ÉTHIQUE RELATIONNELLE #19. Accords versus Règles

De mon point de vue, si l’on souhaite vivre des relations positives, éthiques et en conscience, il est important qu’elles soient honnêtes, sincères et authentiques.

Pour moi, cela suppose en premier lieu, au moins de ne pas mentir, en commençant par ne pas se mentir.

{Parenthèse assumée :
Il ne s’agit pas non plus nécessairement de « toujours dire la vérité« , si on sait que certaines choses peuvent blesser l’autre.
Cela revient pour moi au fameux « Tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler« , en se posant la question : Est-ce que ce que je m’apprête à dire va dans le sens de faire du bien à la relation ? 

Christophe Vincent, coach certifié en Communication non-violente®, et qui anime pour Lutine & Cie des ateliers CNV / Poly, aime répéter, à propos d’une relation, qu’on a le choix entre

  • l’accepter
  • l’améliorer
  • la quitter
  • ou… se plaindre !

D’où : ce que je m’apprête à dire va-t-il aller dans le sens d’améliorer la situation ou la relation entre cette personne et moi ? Ou cela risque-t-il de la blesser ou de lui faire du mal, d’une manière ou d’une autre ? Quelle est mon intention ?

Parenthèse refermée.}

Être honnête et authentique – tant qu’on ne blesse pas l’autre (cf le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable) – est donc pour moi la première chose importante dans une relation.

« Ne pas supposer » en est sans doute une autre, tout aussi importante : c’est d’ailleurs le 3ème accord toltèque.
Autrement dit : ne pas projeter sur l’autre ce qu’on pense qu’ielle va dire ou comment ielle va réagir dans telle ou telle situation, mais… en parler, lui poser la question directement : que chacun·e ait le choix et l’opportunité de parler pour soi.

Imaginons une relation dans laquelle les deux partenaires se sont mis d’accord, préalablement, sur le fait que leur relation serait exclusive. Et puis l’un·e des deux, au bout d’un moment, a envie d’autre chose, s’interroge sur le fait d’ouvrir la relation. Que doit-ielle faire ? Comment en parler ?

Dans le monde « ordinaire » de la monogamie qui est le nôtre, régi par la « norme » de l’ascenseur relationnel, un tel désir risque d’être accueilli comme un coup de tonnerre : rien que le fait d’en avoir « envie » semble mettre en péril la relation toute entière.

Oui, mais ça, c’est parce qu’on croit qu’il n’est pas « possible » d’avoir plusieurs relations en même temps dans un cadre consensuel, éthique et respectueux de toutes les personnes concernées : parce que l’adultère lui-même fait en réalité partie des « codes », voire des présupposés, de l’ascenseur relationnel.

« On dirait qu’on serait monogames, mais en fait, comme au moins la moitié des gens qui se disent monogames, je tricherais… donc par définition, je ne te le dirais pas, et tu pourrais continuer à « croire » qu’on est mono, alors qu’en réalité, notre relation serait « non-monogame », mais de manière non-consensuelle. »

Pourquoi l’adultère fait-il si mal quand il est découvert ? Parce que par définition, il constitue une tricherie, une tromperie. D’ailleurs, en anglais, c’est le même mot : to cheat, qui désigne aussi bien « tricher dans un jeu », que « tromper », dans le sens d’une infidélité.
Il constitue une entorse à la parole donnée, un coup de canif dans le contrat, dit-on parfois : c’est dire la violence.

Comment avoir encore confiance dans l’autre, une fois qu’ielle vous a menti, trompé·e, trahi·e ?
S’ielle l’a fait une fois, c’est donc qu’ielle est « capable » de le faire, et donc pourra à nouveau le refaire ? Comment reconstruire une relation sur la base d’une rupture de la confiance ?

Par définition, la personne trompée est alors dans la mé-fiance et la dé-fiance, au lieu d’être dans la con-fiance. Donc dans une forme certaine d’insécurité. Et quand on est dans l’insécurité, difficile  de se sentir « bien », détendu·e, serein·e, difficile de se sentir à l’aise dans une relation. Comment retrouver la confiance ?

« Fidélité » vient de fides, fidei en latin, qui signifie : confiance.
Une personne fidèle est une personne digne de confiance, une personne fiable, une personne qui « dit ce qu’elle fait » et « fait ce qu’elle dit« . 

L’enjeu, dans une relation, est bien d’être « digne de confiance« .

L’essentiel, pour moi, est donc de se mettre d’accord sur les modalités de la relation : sur ce qui nous convient, ou pas. Et ensuite, de faire confiance à l’autre qu’ielle ne fera rien « contre nous », et que tout ce qu’ielle décidera de faire, sera « pour ellui ».

