Voyage en Polyamorie #11. 8b. Spirale positive

On a quitté les rives de la Monogamie ordinaire (#2), réalisé que les mythes étaient précisément des mythes et qu’une bonne partie des comportements de nos contemporain·es étaient fondés sur des faux-semblants, mensonges et peurs (#3), on a choisi de croire notre petite voix intérieure qui nous disait qu’il devait être possible de vivre autrement nos relations au monde et aux autres (#4) et on s’est préparé.e au voyage du mieux qu’on a pu (#5) avant de se lancer dans l’aventure (#6).

Sauf qu’on a beau se préparer, rien ne vaut l’expérience : c’est en nageant qu’on apprend à nager… pas en regardant des tutos sur Internet ! Une fois qu’on s’est jeté.e à l’eau, ça remue donc bien plus que ce qu’on avait imaginé, que tout ce qu’on avait essayé d’anticiper : courants, contre-courants, obstacles divers et variés qu’on choisit de voir comme autant d’opportunités de nous affermir, de grandir, on affronte nos peurs (#7).

Les automatismes de notre vie d’avant ne nous servent plus à rien : c’est à nous d’inventer de nouveaux codes, de nouveaux modes de relations, tous nos repères ont sauté et… notre entourage historique nous tourne souvent le dos : leur monde n’est plus notre monde, on ne « colle plus » (ce que Kim Hudson dans son livre The Virgin’s Promise appelle « No Longer Fits Her World »), ielles ne nous reconnaissent plus et ne nous soutiennent pas, bien au contraire (ce qu’on cherche à défendre, une nouvelle éthique amoureuse, est bien trop dérangeante le plus souvent pour l’hypocrisie ambiante).
Et si on a l’impudence, à un moment un peu plus difficile que les autres, de chercher une oreille compatissante, en se confiant à un.e parent.e, un.e ami.e ou même un.e psy, on nous renvoie à notre responsabilité : « Tu l’as bien cherché, tu ne vas pas venir te plaindre en plus ! On t’avait prévenu.e, c’était couru d’avance » (#8).

Malgré tout, on sait, on sent qu’on est sur la bonne voie, et on veut continuer à y croire. On mesure le chemin parcouru, on se rend compte que l’une après l’autre, on a déjà affronté pas mal de nos peurs et insécurités, on est fier.e de soi, on sent qu’on peut aller plus loin, on se le souhaite. Étape après étape.
Et peut-être parce qu’à un moment, on se sent soudain plus fort.e, on fait un pas de côté, on ose affronter une nouvelle peur… et soudain, une bourrasque qu’on n’avait pas vue venir, plus forte que les autres, semble nous emporter (ce que Kim Hudson appelle « Caught Shining ») et des tourbillons nous entraînent vers le « ventre de la baleine«  (#9).

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Et là, euh… c’est la crise, le climax en dramaturgie : on a l’impression qu’on va y laisser notre peau, on voudrait revenir en arrière, mais c’est trop tard : on est « au fond du gouffre » et on se demande si on reverra jamais la lumière du jour… On lâche alors toutes nos défenses, et on s’avoue vaincu.e : « J’ai joué, j’ai perdu », dit mon personnage dans LUTINE. Et c’est là, quand on lâche prise, qu’on aperçoit, tout au fond, tapie dans le noir… la « Grande Déesse » de la créativité et de la destruction, celle qui, après l’hiver, fait renaître les fleurs au printemps.

Et alors, là-bas, tout au bout du bout, on aperçoit soudain une lueur… Humble comme au premier jour, on ose demander de l’aide, tendre la main… et ô miracle : on réalise qu’on n’est pas seul.e, qu’on est pas le/la premier.e à vivre cette expérience, qu’avant nous, d’autres sont passé.e.s par là, et sont prêt.e.s à nous aider, à partager leur expérience avec nous. On va pouvoir ainsi remonter à la surface : d’autres sont là pour nous accompagner sur le chemin de nous-même (#10).

Et ces autres, souvent rassemblé.e.s en communautés (cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole poly, forum sur Internet, groupes sur Facebook) ont tout plein d’outils à partager avec nous – dont certains qu’on avait bien sûr déjà commencé à explorer et utiliser nous-mêmes : mais rien ne vaut le passage de témoin et le relais d’informations de pair·e à pair·e. C’est parce qu’on découvre que d’autres sont passé·es par là, qu’ielles aussi ont cru qu’ielles n’y arriveraient jamais, et qu’aujourd’hui, ielles semblent très heureuxes de leur nouvelle vie en Polyamorie… que notre espoir renaît, et avec lui, notre énergie positive pour nous en sortir et atteindre nous aussi, un jour, les rivages heureux de la Polyamorie.

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Première étape incontournable de cette spirale positive : l’accueil de nos émotions.
Tant d’entre nous ont été élevé·es avec l’idée qu’il fallait cacher, masquer, refouler nos émotions… qu’on n’y a même plus accès parfois, ou qu’on ne sait pas les reconnaître, parce qu’on les déguise. On les prend pour des ennemies… alors qu’elles sont nos alliées : elles sont là pour nous alerter, nous informer sur nous-mêmes, à un moment où le cerveau rationnel, lui, n’est pas nécessairement attentif.

Les émotions, que l’on vit dans notre corps, et qui se manifestent souvent (à l’exception de la joie) par des sensations physiques désagréables, voire douloureuses, sont souvent décriées et elles ont mauvaise presse : Arrête ton cinéma ! Que tu es chochotte ! Calme-toi immédiatement ou je vais te donner une bonne raison de pleurer ! Les garçons, ça ne pleure pas ! Pour qui tu te prends de me répondre comme ça ! C’est qui qui commande, ici ?

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On nous apprend à les mater, à les refouler. On nous apprend à les bloquer. On les ridiculise, on les dévalorise. On nous explique que nous devrions en avoir honte. Qu’on est trop sensible. Alors que c’est une chance d’être sensible et même hypersensible : c’est ce qui permet de nous connecter à la vie en nous, mais aussi à la vie en l’autre. C’est ce qui nous permet l’empathie, par la magie des neurones-miroirs.

[PARENTHÈSE. À propos des émotions, si vous n’avez pas encore vu Inside Out (Vice Versa) des studios Disney Pixar… précipitez-vous sur le DVD ! Pour petit.e.s et grand·es, ce film, construit (c’est mon intuition) à partir des livres de Dan Siegel sur le cerveau, nous explique comment, quand nous sommes tristes, en colère, ou que nous avons peur, notre cerveau émotionnel se déconnecte de notre cerveau rationnel et… passe aux commandes !
Le film est intelligent, drôle, bouleversant et… je vous invite à en lire les quelques lignes que j’ai écrites à son propos au moment de sa sortie tellement j’étais emballée : Nos émotions au cinéma (plus sur le cerveau et Dan Siegel… dans mon article #12 demain !).]

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Le principe de base d’une émotion est qu’elle a besoin d’être écoutée, entendue,  accueillie, acceptée. Si on la refoule, si on la nie, si on lui refuse notre attention, elle va redoubler d’intensité, revenir sous différentes formes, se glisser par l’interstice de la fenêtre quand on lui aura fermé la porte au nez.

Si on en a honte, si on culpabilise (c’est mal d’être jalouxe !), si on lui refuse l’accès à notre conscience… elle se déguisera et reviendra, par exemple, sous la forme de somatisations (j’en connais un rayon !).

Par exemple, la peur peut prendre la forme d’une colère. Mon aimé m’a promis de rentrer à minuit, mais il a du retard et aucune nouvelle. Je résiste un moment, j’essaie de penser à autre chose, et puis les pensées commencent à défiler dans ma tête, toutes plus alarmistes les unes que les autres : il sait pourtant que c’est important pour moi qu’il respecte le « cadre » sur lequel on s’est mis d’accord toutes les deux ; donc s’il a « pris le risque » d’arriver en retard alors qu’il a conscience que je vais sans doute mal le vivre, c’est que : soit il est vraiment très bien avec « elle« , au point d’en oublier que pendant qu’il prend du bon temps, moi je m’angoisse ; et je déroule le fil de mes pensées : il a eu beau faire son maximum pour me rassurer, il est en train de tomber amoureux d’elle, et puis, l’attrait de la nouveauté, je ne fais pas le poids, sans compter qu’elle est peut-être (cocher la case) plus belle, plus mince, plus douée en fellations, plus kinky, plus brillante, plus… (oh, on peut continuer pendant des heures comme ça !), et puis ils sont sûrement en train de faire l’amour en ce moment-même, et il doit prendre tellement de plaisir qu’il n’aura plus envie de me faire l’amour à moi après et… Bref, vous voyez le genre ? (Tout à fait déclinable au masculin, bien entendu : et s’il était plus… grand, plus musclé, plus doué en cunnilingus, s’il lui faisait mieux l’amour, et plus longtemps, s’il bandait plus dur, s’il la faisait plus jouir, plus rire… etc etc., à l’infini…) ; soit… – et c’est encore pire ! – : en fait, il a eu un accident ! Il est dans le coma, et les pompiers vont m’appeler d’une seconde à l’autre… blablabla.

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Quand le dit aimé arrive finalement avec une malheureuse petite demi-heure de retard, tout contrit, parce que le restaurant a eu un problème avec son terminal de carte bleue, et il a dû aller retirer de l’argent et là il s’est rendu compte qu’il n’avait plus de batterie, et après il y a eu un bug avec l’autolib, il a dû trouver une autre borne et… etc etc…, vous, vous n’êtes juste plus en état de l’entendre avec votre cerveau rationnel et… votre peur explose en colère ! Tu le sais pourtant que c’est important pour moi que tu respectes le cadre et que tu rentres à l’heure sur laquelle on s’est mis d’accord, en fait tu n’en as rien à faire de moi, etc. etc.

Et pour retourner à l’émotion de base – la peur qu’il ne vous aime plus et qu’il vous quitte… autrement dit, la peur de l’abandon, qui remonte à votre toute petite enfance, quand vous étiez dépendant·e de votre parent nourricier et que le moindre retard vous mettait en effet en danger vital -, il va falloir déblayer toutes les barrières que vous avez érigées entre vous et vous, nettoyer la colère, aller au-delà… jusqu’au moment où derrière la colère, vous découvrirez en effet la peur, viscérale, tripale… de mourir si on vous abandonne.
Je me suis un soir entendue dire à mon aimé : Quand tu es en retard comme ça et sans prévenir, j’ai peur que tu sois mortE. Et là, quand même, j’en ai pris conscience : est-ce que ma réaction disproportionnée par rapport à la situation ne remonte pas à… quand ma mère arrivait en retard pour me chercher à l’école ?! Aie aie aie…

La polyamorie peut en réalité être une bonne manière de faire en quelques mois autant de progrès qu’en dix ans de thérapie !

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C’est ça que j’appelle la « spirale positive » ?! Oui.
Car une fois qu’on a conscience que derrière l’expression d’une émotion peut s’en cacher une autre, une fois qu’on assume d’aller les débusquer, qu’on travaille dessus, qu’on choisit de les accueillir en amies et non plus en ennemies… alors, petit à petit, on se familiarise avec elles, et elles nous font moins peur.

On accepte que parfois, on semble « ne plus être nous-même » : on ne se reconnaît plus. Et en effet, ce n’est pas « nous », c’est « une partie de nous » qui s’exprime alors, c’est la peur en nous. Et on peut la prendre par la main (on peut même lui donner un nom), et la raccompagner à la porte.

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Et comment on fait ça ? On commence par accueillir l’émotion en nous, sous la forme de la sensation physique – souvent désagréable – qu’elle déclenche en nous.

C’est là par exemple qu’un outil comme TIPI (Technique d’identification des peurs sensorielles inconscientes) est particulièrement intéressant. Le principe en est simple : on se connecte à la sensation en nous, pendant deux minutes. On lâche la spirale négative des pensées qui nous entraîne inéluctablement vers le bas, et on se concentre sur les sensations de notre corps.

Comment se manifeste cette sensation désagréable ? Est-ce qu’on a mal au coeur ? La poitrine compressée ? Les boyaux en vrac ? Une sensation d’étouffer ? La poitrine resserrée ? Et puis on observe, simplement, comment se déplace, se transforme, peut-être, cette sensation physique. Sans chercher à la modifier, à la faire évoluer. Simplement, on l’observe. Sans jugement, sans critique, sans pensée. Et la plupart du temps, elle va en effet d’elle-même se modifier, se déplacer… et puis disparaître, le tout en moins de deux minutes. Magique, ou presque !

Sur les émotions, leurs manifestations et leur accueil, mon livre de référence est celui de Daniel Goleman : L’Intelligence émotionnelleMais j’aime aussi beaucoup ceux de Catherine Aimelet-Périssol, qui anime par ailleurs des ateliers de « Logique émotionnelle« , très « pratico-pratiques » et souvent libres d’accès, qui permettent non seulement de comprendre avec notre tête, mais aussi de ressentir concrètement, physiquement, dans notre corps, ce dont elle parle (j’ai moi-même suivi sa série de sept ateliers il y a environ trois ans, elle semble les reprendre chaque année.)

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Et puis, de manière plus générale, j’ai découvert il y a quelques années, ce qu’on appelle la « pensée positive », ou la psychologie positive. Et vraiment, littéralement, ça a changé ma vie.

Le tout premier livre qui a bouleversé la manière que j’avais de me voir et de me vivre, et m’a permis de m’accepter « telle que je suis » (en tout cas, j’y travaille au quotidien !) est Je pense trop de Christel Petitcollin, qui est devenue ma psy. J’ai accepté que je ne fonctionnais en effet « pas comme les autres » (source de beaucoup de souffrance depuis toujours) et que ce n’était pas « dans ma tête », mais bien réel. Que j’étais hyperesthésique, comme elle dit (je « sens », vois, ressens, entends, plus de choses que la majorité des gens), hypersensitive (lire à ce sujet les magnifiques livres d’Elaine N. Aron), neuro-droitière, avec une pensée en arborescence qui par ailleurs ne s’arrête jamais de tourner (le « petit moulin », le « monkey » dans ma tête, le hamster dans sa roue…).
(Cela fait quelques années que je me demande s’il peut y avoir un rapport entre hypersensitivité, douance, neuro-droitièr·es et polyamorie. Deborah Anapol qui a écrit un paragraphe en ce sens dans Polyamory in the 21st Century semble avoir la même intuition que moi.)

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C’est encore Christel Petitcollin, qui, la première, m’a mise sur la piste de 3 Kifs par jour, écrit par Florence Servan-Schreiber, qui à son tour, m’a donné envie de lire les livres qui l’avaient inspirée, dont  L’Apprentissage de l’imperfection (un trésor ! C’est Ie livre grâce auquel j’ai écrit et réalisé mon film LUTINE ; celui grâce auquel j’ai commencé ce blog ; celui grâce auquel j’ose en ce moment-même être en train d’écrire cet article : j’ai accepté d’apprendre à être imparfaite ! Et je suis très douée pour ça !).

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Le principe de base, c’est qu’une pensée positive entraîne une pensée positive… et une pensée négative, une pensée négative. Emballée par mes lectures, mais ayant aussi découvert que le cerveau est malléable, et que pour lui apprendre à emprunter de nouveaux chemins, il faut l’éduquer progressivement, j’ai entrepris d’écrire, le 1er novembre 2014, 13 articles de pensée positive…devenus 21, que je vous invite à lire – partie pour 13, j’en ai finalement écrit 21 d’affilée, tellement j’y ai pris goût… à un moment où j’étais pourtant au fond du trou et le moral dans les chaussettes.

Tous ces outils, « trucs » que j’ai découverts, explorés, intégrés progressivement, m’aident considérablement au jour le jour, à voir « la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide ».

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Par exemple, au lieu de penser que la personne que vous aimez passe la soirée avec un.e autre et que vous êtes, pauvre malheureuxe, tout.e seul.e dans votre coin, pensez plutôt à la chance que vous avez qu’ielle partage votre vie après x temps passé ensemble, de savoir qu’ielle va revenir vers vous, et sans doute encore plus amoureuxe de vous parce que épanoui.e et libre. Pensez depuis combien de temps ielle vous a montré qu’ielle tenait à vous, jour après jour, et à tous les moments heureux que vous avez passés ensemble, et qui tissent entre vous des liens si forts.

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Et vous, comment vous en sortez-vous quand vous sentez que vos pensées vous entraînent vers le bas ? Avez-vous des « trucs », des outils ? Les partageriez-vous avec nous dans les commentaires ci-dessous ? L’espace vous est réservé.

Au plaisir de vous lire,
et à demain, avec amour, bienveillance et compassion,

Isabelle

Voyage en Polyamorie #10. 8a. Remonter à la surface

Alors voilà, c’est la crise : le ventre de la baleine, le cœur de la tempête, l’œil du cyclone, le  fond de la caverne – ou du gouffre.

On est parti.e.s confiant.e.s et plein.e.s d’espoir (bien qu’avec aussi quelques appréhensions), on a quitté les rives sécurisantes de la monogamie érigée en norme sociétale et culturelle (#2), on a vu le monde avec des yeux nouveaux (#3) et on a choisi de suivre notre petite voix intérieure qui nous disait qu’on avait envie d’essayer autre chose, de vivre autrement (#4). On s’est préparé.e, on a lu, discuté (#5) et on s’est lancé.e dans l’aventure (#6). Bien sûr, on savait qu’en naviguant sur des eaux inconnues (#7), on allait rencontrer des obstacles, aussi bien internes (faire face au monstre vert de la jalousie, qui nous renvoie à nos insécurités) qu’externes (le jugement et les a priori des autres) (#8), qu’on allait devoir travailler sur nous-mêmes… Mais on ne s’attendait pas à d’aussi grandes difficultés et au ventre de la baleine (#9).

[NB. Bien sûr, il y en a pour lesquel.le.s tout se passe plus en douceur, et tant mieux : je vous invite à lire les articles de mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui publie dans les commentaires sous chacun de mes articles, car son voyage est bien différent du mien. J’ai, moi, précisément choisi d’écrire pour les cas où c’est douloureux, et où on peut en arriver à se dire qu’on s’est trompé.e, que finalement c’était une mauvaise idée, voire qu’on souhaite renoncer au voyage.]

Une fois qu’on est parti.e, cependant, il est parfois difficile de « revenir en arrière »…  Et de toute façon, le « monde ordinaire » qu’on a choisi de quitter ne sera plus jamais le même. Sans compter bien sûr qu’en général, on n’est pas non plus tout.e seul.e dans ce voyage…
Et puis… renoncer ? Non, parfois, c’est vraiment important, on sait que c’est là qu’on veut aller, on ne croit pas / plus à la monogamie et au monde de l’hypocrisie, on a besoin de relations nouvelles, honnêtes, en conscience. On veut y arriver.

Souvent, ce qu’on découvre au fond de la caverne, c’est… soi-même. Le voyage en Polyamorie nous invite à nous regarder en face, et à décider en conscience, ce que l’on souhaite de la vie et des relations.

Et c’est là, que fort.e de cette nouvelle résolution et de ce désir profond, on accepte qu’on ne peut pas toujours tout faire tout.e seul.e et que parfois – souvent, toujours – on a besoin d’aide. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, en élevant ses enfants qu’on apprend à être parent, en faisant qu’on apprend à faire, en vivant en Polyamorie qu’on devient poly. L’amour, les relations amoureuses, ça s’apprend.

Dans les livres, dans les films, on nous raconte souvent la rencontre amoureuse, le moment où deux personnes « tombent » amoureuses. C’est l’amour des débuts, l’amour souvent passionnel, parfois fusionnel, la passion (Françoise Simpère dans  LUTINE, dit de la passion : « C‘est une pathologie de l’amour, qui heureusement se guérit, et passe  » !) C’est le éros grec des débuts. Or l’amour, l’amour durable, se construit dans la durée, précisément.
L’amour, si on reprend la définition qu’en donne Barbara Fredrickson dans Love 2.0 et qui me parle particulièrement, est un moment d’émotion positive partagée entre deux (ou plusieurs) personnes. Et le « sentiment d’amour » dans une relation (la philia grecque, l’intimité, cet amour mutuel où l’on se veut du bien, le même entre deux ami.e.s) se construit à partir de tous ces petits moments d’émotions positives partagées, jour après jour.
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L’amour, les relations, l’art des relations, c’est comme tout, ça n’est pas donné, pas inné, ça s’apprend, ça se transmet, ça se partage. Certain.e.s sont plus ou moins « doué.e.s » dès le départ, ils ont eu des débuts dans la vie plus heureux, ont connu un attachement sécure à leur(s) parent(s) ou à leur figure de référence, D’autres, nombreux/ses, ont malheureusement plutôt un attachement insécure (anxieux, évitant ou désorganisé), et pour celleux-ci, c’est plus compliqué de faire confiance, et de lâcher prise dans la relation amoureuse.

La bonne nouvelle, et ce que nous apprennent depuis peu les neuro-sciences, c’est que le cerveau est malléable, toute la vie. Qu’on peut avoir connu un attachement insécure, et évoluer vers un attachement sécure.

Et ce qui est sûr, c’est que la polyamorie nous invite à un travail sur nous-même, à regarder en face nos modes de fonctionnement et nos réactions « automatiques », qui sont parfois de fuite ou d’attaque quand on se sent – ou qu’on se croit – en danger et qu’une situation réveille en nous le souvenir (souvent inconscient, mais le corps, lui, se souvient) d’une situation antérieure douloureuse.

Parfois, la polyamorie peut en effet nous confronter à des situations où on se sent en totale panique ou angoisse, et où on n’a alors plus qu’une seule envie : que ça s’arrête.   Et la réaction que l’on nous a apprise, depuis toujours, c’est d’en accuser l’autre : si je souffre, là, c’est parce que l’autre a fait quelque chose. Sauf que non, ce n’est pas comme cela que ça marche.

C’est là, alors, qu’il faut nous armer de patience et d’indulgence, et d’abord envers nous-même. Avancer pas à pas. Avec empathie, compassion et bienveillance. Commencer par repérer, prendre conscience de nos fonctionnements. Puis dés-apprendre nos réactions automatiques, dé-construire, pour re-construire, autrement. De manière plus sécure.

Alors évidemment, il est souvent difficile de s’aventurer seul.e dans ce terrain inconnu, où l’on peut parfois être rattrapé.e par des émotions d’une violence telle que l’on en est le/la premier.e surpris.e.

