Voyage en Polyamorie #21. Des relations en conscience

Me voilà arrivée au terme de ce Voyage en Polyamorie, que j’avais annoncé sur 21 jours. Et je me dis qu’en réalité, ce n’est qu’un début.

Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai entamé ce voyage, ni ce que j’en attendais. Je savais juste que j’avais besoin de l’entreprendre. Je souhaitais suivre cette petite lumière qui s’était allumée en moi un jour, comme une voix venue de l’extérieur (ou au contraire, du plus profond de ma conscience) m’indiquant le chemin (#4. 3. L’Éveil à moi-même). Alors je l’ai fait.
Et non seulement j’ai appris beaucoup sur moi-même, avancé sur mon propre chemin, mais ce voyage m’a permis d’entrer en contact avec d’autres personnes, certaines plus loin sur la route, d’autres derrière moi, d’autres encore sur des routes parallèles, mais néanmoins amies, et ça m’a aidée – enrichie, nourrie, et réchauffée.

Que toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagnée tout au long de ces 21 jours – et particulièrement Élisende Coladan, qui a relevé le défi avec moi  et dont je vous invite à découvrir les articles en-dessous de chacun des miens – en soient profondément et chaleureusement remercié.e.s.
Que toutes celles et tous ceux qui découvriront ce blog dans un temps décalé se sentent aussi les bienvenu.e.s : le voyage continue, et ce n’est qu’un début. N’hésitez pas à relever le défi vous-même, à jouer le jeu sur 21 jours pour parler de votre expérience ou de vos débuts en Polyamorie… ou simplement à commenter un article ou l’autre.

Car prendre ce temps de réflexion sur soi-même, s’interroger sur ce que l’on croit vraiment, attend vraiment, souhaite vraiment, pour soi-même, dans les relations amoureuses, et plus largement dans toutes les relations humaines… est un temps émouvant de reconnexion avec soi-même et ses valeurs profondes.

Un des livres qui m’aide vraiment au quotidien depuis que je l’ai découvert il y a trois ans, est L’Apprentissage de l’imperfectionde Tal Ben-Shahar. Là aussi, il s’agit de lâcher prise. De préférer « écrire de la merde« , comme m’avait dit une amie réalisatrice, plutôt que de ne rien écrire du tout. En temps « normal », et les premières 44 années de ma vie, j’ai souvent préféré ne rien faire… plutôt que de prendre le risque de faire quelque chose qui ne serait pas « parfait » (enfin, « préféré », n’est pas vraiment le mot…- la procrastination est une souffrance aussi.)
Ce qui a marché ici – et une fois de plus, je veux en retenir la leçon – c’est que m’a appris Florence Servan-Schreiber dans ses 3 Kifs par jour avec son image de « jeter son sac par-dessus le muret » : avoir pris un engagement public de tenir ce défi de 21 jours d’articles d’affilée. Résultat : même bloquée par un lumbago, et alors qu’en temps normal, je me serais accordé une « pause », je me suis tenue à mon engagement, et j’ai écrit.

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J’ai rarement relu ces articles. Jour après jour, je me jetais à l’eau, sans filet. Si j’avais dû écrire un livre, seule chez moi et sans lecteurs/trices, j’en serais encore certainement au premier chapitre… et je n’aurais pas eu tous ces retours éclairants, enrichissants, m’aidant à avancer plus avant.
Sans doute, quand je me risquerai à les relire, il y a des chances que je les trouve très mauvais, ces articles. Mais ils me sont précieux néanmoins : ils constituent pour moi un « shitty first draft » : une base de travail, à partir de laquelle je pourrais modifier, gommer, ajouter, moduler…

Je ne sais pas encore ce que j’en ferai… Peut-être un livret d’accompagnement de mon film LUTINE, pour prolonger le dialogue avec les spectateurs/trices. Peut-être carrément un livre, d’abord un e-book, comme Hypatia from Space est en train de rédiger sur la compersion ? Il me semble que plus nous serons nombreux.ses à prendre la parole, à nous « outer », plus nous pourrons aider les autres, à s’assumer, elles et eux aussi, différent.e.s, et fier.e.s de l’être.

J’ai appris tout à l’heure que LUTINE serait projeté à nouveau à San Francisco (ou Berkeley ?) le 26 juin, le jour même de la fierté : Pride DayWaouh !
En effet, depuis que j’ai entamé ce voyage, je me sens de plus en plus d’affinités et de connexions avec la communauté LGBTQI+. Jusqu’à présent, je faisais partie de la « norme » : femme cis hétéro blanche, en couple, deux enfants, séparée…
Et en même temps, je me suis toujours sentie « différente ». Je sentais que je ne rentrais pas dans les cases. J’étais tour à tour rebelle, et profondément déprimée : je n’y arriverais donc jamais, je ne comprenais pas comment fonctionnait cette société, ce qui régit les rapports entre les gens.

Deux éléments ont sans aucun doute contribué à ce que je me « réconcilie » avec moi-même, à ce que je commence à m’accepter telle que je suis : la découverte de ma douance, quand j’ai lu Je pense trop, de Christel Petitcollin, tout à fait « par hasard » (je l’avais contactée parce que je préparais un documentaire sur les violences psychologiques au sein du couple) et l’accueil dans la communauté poly parisienne, où j’ai découvert que beaucoup, comme moi, étaient « surefficients », neuro-droitiers, ou neuroatypiques.

Ce Voyage en Polyamorie marque en réalité mon coming outDans LUTINE, mon personnage adopte une position ambiguë – qui était la mienne, certainement, au moment où j’ai écrit et tourné : « Ce n’est pas parce qu’on fait un film sur les escargots, qu’on est hermaphrodite ».
Je craignais d’éventuelles retombées si je prenais « le risque » d’avancer au grand jour, je ne me sentais pas en sécurité, je parlais depuis une position de peur.

La semaine dernière, étrangement, au jour #13 de mon voyage, soit pile au milieu, juste après ma descente dans le ventre de la baleine, j’ai annoncé que je n’avais « plus peur du loup« .

C’est aussi (est-ce un hasard ?) le jour où j’ai écrit à propos de communication compassionnelle (autre nom donné à la CNV, Communication non violente).
Ai-je enfin compris – plus que « compris » : « ressenti » – ce que j’explique depuis des années à mes enfants : que quand quelqu’un.e vous attaque, vous juge, vous critique, vous dévalorise (« dévaloriser » : enlever de la valeur), c’est parce qu’ielle parle depuis le royaume de la Peur ? Que quand on ne sait pas communiquer autrement que par des menaces, du chantage…, c’est avouer sa faiblesse ?

En réalité, quelqu’un.e ne peut vous « dévaloriser » que si vous lui laissez ce pouvoir-là sur vous.

Un livre m’avait déjà grandement aidé.e, en me proposant  un outil qui depuis m’est très précieux, celui d’une échelle de « ranking » et une de « linking » dans les relations humaines. Il s’agit de The Undervalued Self de Elaine N. Aron, qui a par ailleurs beaucoup écrit sur l’hypersensitivité.

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En gros (ou du moins, la manière dont je l’ai retenu), il y aurait dans les relations humaines, deux types de relations possibles :
– l’une hiérarchique, de domination, rapports de pouvoir (les parents sur les enfants, les professeurs sur les élèves, le patron sur l’employé, et avant, le mari sur la femme, avec son lot de « dominants » : les policiers, juges, patrons, hommes politiques, riches, têtes pensantes, etc.) : une échelle verticale, où les gens sont plus ou moins haut, plus ou moins bas, où certains dominent, d’autres sont dominé.e.s. C’est l’échelle du ranking (j’ignore comment cela a été traduit en français), et de la pénurie, où on a tout le temps peur de manquer, où on possède, au détriment de quelqu’un.e d’autre ;
l’autre, horizontale, vertueuse, qui est l’échelle des relations d’amour, d’amitié, d’altruisme, gratuite, où l’on donne par plaisir, sans attendre de retour, des relations de générosité, de don, d’abondance : c’est l’échelle du « linking », du lien.

Elaine N. Aron explique que dans la nature, quand deux animaux se sont affrontés (par exemple deux loups) et que l’un des deux est vaincu, pour ne pas risquer la mort s’il continuait à se battre alors qu’il a été physiquement mis en échec, sa réaction physiologique, biologique, est de baisser la tête (et de rentrer la queue), en position de soumission, pour montrer allégeance. C’est une réaction naturelle d’auto-protection : il ne sert à rien de continuer à se battre contre plus fort que soi.

Dans Le Livre de la Jungle (magnifique adaptation récente au cinéma, remarquable scénario qui suit tout à fait à la fois le voyage du héros et celui de l’héroïne, avec la « brillance » intérieure (« être un homme » au pays des loups) avec laquelle le héros doit se réconcilier pour remporter la bataille finale), Mowgli et ses amis les loups ne remportent la victoire contre « plus fort qu’eux » individuellement (le tigre, Sherkhan) qu’en se montrant solidaires les uns avec les autres.

Eh bien, pour nous les humain.e.s, quand on subit une « défaite » (réelle ou projetée, sociale, judiciaire ou amoureuse), c’est la même réaction physiologique que l’on observe : on entre en « dépression« , on renonce à se battre, on s’avoue vaincu.e. Parce que soudain, on se projette dans une position de « ranking », sur une échelle sur laquelle l’autre (quel.le qu’ielle soit) serait (je dis bien « serait », car ce n’est qu’une pensée) plus haut, plus fort.e que nous.
Et la solution pour se sortir de cette « dépression », c’est de prendre conscience de ce phénomène naturel, physiologique, de l’accueillir en nous comme quelque chose mis en place par notre corps pour nous protéger et nous sauvegarder, de ne pas s’en culpabiliser, de ne surtout pas croire les pensées qui l’accompagnent, qui sont en réalité induites, crées par l’état même de dépression du corps, et le nourrissent en retour… et de s’en extraire en faisant du « linking » : se reconnecter à celles et ceux qui comptent vraiment pour nous, qui nous aiment sincèrement, et réciproquement, non pas pour ce qu’on leur apporte, ni pour ce qu’on représente, mais pour ce qu’on est (à nouveau, l’avoir et le faire… face à l’être).

Appliqué à la Polyamorie, ça pourrait donner : quand la personne que j’aime ou qui compte pour moi, choisit de passer un moment avec un.e autre que moi… parce la société, ma culture, mes parents, m’ont « appris » que c’était une « défaite », un « échec » de la relation, alors mon corps se met en « ranking », et mes pensées battent la chamade : il est plus beau, plus fort, plus puissant que moi, elle est plus belle, plus sexy, plus intelligente ; il lui fait mieux l’amour, elle suce mieux…
Et quand on est en ranking, on déprime, et notre état dépressif nourrit nos pensées dévalorisantes, qui en retour nous font chuter dans une spirale négative.

Et quand on en prend conscience, quand on a intégré que cette réaction « spontanée » – qui peut tout aussi être « acquise », apprise, enseignée depuis notre enfance (car dans les sociétés matriarchales par exemple, que décrivent notamment les auteurs de Sex At Dawn, la jalousie n’a aucun sens, et les hommes et les femmes sont naturellement multi-partenaires, comme le sont les bonobos) – s’auto-alimente, alors on peut choisir de passer en mode linking, et de se rapprocher de nos ami.e.s, de notre famille, de nos autres amoureux.ses, de notre communauté.

C’est grâce aux liens et à l’Amour… que l’on va pouvoir quitter le pays de la soumission et de la Peur.

Fin de la parenthèse sur The Undervalued Self…mais voilà longtemps que ce paragraphe, pour le coup, me trottait en tête, et les attentats de novembre me l’avaient fait reporter, jour après jour, au cours de mes 21 jours de Mindsight.

Est-ce donc, disais-je, grâce à la CNV, que j’ai enfin ressenti, en me projetant par empathie dans la personne en face qui m’attaque, qu’ielle avait tout aussi peur que moi, voire plus ?
La CNV nous apprend à enfiler nos oreilles de girafe et à entendre, derrière l’attaque, le jugement, la critique… le besoin non satisfait qui s’exprime ainsi de manière « tragiquement suicidaire », comme l’écrit si justement Marshall Rosenberg.

Si la personne jalouse, par exemple, dit à son partenaire : Je t’interdis d’aller voir Machin.e ce soir, sinon je te quitte, on peut se dire, par exemple, si on n’a pas le décodeur : Je sais bien que c’est une menace vraisemblablement pour m’impressionner, mais au cas où quand même ielle mette sa menace à exécution, je préfère m’abstenir de le/la provoquer.
C’est une expression « tragiquement suicidaire » de la personne jalouse, car sa victime ne ressentira que peur et mépris… (rien ne tue plus sûrement l’amour, que la contrainte et la peur), mais elle s’en moque : la seule chose qui compte pour elle sur le moment, c’est que son/sa partenaire n’aille pas voir Machin.e.

Si on a le décodeur en revanche, et si au lieu de projeter sur le/la jaloux.se et bourreau un regard « venu d’en haut », qui juge à notre tour (Il est pathétique, mais j’ai peur quand même), si on enfile nos oreilles de girafe, alors on peut entendre le besoin non satisfait : ielle a besoin d’être rassuré.e, ielle n’a aucune confiance en mon amour pour lui/elle.
Son attitude (de chantage et menaces, inacceptables par ailleurs) n’est pas quelque chose qu’ielle fait « contre moi », pour me détruire, m’annihiler, me rabaisser (lecture de ranking), mais la seule manière (tragiquement suicidaire) qu’ielle a trouvée pour sauver sa peau… Alors en effet, on peut être en compassion… et non plus en Peur.
Et au lieu de se dire : cette personne est toxique, cette personne est manipulatrice, cette personne fait exprès de me faire du malcette personne veut me détruire, on peut choisir de se dire : Cette personne ne sait pas s’exprimer autrement, et moi, j’ai le choix d’entrer ou non, de rester ou non, en relation avec elle, et par ailleurs, je ne suis pas obligé.e de croire ce qu’elle me dit.

C’est là où j’ai aussi libéré quelque chose en moi, je crois, grâce à la lecture des Quatre Accords toltèques et à La Maîtrise de l’amour, de Don Miguel Ruiz :
1. Que ta parole soit impeccable ;
2. Ne prends rien personnellement ;
3. Ne fais pas de suppositions ;
4. Fais toujours de ton mieux 
(qui rejoint L’Apprentissage de l’imperfection).

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Si je ne fais plus la supposition que la personne en face de moi « veut me détruire », mais essaie juste, de manière tragiquement suicidaire, de satisfaire un besoin essentiel pour elle, alors je peux choisir de « ne pas le prendre personnellement » et de ne pas croire un mot de ce qu’elle me dit de moi : Je ne suis pas la personne qu’elle me dit que je suis.
Je sais qui je suis, je sais d’où je parle (depuis le pays de l’Amour) et j’ai compris d’où elle, parlait (depuis le royaume de la Peur), et… je n’ai PLUS PEUR DU LOUP.

Waouh. En fait, je crois que c’est ça qui s’est passé en moi au cours de ce Voyage.  L’avenir me dira si cette révélation – cette épiphanie, presque – restera en moi de manière durable, et surtout, m’aidera à vivre mes relations au quotidien. En attendant… j’ai le sentiment que c’est comme une porte qui s’ouvre en moi, une libération.

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Je peux donner l’impression de m’éloigner de mon sujet de départ… mais en réalité, je ne crois pas.

Je crois que tout est lié : le patriarcat, la domination de l’homme sur la femme parce qu’en réalité, l’homme a peur de la puissance de la sexualité de la femme à laquelle il ne comprend rien (souvenez-vous de l’aveu d’impuissance de Freud : « Les femmes, c’est le continent noir« .  Et pourtant, toute notre société, et une grande partie des psy fonctionnent avec ces références : au secours ! ) ; donc « l’instinct » (dicté par la peur) de propriété, de possession, de possessivité et les rapports de force et de soumission (la petite fille obéissait à son père, puis à son mari ; l’enfant obéissait à ses parents, la femme à son mari, le mari à Dieu ; une femme restait « demoiselle » tant qu’elle n’était pas mariée, et n’accédait au statut de « Madame » que par son mari ; une femme ne pouvait pas voter, ouvrir un compte en banque, avorter, disposer de son corps…).