C’est ainsi que certaines personnes en viennent à se mettre d’accord sur le mode qu’on appelle Don’t Ask, Don’t Tell : Tu fais ce que tu veux MAIS… tu fais en sorte que je ne le sache pas.
Ce qui revient à demander : Dans certains cas, je te demande donc de me mentir. 

C’est un choix, tout aussi légitime qu’un autre, dans la mesure où les deux personnes sont d’accord – même si, selon moi, en pratique, il n’est pas toujours facile à mettre en place.

En effet, à partir du moment où une personne a demandé à ne rien savoir… combien de temps la situation peut-elle durer comme cela ? Si à un moment, par exemple, l’un·e vit une situation qui fait qu’en réalité, elle éprouve désormais le besoin d’en parler à l’autre (imaginons qu’elle a rencontré une personne avec laquelle elle a non seulement envie de passer une soirée, comme le stipulait l’accord préalable (Chacun·e de nous a le droit de sortir une soirée par semaine sans rien en dire à l’autre), mais aussi parfois une nuit), comment fait-elle ?
Puisque l’autre ne veut pas savoir ?

En réalité, l’accord passé entre les deux personnes devient un accord sur lequel on ne peut plus revenir sans le trahir : ce n’est donc plus un « accord » dans lequel les deux personnes se reconnaissent, mais cela devient une « règle » qui s’impose à l’un·e des deux, au détriment de ses propres besoins.

Le principe, pour moi, d’une relation éthique, est une relation dans laquelle chacun des accords que les personnes passent entre elles est, comme je l’ai dit dans mon article #17renouvelable et renégociable à tout moment.

Dans l’exemple précédent, on peut imaginer que l’accord « don’t ask don’t tell » soit par exemple rediscuté une fois par mois : Est-ce que la situation te convient toujours ? Et si non, que proposes-tu ?

Et si on en arrive à la situation que l’un·e ne veut pas savoir, et que l’autre a besoin de dire…, c’est là que vont s’avérer utiles, pour maintenir le lien, tous les outils de la communication compassionnelle, d’accueil des émotions, d’écoute empathique…

Souvent, une « règle » est édictée pour se protéger soi-même d’une émotion que l’on redoute. La question à se poser alors est : Ai-je le « droit » – d’un point de vue moral, éthique – d’empêcher l’autre de vivre quelque chose qui est important pour ellui à vivre… sous prétexte que je redoute les émotions par lesquelles je risque de passer ? 

Peut-on par exemple imaginer que la personne travaille sur elle-même et sur ses émotions, afin de comprendre ce qu’une telle situation réveille en elle, et d’où vient l’insécurité qu’elle ressent, et surtout, quel besoin se manifeste derrière sa demande spécifique ? 

Quand un besoin qui est le mien commence à empiéter sur la liberté, le désir, le besoin de l’autre… alors on peut se poser la question de sa légitimité, d’un point de vue éthique. Ce qui ne signifie pas que ce besoin en question n’est pas légitime : il l’est, radicalement, intrinsèquement.

Mais si l’on travaille sur les émotions qui sont en jeu plutôt que sur la « forme » que prend ce besoin, alors on a peut-être une chance de trouver un accord qui satisfasse les deux partenaires, plutôt que s’accrocher sur les modalités pratiques.

Exemple : un couple s’est mis d’accord sur le fait que chacun·e d’elleux peut passer une soirée avec une autre personne, mais pas une nuit entière. Tant que cela convient à tou·te·s les deux, cool. Mais si, à un moment, l’un·e des deux rencontre une tierce personne qui, elle, a envie de passer une nuit entière avec ellui, et qu’ielle en a envie aussi, alors que devient « l’accord » – qui n’en est plus un ?

La communication compassionnelle, notamment, offre des outils précieux, en permettant de décomposer des « je veux, j’ai besoin » en « quelle est l’émotion derrière cette demande ?« , « quel est le besoin derrière cette émotion ? » et comment peut-être peut-on le satisfaire autrement ? 

L’enjeu premier, essentiel, étant de trouver un accord qui convienne à l’un·e ET à l’autre.

Et parfois, les « besoins » ou « désirs profonds » de l’un·e et de l’autre ne sont juste pas, ou plus, compatibles.
Et alors, parfois, il est important de lâcher prise, de laisser évoluer la relation vers une autre forme : on ne peut juste pas s’accrocher à une forme donnée sous prétexte que c’est la forme sur laquelle on s’était mis·e·s d’accord avant. En effet, chacun·e de nous grandit, mûrit, change, et ses besoins avec : on ne peut que l’accepter, comme il en était question dans mon article #18 « Accueillir les transitions« .

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

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