Quand on est en couple, et qu’on voit l’autre être bouleversé.e par de telles émotions, ça peut être tout aussi secouant. On peut (réaction apprise) se sentir coupable, proposer soi-même de repartir en arrière.

C’est là que l’aide et le soutien d’une communauté prend toute son importance. Voir, savoir, lire, entendre… que d’autres sont passé.e.s par là avant, et qu’il est possible de s’en sortir. Possible d’avancer, de progresser, de trouver un chemin vers la lumière.

Et cette communauté peut vous donner des outils, des pistes, des lectures. Les jours prochains seront consacrés à quelques-uns de ces outils de développement personnel pour des relations plus harmonieuses avec nous-même et les autres.

Aujourd’hui, je veux vous parler de cette communauté poly, qui désormais, existe.
L’intérêt d’avoir un mot commun (polyamour ou polyamorie dans les pays francophones, polyamory dans les pays anglophones), bien que par ailleurs on parle donc aussi de relations plurielles, ou multiples, ou non-exclusives, consensuelles et éthiques, est bien de créer ce vocabulaire commun, avec ces concepts communs, et des outils.

Si vous habitez un hameau dans la campagne, vous avez malgré tout Internet (sinon ne seriez pas en train de lire ce blog). Et donc accès à toutes sortes d’informations, et de blogs, sites, forum. Vous n’êtes pas seul.e.
Si vous tapez « aimer plusieurs personnes » sur un moteur de recherche, par exemple, vous allez très vite arriver sur les livres de Françoise Simpère, qui ont aidé tant d’entre nous, et très vite sur ce nouveau mot, qu’on entend cependant de plus en plus dans les médias : polyamour.
Et alors, très vite, vous tomberez sur le site polyamour.info. Qui est une mine d’infos, précisément, et notamment pour les événements : tous les cafés, goûters, pique-niques, groupes de parole… y sont répertoriés.
Vous pouvez vous inscrire à la newsletter, et recevoir chaque mois les infos et la liste des différents événements.
Vous pouvez aller poser une question, de manière anonyme si vous le souhaitez, sur le forum.
C’est un forum, donc parfois des gens prennent l’initiative de répondre… d’une manière qui leur appartient. Mais le site est « modéré », de façon très sérieuse. Les modérateurs sont compétents, consciencieux, présents. Et communiquent entre eux.

Parallèlement au forum de polyamour.info, vous pouvez demander à rejoindre l’un des nombreux groupes sur Facebook : polyamour ou polyamour Paris, ou Poly Lyon… et tant d’autres. Là aussi, les groupes sont modérés.

NB : si, suite à l’un de vos posts, vous êtes contacté.e par quelqu’un.e en MP (message privé) qui vous dérange, n’hésitez pas à le signaler aux modérateurs ! Le groupe polyamour sur Facebook n’est pas un site de rencontres ni de drague ! Il y a d’autres espaces pour cela. C’est en étant chacun.e de nous vigilant.e et en osant dénoncer les comportements non éthiques, que l’on créera petit à petit un espace safe autour de nous.

Au-delà d’Internet, il y a donc nombre de rencontres dans la vraie vie : cafés poly (on y parle de polyamorie), goûters poly, pique-nique poly, soirées Poly Pop In à Paris une fois par trimestre, groupes de parole et de soutien.

Et la communauté est internationale ! Mon film LUTINE m’a permis de m’en rendre compte et de vivre des moments très forts avec les communautés poly locales à Rome, Lisbonne ou San Francisco. Et ce n’est pas fini. Je suis en contact avec les communautés poly à Barcelone, Milan, Vienne, New York, Montréal, Varsovie…

Réaliser que dans tous ces pays, où l’on parle des langues si différentes, ce sont les mêmes outils que les gens ont développés pour apprendre à vivre en Polyamorie… est très émouvant.

Si vous choisissez de vous engager en Polyamorie… ne restez pas seul.e. Rencontrez d’autres gens qui, comme vous, ont fait ce même choix et ont peut-être défriché quelques chemins embourbés avant vous : ils auront des « trucs » à vous transmettre, soyez-en sûr.e. Et ielles seront heureux.ses de partager avec vous. Car eux/elles-mêmes auparavant ont été aidé.e.s par d’autres. L’information circule, libre, gratuite, désintéressée. Et rien que pour ça, déjà, ça fait chaud au cœur d’intégrer une communauté poly, de gens a priori bienveillants, tolérants, ouverts, accueillants.

Et vous, où en êtes-vous ? Êtes-vous déjà en contact avec d’autres « poly » ? Avez-vous connaissance d’événements près de chez vous ? S’il n’en existe pas… vous pouvez les créer, et créer autour de vous la communauté dont vous avez envie et besoin. Sans doute d’autres autour de vous n’attendent que ça et seront ravi.e.s de vous rejoindre. Au plaisir de lire vos témoignages dans les commentaires ci-dessous : l’espace vous y est réservé.

À demain pour de nouvelles aventures en Polyamorie,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #9. 7. Le Ventre de la baleine

Le « Ventre de la baleine » (cf Pinocchio !), c’est une image qu’utilise James Campbell dans son Héros aux 1000 visages pour parler de « the inmost cave » : la grotte, la caverne, au fond de laquelle le héros s’affronte au dragon. Sauf que comme j’ai depuis le début de ce voyage opté pour une métaphore de la pleine mer, loin des terres rassurantes de la monogamie (#2), l’image de la grotte paraissait plus compliquée à utiliser.

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Cette fameuse grotte, c’est celle à propos de laquelle je fais dire à mon personnage dans LUTINE ce que j’ai moi-même compris, grâce au Parcours de l’héroïne – ou la Féminité retrouvée de Maureen Murdoch, de la différence entre le voyage du héros et celui de l’héroïne (les polarités masculine et féminine s’entendant comme nos animus / anima : la part masculine en nous, la part féminine en nous – celle tournée plus vers l’extérieur et la conquête de nouveaux territoires d’un côté ; celle tournée plus vers l’intérieur, et la connaissance de notre inconscient, de l’autre) :

« Ce que je comprends de la différence entre le héros et l’héroïne, c’est que le héros part à l’horizontale pour combattre le dragon au fond de sa caverne. Et l’héroïne, elle, descend dans les profondeurs de la terre, dans ses entrailles, à la recherche de la Grande Déesse, la Déesse des origines, la Déesse de la créativité. Comme ça, elle peut remonter en étant réconciliée avec elle-même – et sa féminité.« 

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[Évidemment, le film étant une comédie, et mon propos étant de me moquer de mon propre personnage qui est loin d’avoir un comportement éthique exemplaire, c’est dit et joué de façon à ce qu’on se moque un peu d’elle.
D’où la réponse que lui fait la comédienne à qui elle tente d’expliquer pourquoi elle ne pourra pas « la couper au montage cette fois-ci« , d’un air un peu inquiet pour elle :  « Ben écoute, du moment que tu sais où tu vas » (ce qui est loin de sembler être le cas…)]

Le voyage en Polyamorie nous invite à descendre en nous-même, à la recherche de qui on est vraiment, au fond, quand on enlève le masque social, quand on enlève les barrières qu’on s’est construites pour se protéger de nos émotions trop violentes, qui peut-être, quand on était enfant, n’avaient pas l’écoute dont on aurait eu besoin pour pouvoir les considérer comme nos alliées, et non nos ennemies (Arrête de pleurer, tu m’énerves ! Oh ça va, c’est pas si grave, non plus ! Je vais t’en coller une, tu comprendras pourquoi tu pleures ! Quand on est un garçon, on ne pleure pas ! Il faut souffrir pour être belle ! Pourquoi tu veux pas faire un bisou à la dame ? Tu es vilain.e ! Dans notre famille, on sait se tenir. Reprends-toi, tu es ridicule. )

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On a décidé de partir en voyage, donc. On a quitté les rives sécurisantes, normées, formatées, de la monogamie imposée par les codes de la société et de la culture (#2),  on a ouvert les yeux sur l’hypocrisie générale de la société et des relations entre les gens (ah, les plaisirs compliqués d’une communication indirecte au lieu d’une communication directe), on a constaté autour de nous que la monogamie était un idéal, que la plupart d’entre nous ne parvenaient pas à atteindre, tout en se sentant coupables, ou indignes (puisqu’on croit que les autres, eux, y parviennent, puisqu’ils mentent tous…) (#3) et on a accepté de se connecter à  notre petite voix intérieure, à notre désir profond de vivre autrement, malgré nos peurs (#4).
Alors on s’est préparé.e (#5) et on s’est lancé.e dans l’aventure (#6). Seul.e, ou bien déjà en relation avec quelqu’un.e. On a créé une relation sur des bases nouvelles, en parlant ouvertement et sans tabous de non-monogamie… ou bien alors, on a remis en cause les clauses d’un contrat préexistant, et on en a rediscuté.

On est convaincu.e que la polyamorie est ce qui nous convient. La polyamorie est féministe, fondamentalement féministe, parce qu’égalitaire. Parce que, comme le dit Meta dans LUTINE : « On ne prend pas des libertés qu’on n’accorderait pas à l’autre. »

On assume de faire ce voyage ensemble avec un idéal de communication, de franchise, d’honnêteté, d’accueil de nos émotions. On tâtonne, on essaie, on fait un pas, on recule, on repart, un autre pas, un pas de côté, deux pas en avant, trois pas en arrière. Petit à petit, en faisant attention à soi et à l’autre. En écoutant nos émotions, nos sensations, en apprivoisant nos peurs, une par une. (#7) On rencontre des obstacles, on se cogne à nos doutes, nos insécurités, ça tangue, on a parfois le mal de mer, mais on garde le cap (#8).

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Super ! C’est super, ça, ça donne carrément envie ! Sauf que ça, c’est… la théorie. Et qu’en pratique, c’est euh… comment dire ? Moins… lisse.
Parce que comme le dit mon personnage dans LUTINE : « La théorie, c’est une chose. Les émotions, c’est… plus compliqué à gérer. » 

Le ventre de la baleine, en termes dramaturgiques, c’est l’œil du cyclone, le cœur de la tempête. C’est le moment où le héros – ou l’héroïne – se confronte à soi-même et à ses plus grandes peurs (le dragon). C’est le moment où ielle affronte sa mort symbolique.

Dans la vraie vie, c’est le moment où on se dit qu’on n’y arrive pas, qu’on n’y arrivera jamais, que c’est trop dur, qu’on souffre trop. C’est le moment où on a peur de perdre l’autre, où on croit devenir dingue quand ielle passe la soirée dans les bras d’un.e autre. C’est le moment où on a mal partout, la boule au ventre, la gorge nouée, le dos bloqué (je sais de quoi je parle…).

C’est le moment où on se voit agir comme un monstre ou une sorcière, où on crie, on pleure, on est en colère, on en veut à l’autre parce qu’ielle est rentré.e avec un quart de retard sur l’horaire annoncé et qu’on a eu le temps de se dire : Ça y est, je le savais, ielle est tellement bien avec lui/elle, qu’ielle préfère déborder sur le cadre prévu, au risque que je fasse une crise. Je ne compte plus, je compte moins.

Ou alors, si votre mode d’expression de vos émotions, c’est au contraire de ne pas les exprimer, de les rentrer, de les refouler, de refuser de les voir en face, c’est le moment où vous vous cachez sous votre carapace, le moment où plus rien ne semble vous toucher, où vous êtes planqué.e derrière un masque de façade, et où en réalité, vous êtes enfermé.e en vous-même, et où l’autre ne sait plus comment vous atteindre.