Respect et pensées pour nos grands-mères, nos arrière-grands-mères et toutes ces reines (de mon article Fêtons les reines, qui était le nom de mon arrière-arrière-arrière grand-mère, en lignée féminine) grâce auxquelles nous sommes en vie aujourd’hui et qui se sont tant battues pour nous.

Donc le mariage bourgeois du XIXème siècle, qui permettait à l’homme de prendre possession du ventre de sa femme et de s’assurer que les rejetons auxquels il allait transmettre son patrimoine étaient bien de lui. Puis, au XXème siècle, apparition du mariage d’amour, qui remplace le mariage arrangé. Et où, au lieu d’étendre à la femme le privilège accordé jusque-là aux hommes (avoir plusieurs relations), on a au contraire étendu à l’homme la prison dans laquelle étaient tenues les femmes : exclusivité (appelée fidélité). Quelle absurdité.

Toutes et tous victimes du même système, des mêmes croyances : que l’être humain est « naturellement monogame », et que si on a envie d’aller voir ailleurs, c’est que quelque chose ne va pas, qu’on est « déviant.e », ou bien alors que ce n’est pas « le/la bon.ne ».

Mais si l’être humain était « naturellement monogame », comment expliquer que tant d’hommes et tant de femmes prennent encore le risque de l’adultère, au risque de perdre la famille qu’ils ont mis tant d’années à construire ? C’est bien qu’ielles sont poussé.e.s par quelque chose de plus fort d’eux, qui les dépasse. Et ce quelque chose, c’est cette pulsion naturelle à l’exploration, à la découverte, à la curiosité, à repousser nos limites, à sortir de notre zone de confort : c’est la vie en nous.

Le désir, la sexualité, est ce qui nous rend vivant, ce qui nous fait nous dépasser. Ce qui fait tourner le monde. Ce qui nous motive, profondément. Je milite fondamentalement, et depuis toujours, pour une sexualité positive, joyeuse, profonde. Une sexualité parfois sacrée, parfois plus ludique et légère. Une sexualité multiple, parce que nous sommes des êtres multiples.

Qu’est-ce qui nous reste, quand on arrive au seuil de notre vie ? Nos propriétés, nos réussites professionnelles ? Ou bien les gens qui nous ont aimé.e et qu’on a aimé.e.s, profondément, sincèrement ? Je pense évidemment au Rosebud de Citizen Kane.

Qu’est-ce qui fait tourner le monde ? Le pouvoir, ou bien l’amour et le sexe ? N’est-ce pas pour avoir plus de sexe et parce qu’ils n’ont pas assez reçu d’amour et qu’ils ne sont pas capables d’en donner, parce qu’ils jalousent les gens qui donnent et reçoivent de l’amour, parce qu’ils ne comprennent pas cette force qu’ont en eux les gens simples, mais heureux… que les hommes de pouvoir veulent « toujours plus » ? Ils croient – ou veulent croire – qu’ils peuvent acheter l’amour.
Or s’ils peuvent acheter le sexe, ils ne peuvent pas acheter l’amour. Parce que le pouvoir et l’amour ne se situent pas sur la même échelle : l’une de ranking, l’autre de linking.

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La domination de l’homme sur la femme, le système patriarcal… ont conduit à la monogamie – théorique pour l’homme au début, imposée à la femme (comme dans bien des pays encore, où les femmes adultères sont lapidées – cf Timbuktu, qui est l’un des films les plus forts et les plus terriblement bouleversants que j’aie vus ces dernières années)…
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Aujourd’hui, tout le monde est piégé dans le même système absurde, où nos croyances sont chaque jour mises à mal, où plus rien ne tient la route.

Car les femmes ont acquis leur autonomie, leur indépendance, elles n’ont plus « besoin » des hommes, elles s’assument, professionnellement, financièrement. La révolution sexuelle est passée par là, la contraception, l’avortement.
Tandis que des hommes – certains hommes, héritiers du machisme, de la misogynie de leurs pères – continuent pourtant à essayer de les dominer, de les réduire à des objets.

Les créatrices de la Conférence gesticulée sur le consentement me l’ont appris et ont contribué à ce que le voile se lève enfin pour moi : ce qui motive un viol n’est pas tant un désir irrépressible, une pulsion irrésistible (ça, c’est ce qu’ils veulent croire, ce qu’ils veulent nous faire croire), mais la volonté de dominer, d’écraser l’autre, de le/la faire taire. Cette résistance qu’elle oppose, cette liberté qu’elle affiche, cette sexualité libre et affolante… sont insupportables. Il leur faut la réduire à néant, l’écrabouiller, l’anihiler.

Allez voir Les Chatouilles – ou la Danse de la Colère, le magnifique et bouleversant spectacle écrit et interprété par Andréa Bescond au théâtre Montparnasse. Surveillez les dates de la Conférence gesticulée sur le consentement, qui se rejouera à Paris le 25 juin, puis en tournée en province pendant l’été 2016. Lisez les articles et le livre de Muriel Salmona sur les violences sexuelles.

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Quel rapport entre les violences faites aux femmes, le système patriarcal, la domination de l’homme sur la femme… et la Polyamorie ? Tout.

Le rapport, c’est la violence au fondement de la violence : la violence éducative ordinaire (VEO). Lisez cet article bouleversant de Frédérique Herbigniaux, sociologue belge : La Violence éducative ordinaire : enfant du patriarcat.
Cette violence avec laquelle on est toutes et tous élevé.e.s, cette violence qui nous est tellement « ordinaire », qui est tellement ancrée en nous, qu’on n’en a même pas conscience.
Cette violence qui fait que, quand on ressent une sensation désagréable (qu’on appelle « émotion négative ») dans notre corps, on l’attribue à l’autre. Si j’ai mal, c’est parce que l’autre a « fait » quelque chose. Et si je veux que cette souffrance en moi cesse, alors j’ai le « droit » de tout faire pour que l’autre change son comportement, puisqu’il s’agit – je le crois – de ma « survie » : menaces, chantage affectif, contraintes de toutes sortes, punitions (ou son contraire : la récompense, qui fait partie du même système) et, si ça ne marche pas, les grands moyens : la force et la violence physiques. 
C’est la croyance à la racine de toute la violence.

Or si on écoute Marshall Rosenberg, si on se forme à la CNV, si on apprend à « enfiler nos oreilles de girafe » et à entendre le besoin non satisfait derrière ces expressions tragiquement suicidaires (Je veux que cette sensation désagréable cesse), alors il me semble que l’autre devient absolument, intrinsèquement AUTRE, tout aussi LIBRE que moi. Je suis libre, mais toi aussi, tu es libre.
Je suis responsable de mes émotions et de mes réactions, et toi aussi, tu es responsable de tes émotions et réactions.

En aucun cas et en aucune manière, je ne peux envisager utiliser « contre » l’autre, la moindre mesure coercitive, ou de contrainte.
Je ne « possède » pas l’autre. L’autre s’appartient à lui/elle-même. Et si ielle n’a pas envie d’être en relation avec moi, alors je ne peux fondamentalement pas l’y obliger.
Je ne peux parler que d’une position d’amour, de confiance et de liberté.
Je sais à tout moment que l’autre ne fait rien « contre » moi : ielle vit son propre rêve, et poursuit son propre chemin.

Et si ielle essaie de me contraindre à quoi que ce soit, si ielle se croit, s’attribue, le moindre « droit » sur moi, c’est parce qu’ielle parle depuis le royaume de la Peur.
À moi, alors, de décider en conscience, si je souhaite – ou non – continuer cette relation.

(Évidemment, quand on parle de relations entre un enfant et son parent, c’est plus compliqué pour l’enfant / adolescent de se protéger en se retirant de la relation : c’est la raison pour laquelle les parents ont d’autant plus le devoir fondamental de respecter l’autre intrinsèquement en leur enfant).

Si je suis dans une relation d’amour, d’amour vraiment… d’amour où j’accepte l’autre tel.le qu’ielle est, autre, séparé.e de moi, autonome, libre, et si je construis avec lui/elle une relation d’amour et de confiance, alors je sais que si ielle a envie de vivre d’autres relations en dehors de moi, ce n’est pas « contre » moi, c’est « pour » lui/elle, parce qu’ielle en a besoin, sur son chemin de sa vie.

Si je peux alors maintenir avec l’autre une communication compassionnelle, si je choisis, décide de ne pas projeter (3. Ne fais pas de suppositions), de ne pas le prendre contre moi (2. Ne prends rien personnellement), si dans tous les cas, et même quand les émotions me font valdinguer dans les tours, quand j’ai envie de pleurer, de crier, quand je suis en colère, quand je me « sens » trahi.e (c’est une pensée)… si je sais que ce sont des émotions, donc par définition passagères, éphémères, si dans tous les cas, donc, je choisis de maintenir le lien et la connexion, ou de le reconstruire quand il a été malmené, parce que fondamentalement, j’ai confiance dans l’amour et la bienveillance de l’autre envers moi… alors j’accepte que l’autre puisse trébucher, puisse ne pas être parfait.e en toutes circonstances, puisse faire des choix suite auxquels je peux me sentir en insécurité… Et je choisis de travailler à rétablir la connexion d’amour.

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Pour moi, la CNV, les Quatre Accords toltèques, l’accueil des émotions, la Mindsight, si on suit leur logique interne d’acceptation de l’autre comme un être libre et autonome, nous conduisent à la Polyamorie comme la seule façon réellement éthique d’envisager les relations entre les êtres.

Sachant que « Polyamorie » ne veut pas dire « relations plurielles », mais bien : possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques.
Dans lesquelles entre totalement pour moi la possibilité de choisir la Monogamie en conscience.
Pour moi, la Monogamie choisie en conscience, consensuelle et éthique, fait partie de la manière dont je comprends, envisage et définis la Polyamorie.
L’idée est de savoir que la Monogamie est un choix, de même que la Polyamorie est un choix, et qu’en réalité, tout est envisageable et acceptable à partir du moment où on peut en parler librement, assumer qui on est ou ce que l’on souhaite pour soi-même, sans craindre des mesures de rétorsion (chantage affectif, drame, crise, conséquences, punitions), et où chacun.e est libre de déterminer pour soi le type de relations qui lui convient. 

Pour moi, la Polyamorie est bien à l’inverse absolue du système de domination patriarcale – l’idée fondamentale à la base étant que les êtres humains, quels qu’ils soient, sont libres et égaux en droit
La Polyamorie est égalitaire. L’égalité stricte, absolue et non négociable entre les partenaires est à la base de ces relations choisies en conscience. Donc absolument féministe. Fondamentalement féministe. Au sens de pro-femmes, et contre le système patriarcal – pas contre les hommes. En Espagne, les polyamoristes sont féministes, les féministes, polyamoristes.

[Connaissez-vous cette vidéo du premier Ministre canadien, Justin Trudeau, qui dit : « Je continuerai à affirmer haut et fort que je suis un féministe, jusqu’à ce que cette affirmation soit reçue par un haussement d’épaules » ?]

Notre combat est le même, femmes et hommes féministes (les vrais !) : contre le système de domination patriarcale. Contre cette société de domination des plus forts sur les plus faibles, des hommes sur les femmes, des majorités sur les minorités, des parents sur les enfants, de « ceux qui savent mieux que les autres » sur les autres.

Pour moi, la CNV et les Accords toltèques amènent à cette libération des relations entre les personnes, de même qu’à l’abolition de la violence éducative ordinaire.

Polyamorie, éducation bienveillante et positive, entreprises libérées… même logique, même évidence. Tout fait sens. Tout est cohérent, interconnecté.

Dans la mesure où, je l’ai dit, pour moi une Monogamie choisie en conscience, consensuelle et éthique, fait partie de la manière dont je comprends, envisage et définis la Polyamorie (la « possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques), alors peut-être faudrait-il en réalité lui trouver une autre appellation ?

Le « libre amour » ? (parce que l’amour libre est déjà pris…). Liberté fondamentale de chacun.e de choisir pour lui/elle, les relations qui lui conviennent, de façon consensuelle et éthique. Sans contrainte d’aucune sorte. Sans jugement. Tout est possible, tout est envisageable, du moment que toutes les personnes concernées sont fondamentalement d’accord et de manière enthousiaste. Des relations en conscience.

C’est, si j’ai bien compris, le sens de Designer relationships : des relations qu’on se choisit, qu’on se dessine sur mesure.
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L’amour à la carte ? Des relations sur mesure ?

Comme on a l’éducation bienveillante ou positive, la psychologie positive et la sexualité positive… on aurait les amours positives ?

J’aimerais bien un nom de pays, comme la Monogamie ou la Polyamorie. Parce que Voyage en Amours positives, ça sonne tout de suite moins bien…

La libre Amorie ? Hahaha !
Manifeste des amours libres et positives.

Puisqu’en France, c’est « polyamour » qui a dominé le terrain sémantique jusqu’à présent, Françoise Simpère parlant pour sa part plutôt d’amours plurielles ou de lutinage, je peux peut-être choisir d’adopter, moi, la Polyamorie.
Dans laquelle j’inclurais la Monogamie choisie en conscience.

Car l’enjeu fondamental est qu’il s’agit de relations déterminées, dessinées sur mesure, de manière consensuelle et éthique, avec un consentement enthousiaste de toutes les personnes concernées.
On peut donc très bien imaginer que deux personnes, après en avoir discuté ensemble, décident d’adopter… jusqu’à la prochaine discussion, négociation, une monogamie librement consentie. Mais qu’elles en aient discuté, et qu’il soit convenu, qu’à la seconde même où l’un.e d’entre eux a envie d’ouvrir la relation, on en rediscute.
Si l’un.e a envie d’ouvrir et l’autre non, alors chacun.e doit décider en conscience… si ielle désire rester dans cette relation – ou non.
Et si les deux sont d’accord pour ouvrir, parce qu’ielles ont confiance l’un.e en l’autre, que rien ne sera fait sans tenir compte des émotions de l’un.e et de l’autre, alors ielles ouvrent, en discutant des modalités.

Si la Polyamorie est bien définie comme la possibilité de relations non-exclusives consensuelles et éthiques, il me semble qu’est incluse dedans la possibilité de relations exclusives. Dans ce cas, gardons le nom, mais changeons les termes de la définition ?

La possibilité de choisir en conscience le type de relations – exclusives ou non-exclusives – qui nous convient, de manière consensuelle et éthique.

Est-ce cela que Brigitte Vasallo (poly activiste espagnole) appelle des relations « inclusives » ?
Est-ce que le contraire d’exclusives serait « inclusives » et non « non-exclusives » (double négation) ?

La Polyamorie serait alors la possibilité de relations inclusives, consensuelles et éthiques ?

C’est sur cette interrogation à laquelle je n’ai pour l’instant pas de réponse, que se terminent mes 21 jours de Voyage en Polyamorie.

Je me sens heureuse et libérée. Fondamentalement, je me rends compte que ma revendication (et non « combat », car je souhaite rester positive : je lutte pour, et non contre quelque chose) va dans le sens de la liberté de choisir des relations en conscience, telles qu’elles conviennent à chacun.e d’entre nous.

Il ne s’agit pas pour moi de lutter contre la Monogamie, mais contre le système patriarcal qui impose la Monogamie comme une norme par défaut.
Si la Monogamie vous convient, à l’un.e et à l’autre, et que vous êtes d’accord que ce n’est que pour un temps donné, tant que ça vous convient, et non « pour toute la vie », alors tout va bien !

Je ne vois pas comment on peut s’engager pour l’avenir sur des éléments aussi fluctuants, éphémères et passagers, que des émotions et des sentiments.

La Polyamorie, en cohérence avec la Mindsight, la méditation de pleine conscience (Mindfulness) et l’accueil des émotions en nous, nous invite à vivre au moment présent, ici et maintenant.

Je t’aime, ici et maintenant. Demain, j’en aimerai peut-être un.e autre, en plus. Ou tellement en plus, qu’ielle prendra de plus en plus de place, et que nous en viendrons peut-être à rediscuter de notre relation, à la faire évoluer, transitionner vers un autre type de relation, moins impliquante, moins quotidienne peut-être.

Tu es libre. Je suis libre. Nous sommes en relation parce que nous le souhaitons l’un.e et l’autre, en conscience, de manière consensuelle, éthique, et enthousiaste. Ici et maintenant.

