès la seconde, presque, où j’ai su que j’étais enceinte de ma fille, alors que je venais d’avoir 40 ans, j’ai senti intuitivement que sa naissance serait une « re-naissance » pour moi, comme une « 2ème naissance ». Et en effet, depuis qu’elle est arrivée parmi nous, j’ai l’impression d’avoir, émotionnellement, « l’âge de ma fille ». Je (ré)apprends la vie et les relations avec elle. J’apprends à ressentir, accueillir, mieux canaliser mes émotions.
J’ai encore tant appris cet après-midi. J’ai réalisé que si je devais aujourd’hui avoir un 3ème enfant, je ferais encore tant de choses différemment… On apprend tous les jours.

Comme nous le faisaient remarquer Gervais Sirois et Sylvie Dubé avec lesquels j’ai suivi cette semaine une formation intitulée Cerveau et Apprentissage avec L’Atelier des Parents  : le cerveau est fait pour apprendre.
Oui, ça paraît une évidence. Et en même temps, le dire et en prendre conscience paraît révolutionnaire dans notre société qui semble si souvent marcher à l’envers…

Une après-midi comme celle d’aujourd’hui passée à partager l’intimité douce et positive d’une maman et d’un papa avec leur petite fille de 18 mois… est un cadeau de la vie qui me redonne espoir dans l’avenir : je ne suis pas seule à me sentir parfois « extra-terrestre ».

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle