Nos émotions au cinéma !

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler… d’un film américain ! Voilà des mois que je l’attendais et… quelle merveille, en effet, que ce nouveau film des studios Pixar-Disney !

Vraiment, n’hésitez pas, courez-y, de 5 à 99 ans ! À voir et revoir en famille, en couple, entre amis, mais aussi à discuter, et même… à rêver.

Depuis que je l’ai vu (déjà deux fois !), j’y pense en effet très souvent, et c’est là, la force des animateurs de Pixar : je visualise désormais ma colère sous la forme de ce petit bonhomme rouge qui explose régulièrement :

Mes enfants sont sortis de la salle la première fois en disant :
– « C’est fabuleux ! » (le grand, 10 ans)
– « Moi, j’ai pas aimé ! (…)  Non, je blague ! J’ai a-do-ré ! » (la petite, 6 ans)

Un des (immenses) mérites de ce film est de nous aider à prendre conscience que notre cerveau est tout sauf rationnel, et que dans la plupart des situations, nous sommes en réalité mus, non par notre « raison », contrairement à ce qu’on voudrait croire, mais par nos émotions.

« C’est qui qui parle, là ?«  est en effet une des questions que l’on peut désormais s’adresser à soi-même en visualisant la réponse sous l’aspect d’un petit personnage Pixar quand on sent une émotion se manifester en nous, sous la forme d’une sensation physique : un nœud à l’estomac, la gorge qui se serre, la sensation soudaine d’étouffer, le cœur qui s’accélère, la respiration qui saccade…

Ou, comme le formule Isabelle Filliozat : Que se passe-t-il en moi ? 

Et souvent, il suffit de porter attention à cette sensation physique en nous, de la reconnaître pour ce qu’elle est… pour l’aider à passer : les émotions demandent avant tout à être acceptées et accueillies.

C’est une autre des merveilles de ce film : donner enfin toute la place qui lui revient à la tristesse. En effet, la chasser, la fuir, la refouler … est la meilleure manière pour nous couper de nos émotions, à nos risques et périls. Au contraire, la reconnaître, l’accueillir… nous permet de renouer avec nous-mêmes.

Nos émotions sont nos alliées : accueillons-les, et elles nous guideront vers nous-mêmes.

Au plaisir, et… bon film !
Isabelle

Amour, sexualité et transgénérationnel

Parce que, défiant toutes les croyances du marketing marchant formaté et formatant, CECI EST MON CORPSle formidable film écrit, réalisé et interprété par Jérôme Soubeyrand avec la complicité de Marina Tomé, est encore en salles cette semaine, à Paris pour la 12ème semaine consécutive au cinéma La Clef, poursuivant sa carrière à Toulouse, et gagnant semaine après semaine de nouvelles salles en province à la demande des exploitant·es, et – chose nouvelle et étonnante – des nombreux spectateur·trices qui « réclament » à leur cinéma préféré de le programmer… plutôt que de vous en parler en post scriptum, j’ai décidé d’en faire le sujet même de cet article.

Ce film a en effet changé ma vie… littéralement, réellement. Des films, j’en vois, et j’en ai vus, plusieurs par semaine depuis plus de trente ans, et un pareil bouleversement n’arrive pas si souvent… C’est pourtant pour moi le sens même de ce qu’est l’art, ou de ce que devrait être l’art : un artiste partage sa vision du monde, ses interrogations, ses passions, ses doutes, et parfois, réussit ce petit miracle de faire bouger, évoluer, vaciller, éclairer d’un jour nouveau… les vies de ses spectateurs.

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CECI EST MON CORPS raconte l’histoire de Gabin, un curé monté à Paris depuis son Ardèche natale parce qu’il est tombé amoureux d’une actrice lors d’un stage de développement personnel : un émoi nouveau pour lui – ou qu’il a refoulé depuis de nombreuses années – et qui soudain, le bouleverse.

Mais au-delà de ce sentiment et de ces émotions d’amour qui l’envahissent totalement, ce que Gabin va découvrir dans la maison du bonheur dans laquelle il débarque à Paris… c’est aussi le plaisir sensuel, sexuel, de l’union des corps, ce plaisir de faire l’amour : le curé amoureux va découvrir les joies et l’extase que procure l’amour physique, à cinquante ans. Il en a des années à rattraper – et il a envie d’apprendre.

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L’une des forces indéniable de ce film, est de présenter la petite communauté joyeuse, accueillante et bienveillante dans laquelle Gabin s’intègre somme toute assez simplement, comme allant de soi : Marlène, dont il est amoureux, partage en effet sa vie amoureuse et sexuelle entre Émilie, très éprise d’elle (étonnante Laetitia Lopez, au sourire contagieux) et Christian, son amant par ailleurs marié ; le quatrième pilier de leur « famille » étant Renato (Christophe Alévêque au meilleur de sa forme), homo et travesti quand il est lui-même, jouant parfaitement les banquiers à l’extérieur.

MARLENE-EMILIE LITCes gens s’aiment, se soutiennent, s’entraident. Ils sont gentils et bienveillants les uns envers les autres. Ils se réjouissent du bonheur de celleux qu’ils aiment, et sont plein de compassion devant leurs peines. Et ça fait du bien

Ça fait du bien à nos neurones-miroirs… – vous  savez, ces neurones qui font que quand on assiste à une scène, on ressent les mêmes émotions que celleux que l’on regarde ; ces neurones qui expliquent le fondement même, sans doute du théâtre et du cinéma : l’identification aux personnages et à leurs émotions.

Dit autrement : on sort du film ragaillardi·e, joyeuxe, avec des envies de dévorer la vie à pleines dents, d’aimer et d’être aimé·e, de partager, de rire, de faire l’amour. Et c’est tellement rare ! Un vrai « feel-good movie« , au sens plein et généreux du terme.

Mais Jérôme Soubeyrand va plus loin : en effet, au-delà de la fiction qui parle d’amour et de sexualité comme on en parle rarement au cinéma (comme il le dit lui-même : au cinéma, on parle beaucoup d’amour, ou bien alors de sexualité – problématique – mais rarement d’amour ET d’une sexualité épanouie et heureuse…), au-delà de la comédie, donc, il nous invite à réfléchir, en montant en parallèle des séquences documentaires : il interviewe d’une part les philosophes Michel Serres et Michel Onfray à propos des épîtres à Saint-Paul (fondement de la répression judéo-chrétienne contre le « péché de chair »), d’autre part Bruno Clavier, psychogénéalogiste (auteur des Fantômes familiaux), au cours d’une séance étonnante de thérapie transgénérationnelle.

C’est sans doute cette collusion entre une fiction joyeuse – et néanmoins profonde – et la résonance transgénérationnelle dans la vie de l’auteur lui-même… qui est à l’origine du bouleversement que cela a provoqué en moi. J’ai en effet vu le film début décembre… et depuis me suis plongée dans ma propre généalogie, remontant les générations, cherchant à en comprendre les répétitions, les non-dits, les forces et les faiblesses.

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J’ajouterai, pour celles et ceux d’entre vous qui sont comédien·ne·s ou caressent le désir d’oser se montrer devant une caméra… que le film nous offre de très belles et émouvantes séquences de jeu, car Marlène anime un atelier de théâtre, et cherche notamment à illustrer, à travers une performance de Gabin, la différence entre le vrai et le vraisemblable.

Enfin, CECI EST MON CORPS, bien que ce ne soit pas son sujet principal, mais plutôt son « décor », nous parle de polyamorie (ou polyamour), cet art de vivre des amours plurielles avec le consentement de toutes les personnes concernées. À ce propos, je ne peux que vous encourager vivement à assister samedi 28 février à 16h (*) à une nouvelle projection du film au cinéma La Clef, suivie d’une rencontre-débat  avec Jérôme Soubeyrand et Laetitia Lopez d’une part, Meta Tshiteya et Aurélien Selle, cofondateur·trices de l’association Polyfamilles et moi-même d’autre part, en tant que réalisatrice de la comédie documentaire LUTINE

Au plaisir de vous y retrouver peut-être ?

Isabelle

(*) Attention, réservation conseillée : ccommealamaison@gmail.com

PS. Si tout cela vous parle, je me permets de vous indiquer ici plusieurs ouvrages qui m’ont beaucoup touchée : Femme désirée, Femme désirante de Danièle Flaumenbaum, qui a inspiré Marina Tomé pour écrire le personnage de Marlène, et qui mérite à lui seul un article entier ; de même que Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ?, de feu son compagnon Didier Dumas ; et les livres de référence de Anne Ancelin Schützenberger, notamment Psychogénéalogie – Guérir les blessures familiales et se retrouver soi

Et pour le plaisir, et parce que je ne m’en lasse pas : la bande-annonce :

Vous pourrez retrouver ici tous les extraits et vidéos sur le site officiel du film, ainsi que d’autres critiques enthousiastes, notamment d’Alain Riou, critique cinéma au Nouvel Obs’.