Je ne peux pas m’engager, tu ne peux t’engager, sur des sentiments. Mais bien sur un comportement, le plus possible (4. Fais de ton mieux) éthique et respectueux, de moi-même, de toi-même, des émotions de l’un.e et de l’autre, et de toutes les personnes amenées à entrer en relation avec l’un.e ou l’autre d’entre nous. Sans jugements, sans projections, sans suppositions. Dans l’écoute, la confiance, le respect et la bienveillance de toutes et tous.

Waouh. Tout un programme.

Hâte de lire vos commentaires, vos témoignages, vos réactions. L’espace ci-dessous vous est réservé et vous y êtes les bienvenu.e.s
Et à demain, bien que ce Voyage en Polyamorie soit désormais terminé, pour un récap’ des 21 articles.

Avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Je dédie cet article à toutes mes amies proches qui m’ont aidée, guidée, soutenue, inspirée, tout au long de ce Voyage : Élisende, Patricia, Laura, Frédérique, Malika, Anne, Tamara, ainsi qu’à Muriel Salmona. Et à l’homme avec lequel je partage tant depuis bientôt cinq ans, qui m’a tant donné et qui m’aide à devenir moi-même, une meilleure moi-même, à ses côtés, jour après jour, pas à pas, et chaque jour de mieux en mieux.

Voyage en Polyamorie #20. Sexualité positive

Arrivée (presque) au bout de l’engagement que j’ai pris envers moi-même d’écrire 21 articles d’affilée sur la Polyamorie, je m’interroge : est-ce que j’ai dit tout ce que j’avais envie de dire sur le sujet ?

Jusqu’à l’article #18, j’avais un cadre, une structure : ce mixte que je me suis fabriqué sur mesure entre le voyage du héros et celui de l’héroïne, et chaque jour, je savais donc quand même plus ou moins où j’allais. Depuis hier, me voilà livrée à moi-même : je n’ai plus cette architecture pré-existante pour m’aider à donner du sens, une direction à ce que j’écris. Me voilà en free style, et je vois bien que la liberté peut parfois paraître enivrante : quand tout est possible, par où partir, dans quelle direction aller ?

Une amie poly nous confiait, lors du premier groupe de parole poly que nous avons tenu chez moi, que parfois, entre ses deux amoureux réguliers, elle se sentait prise de vertige, se demandant où tout ça « allait la mener ».

D’habitude, en effet, tout semble écrit d’avance, le cadre nous est donné par nos parents, la culture, la société : on rencontre quelqu’un.e, on se plait, on couche ensemble, on se plaît décidément beaucoup, on se voit de plus en plus, on se présente nos ami.e.s, puis notre famille ; les gens commencent à nous inviter « en couple », avant même parfois qu’on ose se définir ainsi soi-même ; puis les questions se font insistantes, les gens ont besoin de mettre des mots : est-ce que c’est sérieux entre vous ? Est-ce que vous allez habiter ensemble ? Selon votre âge : Est-ce que tu envisages d’avoir des enfants avec lui/elle ? Ou bien : Est-ce que tu vas lui présenter tes enfants ? Est-ce que tu as rencontré les siens ? Est-ce que vous allez faire famille recomposée ?
Un jour, vous vous rendez compte qu’en effet, vous êtes un « couple », ne serait-ce qu’aux yeux des autres : ça les rassure, vous êtes rentré.e dans le rang. Les normo-pensants ont besoin d’étiquettes.

Alors quand on est une jeune femme d’une trentaine d’années, qu’on a deux amoureux (voire plus) entre lesquels on navigue, et qu’on ne se projette pas dans un couple avec enfants, je comprends que cela puisse donner le vertige : on n’a plus de carte toute tracée. La Polyamorie vous encourage à être vous-même, à vous poser les questions de ce que vous souhaitez pour vous-même, de ce que vous attendez de la vie et des relations. On ne se définit plus par son/sa conjoint.e, sa « moitié ». On ne fabrique plus de la co-dépendance.
Hier, une femme d’une soixantaine d’années me donne un chèque où il était indiqué « M. ou Mme Philippe A. » Elle était « Mme Philippe A. » ! Même pas de prénom ! Difficile quand / si un jour une séparation se produit, de savoir qui on est, soi-même, quand on s’est toujours défini.e comme « mari » ou « femme » de.

La Polyamorie nous invite à sortir du cadre, à réinventer nos relations, à nous interroger sur ce qu’on souhaite, nous, en conscience. Penser, aimer « outside the box« . Avec qui a-t-on envie de passer la soirée ou la nuit ? De partir en week-end ou en vacances ? On ne se définit plus par rapport à un.e autre (mon mari, ma femme), mais par rapport à qui on est, nous.

Aujourd’hui, de même, je suis sortie du cadre que je m’étais donné à moi-même, celui du Voyage, et me voilà livrée à moi-même. Et je réalise que ce Voyage en Polyamorie parle presque autant d’écriture dramatique, que de polyamorie.
Tout comme LUTINE parle autant de cinéma – et de qu’est-ce que faire un film ? – que de polyamour.

Mon fils me disait tout à l’heure : « Ton film, tu crois qu’il parle de polyamorie, mais en fait, pas du tout ! » Moi, surprise : « Ah bon, de quoi il parle alors ? » Lui, très sûr de lui : « Du couple ! »
Et de développer : « Les gens, ils ne s’intéressent pas à ce qu’ils ne connaissent pas, donc si tu leur dis que ça parle de « polyamour », ils vont te répondre : « Polyamour, connais pas ! », et passer leur chemin. Alors que si tu leur dis : « C’est l’histoire d’une femme qui trompe son amoureux avec son comédien », là, tout de suite, ça les intéresse ! Parce que les gens, ce qui les intéresse, c’est le sexe ! »
Il a 11 ans.

Parlons donc de sexe, donc, aujourd’hui ! Et plus particulièrement, de sexualité positive –  comme on parle de psychologie positive et d’éducation positive (ou bienveillante).

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Sentiment de vivre dans une société schizophrène : d’un côté, le sexe est partout, sur les affiches, dans les magazines, sur les bus, sur Internet des images porno sont disponibles en trois clics, au point que les enfants en voient de plus en plus tôt, alors qu’ils n’y sont pas prêt.e.s et pas préparé.e.s (lire à ce sujet l’article que j’ai co-signé sur Mediapart avec Jérôme Soubeyrand, le réalisateur de Ceci est mon corps : Parlons sexualité avec nos enfants, et celui que j’avais écrit ici-même : Parlons de sexualité – et de respect – à nos enfants ! ) ; et d’un autre côté, dans l’intimité, dans les familles, entre parents et enfants, entre partenaires, même, c’est toujours autant tabou.

Un des livres qui m’a le plus aidée à comprendre cette ambiguïté, cette apparente contradiction, est Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ? de Didier Dumas (cf mon article Osons l’émerveillement de la découverte).

9782226142221mSi aujourd’hui, le sexe est encore tant tabou, c’est en grande partie dû au transgénérationnel : parce que nos parents ont été élevés par leurs parents, eux-mêmes  élevés par leurs parents, directs héritiers de la société bourgeoise puritaine du XIXème siècle, où les médecins se sont associés à l’Eglise pour garantir la stabilité du mariage bourgeois et la transmission de son patrimoine. À cette grande époque des recherches de Charcot sur l’hystérie féminine, la masturbation était considérée comme une manifestation du diable en nous (et parallèlement, ironie de l’histoire bien sûr, on soignait les femmes dites « hystériques » en les masturbant : cf le film Oh my God !). Le plaisir était impensable, sinon on était une « putain ».

Dans TOUT LE PLAISIR EST POUR MOIj’ai mis dans la bouche des vieilles dames qui discutent de la perte de son clitoris par Louise (Marie Gillain), quelques-unes des phrases entendues dans ma famille, et venues de la génération de mes arrière-grands-mères :  » Ils nous racontaient de ces histoires… Que c’était sale, qu’on allait attraper la mort si on se touchait, qu’on irait en enfer…  Moi, j’ai jamais cru à leur enfer. », « Ma mère disait à mon frère : faire l’amour, c’est comme faire pipi, ça soulage. », « Moi j’ai jamais pris de plaisir… et ma mère me disait « Heureusement, sinon tu serais une putain !«  »

Dans tous mes films, je réalise que mes héroïnes – toutes, sauf une, dans A CORPS PERDU, qui raconte l’histoire d’une agression sexuelle et du chemin vers la résilience grâce à l’empathie et l’écoute bienveillante d’une femme qui ne parle pas français), sont des femmes qui interrogent ou mettent en scène leur désir :

CHOCOLAT AMER (une jeune femme a envie de faire l’amour avec son petit-ami, mais ses parents tardent à sortir) ;

PRESSE-CITRON (une femme s’invente une relation avec un homme pour attirer l’attention de son meilleur ami dont elle est amoureuse) ;

LES JOURS BLEUS (une femme, qui se demande si elle est enceinte, invite en week-end un homme qui la drague en prétendant vouloir le présenter à sa meilleure amie – complexité des désirs multiples, pression de la société qui lui fait croire qu’elle doit choisir) ;

TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI : Louise perd la sensation de son clitoris à la veille de présenter son petit-ami à ses parents : l’image du couple comme contraignante, faite de compromis et de concessions, tel que sa mère et sa sœur la lui présentent, ne lui conviennent pas, et son corps se rebelle ;

LUTINE : une femme s’interroge sur la pérennité du désir dans son couple (mais c’est qu’il a raison, mon fils !) : son compagnon ayant trompé sa femme avec elle, il pourrait bien un jour faire de même avec elle ; alors elle part à la découverte de la Polyamorie, découvrant qu’elle-même n’est pas indifférente au comédien qu’elle a embauché pour jouer le rôle de son amoureux… avant de se confronter à sa plus grande peur : le désir de l’homme qu’elle aime pour une autre femme – qui était le point de départ même de son interrogation. Et elle décide en conscience que ce jour-là, elle préfère regarder la vérité en face, plutôt que jouer à l’autruche.

Comme le dit un personnage : « Quand on en parle à son/sa partenaire, au moins ielle est libre de ses réactions : c’est une question de respect… et de confiance.« 
C’est bien l’adultère que nous interrogeons ici, et en effet, la relation de confiance dans un couple. En ce sens, la Polyamorie, basée sur des relations éthiques et consensuelles, est bien pour moi l’exact inverse des violences psychologiques au sein du couple (cf ce site que j’ai créé en 2010, où je recense des liens, pistes, livres, articles,vidéos). En ce sens LUTINE, dans lequel je me mets en scène est totalement un film thérapeutique.

Ce qui pose problème, de mon point de vue, dans l’adultère, ce n’est pas d’avoir du désir pour quelqu’un.e d’autre que son/sa partenaire – « Ça me paraît normal, naturel et même sain, d’aller voir ailleurs au bout d’un moment dans un couple », dit Marianne dans LUTINE – c’est d’avancer masqué.e, de tricher, mentir. De ne pas respecter sa parole, et par là-même, de trahir la confiance de son/sa partenaire. C’est en ce sens que l’on parle « d’infidélité » : c’est en effet une infidélité à la parole donnée.

En Polyamorie, on ne parle pas de « fidélité », mais d’exclusivité. Fidélité vient du latin Fides, fidei, qui signifie « Confiance ». Quand on est polyamoriste, on est fidèle à sa parole, mais on peut être non-exclusif.ve.
Dans Mating in Captivity (le titre à lui tout seul est tout un programme), Esther Perel explique comment les êtres humains ont un double besoin : à la fois celui de se sentir en sécurité ; d’autre part, celui d’explorer, de partir à la découverte de nouveaux territoires, de satisfaire sa curiosité.
On le sait depuis la théorie de l’Attachement (cf le livre d’Yvane Wiart, L’Attachement, un instinct oublié), l’être humain, comme le petit enfant qu’ielle a été un jour, a précisément besoin de se sentir en sécurité pour pouvoir explorer… et revenir à son port d’attache si ielle se sent en danger.
Le couple offre ce havre de sécurité, de réassurance… mais ne nous suffit pas, du moins à la plupart d’entre nous.
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Ce n’est pas parce que quelque chose ne va pas dans notre couple qu’on va voir ailleurs (parfois si, bien sûr, et une relation adultère peut-être un révélateur formidable d’un dysfonctionnement dans un couple), mais bien, la plupart du temps, parce qu’on a envie d’autre chose, en plus : les amours s’additionnent.

Françoise Simpère a cette très jolie formule dans LUTINE : « Je pense que aimer, c’est aussi garder les yeux ouverts sur le monde. Donc, on ne va pas voir ailleurs parce que ça va pas, on va voir ailleurs parce qu’il y a autre chose à regarder, y a autre chose à découvrir. C’est une histoire de découverte. » 

J’aimerais, avec mes films, avec LUTINE, avec le suivant que je suis en train d’écrire, contribuer à libérer la parole, à déculpabiliser les gens, hommes et femmes, de ressentir du désir.
Le désir, la sexualité, c’est la vie en nous, notre énergie de vie. C’est un élément essentiel de notre équilibre. Ce n’est pas pour rien que l’on revient aujourd’hui aux enseignements des anciens : le Tao chinois, le Tantra indien, qui mettaient la sexualité au centre de l’équilibre de l’être humain.
Quand on étouffe le désir en nous… on est mort.e à l’intérieur. Quand on sent coupable, quand on croit qu’on est le/la seul.e à être tenté.e de tromper son/sa partenaire, on se sent mal, et tout le monde avec nous autour.
La culpabilité, la honte, sont des sentiments toxiques, destructeurs.
Accueillons au contraire nos émotions en nous avec bienveilance et tolérance.
Si les gens réalisaient que toutes/tous autour d’eux avaient les mêmes désirs, qu’ielles ne sont pas « tordu.e.s » ou « pervers.e.s » d’éprouver du désir… alors peut-être, ils oseraient plus l’assumer, en parler à leur conjoint.e.
À l’inverse, si les conjoint.e.s en question savaient au fond d’eux/elles-mêmes, que c’est normal d’éprouver du désir à l’extérieur d’un couple établi, alors peut-être, ielles souffriraient moins de la découverte d’un adultère, et pourraient se connecter par l’empathie au besoin non satisfait de leur conjoint.e qui s’est ainsi exprimé, ainsi qu’à sa peur, qui, pour ne pas risquer de perdre la relation à laquelle ielles tiennent, ont préféré tricher.
On est multiples, on est pluriel.le.s. On peut aimer le thé et le chocolat, le cinéma et la musique, les blondes et les brunes, les petits et les grands. On peut avoir besoin de la sexualité sacrée que l’on partage avec son/sa partenaire de vie, à travers laquelle on communique avec l’univers entier et les étoiles… et aimer faire du sexe ludique, joyeux, léger, dans le cadre de relations moins impliquées. On peut aussi… aimer plusieurs personnes.
Si l’affiche de TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI demandait : « Et vous, c’était comment la dernière fois ? », parlant très clairement de sexe, j’ai en tête pour LUTINE cette formule : « L’un n’empêche pas l’autre« . 
Cessons de culpabiliser les un·es et les autres d’éprouver du désir. Libérons les un·es et les autres de ces idées dévalorisantes : Si ielle va voir ailleurs, c’est que je ne lui suffis pas… et donc que je ne suis pas aimable. En effet, quelle prétention de penser qu’on peut être tout pour une personne, pour toute la vie. Mais ce n’est pas parce que l’autre va voir ailleurs, qu’on n’a plus de valeur. On existe par nous-même, en nous-même. On est entier.e.

Dédramatisons les désirs multiples, les amours plurielles : ils font partie de nous, parce que nous sommes humains, multiples, pluriels, complexes, contradictoires.

Et puis aussi : cessons de croire à ce mythe de nos sociétés qui veut nous faire croire que les hommes ont plus de « besoins » (entendez « désirs ») que les femmes, qu’ils ont « besoin » d’aller semer leur semence, pendant que les femmes, elles, restent à garder le foyer. Peut-être nos grands-mères hésitaient-elles plus que leur mari à prendre un amant, de peur de tomber enceintes, mais les désirs sont très également répartis entre hommes et femmes.

C’est la thèse défendue par les auteurs de Sex At Dawnet c’est très libérateur (leur théorie est qu’avant l’agriculture, il y a de grandes chances que nos ancêtres les chasseurs-cueilleurs aient été multi-partenaires, aussi bien multi-mâles que multi-femelles, comme chez nos cousins primates les plus proches, les bonobos).

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Les femmes ont autant de désirs que les hommes, l’enjeu est simplement qu’elles l’assument et qu’elles apprennent à se faire confiance et à l’exprimer.

Inversement, il serait temps, plus que temps, que les hommes (entendez, les machos, les misogynes, ceux des temps anciens, pas nos amis les nouveaux guerriers) apprennent à garder leurs mains derrière leur dos et à attendre que les femmes viennent à eux. Qu’ils se réfrènent, qu’ils apprennent à contrôler et maîtriser leurs pulsions (c’est tout l’enjeu de pouvoir en parler, et notamment à nos enfants : que ça ne soit plus tabou !).

Je veux croire qu’il se passe quelque chose en ce moment dans la société française : que la parole se libère, que la honte change de camp.

Allons vers une sexualité joyeuse, ludique, émouvante, sacrée, allons vers une sexualité respectueuse, positive, égalitaire. Où primerait le consentement enthousiaste, le Fuck, yes! plutôt qu’un mou « pourquoi pas« .

Libérons la parole ! Apprenons à nous écouter, à nous respecter, à nous attendre, à nous entendre.

C’est à tout cela que nous permet de réfléchir la Polyamorie, car au-delà d’une manière d’aimer, c’est une manière de vivre, une philosophie de vie, éthique, qui nous apprend à s’écouter soi, tout en écoutant et accueillant l’autre, dans le respect et sans jugement.

Et vous, quelle est votre expérience de la sexualité ? Vous sentez-vous libre d’explorer à votre guise, d’être vous-même ? Vous sentez-vous écouté.e, accueilli.e, vivant.e ?
Hâte de lire vos commentaires et témoignages dans l’espace ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #19. Éthique de la Polyamorie

La position que j’ai adoptée au début de ce Voyage en Polyamorie (qui est la mienne et n’engage que moi !) est celle de ma désillusion à propos de l’idéal de la Monogamie, petit frère du mythe de l’Amour romantique, dont on nous rabat les oreilles à longueur de films et d’articles de journaux, et qui ne résiste pas, à mon sens, à un regard un peu critique sur ce qu’il se passe en réalité en coulisses, derrière les rideaux de la scène de théâtre sur laquelle nous jouons toutes et tous.

Qu’on ne se méprenne pas : je suis heureuse, profondément et sincèrement, pour les couples qui vivent heureux et épanouis en vraie Monogamie choisie en conscience, et renouvelée de leurs vœux jour après jour.
Ma motivation à entreprendre ce Voyage, et qui est, au fond je crois, la même que pour mon film LUTINE, est d’informer les autres, celles et ceux pour lesquel·les cet idéal inatteignable est écrasant et culpabilisant, qu’il existe d’autres manières de vivre les relations amoureuses que vivre en Monogamie hypocrite, frustrante ou résignée.

Si je ressens en moi ce besoin de transmettre, de créer les conditions pour des débats, c’est sans doute parce que, comme mon personnage au début de LUTINE : « je me dis que potentiellement, [le sujet de la polyamorie] peut intéresser tout le monde, et aider peut-être tout le monde… Parce que l’amour, les histoires d’amour, de couple, de fidélité, d’exclusivité ou pas, ça concerne tout le monde, et je crois en même temps que c’est facile pour personne… ».

Et aussi parce qu’ayant entrepris le voyage moi-même il y a quelques années, grâce à un ami qui m’a fait découvrir le concept alors que je sortais de plus de vingt ans de relations de couples décevantes et douloureuses, me permettant de me réconcilier avec l’Amour et d’envisager à nouveau des relations heureuses, éthiques et en conscience ; parce qu’étant passée par le ventre de la baleine (#9), et étant remontée grâce au soutien constant et bienveillant de nombreuxes ami·es autour de moi et de toute une communauté dont j’ai découvert, en présentant LUTINE à l’étranger (Lisbonne, Barcelone, Rome, Vienne, San Francisco, bientôt New York, Montréal) qu’elle était encore plus riche que je ne l’imaginais, car internationale, je me sens aujourd’hui dans cette position de l’héroïne – en toute modestie ! – qui ayant « choisi sa lumière » (#17), tend à son tour la main à celles et ceux qui seraient curieuxes d’entreprendre le voyage.

Aussi vraisemblablement, je l’avoue, parce qu’ayant écrit et conçu LUTINE à la fois comme une comédie, un divertissement, mais aussi un outil pédagogique, qui donne des éléments et des clés pour des débats après les projections, je me sens une forme de responsabilité vis-à-vis de tou·tes ces spectateurices qui vont découvrir la Polyamorie à travers mon film… afin de les mettre en garde contre des tentatives de se lancer dans l’aventure qui n’auraient pas été suffisamment préparées et réfléchies.
Aussi enfin, parce qu’en démocratisant, vulgarisant, médiatisant le sujet (je ne suis évidemment pas seule, c’est dans « l’air du temps », il y a de plus en plus d’articles ou de reportages), j’ai tout à fait conscience que la Polyamorie risque d’attirer de nombreux profiteurs, pour ne pas dire « prédateurs », des gens qui penseraient trouver parmi la « communauté » de la chair fraîche et disponible, tel le producteur joué par Philippe Rebbot dans LUTINE qui demande  : « Est-ce que quand on est polyamoureuse, on couche plus facilement ?
J’ai l’intuition que risquent de débarquer dans les cafés poly, qui font des petits un peu partout en France, dans les groupes Facebook ou sur le forum de polyamour.info, tout un tas de « faux-poly » ou de poly-fakes, qui auront intégré le discours et viendront « chasser de la meuf ».
C’est pourquoi il me paraît important, fondamental même, de dire, écrire, répéter, marteler, encore et encore, que vivre en Polyamorie, ça ne veut pas seulement dire pouvoir vivre en parallèle plusieurs histoires intimes (sexo-affectives, comme on dit en Espagne), mais avant tout, les vivre de façon éthique et consensuelle.
Qu’il est essentiel que toutes les personnes concernées soient non seulement au courant, mais aussi d’accord, profondément ; et qu’il s’agisse d’un consentement enthousiaste (d’un Fuck yes !), et non d’un consentement mou, ou qui aurait été concédé sous une quelconque pression ou contrainte.
 Il me paraît tout aussi important de former les gens aux différents outils d’accueil des émotions, mais surtout de communication, et en particulier à la communication non violente, aussi appelée communication compassionnelle.

Quand on pratique la Polyamorie — comme on pratiquerait un art martial — on se rend vite compte, confronté·e à des peurs dont on est habituellement épargné·e en Monogamiequ’on a tout intérêt à développer des outils spécifiques pour faire face aux émotions qu’elles réveillent en nous, et qui peuvent parfois être violentes ou bouleversantes.

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La CNV (communication non-violente : cf mon coin-lecture) nous apprend que nos émotions et nos réactions nous appartiennent : l’autre ne peut pas être tenu·e pour responsable de notre colère par exemple, ce qu’ielle a fait n’est qu’un « déclencheur ».

Si maon partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux : soit le vivre comme un manque de respect ; soit en être content·e parce que j’ai grappillé un quart d’heure de travail ; soit être en panique parce que j’ai peur qu’ielle n’ait eu un accident.

Ce qui me met en colère n’est donc pas que l’autre arrive en retard, mais ce que je projette sur son comportement. Si pour moi, sa ponctualité est un signe que je compte pour ellui (ou pas) et que je manifeste ma colère quand ielle arrive en retard, ce qui est en jeu – mon besoin derrière cette colère – est mon besoin de réassurance, qui n’a pas été satisfait ; si c’était un rendez-vous de travail et que je comptais dessus pour avancer, alors c’est ma frustration qui s’exprime.

Marshall Rosenberg nous invite à chercher le besoin non satisfait derrière nos émotions, et particulièrement de notre colère.

Certes. Mais quelqu’un.e qui appliquerait la CNV de manière abusive, pourrait chercher à imposer à l’autre ses manières de voir, en lui disant : Si tu es en colère, c’est ton problème. Mon besoin à moi était d’arriver en retard.

La Polyamorie n’est pas seulement une manière différente de vivre ses relations amoureuses, c’est aussi une philosophie de vie. Qui peut être évidemment totalement pervertie, si elle n’est pas pratiquée de façon éthique.

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Je pense qu’à titre personnel, je suis d’autant plus entrée de manière enthousiaste en Polyamorie il y a quelques années qu’à l’époque, j’y voyais un moyen de me protéger des personnes toxiques et manipulatrices. Je n’avais en effet plus confiance dans mon instinct, qui m’avait déjà trompée par le passé, et je craignais, si je renouais une relation amoureuse, de ne pas repérer d’emblée un comportement toxique. Le fait de pouvoir vivre plusieurs relations en parallèle me donnait l’impression d’être protégée d’un manipulateur qui ne pourrait alors pas me couper des autres sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Aujourd’hui, je ne pense plus qu’il suffise de vivre en Polyamorie pour être protégé·e des relations toxiques. Et je pense au contraire précisément qu’il est urgent de développer dans la société – pas seulement pour les polyamoristes, mais pour tou·tes — et ce, le plus tôt possible, dès l’enfance, des outils afin que chacun·e puisse développer des antennes qui l’alertent contre des comportements qui ne sont pas acceptables.

On n’a pas le droit – PAS LE DROIT ! – de critiquer, juger, dévaloriser, humilier, rabaisser l’autre, de faire du chantage, de menacer de représailles si quelqu’un·e ne fait pas ce qu’on souhaite. On n’a pas le droit de læ contraindre d’une quelconque manière, de minimiser ses émotions : Tu es trop sensible, tu fais des histoires pour rien, tout ça n’est pas très grave.

C’est la logique, la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO) dans laquelle on a grandi. On y est tellement habitué·e que si on ne nous apprend pas à en repérer des symptômes, les « trucs », on peut très bien ne même pas en avoir conscience.
Et pour peu qu’un·e manipulateurice ait parfaitement intégré le discours poly, les outils, les codes, le vocabulaire, ielle peut très bien renverser les outils de CNV pour son intérêt propre.

La CNV nous apprend à entendre les besoins non satisfaits derrière ce que Marshall Rosenberg appelle de manière très émouvante, je trouve, des tentatives d’expression « tragiquement suicidaires ». Mais il ne s’agit pas non plus, en contrepartie, d’offrir de l’empathie à quelqu’un·e qui en abuserait et ne ferait pas preuve de la même empathie envers nous.

Pour développer des relations saines et équilibrées entre deux personnes, il est nécessaire que les deux soient sur la même longueur d’ondes. Une des règles de base d’une relation équilibrée, écrit Michel Bozon dans La Pratique de l’amour, est la réciprocité. Au début d’une relation, je me livre, l’autre se livre, puis moi, puis ellui. Chacun·e donne de soi, s’offre en cadeau, se confie, à tour de rôle. Si une relation n’est que dans un sens, si l’un·e donne et l’autre pas, c’est très vite déséquilibré.

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Il me semble qu’il est du devoir – moral et impératif – de l’ensemble de nous tou·tes, de transmettre ces outils, ces expériences, de raconter nos balbutiements, nos plantages, nos galères…

La Polyamorie est un mode de relations qui insiste sur le côté éthique des relations à l’autre : égalitaire, féministe par définition, compassionel. Ce n’est pas pour rien si le bouquin de référence mondial (jusqu’à More Than Two) était La Salope éthique : éthique, la salope !

Il s’agit de faire attention à l’autre, pas d’utiliser les outils développés en CNV pour lui faire avaler des couleuvres.
Quand le personnage d’Isa dans LUTINE, découvrant un article sur la jalousie dans La Salope éthique, le traduit par  : « Ta jalousie t’appartient, tu ne peux pas m’en tenir pour responsable », son partenaire lui répond à juste titre : « Si tu couchais pas avec ton comédien dans ton lit pendant que je suis au bureau, j’aurais pas de problème à gérer. »
Chacune des phrases commençant par « tu » ou « ta », ceci n’est typiquement pas un dialogue en CNV : en CNV, on parle de soi, de son ressenti, de ses besoins.

IMG_5108Notons aussi que la CNV est avant tout une invitation à travailler sur soi-même et non une exigence à ce que les autres travaillent sur elleux-mêmes !

La polyamorie, contrairement à ce que pense ma grand-mère, ce n’est pas « coucher avec n’importe qui n’importe comment« . Il s’agit de relations éthiques, en conscience. On choisit de vivre dans l’honnêteté (ce qui ne veut pas dire « transparence »), sans tricher, sans mentir, sans tromper. Et dans l’écoute et l’accueil compassionnel des émotions des un·es et des autres.

Ce que l’on dit souvent à l’intention des « débutant·es » ou des poly-curieuxes, c’est : Prenez votre temps. Avancez à votre rythme, et singulièrement, au rythme de la personne la plus lente (formule qui nous vient de More Than Two). Ne forcez pas les choses, ne passez pas en force, vous créeriez des précédents traumatiques, qui rendraient les choses encore plus compliquées par la suite.

À nous tou·tes d’être vigilant·es et de dénoncer les comportements abusifs, les chasseurs dans les cafés poly ou dans les groupes Facebook. Si quelqu’un.e vous importune, vous demande en MP alors que vous ne læ connaissez pas, dénoncez-læ, aux modérateurices des groupes, aux organisateurices des événements publics.
Ne subissez pas en pensant que ce sont des comportements normaux. Ne banalisons pas la violence.

Depuis quelques jours, les voix s’élèvent dans la société – des femmes, mais aussi des hommes féministes – pour dénoncer le harcèlement et les violences sexuelles. Osons parler ! C’est important, aussi dans les milieux poly. Nous ne sommes pas plus épargné·es que partout ailleurs dans la société, et nous le serons d’autant moins que nous sommes de plus en plus exposé·es. Sachons nous montrer exemplaires et préserver nos lieux de vie poly de manière à ce qu’ils restent sécures.

Et vous, quelle est votre expérience des cafés poly ou des groupes Facebook ? Y avez-vous déjà rencontré des poly-fakes ou faux-poly ? Racontons nos expériences ! Libérons la parole !
L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : vous y êtes les bienvenu·es !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

 (*) Je vous encourage à lire dans les commentaires à la suite de chacun de mes articles, ceux de mon amie Elisende Coladan : ils se répondent, se complètent, d’une manière que je trouve réjouissante et fort inspirante, montrant par l’exemple ce que nous avançons, je crois, l’une et l’autre : qu’il y a autant de façon de vivre la Polyamorie que de polyamoristes ; et qu’il est avant tout important pour chacun·e de vous / nous, de savoir ce qu’ielle attend de la vie et des relations, et de les définir pour soi en fonction.

Voyage en Polyamorie #18. 12. Éternel recommencement

Nous voilà arrivé·es à l’ultime étape de notre Voyage en Polyamorie (j’ai annoncé 21 jours : les derniers jours seront consacrés à des réflexions plus générales, hors « arche dramatique » de ce voyage).

On est parti·es du monde ordinaire de la Monogamie (#2), rassurante et « normée », où les règles sont implicites le plus souvent (Si on est « ensemble », alors on est exclusifs : je renonce à ma liberté pour toi, en échange de quoi, tu renonces à ta liberté pour moi ; présenté dans des termes plus « positifs », cela donnerait : ma liberté est de te choisir toi et toi exclusivement, ta liberté est de me choisir moi, et moi exclusivement, en échange).

En réalité, la liberté peut faire peur. Car depuis qu’on est tout petit.e, on ne nous a pas souvent donné l’occasion de l’expérimenter.

Combien de parents, par exemple, choisissent pour leurs enfants quels vêtements ils vont porter ? Combien décident de ce qu’ils vont manger ? Et leur laissent-ils le choix de leurs activités extra-scolaires ? Combien d’enfants font du piano ou du violon parce que c’est ce que leurs parents ont choisi pour eux ? Danse classique ou danse moderne ? Judo ou tennis ? Allemand ou espagnol ? Qui choisit, de l’enfant, ou de ses parents, qui « savent mieux que lui ce qui est bon pour lui/elle » ?

Avez-vous lu C’est pour ton bien, d’Alice Miller ? La toute première fois que j’ai découvert Alice Miller, c’était avec Notre corps ne ment jamais. J’en ai sangloté pendant de longues minutes. Tout d’un coup, c’est toute cette « violence éducative ordinaire » (VEO) dans laquelle on a grandi, qui nous apparaît dans toute son évidence.