C’est le moment où vos émotions ont pris le contrôle  et vous ne comprenez même plus ce qui vous arrive. Le moment où le cerveau du bas s’est déconnecté de votre cerveau du haut (vous avez vu Inside Out (Vice Versa en français) ? Si non, achetez le DVD !) et où ils ne communiquent plus. Les mots que vous vous entendez dire ne viennent plus de votre cerveau rationnel, mais sont dictés par vos émotions primaires qui sont aux commandes.

Ce sont tous ces moments où on se met en ranking, pour reprendre les mots de Elaine N. Aron dans The Undervalued Self : quand on se compare à l’autre. Quand on bascule en mode « je bats en retraite, je rentre en moi-même, je ne suis qu’un.e nul.le« , comme un animal qui, après avoir subi une défaite, se soumet, pour ne pas risquer sa vie s’il continuait à se battre.
Or (phrase à réciter comme un mantra) : toute comparaison est toxique, toujours.

On est au plus bas, on est au plus mal. On se confronte à ses plus grandes peurs. On a l’impression qu’on va y laisser sa peau, que notre relation ne s’en remettra jamais. C’est le moment où on dit : « J’ai joué, j’ai perdu. » On regrette, on n’aurait jamais dû, on veut revenir en arrière. Mais parfois, l’autre n’est pas d’accord. Parce qu’il y a maintenant une troisième personne concernée, il y a des sentiments nouveaux, des désirs nouveaux.
Alors on lâche prise.  On s’avoue vaincu.e. C’est fini.

Le ventre de la baleine, c’est symboliquement la rencontre avec la Déesse des origines, à la fois la Déesse de la Créativité, mais aussi celle de la Destruction.

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C’est aussi en général le moment que choisit votre entourage pour vous faire remarquer que « Évidemment, à quoi t’attendais-tu d’autre ? C’est foireux depuis le départ, votre truc ! »
Quand ce n’est pas votre psy, à qui vous demandez de l’aide, qui se fait le porte-parole de la société et de la culture : revoilà le « Vous êtes immature, infantile », que nous a raconté mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui a entrepris le voyage avec moi.
[Si vous n’avez pas lu ses articles, jour après jour, sous les miens, foncez-y : c’est passionnant, d’autant plus que son parcours de vie est bien différent du mien, et qu’elle nous raconte une histoire et un voyage qui n’ont absolument rien à voir avec ceux que je vous propose ici, vous invitant d’autant plus, me semble-t-il, à trouver votre propre voie, votre propre voix.
Plus nous serons à nous raconter, plus ça pourra aider les autres, celles et ceux qui en sont encore au tout début du voyage… ou bien précisément celles et ceux qui en sont ici-même, au cœur de la tempête, des doutes et des regrets.]

C’est le moment où, comme le dit mon personnage dans LUTINE« Le gouffre, le fond du gouffre, je vois assez bien. Mais comment je remonte, moi ?« 

Réponse, ou ébauche de réponse… demain !

Et vous, est-ce que ça vous est déjà arrivé, de croire que vous alliez y rester ? Que tout était fini, que vous avez joué aux apprenti.e.s sorcier.e.s et que la vie s’est bien jouée de vous et vous a « puni.e » (encore une de ces satanées petites voix de votre enfance et de votre parent intérieur normatif).
Vous les entendez, toutes ces petites voix qui vous assaillent, qui vous harcèlent ? Qui vous jugent, qui vous condamnent ? Comment les accueillez-vous ? Est-ce que vous savez distinguer parmi elles, votre « petite voix intérieure », celle de votre pulsion de vie intérieur, de votre élan vital ?

Au plaisir de vous lire dans les commentaires ci-dessous, dont l’espace vous est réservé.
Et à demain, avec amour et bienveillance.
Isabelle

Voyage en Polyamorie #5. 4. Préparation

4ème étape de ce voyage en polyamorie, on n’en est encore qu’au tout début – prise de conscience qu’on vit dans un monde qui semble marcher la tête à l’envers, où les gens qui prétendent s’aimer se font des reproches, se jugent, se blessent les uns les autres ; un monde et une société où, comme l’écrit Miguel Ruiz dans Les Quatre Accords toltèques, les gens sont guidés par la peur plutôt que par l’amour… et où la peur des un.e.s alimente la peur des autres ; un monde où règne la « guerre des sexes », où on essaie de nous faire croire que « les hommes sont comme-ci, les femmes comme ça » et qu’on ne pourra jamais s’entendre ; un monde où on nous dresse les un.e.s contre les autres, les prétendus prédateurs contre les prétendues proies, les bourreaux contre les victimes (allez donc voir Zootopie : quel film merveilleux, pour petit.e.s et grand.e.s) ; un monde de pénurie (Vous n’avez droit qu’à un.e seule partenaire, et ça, pour le plus longtemps possible : alors choisissez bien !) plutôt que d’abondance (Nous sommes des milliards sur terre : c’est sûr qu’il y en a beaucoup parmi ceux/celles-ci avec lesquel.le.s vous pouvez avoir envie de faire un bout de chemin) ; un monde où nous dit que « il faut souffrir pour être belle » (hein ?), que « qui aime bien châtie bien » (quoi ?) et que « on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois » (ah bon ?) ; un monde où on mesure la réussite d’une relation à sa durée et non au bonheur qu’elle nous procure jour après jour…

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Et puis un jour, cette petite flamme de vie tout au fond de nous qui nous souffle que « c’est sûr, il y a nécessairement une autre manière de vivre et d’être en relations les un.e.s avec les autres« . Sauf que, aller à l’encontre de tout ce qu’on nous a toujours appris et asséné depuis qu’on est tout.e petit.e… demande du courage, de la force, de l’énergie et une sacrée dose de confiance en soi.

Alors peut-être plutôt qu’aller « contre » et se définir en négatif, on peut choisir d’aller « avec », dans le sens de ce qu’on sent, nous, au fond de nous.

Le changement commence par moi-même. Si je me change, moi, et que les autres me voient heureux.se ainsi… peut-être qu’ielles se poseront des questions à leur tour et auront envie de changer aussi… – ou pas : ça leur appartient, et ielles sont libres.
Moi aussi.

« Je ne sais pas où je vais… mais j’y vais. »

Alors c’est décidé, on se lance, on veut vivre autrement, libre. Ce qui ne veut pas dire seul.e, mais en relations avec d’autres personnes qui, comme nous, auront fait ce choix de vivre selon leur cœur, en suivant leur intuition, et non les injonctions de ces milliers de petites voix à l’intérieur de leur tête, héritées de nos ancêtres, de nos pairs, de nos peurs ; d’autres personnes qui respecteront nos choix, nous accepteront tel.le.s que nous sommes, sans essayer de nous changer ; d’autres personnes avec lesquelles on pourra être nous-même, et de plus en plus nous-même.

On a décidé de s’embarquer dans ce voyage vers l’inconnu, mais – restons raisonnable – pas n’importe comment, quand même. Alors on se prépare. On se documente, on fait des recherches sur Internet, on lit, on participe à des forum, on visionne des films. D’autres l’ont fait avant nous, d’autres vivent déjà différemment, et si d’autres l’ont fait, et ont l’air heureux.ses ainsi, alors pourquoi pas nous ?

En termes de dramaturgie, cette étape que j’appelle « La Préparation au voyage » correspond dans The Writer’s Journey, à la rencontre avec un « mentor » ou un guide.

Pour moi, c’est quand, après m’être conformée pendant des années à la norme de la monogamie (#2) et en avoir payé le prix (#3), quand soudain après « l’incident déclencheur » qu’a représenté ma séparation d’avec le père de mes enfants (#4), j’ai ouvert les yeux et me suis sentie renaître à 40 ans (ça, c’est pour donner de l’espoir aux plus jeunes !), un de mes proches amis m’a parlé pour la première fois de ce que lui appelait « polyamour » : m’ouvrant alors la porte sur tout un autre monde possible.

[Rappelons que plutôt que « polyamour », je préfère moi, parler de « polyamorie« , « amours plurielles », lutinage ou bien encore « relations non-exclusives consensuelles et éthiques » tandis que mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, propose, d’après Brigitte Vasallo, universitaire espagnole : « relations non-monogames inclusives » ; et des Américains : CNM pour Consensual Non Monogamy. Ouf !

La réalité est que dès qu’on sort du cadre normé pré-établi – et implicite par défaut – de la monogamie et des relations exclusives (si j’ai une relation avec toi, je renonce à toutes les autres), on n’a rien dit d’autre que : puisqu’il n’y a plus ce cadre implicite, à nous de définir le cadre explicite qui nous convient.]

Pour moi, c’est donc cet ami qui venait lui-même de découvrir le mot et le concept grâce à une amie américaine, qui m’a donné à lire mes premiers livres sur le sujet : ceux, en français, de Françoise Simpère (qui m’a la joie et l’honneur de témoigner dans mon film) : Aimer plusieurs hommes et Le Guide des Amours plurielles ; et celui qui a servi de référence en anglais pendant des années avant d’être enfin traduit en français il y a deux ans : The Ethical Slut (La Salope éthique).

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J’en ai ensuite découvert quelques autres, dont ceux de Yves-Alexandre Thalmann, que je trouve très accessibles pour une première approche (et plus courts que The Ethical Slut) : Vertus du polyamour et Les 10 plus gros mensonges sur l’amour et la vie de couple.
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Ensuite, j’en ai dévoré un paquet, et s’il y a parmi vous que ça intéresse, je pourrais vous en parler plus précisément. Si aujourd’hui, je ne devais en retenir que deux… allez, disons trois, ce serait More Than Two (très pratique et concret, plein d’histoires et d’erreurs à ne pas commettre), Opening Love (sur un aspect plus spirituel) et Sex At Dawn (qui démonte un par un les mythes sur lesquels sont construites les injonctions à la monogamie qui prévalent dans nos sociétés).

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Vous trouverez aussi sur le site de LUTINE des liens vers des documentaires ou des reportages qui ont été réalisés il y a quelques années.

Il y a désormais aussi de nombreux sites, blogs et forum sur Internet, à commencer par l’incontournable polyamour.info, mais aussi amours.pl et polyamour.be en Belgique, et puis les groupes Facebook.

Vous trouverez dans de très nombreuses villes (Paris, mais aussi Lyon, Toulouse, Strasbourg…) des « cafés poly« , conçus sur le modèle des « café philo », où l’on discute des relations plurielles, mais aussi maintenant souvent des goûters, et l’été des pique-niques, et depuis peu, des groupes de parole et de soutien (toutes infos sur l’onglet « événements » de polyamour.info).

Enfin, un endroit où rencontrer d’autres gens qui, comme vous, ont envie de vivre autrement, et avec la sécurité de l’anonymat, est le site de rencontres sur Internet okcupid.com (« cupid » signifiant en anglais « Cupidon », le dieu de l’amour, et non l’avarice !).

[Okcupid mériterait que j’y consacre un article entier : je me contenterai aujourd’hui de glisser quelques notes pratiques dans les commentaires. Juste en quelques mots : le site est gratuit, il offre la possibilité d’indiquer si on souhaite des relations monogames ou non, on peut y indiquer « open relationship » et même lier son compte à celui de son/sa partenaire ; et les pourcentages de « matches » (pour lesquels on détermine soi-même l’algorithme, en fonction de ce qui – pour vous – est important, très important ou pas important) marchent : répondez à au moins 100 ou 200 questions (pour que ça ait un minimum de valeur) et… amusez-vous ! ]

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C’est petit à petit, au fur et à mesure de mes lectures, de mes rencontres, de mes discussions, en me cherchant, en me confrontant à mes doutes, mes ambivalences, mes peurs, mais aussi aux autres, aux doutes, ambivalences et peurs des autres… que je me suis rapprochée de moi-même, de qui je suis vraiment, au fond, que j’ai pu mieux définir ce que j’attendais de la vie et d’une relation.

Si au début, on ne sait pas toujours ce qu’on veut, parce que tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne sait pas toujours que ça existe, ou que c’est possible… en tout cas, on sait ce dont on ne veut plus : trop de compromis, concessions, sacrifices, au prix de soi-même, de son bien-être et de son libre-arbitre.

À nouveau, quoiqu’on fasse, on ne peut pas et on ne pourra pas changer les autres. On ne peut que se changer soi-même.
Si on prend envers soi-même l’engagement de s’aimer, de se respecter, d’assumer ses responsabilités, d’être honnête… alors on rencontrera des gens qui auront le même respect envers eux-mêmes et envers la relation qu’on pourra nouer ensemble.

Et vous, où en êtes-vous de votre préparation ? De vos réflexions ? Vous sentez-vous prêt.e à sauter le pas ? Car on embarque… demain !

Au plaisir de vous lire dans les commentaires : l’espace ci-dessous vous est réservé !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #4. 3. L’Éveil à moi-même

Pour celles et ceux qui prendraient le train en marche, nous voici arrivé.e.s à la 3ème étape de ce Voyage en Polyamorie que je me suis engagée à écrire en 21 jours d’articles d’affilée.
Après l’exploration du monde ordinaire de la monogamie érigée en norme (#2), un jour, il arrive (après un accident, une maladie, une séparation, ou bien… une rencontre) qu’on voit le monde différemment, tel qu’il est, et non plus tel qu’on a voulu nous faire croire qu’il était – c’est ce que j’ai appelé « la Désillusion » (#3).

J’aurais aussi pu choisir d’adopter les étapes proposées par Kim Hudson dans  The Virgin’s Promise – je ne crois pas que je me ferais jamais à ce titre, mais le bouquin est top, décrivant les étapes du voyage de l’héroïne (la part féminine en nous), plus tourné vers l’intérieur que celui du héros (le fameux côté du héros qui « part avec son épée chasser un dragon au fond de sa caverne » avec lequel j’ai toujours eu un peu de mal à m’identifier !).

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Elle appelle l’étape #1 du « monde ordinaire » : The Dependant World (le monde de la dépendance). On est en couple, ou on aspire à être en couple, ou on se demande pourquoi on « n’arrive pas » à être en couple  : on se conforme souvent malgré tout à ce que la société, nos parents, la culture, attendent de nous. C’est confortable, rassurant, sécurisant… mais on en est en partie dépendant.e. Parce que si on cherche à y échapper, l’amour, la reconnaissance, l’appartenance au groupe y étant conditionnels… on sait qu’on risque gros. Autrement dit, on n’est pas libre.

Son étape #2 est alors « le prix de la conformité » (The Conformity Price) : celui que payent au prix fort les gens qui enchaînent les couples (théoriquement) monogames, en se disant que « Si ce couple n’a pas marché, c’est parce que ce n’était pas le/la bon.ne », mais sans jamais se remettre en cause eux-mêmes, ou se poser de vraies questions.
Celui que sont prêt.e.s à payer celles et ceux qui trompent leur conjoint.e, parce que leur désir intérieur est trop fort, trahissant ainsi le contrat d’exclusivité qu’ielles ont passé, sans pour autant vouloir prendre le risque de remettre en cause leur « monde de dépendance », parce qu’ielles y trouvent leur compte, d’une manière ou d’une autre : ils trichent, mentent, vivent à deux vitesses. Combien de temps peut-vivre en se cachant derrière un masque ?
Le prix de la conformité est aussi celui de ces personnes qui s’ennuient dans leur couple, qui y sont frustré.e.s, voire qui y sont malheureux.ses et s’y sont résignées (j’ai connu).

C’est alors qu’on arrive à l’étape #3 : le réveil (ou l’éveil) de la conscience. Le retour à soi. Le moment où l’on se (re)connecte enfin à soi, à son vrai soi. Où on prend conscience de cette petite voix intérieure qui vous dit que : « Il doit bien y avoir autre chose au dehors, quelque chose en plus. » Que « ça n’est juste pas possible de continuer comme ça » que « si vous ne faites rien, vous allez vous flétrir à l’intérieur. »

J’ai souvent dit que pendant des années, j’avais l’impression d’être « morte à l’intérieur » : je n’étais plus moi-même. Je gérais le quotidien, je vivais en pilote automatique, mais je n’avais plus de désirs, plus d’envies ; plus de vision de moi à long terme, plus de projet de vie, plus de petite flamme intérieure.

Ce n’est que lorsque je suis sortie de cette longue hibernation intérieure… que j’en ai pris conscience. Quand on est dans le noir, on finit par s’habituer, et on oublie qu’à l’extérieur, le soleil brille. Quand je suis revenue à moi-même… que j’ai (re)découvert la force, la brillance, l’énergie de la vie en moi et à l’extérieur de moi… quel bonheur, quel soulagement. Et en même temps, au début on est ébloui.e, cela prend du temps de se réhabituer à la lumière, de refaire confiance à sa petite flamme intérieure, de se laisser guider par la voix de son désir, de son intuition.

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J’en connais certain.e.s qui, une fois sorti.e.s de la boîte – pour ne pas dire « cage » – dans laquelle ielles étaient enfermé.e.s depuis toujours, parce qu’ielles s’étaient toujours conformé.e.s à ce que leurs parents et la société, puis leur époux.se, patron, enfants attendaient d’eux/elles… ne savent pas dans quelle direction avancer. Ielles ont toujours habité leur boîte/cage, ielles ne se sont jamais posé la question de leur désir propre : de quoi ont-ielles envie eux/elles ? Qu’est-ce qui les fait vibrer ? Qu’est-ce qui réveille à l’intérieur leur petite flamme ?

Quand on a été tenu.e prisonnier.e toute sa vie des désirs des autres, quand on a toute sa vie chercher à les anticiper, pour leur faire plaisir, être accepté.e, éviter la réprimande, les gros yeux, le déshonneur, la peur de ne pas être à la hauteur des attentes… comment savoir ce qui vous convient ? Comment ne pas paniquer à l’idée de décider pour sa propre vie ? Va-t-on partir à gauche ? Ou bien à droite ? Ou bien encore ce tout petit chemin broussailleux qui semble nous appeler, nous. Mais… et si nous ne rencontrions personne sur ce chemin, si nous nous retrouvions tout.e seul.e, si nous étions exclu.e de la société des gens « bien » puisqu’on a décidé de « vivre sa vie » et que soudain ils risquent de nous rejeter ?

On commence à se poser des questions qu’on ne s’était jamais posé avant : qui je suis MOI ? Qu’est-ce que je veux, MOI ? Qu’est-ce qui me rend heureux.se ? Est-ce que cette relation-là me permet de me sentir moi-même, ou est-ce que je me sens entravé.e dans mes mouvements ? Est-ce que je sens que je suis libre de quitter cette relation à tout moment, et que la personne ne me retiendra pas par des mesures de rétorsion, de la culpabilisation, des mots méchants ?

On commence à s’interroger sur ce qu’est l’amour, l’amour vrai, l’amour véritable. On nous a fait croire que l’amour, c’était appartenir à quelqu’un, renoncer à sa liberté. Mais l’amour, le vrai amour, ne nous maintient pas en cage.

On lit Le Conte chaud et doux des Chaudoudoux : quelle merveille ! Où on comprend physiquement la différence entre les chaudoudoux, qui sont en nombre infini et font chaud et doux quand on en reçoit, et les « froids-piquants », que les gens préfèrent s’échanger quand ils ont peur de manquer de chaudoudoux (parce que sans chaudoudoux, on meurt), mais qui, quand on les prend dans ses mains, font tout froid et piquent.

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On comprend qu’on ne peut jamais changer les autres. Que si on veut changer notre monde, c’est à nous de travailler sur nous-mêmes, à nous de changer.
Le changement… commence par moi-même.
Alors… on se prépare au changement : ça sera l’enjeu de l’article de demain.

Et vous ? Êtes-vous connecté.e à votre petite voix intérieure, faites-vous confiance à votre intuition, ou bien vous sentez-vous parfois envahi.e par toutes ces voix normatives (de vos parents, de vos professeurs, de vos ami.e.s), qui vous disent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, qui veulent vous faire croire qu’elles savent mieux que vous ce qui est bon pour vous ?

Vous aussi, racontez-nous votre voyage intérieur vers vous vous-même, vers plus de vous-même. Où en êtes-vous ? L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : hâte de vous y lire.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

Voyage en Polyamorie #3. 2. Désillusion

3ème jour de mon voyage en Polyamorie, étape n°2, et déjà je ne suis plus seule, certain.e.s d’entre vous m’ont en effet choisi de m’emboîter le pas et ont commencé à écrire leur propre carnet de voyage. Chouette ! Mon cœur se remplit de joie et de gratitude ! Nous sommes en effet des animaux sociaux et réfléchir à des relations éthiques et en conscience n’a de sens que dans le cadre de relations, précisément : nous sommes tous interconnecté.e.s et interdépendant.e.s.

Hier, j’ai évoqué la première étape de ce qui constitue le parcours d’un héros ou d’une héroïne, au sens archétypal du terme. Chacun.e de nous est le héros ou l’héroïne de sa propre histoire : c’est nous qui écrivons le récit de notre vie, qui nous inscrivons dans une histoire transgénérationnelle, qui transmettons à nos enfants (et/ou à nos ami.e.s ou lecteurs/trices) l’histoire que nous nous racontons sur nous-mêmes. Écrire une fiction ne consiste ni plus ni moins qu’à vouloir organiser, ordonner, donner du sens, là où la vraie vie en a rarement.

Tout récit commence par : « Il était une fois… » et nous présente le « monde ordinaire » du héros ou de l’héroïne. Jusqu’au jour où…
C’est ce « jusqu’au jour où… » qu’on appelle en dramaturgie un « incident déclencheur« .

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En effet, un jour, on voit. On voit le monde ordinaire tel qu’il est vraiment. On réalise que le mythe du prince – ou de la princesse – charmant.e est un mythe, précisément. Que si soi-même, on se sent à l’étroit dans son couple, ou bien qu’on en est sorti.e, qu’on n’a pas envie de s’engager ou se ré-engager dans une relation exclusive (qui exclurait, de fait, les autres), ce n’est pas nécessairement parce qu’on a soi-même un problème alors que les autres semblent « y arriver » très bien (Qu’est-ce qui ne va pas avec moi ? C’est moi qui ne suis pas aimable, moi qui ai un problème), mais peut-être bien que l’ensemble de notre société repose sur un idéal – celui de la monogamie (Je renonce à tous/tes les autres pour toi, en échange du fait que toi aussi, tu renonces pour moi à tous/tes les autres) – en réalité inatteignable pour la plupart d’entre nous.

C’est quand je me suis séparée du père de mes enfants, quand je me suis autorisée à choisir la vie en moi, qu’un ami proche a pour la première fois devant moi prononcé le  mot : « polyamour ».

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[Ouvrons une parenthèse : je n’aime pas ce mot de « polyamour ». En anglais, le mot qui a été créé dans les années 90 pour décrire ces relations intimes (amoureuses ou non, sexuelles ou non) non-exclusives consensuelles et éthiques, qui allaient « plus loin » que le libertinage dans l’ouverture d’un couple (le libertinage étant traditionnellement associé à des relations avant tout sexuelles, alors que là, des sentiments sont possibles, et une relation poly peut être asexuelle), mais qui pouvait aussi se rapporter à des relations intimes hors de cette référence normative au couple (c’est en ce sens qu’une intervenante dans LUTINE dit que la polyamour « déconstruit l’idée même de couple »), le mot qui a été créé, donc, est polyamory.

« Polyamory » est un parfait barbarisme, un mélange contre nature entre du grec (poly) et du latin (amor). Certes, il y a cette racine « amor », n’empêche que : ce n’est pas « poly-love ». Et tous/tes les Américain.e.s n’ayant pas étudié le latin à l’école, quand on leur parle de polyamory, sont obligé.e.s de se poser la question : de quoi parle-t-on ?
Les francophones, eux/elles, quand on leur dit « polyamour », croient immédiatement comprendre qu’il s’agit d’être amoureux.se de plusieurs personnes. Et que par exemple, quelqu’un.e qui serait amoureux de son amant.e serait poly. Eh bien, non !
Si on utilisait « polyamorie » (comme les Allemands utilisent « die Polyamorie » – et non « die Polyliebe »), les francophones seraient obligé.e.s de se poser cette même question : de quoi parle-t-on ?

L’éditeur français de La Salope éthique (The Ethical Slut), la « bible » des poly (jusqu’à ce que paraisse il y a un an More Than Two) était parti pour « polyamorie » et s’est conformé au dernier moment à ce qui pratiquait déjà en France – notamment à polyamour.info – me promettant que si « polyamorie » se démocratisait, il changerait la 2ème édition ! Dossie Easton, l’une des deux auteures de The Ethical Slut que j’ai eu le privilège de rencontrer à San Francisco quand j’y ai présenté LUTINE, était furieuse quand je le lui ai raconté : elle aussi, milite pour « polyamorie ».

Outre « polyamorie » et « polyamour », un des mots que l’on utilise en français pour désigner des relations plurielles éthiques est « lutinage « , créé par Françoise Simpère dans son Guide des Amours plurielles : c‘est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi d’appeler mon film LUTINE – en plus du côté « mutin, coquin, malin » qui collait bien à la comédie et au personnage qui tire les ficelles de manière facétieuse (et pas toujours très éthique). C’est un mot que je trouve à la fois ludique et joyeux, il éveille la curiosité, tout en renvoyant phonétiquement à « butinage » et à « libertinage »).
Parenthèse refermée.]

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Mon ami, donc, m’a pour la première fois parlé de ce concept de polyamour / polyamorie / lutinage : la possibilité de vivre des relations non-exclusives consensuelles et éthiques. C’était soudain comme un voile qui se levait et me permettait d’entrevoir derrière tout un monde nouveau. Un monde où chacun.e pourrait être soi-même, où on n’aurait plus besoin de porter un masque ou de faire semblant de se conformer à cette norme normative, un monde où on pourrait être honnête, envers soi-même et les autres. Ne pas mentir, ne pas tricher. Vivre au grand jour. Sans hypocrisie.

Parce que dans le même temps, je découvrais le monde et la réalité d’un certain nombre de personnes adultères. Ces hommes et ces femmes qui aimaient leur conjoint.e et ne souhaitaient en rien la/le quitter, mais qui, sur un chemin parallèle, dans une autre vie que celle que connaissaient d’eux/elles non seulement leur conjoint.e mais aussi souvent leurs ami.e.s proches (et bien sûr leurs enfants), vivaient des amours (ou simples « relations sexuelles ») clandestines.

Bien sûr, j’avais toujours su que ça existait. Mais je croyais, comme le dit une intervenante de LUTINE, que « quand on trompait son conjoint, c’est qu’on ne l’aimait plus », que c’était un signe que la relation était fragile ou malade.
Or je découvrais des hommes qui aimaient leur partenaire de vie – souvent la mère de leurs enfants – et n’avaient jamais envisagé ne serait-ce qu’une seconde, de la quitter : ils l’aimaient elle, mais aussi leur vie avec elle, leur vie sociale, leur vie quotidienne. Ils l’aimaient, quoi, vraiment. Après parfois 12 ans, 15, ou 25 ans de vie commune.

Pourquoi la trompaient-ils alors ? Et comment pouvaient-ils cacher à la femme qu’ils aimaient et avec laquelle ils partageaient leur vie une part si importante d’eux-mêmes, de qui ils étaient, de leurs désirs, de leurs doutes, de leurs émotions ? (Je parle ici d’hommes, mais tout ceci est aussi bien sûr vrai pour les femmes). Ils ne lui en parlaient pas… parce qu’ils avaient peur de la violence de ses réactions, de ses jugements, d’être confrontés à sa souffrance, s’ils lui en parlaient. Ils avaient aussi peur de la perdre, tout simplement. Comme le dit Miguel Ruiz dans La Maîtrise de l’amour, ils vivaient non dans l’amour, mais dans la peur.

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Parce que ces histoires de vie m’ont touchée quand je les ai découvertes, et que je suis tombée de haut par rapport à tout ce que je croyais, je choisis d’en partager quelques-unes avec vous.

J. trompait sa femme depuis 12 ans, après 15 ans de mariage. C’était organisé, systématique, assumé. Il lui est arrivé de tomber amoureux de certaines de ses amantes, il a même songé une fois à quitter sa femme. Il a essayé de lui en parler, ils ont suivi une thérapie de couple. Il en est ressorti que si lui était frustré sexuellement dans leur relation, elle pas. Il a alors eu le choix, puisqu’elle ne voulait pas entendre parler « d’ouvrir leur couple » : la quitter, pour ne plus lui mentir, ou continuer à la tromper. Il a continué à la tromper. Et est toujours très heureux avec elle six ans plus tard.

G. n’avait jamais trompé sa femme en 15 ans de mariage, mais lui aussi était frustré sexuellement et sentait qu’il devait / pouvait y avoir « autre chose ». Au fur et à mesure qu’il s’ouvrait à d’autres expériences, il a pris conscience que sa frustration sexuelle en cachait d’autres au sein de son couple… jusqu’à ce que sa femme, ayant découvert le pot-aux-roses, lui demande de choisir. Il a choisi sa liberté.

A. a trompé sa femme et lui aussi a été découvert. Lui aussi l’a quittée… mais il l’a regretté : il est retourné auprès de sa femme, qui a accepté d’entreprendre avec lui une thérapie de couple. Voilà six ans qu’ils sont à nouveau ensemble – et heureux.

R. n’avait jamais, prétendait-il, trompé sa femme en 25 ans, et quand il avait découvert qu’elle-même l’avait trompé, c’est tout son monde qui s’était écroulé.  Il l’avait trompée à son tour, pour « se reconstruire ». Mais parmi leur bande d’ami.e.s depuis 25 ans, personne n’était au courant, car il avait peur qu’ils ne soient, l’un.e ou l’autre, (mal) jugé.e. Résultat : ils passaient aux yeux de leurs ami.e.s pour un couple modèle et sans histoires. Et si ça se trouve, toutes et tous autour d’eux vivaient dans la même hypocrisie d’un masque social « cache-misère ».

Figure falling down red spiralC’est cette hypocrisie généralisée qui m’a frappée soudain. Si tout le monde fait semblant, triche, ment, parce qu’ielle croit qu’ielle est le/la seul.e à vivre ces difficultés au sein de son couple ou à ressentir des tentations extérieures… alors chacun.e se sent mal et le/la seul.e coupable. Comment sortir de cette spirale négative infernale ?

L’hypocrisie n’est-elle en réalité pas celle de la société toute entière ? « On » veut nous faire croire que la monogamie est « naturelle » à l’homme, quand tout, autour de nous, nous montre le contraire : la plupart des gens aujourd’hui vivent des monogamies « sérielles », enchaînant plusieurs relations (théoriquement) monogames ; le taux de divorces atteint deux couples sur trois dans les grandes villes, et encore : on ne comptabilise que les « divorces » (de gens qui étaient mariés, donc) ; et parmi les couples qui restent ensemble, combien se trompent ? Certains sondages affichent 25%, d’autres 60 voire 80% : dans tous les cas, c’est énorme ; et parmi ceux qui sont exclusifs pour rester fidèles à la parole donnée (ça a été mon cas pendant 13 ans), combien sont malheureux, frustrés, résignés ?

[Pour celles et ceux que ça intéresse, le livre Sex at Dawn remet en cause brillamment et systématiquement la « croyance » que la monogamie est « naturelle », en revenant aux origines de l’humanité.]

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C’est cette soudaine prise de conscience de l’hypocrisie générale de la société, ce voile qui se lève, peut-être quand on atteint un certain âge, qu’on a vu les ami.e.s autour de nous se séparer, se déchirer, se mentir, ou qu’on en a soi-même fait l’expérience, que j’appelle « désillusion » : on ne croit plus aux contes de fée.

Pourtant, on veut encore croire en l’amour, et en des relations sincères, honnêtes, éthiques. Demain : le réveil de la conscience.

Si ces réflexions sur l’amour et les relations amoureuses vous intéressent et réveillent en vous des interrogations sur votre propre parcours de vie, n’hésitez pas : rejoignez-nous dans ce voyage vers une nouvelle éthique amoureuse, et racontez-nous vous aussi vos découvertes et vos expériences – l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé

Au plaisir et à demain, pour une nouvelle étape.
Avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

 

Voyage en Polyamorie #2. 1. Le Monde ordinaire

Après 13 jours de pensée positive… devenus 21 et 21 jours de Mindsight, j’ai longtemps hésité au titre à donner à cette nouvelle série de 21 articles d’affilée, où je ne souhaite pas seulement parler de relations plurielles, mais bien plus largement de relations et d’amour. J’ai d’autant moins l’intention de faire ici l’apologie de la polyamorie, que je ne crois pas que ce mode de relations puisse convenir à tout le monde.

Ce que je souhaite en revanche, c’est informer sur un mode de relations qui est possible, et que choisissent d’adopter aujourd’hui de nombreuses personnes, afin d’éviter certaines idées reçues – souvent accompagnées de jugements moraux négatifs – telles que, encore ce week-end, ma grand-mère (que par ailleurs j’adore) : « Ton truc, là, de coucher avec n’importe qui, c’est quand même n’importe quoi ! » (sic).

Quand, en février, nous avons présenté LUTINE à San Francisco, nous avons été surpris de découvrir que là-bas, les adolescent.e.s et jeunes adultes semblent savoir qu’ils ont le choix : ils peuvent choisir la monogamie, ou bien ils peuvent choisir la non-monogamie. Pour un temps donné, ou pour une relation donnée. Ils savent aussi qu’à tout moment, ils peuvent revenir sur leur choix, en discuter, en changer.