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La Monogamie est rassurante, voire « reposante » : une fois qu’on a posé ses valises… on n’a plus à se poser de questions. Et même si on a construit soi-même les barreaux de notre cage, on peut aussi choisir de voir la Monogamie comme libératrice : elle nous libère du temps, en effet, et on peut consacrer nos pensées et notre temps à « autre chose » que nos histoires d’amour, de cœur, et de relations.
Et tant pis s’il s’agit d’une sécurité de surface, en apparence seulement, et qu’en réalité, elle cache bien des secrets, des faux-semblants, des masques, des tricheries, mensonges et autres adultères.
De nombreuses personnes préfèrent en effet, et en conscience, vivre dans ce qui est « peut-être » une Hypocrisie, mais dont ils espèrent que, si c’est le cas, elles ne le découvriront jamais.

Certain·es en revanche, ne se satisfont pas, ou plus, de ce monde de faire-semblant.

Cela vous est-il arrivé d’avoir l’impression de vivre comme si on était toutes et tous sur une vaste scène de théâtre ? Un des personnages du dernier film de Woody Allen dit : « La vie est une comédie, écrite par un auteur sadique. » Don Miguel Ruiz, dans Les Quatre Accords toltèques parlent d’un « rêve » que partageraient tous les humains, sauf ceux qui, un jour, se sont soudain réveillés et ont alors compris qu’ils avaient le choix de choisir leur rêve, plutôt que de vivre celui que les générations avant eux ont choisi pour eux.

Sur cette scène de théâtre, chacun·e y joue le rôle qui lui a été distribué, du mieux possible. Une femme, à l’école, joue le rôle de la « bonne mère de famille » ; au bureau, de la « bonne employée » ; dans ses rencontres sexuelles, de la « bonne amante » ; avec ses parents, de la « bonne fille » ; avec la boulangère, de la « bonne cliente souriante et polie » ; et si soudain, cette même « mère-employée-fille-parfaite » a l’idée d’entrer dans des relations BDSM, elle deviendra peut-être une « bonne dominatrice » : les autres n’en reviendraient pas s’ils la connaissaient sous ce jour-là !

Une amie me confiait l’autre jour qu’au travail et dans sa vie sociale, elle « jouait » à être cette bonne bourgeoise, pour qui ses enfants et son travail comptent avant tout. Elle se « déguise » pour aller travailler : tailleur, talons, rien ne dépasse. Sauf que de temps en temps, elle sent que ça bout trop à l’intérieur, qu’elle a besoin d’aller explorer d’autres aspects d’elle-même. Et alors elle va écumer les black-rooms des clubs libertins. Où elle peut laisser sortir la partie d’elle qu’elle tient enchaînée et cachée le reste du temps. Elle a deux profils Facebook, comme la plupart des libertin·es, mais aussi des polyamoureuxes, et de nombreuxes explorateurices de la sexualité sortie du contexte de la Monogamie et de l’exclusivité, et qui savent que c’est encore mal vu, mal jugé, par les normo-pensant·es (celleux qui pensent dans la norme : l’expression est de Christel Petitcollin dans Je pense trop).
Cette amie s’interrogeait sur la vie en Polyamorie, se demandant si ça pourrait être une solution pour enfin peut-être pouvoir vivre une seule et même vie, la sienne. 

Quand on choisit de vivre en Polyamorie, on n’est plus obligé·e de « choisir », on peut explorer plusieurs facettes de notre personnalité avec éventuellement plusieurs personnes différentes, tant que toutes les personnes concernées sont au courant et d’accord, tant que chacun·e fait en sorte d’être de respecter les autres, de ne pas les blesser volontairement, d’être à l’écoute des besoins et des désirs des un·es et des autres. Assumer qui on est, au fond, vraiment. Fièrement.

Certain·es, déçu·es, désillusionné·es des hypocrisies et faire-semblant du monde « ordinaire » normo-pensant (#3), choisissent d’écouter leur cœur, leur intuition – ce que j’ai choisi de nommer leur « petite voix intérieure » (#4) – et de se préparer au voyage en Polyamorie (#5). Un jour, ayant accueilli en elleux leurs peurs d’aller contre le courant, contre la « norme », et sachant ce que cela peut représenter de difficultés, ielles ont choisi « d’y aller quand même » et ont franchi le pas (#6).

Ielles naviguent alors en eaux inconnues (#7), et doivent affronter leurs premiers obstacles, qu’ielles peuvent choisir de considérer non comme des « épreuves », mais comme des « opportunités » de grandir et d’apprendre sur eux/elles (#8).
Quand on choisit de porter sur le monde et notre vie un regard positif en toutes circonstances, de se demander en quoi cette nouvelle expérience de vie va nous permettre de mieux nous connaître, d’être plus fort·e, plus solide encore…, alors il n’y a plus d' »échecs », mais en effet, des « expériences« , qui nous rapprochent de nous-mêmes.

Tandis que la part masculine en chacun·e de nous explore le monde supérieur, à la surface de la terre, enchaînant les conquêtes, accumulant des outils, des forces, des richesses, la part féminine en chacun·e de nous descend en elle-même, se dépouillant peu à peu de toutes les protections, toutes les barrières qu’elle a érigées pour se protéger. On apprend à accueillir les peurs en nous, et à les regarder comme des alliées, qui nous informent sur ce qui se passe tout en dessous, sous la surface, à un endroit où jusqu’à présent, on n’était jamais allé·e regarder : précisément parce qu’on en avait peur.

Avez-vous remarqué comment les émotions sont contagieuses ? C’est le principe même du fonctionnement de nos neurones-miroirs. Si tu bailles, je baille. Dans E.T., Eliott comprend que E.T. est intelligent parce que quand il se gratte le nez, E.T. en fait autant.
Si tu as peurj’ai peur. Tes peurs nourrissent les miennes. 

Si on vit au royaume de la Peur, on projette sans cesse sur l’autre, sur l’inconnu·e, on fait des suppositions (3ème accord toltèque : Ne fais pas de suppositions). On n’ose pas poser de questions directes.
Dans le monde normo-pensant, la plupart gens communiquent en communication indirecteJe lui ai dit ça, il m’a répondu ça, que penses-tu que cela signifie ? Réponse : Je ne sais pas, demande-le lui ! 

Apprenons à communiquer directement : nos désirs, nos besoins, nos demandes. Et apprenons aussi à être capable de recevoir les désirs, besoins et demandes de l’autre… sans le « prendre personnellement », et sans « faire de suppositions ».

Bon. C’est bien beau tout ça, et ça fait rêver. Mais euh…  c’est de la théorie, de la fiction, une construction narrative, écrite pour donner du sens à la vie, qui sinon, n’en a pas.

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Dans la vraie vie, on a souvent d’un côté le discours rationnel, les pensées, les paroles, les « Je voudrais tant être comme ça et lâcher prise, vraiment », et de l’autre, les émotions, qui parfois nous submergent : Je t’ai dit que tu étais libre, que veux-tu que je te dise de plus ? Que je te donne ma bénédiction, en plus ? Que je me réjouisse pour toi que tu passes la nuit avec un·e autre ? Si je pense à toi comme à un personnage de fiction, si j’entre en empathie, alors oui, je suis contente pour toi, et la compersion est quelque chose de top !  Mais dans la vraie vie, j’ai mal au ventre et j’ai l’impression que je vais mourir ! 

Que faire dans ces moments-là ? Savoir, au fond de soi que, bien qu’elles paraissent dévorantes et qu’on a l’impression qu’on va mourir… ce n’est qu’une impression ! C’est une pensée, générée par notre cerveau, alimentée par des sensations physiques désagréables. Et c’est une spirale négative et descendante. Les sensations créent des pensées, qui génèrent à leur tour des sensations désagréables, qui produisent des pensées… On est happé·e dans le tourbillon, c’est la chute.
Et plus on a des espoirs, des attentes, des enjeux forts… plus on a à perdre, et plus la descente est douloureuse.
C’est là qu’on se retrouve dans ce que j’ai appelé le « ventre de la baleine », ou le fond de la grotte, de la caverne, voire le fond du gouffre (#9).

C’est là aussi que nous servent les œuvres de fiction que les auteurices inspiré·es, qui sont passé·es par là avant nous, ont choisi de nous transmettre, parce qu’ielles voulaient transcender leur souffrance du moment, ou bien alors lui donner un sens, positiver leur expérience pour qu’elle puisse leur servir de leçon pour la prochaine fois, ou servir à d’autres…
Quand on traverse une épreuve douloureuse, si on garde en tête ce parcours du héros et de l’héroïne… alors on sait que quand on est au plus bas, on va trouver une façon de remonter, sans doute à laquelle on ne s’attendait pas. Là en bas, tout en bas, quelqu’un·e va nous tendre la main, et nous aider à remonter.

Mais en attendant, quand on est tout au fond du ventre de la baleine, on est confronté·e à notre plus grande peur, à notre monstre intérieur, la Grande déesse dévoratrice.
Ça peut être intéressant, quand on est face à ielle, de læ visualiser, voire de læ dessiner, et de lui donner un nom. Comme ça, la prochaine fois qu’on læ verra en face de nous, on læ reconnaîtra et on pourra se souvenir que la première fois, on n’est pas mort·e. Et si on n’est pas mort·e la première fois, alors on peut aussi s’en sortir la deuxième, et puis la troisième et puis, petit à petit, on aura moins peur.

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Mais là, on y est, tout au fond de la caverne, face à notre plus grande peur. Elle nous domine, elle nous terrifie. On lâche prise. On s’avoue vaincu·e. S’il le faut, on renonce même à la relation, ou en tout cas dans la forme qu’elle avait jusque-là.

De toute façon, on le sait, quand bien même on aurait la tentation de se battre… on n’a de prise que sur notre propre moitié de la relation, pas sur la moitié de notre partenaire.
Et si ielle, a envie de faire évoluer la relation, d’aller vers quelqu’un·e d’autre, à partir du moment où on a choisi de communiquer de manière compassionnelle (#13), dans l’attention, l’écoute, l’empathie, et qu’on se refuse, par principe, par philosophie, à l’expression de toute contrainte d’une manière ou d’une autre (ni conditions sine qua non, ni chantage, ni menaces, ni mesures de rétorsion… On a renoncé à la violence quotidienne ordinaire, celle qui prolonge la violence éducative ordinaire : ce n’est pas pour y retourner à la première bourrasque venue !), si ielle, a envie de vivre autre chose, d’avancer sur le chemin de sa vie d’une manière qui vous, ne vous convient pas… vous n’y pourrez rien : c’est sa vie, son chemin. Alors autant lâcher, et le plus tôt sera le mieux.

Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire, et je suis bien placée pour le savoir, dit une personnage dans LUTINE.
Mais on assume : c’est dans cette direction-là qu’on veut aller, qu’on a choisi d’aller. On garde le cap, comme je disais à une amie l’autre jour, parce qu’on le sait : une relation équilibrée, saine, ne peut de toute façon exister qu’entre deux partenaires égalitaires et mutuellement respectueuxes, et que l’un·e et l’autre désirent aller dans la même direction. Rien ne sert de tirer dans un sens… si l’autre tire dans un autre. On ne peut que se faire du mal.

Au moment même où on lâche prise, où on est humble, petite chose fragile, retour à l’humilité du nourrisson à la merci de la mère dévoratrice… on aperçoit une lumière, et le chemin de la remontée. On est homme parmi les hommes, femme parmi les femmes, humain parmi les milliards d’humains qui peuplent cette terre, et toutes celles et tous ceux qui nous ont précédé·e : on n’est plus seul·e, on participe de l’aventure humaine. Et d’autres, là, nous tendent la main, sans nous juger, juste en étant là, pour nous accueillir dans notre humilité et notre humanité (#14). Ielles sont passé·es par là avant nous, et nous guident.

On savoure notre victoire. On est heureuxe. On est en vie. On n’est pas mort·e noyé·e dans la cale du Titanic, on a réussi à monter sur un canot de sauvetage, et on découvre qu’autour de nous, il y a plein d’autres rescapé·es. (#15) Et notre partenaire est là, ielle aussi, dans le même canot. On rit, on s’embrasse, on verse des larmes d’émotion. On va toujours en Polyamorie, plus que jamais, pas question de revenir en arrière : on ne pourrait plus vivre en Hypocrisie.

Et là, sans qu’on ne l’ait vue venir :  la tempête, la grosse, le cyclone. Il renverse tout sur son passage, envoie les embarcations valdinguer, les vagues nous submergent, on étouffe, on se noie : cette fois-ci, c’est sûr, on ne s’en sortira pas. On lâche prise. Dans l’œil du cyclone, tout est calme. On est serein·e. On va mourir, et on est ok avec ça (#16). C’est ce que Kim Hudson, dans The Virgin’s Promise, appelle Kingdom in Chaos. Le chaos, le vrai.
Son étape #10, elle l’appelle Wanders in Wilderness. C’est le moment où l’héroïne, ne pouvant plus revenir en arrière, et son royaume étant sens dessus-dessous, ne sait plus où aller, et erre comme une âme en peine. Elle regrette, tout, elle aurait aimé ne jamais entamer ce voyage, elle ne sait plus qui elle est, elle a tout perdu, elle n’a plus rien. Elle accepte la vie comme elle vient, elle se laisse porter par les flots, elle ne lutte plus contre le courant : elle accepte que la vie soit changement, mouvement, imprévisible, et elle n’est qu’une malheureuse accrochée à un bout de bois qui dérive sur l’océan.

Que va-t-elle devenir ? Couler au fond de l’océan ? Se faire dévorer par un requin ?

Soudain, elle aperçoit, au loin, les rives de la Polyamorie. Et elle réalise que… elle sait nager !!! Ce que Kim Hudson appelle « Chooses Her Light ». Elle se connecte à la Grande Déesse en elle, à sa confiance intérieure, sa petite lumière, sa boussole, sa voix qui lui parle de temps en temps et qu’elle sait reconnaître : c’est la voix de son désir profond, de son être profond. Si elle est connectée à lui, elle peut être abandonnée par toutes et tous, y compris par celles et ceux qui comptent le plus pour elle, elle s’en sortira toujours, d’une manière ou d’une autre. C’est son Higher Self, sa « source » : chaque auteur a son propre mot pour parler de cette intuition fondamentale en chacun.e de nous, qui nous maintient en vie – notre pulsion de vie – quelles que soient les circonstances extérieures.

Je ne dépends pas de l’autre. Ce qui fait que je suis vivant·e, c’est que je suis moi, unique au monde, et libre, intrinsèquement libre, de choisir ma vie. La Grande Déesse en moi me permet de rayonner, à l’extérieur comme à l’intérieur, en étant réconcilié·e avec moi-même : même si la chose que l’on redoute le plus devait arriver, même si l’autre devait nous quitter, ou nous, si on sentait que notre vie était en danger, même…  on n’en « mourrait » pas. Car on est là, bien vivant·e. Et quoiqu’il arrive, on fera face.
Whatever happens, I’ll handle it, écrit Susan Jeffers. Confiance en la vie et en nous : tant qu’on est en vie.

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Dire oui à l’univers. Alors, et alors seulement, on peut être heureuxe, dans le temps présent, ici et maintenant.

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Le héros a quitté son village et sa communauté qui étaient en danger, pour aller chercher l’elixir, défendu par un dragon, tout au fond de la caverne. Il vaincu le dragon et est reparti sur son chemin du retour, quand il a été assailli par un ennemi plus grand encore, qu’il a réussi à vaincre, grâce à l’élixir. Il peut rentrer à son village, où toutes et tous l’accueillent en héros : il s’est battu pour eux, et revient en vainqueur. Happy end. C’est un voyage linéaire, avec un début, un milieu, une fin.

L’héroïne, elle (entendre : la part féminine en chacun·e de nous) s’est connectée à sa brillance intérieure et a décidé de suivre la voie que celle-ci lui indiquait, contre l’avis de sa famille qui a tout fait pour la retenir et maintenir dans la voie qu’ils avaient décidée pour elle, sans même la consulter. Ce faisant, elle a petit à petit lâché toutes les défenses qui la protégeaient depuis sa tendre enfance et s’est confrontée à sa plus grande peur, en étant totalement nue, et sans plus rien. Et puis elle a entrevu la lumière, sa lumière, s’est reconstruit une communauté, une famille qu’elle s’est choisie, et elle remonte, pour guider à son tour celles et ceux qui, comme elle, voudraient vivre leur vie. C’est un voyage initiatique cyclique, circulaire. Un éternel recommencement. Le cycle de la vie. À chaque nouvelle génération, de nouvelles personnes partent à l’aventure de la découverte de leur moi intérieur.

La polyamorie nous entraîne dans ce voyage à la découverte de nous-même. Qui est-on vraiment ? Qu’attend-on de la vie et de nos relations ? Qu’est-ce qui compte pour nous ? Souhaite-t-on vivre dans le royaume de la Peur, ou dans l’Amour, la confiance et le respect ?
Oh, ce n’est pas facile, et à chaque fois qu’on se croit arrivé·e, il faut recommencer, enlever de nouvelles couches, découvrir de nouvelles peurs. On grandit, on mûrit, on vieillit. On n’est jamais arrivé·e. Ou alors, c’est qu’on est arrivé·e à la toute dernière porte, celle qu’on ne peut franchir que dans une seule et même direction…

Je veux croire qu’avec l’expérience, les peurs s’apaisent, les descentes sont moins violentes, les remontées encore plus joyeuses et libératrices. Je choisis de vivre au royaume de l’Honnêteté, pas en Hypocrisie. Je choisis l’Amour, plutôt que la peur. Je suis libre, je veux rester libre. J’aime l’autre, aussi libre, d’aller et venir, de suivre son chemin, qui est parfois parallèle au mien, parfois peut s’en éloigner. Je fais le choix de la confiance, du respect, et de la communication compassionnelle.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Hâte de lire vos témoignages : l’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé.

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #17. 11. Être moi-même

Plus j’ai avancé dans ce Voyage en Polyamorie, commencé je ne savais pas trop pourquoi, ni où j’allais, ni pourquoi même j’avais besoin de l’entreprendre, plus j’en ai senti la force en moi, comme une force tellurique, ancestrale, puissante, des profondeurs. Une force mystique, qui me dépasse complètement.
Aujourd’hui, je me réveille comme rincée, lessivée, essorée. Comme si j’étais passée par le programme d’une machine à laver, et que je me réveillais nue, à la fois fragile et forte, comme un nouveau-né, avec ma vie devant moi, et tous les possibles. À nouveau étonnamment reconnectée à moi-même, à ma force intérieure, à ma créativité. Je ne saurais pas même vraiment l’expliquer.
Depuis quelque temps déjà, je sens que les choses bougent en moi, que je ne vois plus le monde de la même manière. Je crois que l’un des premiers déclics est venu de mon fils, quand il m’a dit : « Maman, parfois tu me regardes comme si tu voyais en moi un ennemi, un prédateur. Maman, tu vois en moi mon père, et derrière lui, tous les hommes. Mais je ne suis pas mon père, je ne suis pas « les hommes ». Je suis ton fils. »
J’ai parfaitement conscience qu’il m’a dit ça ce jour-là, parce que j’étais capable de l’entendre, et de le recevoir. J’ai entendu, j’ai accueilli, j’ai pleuré, et je l’ai remercié de la confiance qu’il me témoignait en se dévoilant ainsi à moi.
Et au fond de moi, je savais qu’il avait raison. De toute façon, par le fait même que c’était son ressenti, il avait « raison ». Et je n’avais rien d’autre à faire qu’à l’entendre, et le recevoir.

Je crois que c’est en partie la force de la métaphore entre proies et prédateurs, victimes / bourreaux, dans le magnifique film Zootopie, qui nous a permis, à l’un comme à l’autre, de comprendre, de manière très profonde, la répartition des rôles entre hommes et femmes dans cette société patriarcale dans laquelle on vit, ces codes, ces schémas et ces peurs avec lesquels s’est construit.e.s, les un.e.s et les autres.

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Les hommes ont peur de la puissance de la sexualité des femmes. Alors ils ont eu besoin de la brider, de la contrôler. Cette capacité des femmes (entendre : la part féminine en chacun.e de nous) de comprendre le monde, de descendre dans leur moi profond, de parler avec leurs émotions, leurs ressentis, leur cœur émotionnel, d’être connectées aux forces de la terre, aux forces de la vie en nous.

Les hommes ont bâti cette société sur le rapport de forces, la domination, le pouvoir, la propriété, la possessivité. Sur une logique du manque (les anglophones utilisent le mot « scarcity » : pénurie, rareté, famine). Parce qu’ils.elles sont en nombre limité, j’accumule des richesses, des biens, voire des femmes : au cas où je vienne à manquer, je fais des provisions.

Cette société patriarcale, qui apprend aux un.e.s et aux autres, et ce, depuis tout petits, que leurs émotions, leurs ressentis, ne sont pas légitimes. On dit aux petites filles qu’elles font des scènes « pour rien« , que c’est « de la comédie » : Ne fais pas ton cinémaquelle comédienne tu fais ! Tu n’en fais pas un peu trop ? On les ridiculise, on les dévalorise.
C’est la maîtresse de ma fille l’autre jour au cinéma qui me dit, quand j’exprime mon désir d’être assise à côté d’elle (ma fille) : Vous n’allez pas faire un caprice ? Vous n’êtes plus une petite fille !
Quel « caprice » ? Quelle « petite fille » ? J’exprime mon désir, et mon désir est légitime.
Parallèlement, on apprend aux petits garçons à refouler leurs émotionsUn garçon, ça ne pleure pas ; dans notre famille, on sait se tenir ; chez nous, on se contrôle. Et on leur met en tête tout un tas de « devoirs » et obligations : de performance, de protection, de conquêtes, de « signes extérieurs de richesse« .
Et on offre aux petites filles des poupées, en leur expliquant qu’elles aussi, un jour, elles seront « maman ». Est-ce qu’on explique aux petits garçons qu’un jour ils seront « papa », est-ce qu’on les encourage à jouer à la poupée afin que le jour venu, ils sachent bien s’occuper de leur nouveau-né ? Que nenni. Les jouets de « filles », sont dévalorisés.
Ma fille, dès sa rentrée au CP, a lâché les robes et le rose, pour s’habiller « comme un garçon », en jogging et baskets. Parce qu’elle sent bien que les garçons sont « plus forts » et qu’elle veut être comme eux. Alors chaque jour, elle s’entraîne : elle fait des pompes et des bras de fer, elle se muscle, elle court, elle porte les sacs des courses : pour être « plus forte ».

On vit dans une société qui a le culte de la performance, qui valorise « l’avoir » et le « faire » sur l' »être ». Toujours plus. Accumuler. Les derniers gadgets, les marques à la mode. Tout va vite, toujours plus vite. On n’a plus le temps de rien. Les réseaux sociaux nous donnent l’illusion d’être connecté.e au monde, mais ça n’est qu’une illusion. En réalité, on est sans doute plus seul.e qu’avant, chacun.e derrière son ou ses écrans multiples.
On ne prend pas/plus le temps de se poser. De se « pauser ». Faire une pause. Se regarder en face, et prendre le temps de se demander qui on est, nous, très profondément, et ce qu’on attend de la vie, et de nos relations aux autres. Qu’est-ce qui est important pour nous, vraiment ? De quoi a-t-on envie, vraiment ? Qui a-t-on envie de voir, vraiment ? Avec qui aimerait-on passer la soirée, si on avait le choix ?

Ce Voyage en Polyamorie, ce blog où je me suis astreinte à écrire un article par jour depuis déjà 17 jours, m’a permis ça : de me « pauser ». De regarder en moi-même, et de m’interroger. Sur l’amour, la liberté, ma dépendance aux modèles et schémas ambiants. De me demander à quel point les croyances et les peurs créées par les générations avant nous étaient ancrées en moi. Si ma peur des hommes – et ma colère, dérivée de cette peur fondamentale, physique, aussi bien que psychologique – n’était pas héritée de celle de ma mère. Et au-delà, de celle de sa propre mère, et ce, sur des générations et des générations.

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Parallèlement à mon voyage, étonnamment, la société française me semble en train de bouger. Ces femmes qui soudain, osent enfin parler, lever le voile sur le tabou des violences sexuelles et du harcèlement sexiste au quotidien. Ces 17 ex-ministres qui écrivent cette tribune : « Nous ne nous tairons plus. » Les articles et interviews de Muriel Salmona qui atteignent enfin la sphère des médias nationaux. Cet article d’un journaliste dans Libération, enjoignant les hommes, eux aussi, à se lever aux côtés des femmes en écrivant : « C’est parce que ces femmes pensent, à juste titre, qu’elles ne seront pas entendues, écoutées par leurs collègues masculins, les cadres, etc. qu’elles ne disent rien. Et que le harceleur se sent légitimé. Très souvent, pourtant, nous savons ce qui se passe. Ne faisons plus semblant de ne pas savoir. Et ne nous cherchons plus d’excuses pour ne pas voir et dire. » J’en ai pleuré.

Je me sens femme. Je me sens enfin, entendue.
Ex-victime de violences psychologiques, sexistes, si non sexuelles.
Je me sens fière d’être femme parmi les femmes. À la fois infiniment triste et en colère d’entendre que toutes ont la même expérience, et en même temps, heureuse que toutes  enfin, reconnaissent cette sororité entre nous.
Jusqu’à présent, quand je parlais, j’avais l’impression d’être en position de « victime », donc de « faiblesse » : comme dans « faible femme », « le sexe faible », ou « les femmes et les enfants d’abord ». Et les faibles ont toujours tort dans cette société binaire qui valorise les « winners« , par opposition aux « losers« .
Le fameux « La raison du plus fort est toujours la meilleure » de la fable Le Loup et l’Agneau.

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Aujourd’hui, je récupère ma puissance. Je peux parler, et ma parole peut être entendue.
Je ne dépends plus d’un homme, du regard d’un homme, de la valorisation ou non d’un homme. Ma valeur m’appartient. J’ai de la valeur en moi-même. Ma parole a de la valeur. Je suis entendue. Je suis entière. Je m’appartiens.

Je me sens libérée.

Ce n’est sans doute pas seulement grâce à mon Voyage en Polyamorie, mais aussi à la conjonction de ce voyage et de tout ce qu’il s’est passé autour en parallèle : mes échanges avec mes amies, mes lectures sur les réseaux sociaux, les différents articles. Et aux discussions avec mon fils. Et à mon « Je n’ai plus peur du loup« , sorti spontanément à mon coiffeur vendredi dernier (j’en ai été la première surprise à m’entendre le dire !).  Libérée de la peur qui m’entravait.
Je renais à moi-même.

Comme le disait mon coiffeur : « je travaille mon m’aime« .

moi m'aime

Hier, j’ai lâché prise, profondément, totalement.

J’ai compris que si j’avais peur de l’amour que l’homme que j’aime peut éprouver pour une autre que moi, en plus de son amour pour moi, c’est parce que je vivais au royaume de la Peur, et non dans celui de l’Amour et la confiance.
J’ai choisi d’avoir confiance en lui, et dans son amour pour moi.
Si je n’ai plus peur du loup, si je me suis départie, une à une, de toutes les protections que j’avais soigneusement érigées autour de moi, comme autant de barricades et de barrières, en descendant dans le fond de ma caverne, je peux remonter en étant dans l’amour, et uniquement dans l’amour.

J’ai ressenti que j’avais construit ces barrières, une à une, depuis l’enfance, sans doute parce que comme (presque) chacun.e d’entre nous, j’ai été élevée dans la VEO : la Violence éducative ordinaire. Celle qui nous est tellement habituelle, qu’on n’y fait même pas/plus attention.
À ce propos, lire absolument, impérativement, le formidable article de mon amie sociologue et thérapeute Frédérique Herbigniaux : La Violence éducative ordinaire : enfant du patriarcat.

Je me suis construite dans l’idée que je devais me méfier des autres, et notamment des hommes, qui n’étaient pas fiables, dont le soi-disant « amour » (car je ne savais pas que ce que je croyais être de l’amour, n’en était pas) pouvait mener à des dangers, des violences, des abandons.
Je vivais au royaume de la Peur, et je projetais ces peurs venues du tréfonds de mon être… sur l’homme que j’aime. Je ne lui faisais pas suffisamment confiance et je me sentais en danger, si soudain une autre entrait dans sa vie.
C’est ça, que j’ai lâché hier.
Parce que j’ai compris que ces peurs étaient « mes » peurs, mes projections, héritées d’avant, et peut-être même d’avant moi, d’avant ma naissance. Et que si je lâchais ma peur du loup, alors je pouvais aussi lâcher toutes ces peurs qui ne m’appartenaient pas/plus.
Et j’ai lâché. D’un coup. Tout.
Et ce matin, je me suis réveillée lessivée, essorée, vidée… mais aussi moi m’aime, entière, autonome, sereine, solide.
Si je lâche prise, si je reconnais et accepte que je n’ai pas de prise sur « sa » moitié de la relation et sur les relations qu’il peut vivre avec d’autres que moi, alors je récupère l’entièreté de « ma » moitié de la relation, elle m’appartient à moi. À moi qui m’aime.Je me retrouve entière, whole. Je n’appartiens à personne et personne ne m’appartient. Je ne suis plus dans la dépendance, mais uniquement dans l’amour. Dans l’amour qui est don de soi. Et liberté. La mienne, et celle de l’autre. Intrinsèquement. Profondément. Philosophiquement.

Roue du voyage J’avais prévu d’intituler cet article #17, étape n°11 de mon Voyage en Polyamorie,  « Résurrection » d’après le Voyage du héros, « Rebirth / renaissance« , d’après celui de l’héroïne (toujours entendre : la part masculine, consciente, dans l’action, et la part féminine, inconsciente, dans l’introspection, en chacun.e de nous).

En effet, même si je ne savais pas véritablement où j’allais, dans le sens où je ne savais pas à l’avance ce que j’allais écrire et le découvrais moi-même au fur et à mesure, au moment même où je l’écrivais… j’avais tout de même une idée générale du voyage et de sa structure. En témoigne ci-dessus la roue que j’ai dessinée au tout début de ce voyage et qui a été ma boussole : ce voyage, comme un scénario de fiction, a une structure dramatique.

Mais je ne savais pas comment j’allais écrire ça, et surtout si j’allais le comprendre de l’intérieur, d’une manière ou d’une autre, ou bien si j’allais devoir le « plaquer » de manière un peu artificielle.

Ce matin, sensation première d’être, comme je l’ai dit, « lessivée, vidée, essorée », passée par le programme essorage d’une machine à laver. Et puis, soudain, l’image s’est imposée à moi : j’étais en effet vidée, comme déprogrammée, nettoyée de toutes ces peurs qui m’avaient construite et protégée jusque-là. Et je pouvais, en effet, renaître à moi-même. J’en ai été la première bouleversée. Car si la « renaissance » était écrite sur ma roue, je ne pensais pas réellement l’éprouver dans la vraie vie – juste l’écrire, la théoriser, la fictionaliser.

En quoi mes pensées créent-elles ma réalité ?
Je pense que je réinterprète mes sensations, que je cherche à leur donner un sens. Le travail de fiction n’est rien d’autre que d’essayer de donner un sens à une existence qui sinon, n’en a pas, comme un bateau qui dériverait au gré des flots. Je choisis de lui donner une direction, un cap, voire une destination.

L’autre jour, discutant polyamorie, une amie me dit : j’ai du mal à déterminer mon objectif. Je lui réponds, du « haut de mon savoir » et de ma grande expérience (sourire d’auto-dérision, là) : Tu n’as pas nécessairement besoin d’avoir un « objectif ». Tu peux aussi vivre au jour le jour. Et observer où tu vas, en te faisant confiance. 
Quelques minutes après, je sors du café sur ces quelques mots : Et garde le cap !
La porte franchie, une fois sur sur le trottoir, j’éclate de rire, n’en revenant pas moi-même : je m’étais entendue dans toutes mes contradictions. (NB. Ne jamais avoir peur du ridicule !)

Éviter les généralisations, fuir les certitudes, autant que les projections, les anticipations, les attentes : car elles figent, enferment, anesthésient.

Une seule solution à mon sens, celle que nous propose Susan Jeffers dans un de ses livres, qui, comme tous, me touche en profondeur : Embracing UncertaintyC’est aussi le sens de ce que l’on appelle l’impermanence de la vie.

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On ne sait pas de quoi demain sera fait. Ne pas faire de plans sur la comète. Si on a des attentes, des projections, des espoirs… on ne peut qu’être déçu.e.
On ne peut pas s’engager sur l’avenir. La vie est mouvement, la vie est changement. Quand on arrête de bouger, de changer… c’est qu’on est mort.e !