L’idée est de lever le voile et les tabous, de regarder les choses en face et les nommer par leur nom (comme je m’amusais à dire au moment de mon premier long métrage Tout le plaisir est pour moi : « Appeler un chat un chat, et un clitoris… un clitoris« ), d’assumer nos choix en prenant conscience que les jugements et les critiques parlent plus de celles et ceux qui les prononcent que de celles et ceux qu’ils/elles visent.

J’aimerais que ces articles de blog puissent accompagner les spectateurs/trices de LUTINE s’ils/elles souhaitent aller plus loin dans les questionnements que réveille le film en eux/elles, et que mes enfants puissent comprendre de l’intérieur ce dont il est question quand on parle d’amours plurielles, avant que d’autres adultes, peut-être sincèrement inquiets pour eux, ne viennent les polluer de leurs jugements négatifs sur la question, en projetant leurs propres angoisses et insécurités sur le sujet.

À nouveau ma grand-mère ce week-end, me posant des questions sur les enfants aujourd’hui adultes de parents notoirement lutins : « Ah ben tu vois, s’ils ont choisi la monogamie, c’est bien qu’ils ont été vaccinés en voyant la vie de leurs parents ! »
Sauf que si je lui avais dit qu’ils étaient devenus non-monogames, elle m’aurait répondu : « Ah ben tu vois, c’est bien ce que je dis, c’est une secte ! »

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Il va être ici question de tolérance, de bienveillance, d’accueil, de non-jugement, de gratitude, d’amour au sens large, de sexualité positive, mais aussi de communication compassionnelle (un autre mot pour CNV : communication non-violente) et d’outils pour accueillir nos émotions tels que TIPI ou la libération quantique.
Il va bien sûr être question de jalousie et d’insécurités, et de : « Concrètement comment on fait quand on sait que l’homme ou la femme qu’on aime est en train de passer la soirée dans les bras d’un.e autre ? »
Il va être ici question de relations, de choix en conscience, d’intentionnalité, de mindfulness, de confiance, de respect. Mais aussi d’impermanence, de changement, d’évolution. Et du fait que parfois, il est bon de laisser évoluer une relation, d’accompagner le changement, de dire oui à ce que la vie nous propose.

Je ne dis pas – ô que non ! – que tout le monde devrait devenir poly… (« Ça serait un beau b… », dixit ma grand-mère). En revanche, il me semble que les outils de communication et de gestion des émotions dont on a rapidement besoin quand on choisit de vivre en polyamorie, sont des outils formidables qui rendent la vie plus belle et plus harmonieuse – que l’on soit poly ou non – et qui gagnent à être connus du plus grand nombre.

J’ai finalement choisi d’appeler cette série d’articles Voyage en Polyamorie, car il me semble que c’est à cela que j’invite mon lecteur : à un voyage, construit sur le modèle classique d’un scénario. Alors, prêt.e.s ? Je ne sais pas vraiment où je vais, mais… j’y vais ! Vous embarquez avec moi ?

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Reprenons au début, donc. Mes enfants. Ma grand-mère. Le monde ordinaire de la monogamie érigée en modèle unique, en « norme » à laquelle se conformer. La culture au sens général du terme : les livres, les romans, les films, hollywoodiens ou non, les « Ils vécurent heureux ensemble et eurent beaucoup d’enfants » de nos jeunes années, qu’on est heureux.se (en tout cas, moi !) de retrouver dans des comédies romantiques.

Les injonctions parentales (ou des voisins, cousins, anciens camarades d’école) telles que « Quand est-ce que tu nous fait un bébé ? », « C’est sérieux avec Machin.e, vous allez habiter ensemble ? », « Quand donc vas-tu enfin te fixer ? », et quand on a le malheur – ou le bonheur, c’est selon ! – d’être séparé.e d’une union précédente avec enfants, c’est, pour reprendre ce que dit le personnage de la mère dans LUTINE : « Tu vas refaire ta vie avec lui ? Parce que pour les enfants, ce serait bien, un peu de stabilité ! » (à quoi mon personnage répond : « On ne refait pas sa vie, on la continue. »)

La peur de ne pas être « comme les autres ». La sensation intérieure de ne pas être comme les autres. Le syndrome du « vilain petit canard », associé à celui de l’imposteur (tiens, on dit comment « imposteur » au féminin ?). La volonté de se fondre dans la masse, de ne pas être remarqué.e.

J’avais tellement peur qu’on s’aperçoive qu’au fond, je n’étais « pas aimable », que le premier qui a bien voulu de moi (après une première rupture douloureuse), je ne l’ai plus lâché. En même temps, quelle idée de vouloir se « mettre en couple » à 17 ans ? Je l’ai trompé, le lui ai dit. Il l’a mal pris – je n’ai pas compris pourquoi.
Je l’ai quitté au bout de quatre ans. Quand j’ai voulu reprendre notre relation, il m’a dit : « Tu connais les conditions ? Exclusivité ! » (qu’on appelait alors « fidélité »). Je me souviens avoir pensé : « En me prévenant que si tu apprends que j’ai une autre relation, tu me quittes, tu m’obliges – de fait – à te mentir. »
J’ai promis, en me promettant de « tenir » le plus longtemps possible. Puis je l’ai à nouveau trompé après trois ans. J’ai fini par le quitter au bout de dix ans : il me semblait que j’avais rempli mon contrat, que j’avais prouvé au monde que je pouvais être en couple. Pour autant, je me voyais pas m’engager durablement – et faire des enfants – avec quelqu’un à qui je mentais.

Quand j’ai rencontré mon compagnon suivant, je lui ai annoncé la couleur : « Je ne crois pas à l’exclusivité à long terme ». Il a prétendu que ça lui convenait… puis a changé d’avis. J’étais amoureuse, j’ai pensé qu’on évoluerait ensemble. Que nenni. Treize ans de monogamie rigoureuse (de mon côté) et deux enfants plus tard, nous nous sommes séparés avec pertes et fracas. La sensation de revenir à la vie pour moi : je suis « re-née » avec ma fille, j’ai le même âge qu’elle.

Je connais donc, comme la plupart d’entre nous, le monde ordinaire de la monogamie. J’ai trompé et j’ai été trompée. J’ai aussi été – longtemps – exclusive. Mais je n’étais pas heureuse. La réussite d’une relation doit-elle se mesurer à sa durée (le fameux « jusqu’à ce que la mort nous sépare ») ou bien alors au bonheur qu’elle nous procure ?

Bien sûr que la monogamie peut apporter bonheur et épanouissement, en plus de la sécurité. Ma grand-mère (l’autre !) a été très heureuse toute sa vie avec son second mari. Ce en quoi je crois cependant, comme le dit un personnage dans LUTINE, c’est que « ça devrait être un choix  » qu’on fait en conscience, un contrat qu’on passe à deux, et non que la société, la culture, les parents, les voisins, le qu’en dira-t-on, le « je veux être comme tout le monde et surtout ne pas me faire remarquer »… nous imposent, consciemment ou non.

Combien d’entre nous se réveillent après de nombreuses années de couple (théoriquement) monogame, ou bien de « Je ne sais pas ce qui ne va pas avec moi, je n’arrive pas à me fixer », avec une sensation de gueule de bois et d’avoir été trompé.e par le mythe du prince – ou de la princesse – charmant.e auquel ils ont voulu croire ?

En termes d’écriture dramatique, cette phrase s’appelle une « accroche » : réponse… demain !

Et n’oubliez pas : l’espace des commentaires vous appartient ! Je vous propose, vous aussi, si vous le souhaitez, de vous embarquer avec moi et mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, qui me fait la joie de me rejoindre aujourd’hui dans mon aventure d’écriture, pour vous aussi nous raconter votre propre voyage en 21 jours ! Hâte de vous lire ! Rendons ce blog interactif, c’est tout l’intérêt d’écrire comme ça, au jour le jour, en fonction aussi des réactions des un.e.s et des autres.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #1. Engagement

Voilà aujourd’hui pile six mois passés depuis mon précédent engagement sur ce blog et mes 21 Jours de Mindsight : le moment est venu de me lancer un nouveau défi et de repartir en voyage.

Depuis six mois et la fin de la fabrication effective de mon film LUTINE, j’ai commencé à le montrer : j’ai voyagé « pour de vrai », j’ai rencontré mes premiers publics, aussi bien en France qu’à l’étranger. Et je me suis reposée inlassablement la même question au quotidien : et maintenant ?

En réalité, voilà des mois que je bouillonne intérieurement, que je me sens « en gestation » de différents projets, de différentes envies, qui s’imposent – plus ou moins – à moi : j’essaie d’être à leur écoute, de savoir vers moi me poussent mes désirs intérieurs profonds.

Parmi ces désirs, celui de rédiger un « livret » qui enrichirait LUTINE, et que j’ai promis en contrepartie à certain.e.s coproducteurs/trices du film, pour les accompagner dans leurs réflexions et les questions que réveille en eux le film : sur la polyamorie, sa philosophie et ses pratiques.

Un autre désir, que je sens en moi depuis longtemps, est d’écrire – quoi ? Un livre ? Sans doute, sans même encore oser me l’autoriser…- pour transmettre à mes enfants un certain nombre de choses que j’ai comprises depuis quelques années sur la vie et les relations, qui m’aident à être plus heureuse et plus épanouie dans ma vie, jour après jour.

J’écrirais pour eux, certes, comme une sorte de témoignage / testament, mais aussi certainement pour celle que j’étais avant, comme le livre que j’aurais moi-même aimer lire il y a quelques années et qui m’aurait peut-être aidée à naviguer de manière plus harmonieuse parmi les épreuves que la vie m’envoyait – voire à éviter certains écueils.

Et au-delà de mon « younger self » comme l’a appelé Louisa Leontiades dans ses Lessons in Love and Life to My Younger Self, j’écrirais pour celles et ceux qui voudraient emprunter un chemin similaire au mien, et que ça pourrait aider de me lire, comme un carnet de voyage.

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Voici donc venu le jour que je me suis fixé pour commencer ce nouveau saut dans l’inconnu : « Je ne sais pas où je vais, mais… j’y vais« , pour reprendre une des lignes du dialogue de LUTINE. 

Ces nouveaux 21 jours d’articles vont filer la métaphore du voyage, m’inspirant des différents ouvrages qui m’aident parallèlement à écrire mon nouveau scénario : le parcours du héros d’une part (basé sur The Writer’s Journey : Mythic Structure for Writers, de Christopher Vogler), celui de l’héroïne de l’autre (The Virgin’s Promise :  Writing Stories of Feminine Creative, Spiritual, and Sexual Awakening, de Kim Hudson), l’un et l’autre s’entendant au masculin et féminin non au sens littéral, mais correspondant aux parties masculine et féminine en nous – celle qui nous encourage à l’action d’une part, celle qui nous renvoie à notre intériorité de l’autre.

Si je voulais donner un sens et une structure à ces quelques mois de réflexions et de gestation qui m’ont conduite à entreprendre aujourd’hui ce nouveau voyage, je pourrais ainsi en repérer différentes étapes :
1. Mon « monde ordinaire » : je me contente de mon quotidien et de gérer les urgences au jour le jour ; les jours passent et défilent, je ne « produis » rien, je ne suis pas créative ; confortable et rassurant sur le moment…
2. mais petit à petit, de manière d’abord inconsciente, l’insatisfaction et la frustration grandissent en moi. Quelque chose ne va pas, je ne sais pas encore exactement quoi, ni comment y remédier, mais je réalise peu à petit que cette vie « jour après jour » ne me suffit pas ou plus, et je souhaite « autre chose » : avancer en conscience et intentionnellement.
3. « Le Réveil de ma conscience », qu’on peut aussi choisir d’appeler l’incident déclencheur, Awakening ou « The Call to Adventure » : je me connecte à ma voix intérieure, la voix de mon intuition, de mon désir profond, cette petite voix qui un jour me dit : « Tu vas entreprendre un nouveau voyage : 21 Jours en Polyamorie. »
4. Alors je me prépare au voyage : j’y pense, je réfléchis, je lis, j’en parle, je l’annonce, je me documente, je commence à noircir des lignes et des lignes.
5. Et puis un jour, arrive la date du départ que je me suis fixée : aujourd’hui. Et je me lance : parce que c’est ce que je souhaite profondément, parce que ça m’oblige à sortir de ma zone de confort, parce que je sais intuitivement que ça va m’aider à grandir, à avancer en conscience sur le chemin de ma vie. C’est le saut dans l’inconnu, Crossing the Threshhold, mon fameux « Je ne sais pas où je vais, mais j’y vais » – parce que c’est là où mon cœur me porte, là que je me sens vivante… et que si je ne le faisais pas, j’aurais la sensation de passer à côté de ma vie. C’est l’exhilaration des jours de départ (qu’on pourrait traduire en français par : exaltation, euphorie, ivresse) : à la fois appréhension et excitation, et en même temps… c’est trop tard pour se poser des questions : ça y est, c’est parti !

Je sais qu’au cours des vingt jours qui vont suivre, j’aurai certainement l’envie, parfois, de me soustraire à cette publication quotidienne : c’est la raison pour laquelle je prends ici un engagement, non seulement envers moi-même (comme quand je me fixe d’avoir fini le premier jet de mon nouveau scénario à une date précise, mais qu’en réalité, rien ni personne ne m’empêche de la reculer de jour en jour), mais aussi publiquement : en réalité, cet engagement public m’oblige. Et je sais que jour après jour, je serai fière et heureuse de l’avoir tenu.

Je vous propose vous aussi, si vous le souhaitez, de vous embarquer avec moi dans cette aventure et ce voyage : l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé ! Vous aussi, vous pouvez partager avec nous et l’ensemble de la communauté des lecteurs et lectrices de ce blog, votre propre voyage. Soyez les bienvenu.e.s !

À demain, avec amour et bienveillance.
isabelle

Fêtons l’amour !

Il ne vous aura pas échappé qu’aujourd’hui, 14 février, jour de la Saint-Valentin, est aussi le jour où toute la société de consommation nous enjoint de « fêter l’amour et les amoureux »…
Mais ne devrait-ce pas être tous les jours, la fête de l’amour ? Et ne devrait-on pas fêter tous les gens qu’on aime et qui comptent pour nous, comme c’est le cas apparemment outre Atlantique ?

Dans mon article #5 de mes 21 jours de pensée positive, je vous parlais de ce livre Love 2.0 qui m’a beaucoup touchée, dans lequel Barbara Fredrickson nous propose une nouvelle définition de l’amour : une émotion positive, qui crée une synchronie biochimique entre deux ou plusieurs personnes, se nourrit de la présence physique et fait que l’on se veut et se fait du bien mutuellement. Par définition, l’amour est donc fugitif, comme toute émotion, mais aussi non exclusif et… conditionnel.

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Autrement dit, l’amour, même si l’on ne peut pas le « commander » à l’origine, se travaille, et surtout s’entretient : en effet, le sentiment d’amour se nourrit d’émotions d’amour.

C’est cette idée-là que je trouve si belle, si positive et si optimiste : c’est l’addition, la multiplication de ces moments d’amour partagé… qui créent ce sentiment d’attachement, de confiance, d’intimité entre deux ou plusieurs personnes.

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Bref, non seulement soyons attentifs au quotidien à tous ces gens qui comptent pour nous… mais aussi aux étrangers, aux inconnus, à ces autres que l’on croise dans la rue… partageons des micro-moments d’amour autant qu’on peut, aussi souvent qu’on le peut, nourrissons-nous et nourrissons les autres de ces émotions positives qui font du bien et créent autour de nous des auras de bonheur. Regardons les gens dans les yeux, sourions-leur, écoutons-les, vraiment, soyons présents, dans l’instant présent : la vie et le bonheur se déclinent au présent.

Et pour aller un peu au-delà, ce  « jour des amoureux » est aussi pour moi l’occasion privilégiée de vous reparler de « polyamour », cet art des amours plurielles : le fait de pouvoir vivre simultanément plusieurs relations intimes, et que toutes les personnes concernées soient non seulement bien sûr au courant, mais d’accord pour partager un tel mode de vie.
Françoise Simpère

Car comme le dit Françoise Simpère, l’auteur du Guide des amours plurielles et de Aimer plusieurs hommes dans l’extrait de mon film LUTINE que j’ai le plaisir de vous offrir ci-dessous :
« Pourquoi serait-il mieux d’aimer une seule personne plutôt que plusieurs ? Dans la vie, on aime toujours plusieurs personnes, on a plusieurs amis, et si on allait voir un psy en lui disant : « J’ai un ami, je ne veux surtout pas qu’il en ait d’autres », il dirait : « Vous avez une pathologie de possessivité et d’angoisse. » Il n’y a que dans l’amour dit « amoureux », qu’on vous dit : « Il y a une seule personne qui peut vous convenir. »
Et moi du coup, de base, je me suis dit : Aimer plusieurs personnes, c’est naturel. En sachant aussi que l’amour dont je parle, c’est un amour qui est très vaste, c’est un éventail de relations, c’est pas seulement la passion… Et du coup, les amours s’additionnent, elles ne sont pas rivales. Je crois que les relations s’ajoutent, qu’elles apportent toutes quelque chose : une relation, c’est une alchimie entre une personne et une autre… et l’alchimie n’est jamais la même, puisque à chaque fois, ce sont des personnes différentes. »

(Pour recevoir le mot de passe qui vous permettra de visionner la vidéo, adhérez à la newsletter de Lutine & Cie.)

En espérant vous donner ainsi envie d’en savoir un peu plus sur cet art des amours plurielles,

Au plaisir, et à l’amour,
Isabelle

PS. Et si vous ne l’avez pas encore vu, il est encore temps de vous précipiter au cinéma voir CECI EST MON CORPS de Jérôme Soubeyrand, en 10ème semaine d’exploitation au cinéma La Clef : un film libre, libéré et libérateur, qui parle d’amour, et… de polyamour.
Demain dimanche 15 février, projection spéciale à 15h45 suivie d’un débat avec le réalisateur, Bruno Clavier, psychogénéalogiste et Alain Riou, chroniqueur cinéma, qui a écrit un très bel article sur le film que je vous encourage à lire, et qui commence comme ça :
« C’est un petit film unique, intense, impudique, délicat, fou de liberté, d’inspiration, de sage incertitude et de joie. Un film qui dit « Nous avons tous quelque chose de Dieu, qui est amour, et c’est d’ailleurs pour ça qu’on l’aime. Et qu’on s’aime ». Il le dit et il le prouve : CECI EST MON CORPS est une épopée, une comédie, un poème, une sorte d’évangile, mais avant tout une merveilleuse déclaration d’amour.»

Demain dimanche 15 février également, à 11h, projection au Majestic Bastille d’AFRICAINE, le très beau film de mon amie Stéphanie Girerd, suivie d’un débat avec l’équipe.

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Maïmouna Coulibaly reprend pour une représentation exceptionnelle vendredi 20 février à 20h30 au carreau du Temple son spectacle HÉ MARIAMOU !, là aussi un conte initiatique, mais sous la forme d’une comédie musicale dynamisante et euphorisante.

 

 

13 JOURS… #17 : À propos du polyamour

Dans mon article #5, je vous parlais du livre Love 2.0 de Barbara Fredrickson, et de la nouvelle définition de l’amour qu’elle propose : de la résonance positive entre deux ou plusieurs personnes, qui provoque une synchronie biochimique et de comportements, et les conduit à une bienveillance réciproque.

Ainsi défini comme une émotion positive, l’amour est donc par « définition » fugitif, conditionnel et… non exclusif.

Je n’ai évidemment pas pu m’empêcher de lire ce livre à la lumière du polyamour – aussi appelé « polyamorie », ou encore « lutinage » par Françoise Simpère dans son Guide des Amours plurielles et à qui je dois le titre de mon film Lutine

Quelques idées-forces chez les « polyamoureux » :
– l’amour est donc « non exclusif » : toutes les personnes concernées sont d’accord sur le principe que chacun est libre d’aller « voir ailleurs ». Françoise Simpère se définit comme « fidèle mais non exclusive » : elle est fidèle à ses amours, qu’elle garde longtemps, tout en en ayant plusieurs en parallèle.

– la jalousie est une émotion, ou plutôt un ensemble d’émotions, qui se travaille : on peut « travailler » sur sa jalousie, comme sur toute émotion ;

– car chacun est responsable de ses émotions : ce n’est pas parce que l’autre fait quelque chose que je me sens mal : je suis acteur/actrice de ma propre vie, et à défaut de pouvoir contrôler mes émotions, je peux choisir mes réactions.

– le polyamour repose sur une parfaite égalité entre les partenaires : « L’un des principes de base« , nous dit Meta T., co-fondatrice de l’association Polyfamilles, « c’est que chaque partenaire a les mêmes droits. Et qu’on ne prend pas de libertés qu’on n’autoriserait pas à l’autre. » Le polyamour est donc « féministe ».

Polyamour

Les polyamoureux travaillent particulièrement sur l’accueil et l’écoute de leurs émotions. Ils parlent beaucoup, sont adeptes de la communication non violente, et de la gestion des conflits par le dialogue et la négociation : Françoise Simpère dit à leur propos que ce sont des « Bisounours ».

Et comme le fait remarquer Michèle M. dans mon film : « Ce qui donne de l’espoir, c’est de savoir qu’il y a des gens qui vivent comme ça, et qui le vivent bien. » Et d’ajouter : « Quand les gens ne connaissent pas le concept, ils disent que ce n’est pas « vraiment » de l’amour, qu’en fait on ne s’aime pas « vraiment ». Mais c’est tout le contraire : c’est justement parce qu’il y a énormément d’amour, de bienveillance, de respect, d’échanges… que ça marche. C’est une magnifique preuve d’amour que justement d’accepter de laisser tomber ce dans quoi on a toujours vécu : ces idées de possession, de possessivité, d’appartenance… Et en fait, c’est ça la clé :  la confiance, l’amour, la bienveillance. » Waouh ! 😉

Et vous, qu’est-ce qui vous redonne de l’espoir quand vous avez un coup de blues ? L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : je vous y attends pour partager avec vous.

Et pour vous abonner à ma newsletter, c’est ici !

Au plaisir et à demain,

Isabelle

Et pour aller plus loin :
– le site polyamour.info
– 
le groupe Polyamour sur Facebook
– le blog de Françoise Simpère
– le site de mon film Lutine où vous trouverez liens, livres et vidéos.