Susan Jeffers propose plusieurs « trucs » de langage. Par exemple, au lieu de dire « J’espère… » qu’il appellera,qu’elle pense à moi, que je le/la verrai bientôt, dire « I wonder / Je me demande… » s’il va appeler, si elle pense à moi, si je le/la verrai bientôt.
Essayez : ça change tout !

Mon fameux « …- ou pas« , c’est d’elle aussi que je le tiens.
On sera toujours ensemble dans un an… – ou pas. Je t’attendrai… – ou pas.
À chaque fois que vous vous surprenez à émettre une certitude (ou un vœu) sur l’avenir, ajoutez « … – ou pas ». C’est très libérateur.
Ça permet de ne pas s’accrocher à des choses sur lesquelles, de toute façon, on n’a aucune prise. Et par définition, on n’a aucune maîtrise sur des émotions et des sentiments.

Comment des amoureux aujourd’hui peuvent-ils se leurrer eux-mêmes à vouloir croire leurs promesses faites de vent et de poussière : Je t’aimerai toujours, mon amour ; toi et moi, c’est pour la vie ; je ne quitterai jamais.
Comment peut-on faire des promesses sur des sentiments, des émotions ?

Le sentiment d’amour se construit sur la répétition de moments et d’émotions d’amour, jour après jour. Les émotions, par définition, sont passagères, éphémères. On aime quelqu’un.e quand se renouvellent entre nous, jour après jour, ces moments de partage d’émotions positives et d’échange d’ocytocine qu’on appelle l’amour.

Mais l’amour peut disparaître, du jour au lendemain, si on le néglige. L’amour entre deux personnes est comme une plante, qu’il faut arroser et dont il faut prendre soin, jour après jour.

On ne peut jamais être sûr.e de rien, et certainement pas du sentiment amoureux. Lâcher prise, fondamentalement.

Quand on choisit en conscience de vivre en Polyamorie, il y a plus de chances, statistiquement, qu’en Monogamie, qu’en s’autorisant mutuellement à vivre d’autres relations, on développe de véritables histoires d’amour.
Au début d’une histoire d’amour, il y a d’abord une attirance, un désir de mieux connaître l’autre, parfois un désir sexuel. Ce n’est que si l’on s’autorise à vivre cette histoire, que peuvent alors se développer des sentiments d’attachement plus forts entre deux personnes.

Et il y a des chances que quand on voit la personne que l’on aime tomber amoureux.se d’un.e autre, ou en avoir envie et nous le dire dire, cela réveille en nous des insécurités.
L’autre est libre, comme moi-même je suis libre, intrinsèquement, et on n’a pas, on n’aura jamais, aucune prise sur ses émotions et ses sentiments. Alors autant lâcher prise, dès le début et le plus tôt possible.

À ce propos, une amie chère et bien plus avancée que moi en Polyamorie, m’écrivait dimanche (je la cite avec son autorisation) :
« Déjà savoir, comprendre, accepter que si l’on installe une forme de contrôle (je parle ici de ce contrôle sur l’autre qui prend naissance dans nos propres peurs et qui donc fait fi de l’honnêteté, et de qui est cet autre que l’on aime pour ne pas lui faire confiance ? Confiance à qui ? À soi ? À lui/elle ?), donc cette forme de contrôle sur l’autre pour apaiser nos peurs peut souvent créer une situation contraire à celle attendue.

Petit à petit, ielle risque soit de moins se confier à toi, soit de ne plus entrer en relations, soit de ne vivre que des moments où ielle niera ses sentiments pour d’autres… Ielle va se névroser en somme. C’est une bombe à retardement qui est en train de se fabriquer alors. Frustrations, déceptions et colères… puis boum, le clash :  ce qui a été contenu explose fatalement à un moment.
Lâcher… Se dire que cet homme / cette femme que j’aime est solide, fort.e et que j’ai bien raison de lui faire confiance et je vais travailler cette confiancenon pas la sienne, mais bien la mienne !

Tu vas aimer qu’ielle s’émancipe, qu’ielle soit amoureux.se, qu’ielle devienne gaga d’un.e autre. Ce que tu vas aimer, ce n’est pas qu’ielle aime un.e autre, ni que, sur une période, ce qu’ielle vit avec cet.te autre soit plus fort, plus pétillant et même plus enivrant qu’avec toi… non non, ce que tu vas aimer, c’est qu’ielle puisse t’en parler librement, tu vas aimer être son/sa meilleur.e ami.e et confident.e dans ces moments-là, tu vas aimer sentir combien sa parole est libre avec toi, combien ielle n’a pas peur de ton jugement ou de tes autorisations, tu vas aimer ce moment – quand il va arriver – où il n’y a plus besoin de se mentir, de faire attention, d’être précautionneux avec toi… par peur de te décevoir ou de se faire prendre en situation peu glorieuse où une règle ou une consigne a été oubliée lors d’une rencontre.

Tu vas aimer, car dans un couple, ce n’est pas le sexe ou l’amour pour un.e autre, ce n’est pas ce que l’autre vit sans nous qui est le ciment/liant de la structure, de la construction de notre couple, ce n’est pas non plus la fondation/solidité de notre couple, ce qui se vit ailleurs que sous notre regard, non non non, ce qui est et fera la force et la beauté de votre relation, c’est cette confiance particulière sans restriction qui fait de ton amoureux.se la personne avec laquelle tout peut se vivre, tout peut se dire, le meilleur comme le pire. »

Et vous, avez-vous déjà vécu l’amour de quelqu’un.e que vous aimez pour quelqu’un.e d’autre ? Comment l’avez-vous vécu ? Connaissez-vous ce sentiment qu’on appelle compersion ? Hâte de lire vos témoignages dans l’espace des commentaires ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #16. 10b. L’Œil du cyclone

Ça y est, c’est dit, votre partenaire, celui ou celle avec qui vous partagez tant depuis plusieurs semaines, mois, années… a rencontré quelqu’un·e  avec qui ielle a envie de vivre une véritable histoire, pas seulement des 5 à 7 coquins, pas seulement une complicité amicalo-sexuelle. Non, ielle a envie de plus, d’une intimité, d’un partage d’émotions, de tendresse, de secrets, de moments intimes profonds… et tout cela, par définition, prend du temps.
Car elle pourrait bien être là, la faille du côté Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil des Bisounours poly : certes, l’Amour est illimité (ou presque) et se multiplie, et de même qu’on a plusieurs ami·es, et qu’un·e ami·e qui vous dirait : Je veux bien être ami·e avec toi, mais je veux que tu n’en aies aucun·e autre, paraîtrait sorti.e d’un monde de science-fiction, on peut aimer plusieurs personnes, et l’amour que l’on éprouve pour une nouvelle personne n’enlève rien – en théorie (parce que bien sûr, il arrive qu’une nouvelle relation naisse précisément parce qu’une ancienne n’a plus de sens) – à ses amours d’avant. Certes.

Mais le temps, lui, n’est pas extensible. Et si l’amour se multiplie, si, comme le dit Françoise Simpère dans mon film, « Les amours ne pas rivales, elles s’additionnent », le temps, lui, se divise.
Et si votre partenaire a une nouvelle relation, qui soudain, parce qu’ielle est en NRE (New Relationship Energy), lui prend du temps qu’auparavant, ielle passait avec vous… comment vivre cette évolution sereinement ?

Dans LUTINE, le personnage de Gaël demande à Isa : « De quoi tu as peur ? » Elle lui répond : « Que tu me quittes. Que tu l’aimes plus que moi. Que tu passes plus de temps avec elle qu’avec moi. Que… D’être en manque… de toi. »

Être seule ne me pose pas de problème, au contraire même. Non seulement j’adore être seule, mais j’en ai fondamentalement besoin. Passer des heures en solitude et dans le silence, c’est comme cela que je peux entrer en moi-même, pour mieux écrire. J’ai besoin de ces moments de repli et d’introspection, pour ensuite retourner dans le monde et partager. Rester seule chez moi… me va très bien.

De quoi ai-je peur alors ? Car c’est bien d’une peur fondamentale qu’il s’agit, quand on cherche à l’accueillir en soi. Et c’est sans doute une peur qui nous reste du mythe de la Monogamie, dans lequel, qu’on le veuille ou non, on a baigné si longtemps, et qui continue à s’insinuer en nous via les films, les émissions de radio, les remarques des autres. Oui, mais… et si ielle tombait vraiment tellement amoureux d’un.e autre… et que ça remettait en cause votre relation ?

L'OEIL DU CYCLONE

Face à cette peur profonde, viscérale, sans doute héritée de notre enfance, pas grand-chose d’autre à faire que… de l’accueillir, de la reconnaître en nous, de l’accepter pour ce qu’elle est : une peur, rien d’autre. Une pensée, voire des pensées. Passagères, éphémères. Qui se nourrissent les unes des autres.

On peut essayer les différents outils d’accueil des émotions (#11). On peut choisir où l’on souhaite porter son attention sur la roue de la conscience. On peut se concentrer sur ses sensations en s’adonnant à la méditation de pleine conscience (#12).

On peut aussi décider… d’en profiter pour faire autre chose, qui nous plaît. Sortir, voir des ami·es, aller au cinéma. Lire, écrire, travailler.
Bien sûr.

Mais l’enjeu est bien plus profond que ça. Il s’agit vraiment de lâcher prise, totalement, complètement. De regarder la peur en face et de lui dire : Je te remercie ma peur, je sais combien tu te préoccupes de moi, et j’en suis très touché·e. Mais ne t’inquiète pas : je choisis d’aller bien. 

Comme me le disait mon coiffeur l’autre jour : Tu travailles ton t’aimeJe travaille mon m’aime.

Dans l’œil du cyclone, comme me le faisait remarquer une amie proche cet après-midi, tout est calme. On peut être en paix avec soi-même.

Par essence et de manière totalement intrinsèque à sa condition d’humain·e, l’autre ne m’appartient pas. Je n’ai aucun « droit » sur ielle.
Il ne peut pas y avoir de rapport hiérarchique, d’autorité, de pouvoir, de qui que ce soit sur qui que ce soit dans le cadre de relations saines, équilibrées, égalitaires, mutuellement respectueuses.
On ne peut que s’écouter, dans l’écoute compassionnelle, et essayer de trouver une manière de nous entendre (#13).

Si l’autre a envie, besoin de vivre une nouvelle relation qui certes, peut ne pas nous réjouir, nous agréer (on peut imaginer que la troisième personne, par exemple, ne nous donne pas toutes les garanties que l’on aimerait d’un comportement respectueux et empathique – et que malgré tout, tout en en ayant conscience, notre partenaire a envie ou besoin d’aller s’y frotter, peut-être parce qu’ielle a encore quelque chose à apprendre de ce côté-là des relations), de toute façon, quoiqu’on fasse, on n’y pourra rien.

Dans tous les cas, et fondamentalement, on ne peut agir que sur notre moitié de la relation.

Plus on va se crisper, se raidir, édicter des règles, poser des cadres, voire basculer du côté de la rive de la rigidité de la rivière du bien-être, comme dit Dan Siegel (#12) ou bien faire des scènes, des crises, lui montrer à quel point son comportement nous insécurise, et basculer du côté de la rive du chaos de la rivière du bien-être… dans un cas comme dans l’autre, cela se retournera contre nous.
Car ce serait tenter de lui faire porter la responsabilité de notre sérénité, de notre bien-être, au lieu d’en assumer nous-même la pleine et entière responsabilité.

Notre sérénité et notre bien-être… ne peuvent venir que de nous-mêmes.

La Rivière du bien-être

C’est à nous à apprendre à naviguer sur la rivière du bien-être, à ne pas trop aller d’un côté, ou trop de l’autre. Pas trop du côté du rationnel froid, rigide, logique et calculateur ; pas trop non plus céder à nos émotions, nos peurs, nos fantasmes, nos projections.

Rester centré·e, en paix avec soi-même.

Si l’autre a envie ou besoin de vivre une relation, une histoire, voire une passion… avec quelqu’un·e d’autre, plus vous tenterez d’endiguer les flots, plus vous chercherez à contrôler… plus vous serez emporté·e par le courant quand la digue cédera.
Vous ne pouvez pas agir sur une relation qui ne vous concerne pas.
Car une relation entre votre partenaire et une troisième personne… ne vous concerne pas. Vous n’êtes pas concerné·e.

Bien sûr, il est possible que votre vie en soit changée, bouleversée, même, et en ce sens, vous êtes concerné·e. Mais vous n’y pouvez rien.
L’un·e et l’autre sont libres, intrinsèquement.
Si votre partenaire a envie de vivre une relation que vous jugerez peut-être, vous, de l’extérieur, toxique… vous êtes la dernière personne à pouvoir le lui dire. Car de vous, ielle ne pourra pas l’entendre. Car la troisième personne, si elle a un comportement réellement toxique, s’empressera de lui faire remarquer à quel point vous cherchez à le/la manipuler, à la faire passer, elle, pour quelqu’un·e de manipulateur, alors même qu’elle essaie de le/la sauver de votre relation à vous.
Les manipulateurices ont ceci de redoutable qu’ielles renversent les situations comme en miroir.

Si vous êtes confronté·e à un tel comportement, à par exemple quelqu’un·e qui fonctionnerait sur une mise en place d’une co-dépendance… alors raison de plus pour lâcher prise, et le plus tôt possible. Vous n’y pouvez rien. Rien de rien.
Et plus vous lutterez contre le courant, plus vous vous épuiserez, et plus vous y laisserez de plumes.

Quand vous vivez en Monogamie, si votre partenaire a envie ou besoin de vivre une autre relation, vous ne le savez pas. Vous en êtes protégé·e. C’est en ce sens que c’est un monde plus « sécurisant », même s’il ne l’est qu’en apparence.
En Monogamie, si votre partenaire se lance dans une relation toxique, vous n’en savez rien. Vous pouvez continuer à vivre votre vie de tous les jours comme d’habitude, et vous constituez pour ielle, un havre de paix.

Quand vous avez fait le choix de vivre en Polyamorie, si votre partenaire a envie ou besoin, pour des raisons qui lui appartiennent, de vivre une relation qui ne vous donne aucune garantie de respect et de confiance mutuels… raison de plus pour lâcher prise, et pour rester, vous, ce havre de paix et de sérénité.

Vis ce que tu as à vivre, mon amour. Je t’attendrai.
Ou pas.

Car si vous n’avez prise que sur la moitié de la relation qui vous appartient, vous avez malgré tout prise sur cette moitié. Et vous pouvez, pour vous-même, décider de ce que vous êtes prêt à accepter… ou non.
Quelqu’un·e qui poserait d’emblée, par exemple, des conditions exclusives (C’est comme ça et c’est moi qui pose mes conditions, et si tu n’es pas d’accord, j’annule tout) vous propose, implicitement, un jeu de dupes : si vous rentrez dans son jeu, si vous acceptez de jouer au jeu du C’est qui le/la plus fort·e, alors vous allez perdre, à coup sûr.

La seule manière de s’en sortir, c’est de ne pas jouer.

Et si les enjeux montent, si les conditions deviennent trop pénibles pour vous, si voir votre partenaire dans des postures trop inconfortables, trop douloureuses – alors qu’on est bien d’accord que l’amour est censé être un plaisir, un bonheur, une joie… pas vous faire peur ou vous faire pleurer – vous devient insupportable, alors vous avez le choix de vous retirer, vraiment.

Parfois, il faut « laisser couler« , comme disait le marabout au personnage de Louise interprété par Marie Gillain dans Tout le plaisir est pour moi, mon premier long-métrage. « Laisser couler… quoi ? » lui demandait-elle. – « Laisser couler. Tout. » 

La vie est mouvement, la vie est changement. Si on ne change pas, si on ne bouge plus… c’est qu’on est mort·e !

Vouloir s’accrocher à tout prix à ce qu’on avait… mais qu’on n’a, de toute façon, déjà plus, au moment même où quelqu’un·e de nouveau fait son entrée dans le paysage, c’est s’exposer à des déceptions, des frustrations.
C’est poser des attentes… qui ne pourront qu’être déçues.

Vivre au jour le jour, dans le moment présent.
Vivre en gratitude, en paix avec soi-même.

Célébrer la vie en nous, nous réjouir de ce que l’autre nous apporte… et de ce qu’ielle ne nous apporte peut-être plus, et qui nous permet de développer d’autres activités, d’autres amitiés, de faire peut-être nous aussi des rencontres.

Avoir peur, projeter sur l’avenir, faire des suppositions… est voué à nous créer des nœuds dans le cerveau, et souvent on provoque ce dont on a le plus peur.
Nos pensées créent notre réalité. 

La seule et unique option qui s’offre à nous, est donc de lâcher prise, et de laisser venir, le cœur ouvert. Et sans doute alors qu’on connaîtra des joies nouvelles auxquelles on ne s’attendait pas, des bonheurs inédits.

Ne plus se laisser dicter son comportement par ses peurs… mais par l’Amour.
Choisir la voix, la voie de l’Amour en nous.

Faire confiance à notre partenaire. Avoir confiance dans notre relation, dans ce qu’on a construit ensemble. C’est la personne dont on se sent le plus proche, la personne en qui on a le plus confiance : ielle saura choisir ce qui lui convient le mieux. On a confiance qu’ielle ne fera rien contre nous.

Célébrons ce que les bouddhistes appellent l’impermanence de la vie. La vie est changement, la vie est mouvement. Les relations sont faites pour changer, évoluer.

En Monogamie, on n’a que deux solutions : rester ensemble ou se quitter. Et c’est souvent la rupture, tragique, douloureuse. Comment quelqu’un·e qui, quelque temps avant, était « tout » pour nous, n’est plus rien du jour au lendemain ? Je n’ai jamais compris.

En Polyamorie, on peut être plus souple, plus inventif·ve, plus créatif·ve… et c’est tant mieux. Les relations sont amenées à se modifier, à se réinventer, chaque jour. Une relation qui a été fusionnelle pendant quelques années, peut soudain, parce qu’une troisième personne fait son apparition dans le paysage, évoluer vers une relation plus espacée en termes d’emplois du temps, mais tout aussi profonde dans le fond et le partage des émotions. Et le fait que l’un.e des deux ait une nouvelle relation qui lui prend du temps, peut dégager du temps libre pour l’autre, qui pourra en profiter à son tour à sa guise.

Sauf dans le cas de relations avérées toxiques (j’en connais personnellement malheureusement un rayon, mais justement, je me dis désormais que c’est une chance : je n’ai plus peur, car je les repère aux premiers symptômes), il n’y a aucune raison, en Polyamorie, de raisonner en termes de ruptures et de séparations.
Parlons plutôt de transitions, d’évolutions.

Lâcher prise.

Dans LUTINE,  j’avais écrit une séquence avec ma psy (qu’interprétait ma vraie psy à l’époque, et puis qui a été coupée au montage) où elle me disait : Lâchez prise. Et mon personnage répondait : J’arrête pas de lâcher prise. En attendant, je contrôle plus rien, moi !
Elle me demandait alors : »Vous connaissez la différence entre laisser tomber et lâcher prise ? » Elle prenait un stylo dans sa main, paume vers le bas, et le lâchait : il tombait. « Ça, c’est laisser tomber« . Puis elle reprenait le même stylo dans la main, paume vers le haut cette fois-ci, et elle ouvrait sa main. Et disait : « Ça, c’est lâcher prise« .

L’autre est libre, fondamentalement, intrinsèquement. Ielle vit ce qu’ielle a à vivre, sur son chemin de vie. Vous n’y pouvez rien, rien de rien. Juste veiller à votre moitié de la relation. Et prendre soin de vous, veiller à votre propre bien-être, à votre propre sérénité.

Une relation se tisse entre deux personnes. Si vous avez envie de quelque chose, mais que l’autre a envie d’autre chose, vous ne pourrez rien y changer. Et si entrent dans votre relation la moindre contrainte, le moindre contrôle, ou une quelconque forme de chantage, affectif ou autre, alors ce n’est plus une relation libre et en conscience. Et vous fabriquez une bombe à retardement.
Lâchez prise !

Et repensez aux accords toltèques :
ayez une parole impeccable : pas de jugements, pas de projections, contrôlez l’expression de vos émotions ;
ne prenez rien personnellement : si l’autre agit comme il agit, ce n’est pas contre vous, mais parce qu’ielle agit comme ielle pense que c’est le mieux pour ielle, même s’il s’agit de comportements qui produisent l’effet inverse de ce qu’ielle souhaite. Dans ce cas, n’entrez pas dans son jeu. Enfilez vos oreilles de girafe et apprenez à entendre ses besoins non satisfaits et exprimés de façon si tragiquement suicidaire. Ne faites rien que vous pourriez pas assumer en vous regardant dans un miroir.
ne faites pas de suppositions : quand vous ne comprenez pas quelque chose que fait l’autre, posez-lui la question. Ne projetez pas vos propres angoisses, vos propres peurs.
– Dans tous les cas, faites de votre mieux. Pas moins, pas plus.

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Dans l’œil du cyclone, c’est la paix. Au fond de votre ventre, ça peut être la paix aussi. À vous de le choisir, de le décider. Tout comme une tempête qui fait rage sur la mer déchaîne les vagues et met les éléments en furie… tandis qu’en-dessous, tout au fond de la mer, c’est calme, serein, tranquille.

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Et vous, comment imaginez-vous que vous réagirez le jour où votre partenaire vous annoncera qu’ielle a envie de vivre une histoire d’amour avec quelqu’un·e d’autre ? Cela vous est-il déjà arrivé ? Comment l’avez-vous vécu ? Hâte de lire vos témoignages et récits dans l’espace des commentaires qui vous est réservé ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #15. 10a. Tempête

Je parle depuis le début des « rives rassurantes et sécurisantes » de la Monogamie (#2) : mais elles ne le sont qu’en apparence. Je ne parle bien sûr pas ici de celles et ceux qui vivent en conscience en Monogamie, renouvellent leurs vœux tous les jours et en sont l’un.e et l’autre très heureux : car il y en a, bien sûr, et tant mieux. Mais beaucoup d’autres, très nombreuxes, qui vivent en Monogamie, vivent en réalité en Hypocrisie : ils mentent et portent un masque, ils dissimulent et font semblant.
Les chiffres, aussi bien des divorces et des séparations (indiquant des monogamies sérielles… mais alors on n’est déjà plus dans le mythe de la Monogamie pour toute la vie auquel ielles ont renoncé) que des adultères, en disent long sur cet idéal qui semble inatteignable, tout juste bon à culpabiliser (Les autres y arrivent, pourquoi pas moi ? ) 

Les gens qui vivent en Monogamie hypocrite vivent en effet avant tout dans le royaume de la Peur : puisqu' »on » nous a fait croire (la société, la culture, nos parents, les films) qu’on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois, que donc, si notre partenaire tombe amoureuxe d’un·e autre, alors ielle ne nous aime plus, on redoute, on repousse, on projette, on imagine, on fantasme… le moment où ça pourrait arriver.
Pour s’en protéger, pour parer à toute éventualité, on blinde les contrats, on construit des barrières, des barricades, on érige des murs autour de notre théorique cocon sécurisant : si tu es prêt·e à renoncer aux autres pour moi, moi en échange, je m’engage à renoncer aux autres pour toi.
Même si, pour soi-même, on n’y croit qu’à moitié. On s’auto-convainc.

Ça m’est arrivé moi-même, dans ma vie d’avant. Le partenaire avec lequel je souhaitais revenir « en couple » après l’avoir quitté quelques mois avant (avez-vous remarqué comment, en Monogamie, on raisonne sur un mode binaire ? On est « ensemble », ou on ne l’est pas, « en couple », ou pas : il n’y a pas d’intermédiaire, sauf s’il s’agit de relations amicales ou « que » sexuelles), m’a posé sa condition : l’exclusivité. C’était une condition sine qua nonSi tu veux être en couple avec moi, tu acceptes ma condition ; sinon, je ne souhaite pas être en couple avec toi.
J’aurais pu, bien sûr, si j’avais su à l’époque que la Polyamorie existait, si j’avais pu assumer mieux qui j’étais, lui répondre qu’alors, on allait être malheureuxes tous les deux, et avoir la force de ne pas entrer dans ce jeu de dupes. Mais j’étais amoureuse. Je me suis auto-convaincue moi-même qu’on pourrait au moins vivre quelques bons moments ensemble… tout en pensant : Puisque ça n’est pas ouvert à la discussion et apparemment ne le sera jamais, alors quand j’aurai envie d’aller voir ailleurs (et je sais que ça arrivera, car à 20 ans, cela n’a aucun sens pour moi de renoncer à tou·tes les autres pour toute la vie), je te mentirai.
Autrement dit, en m’imposant cette condition sine qua non, c’est comme s’il m’avait fait signer un engagement à lui mentir.
À partir de là, lui et moi avons vécu, non pas en Monogamie intentionnelle, mais en Monogamie hypocrite : moi qui le savais, lui qui vivait dans l’Illusion.

Combien de celles et ceux qui vivent en Monogamie, qui y croient quand ielles signent leur contrat d’exclusivité au tout début de la relation, se réveillent un jour avec la sensation de s’être piégé·es elleux-mêmes ? Ne parle-t-on pas de se « passer la corde au cou » quand on se marie ?
Un jour, ils ressentent une attirance pour quelqu’un·e d’autre que leur conjoint·e. Amour naissant (ielles se surprennent à y penser tout le temps, à attendre de lea croiser, sentent cette petite décharge caractéristique si ielles reçoivent un message par exemple), ou bien attirance sexuelle (ielles fantasment, y pensent dans la nuit, s’endorment en y pensant, projettent des images dans leur cinéma intérieur)… quelles options ont-ielles alors ?

  • vivre en Frustration : refouler, nier, enterrer ces émotions, ces sensations, tuer le désir en elleux-mêmes. Et cultiver ainsi peut-être les mauvaises herbes de frustration et de ressentiment : lors d’un désaccord, par exemple, ielles en voudront d’autant plus à leur partenaire qu’ielles auront l’impression de lui avoir fait un sacrifice – le leur.
    (Certain·es ont des accords tels que on peut se parler et se raconter, du moment qu’on ne « passe pas à l’acte ». La frustration reste alors bien présente, mais peut-être la violence que l’on s’inflige à soi-même est-elle moins prégnante ?)
  • vivre en Clandestinité : choisir la fidélité à soi-même et à son désir intérieur, plutôt que la fidélité à un contrat qu’on a signé il y a longtemps, et dont on se rend compte avec le recul que c’était sans doute une erreur de jeunesse ou de débutant·e. Comme on n’ose pas aborder le sujet, de peur de remettre en cause la relation, parce que l’autre pourrait mal réagir, et qu’on tient malgré tout au couple, alors on choisit de vivre caché·e. On mène donc une double vie : on prétend être à l’extérieur, dans sa famille et en société, quelqu’un·e d’autre que ce qu’on est à l’intérieur. Combien de temps peut-on vivre comme ça, dans le faire-croire et faire-semblant ?
  • vivre en Monogamie sérielle : on peut aussi préférer être intègre, honnête, avec soi-même, refuser de tricher et mentir, et alors, avançant à visage découvert, on prend le risque de remettre en cause ce qu’on a si soigneusement construit parfois depuis des années : de nombreux couples se séparent (et apparemment, les séparations des deuxièmes et troisièmes couples sont encore bien plus nombreuses que pour les premiers). Certain·es enchaînent ainsi plusieurs unions – théoriquement – monogames (avec parfois quelques mois de recoupements entre un couple et le suivant).

Dans tous les cas, on vit des émotions douloureuses, compliquées… et que, la plupart du temps, on ne peut même pas partager avec notre partenaire, la personne qui est pourtant censée être celle qui nous connaît le mieux, et dont on voudrait se sentir lea plus proche.
Souvent, les gens qui vivent en Hypocrisie, se confient plus facilement à leurs ami·es, ou à leur psy, voire à des inconnu·es sur Internet… qu’à leur partenaire de vie.

Comment être bien avec soi-même quand on doit sans cesse se surveiller, surveiller ses paroles, ses rêves, ses communications ? Pourquoi s’impose-t-on de pareilles dissimulations, tricheries, mensonges ? Pourquoi s’impose-t-on de vivre en Hypocrisie ?

Parce qu’on a peur !
Peur de quoi ? Celui ou celle qui exige de l’autre l’exclusivité… a peur de ses propres réactions, émotions, insécurités qui pourraient se manifester si ielle apprenait que son/sa partenaire est attiré·e ou a une relation avec quelqu’un·e d’autre.
De nombreux couples vivent en Don’t Ask, Don’t Tell. Autrement dit : Je ne veux pas savoir. J’espère que tu es exclusif·ve, mais si tu ne l’étais pas, du moment que je ne le sais pas, je peux continuer à vivre dans l’Illusion.
Sans doute certain·es ont-ielles aussi peur de cette pression sociale et culturelle qui dicte que, si son/sa partenaire a une liaison, alors la « bonne attitude » à adopter est de se séparer. Et qu’au fond, ielles n’en ont pas envie. Donc ielles préfèrent jouer à l’autruche. C’est plus confortable.
Vraiment ?
Peut-on jamais vraiment avoir totalement confiance en son/sa partenaire en vivant ainsi ?

L’autre aussi, celui ou celle qui trompe son/sa conjoint·e, a peur. Bien sûr, ielle vit même dans la peur constante d’être pris·e en flagrant délit, peur de faire du mal.
Mais ielle a encore plus peur d’oser avancer à visage découvert, de dire sa vérité : car comment l’autre pourrait-ielle le vivre ? Ne risquerait-ielle pas de lea rejeter ? Si ielle osait dire qu’ielle a des désirs ailleurs, a un amour ailleurs… ne risque-t-ielle pas de tout perdre ? Ielle a rompu le contrat d’origine, et le sait. Parfois ielle regrette, voudrait revenir en arrière… mais c’est trop tard. Et si les angoisses de l’autre étaient réveillées en apprenant la vraie situation, ne risquerait-ielle pas de remettre en question la relation ?
Alors, malgré la peur, comme l’autre peur est encore plus grande, ielle continue dans le mensonge et la dissimulation.

La question se pose alors : une fois qu’on a pris conscience que la Monogamie était un mythe, une construction, aussi dignes de foi que les contes de fées de notre enfance, une fois qu’on a pris conscience que vivre en Monogamie hypocrite, c’est vivre dans le royaume de la Peur, que fait-on ?

On peut choisir de changer de paradigme. On peut choisir, plutôt que de vivre dans la peur, de vivre dans l’amour. On peut choisir, consciemment, d’écouter sa petite voix intérieure, son intuition, qu’il est possible de vivre autrement, et de faire le pari de la Polyamorie (#4).
Alors ielles se préparent au voyage (#5), et s’embarquent pour des eaux inconnues (#6).

Ce n’est pas toujours facile, il faut réapprendre les codes, se familiariser avec les rouleaux, les vagues, les creux… et certain·es ont le mal de mer (#7).
Au fur et à mesure des épreuves, d’un côté leur part masculine (lea combattant·e, lea guerrier·e, cellui qui est à la surface, qui gère au quotidien) se renforce, acquiert de nouveaux outils, se prépare à la bataille qui ne va pas manquer d’arriver (#8) ; de l’autre, leur part féminine, au contraire, se dépouille de toutes les protections qu’elle avait mises en place depuis son enfance, et se retrouve ainsi de plus en plus nue, fragile, vulnérable.

J’ai utilisé l’image d’un tourbillon qui soudain vous entraînerait vers le bas, vers le ventre de la baleine (#9). Hier, une autre image m’est venue : celle d’un bateau, comme le Titanic, qui coulerait. Notre héros et notre héroïne se retrouveraient dans la cale du bateau, au risque de mourir noyé·es.
C’est alors qu’ielles verraient la lumière, une porte de sortie. Ielles remonteraient à la surface et réussiraient à embarquer dans un canot de sauvetage, et se retrouveraient avec  d’autres rescapés, dans de petites embarcations sur la mer (#10).
Quand ielles étaient tout au fond de la cale, alors qu’ielles pensaient qu’ielles allaient mourir, confronté·es à leur plus grande peur, ielles ont lâché prise. Ielles ont accepté l’inéluctable. Ielles ont renoncé à se battre.
Maintenant qu’ielles naviguent à nouveau sur les flots, ielles respirent, ielles savourent la vie. Ielles célèbrent leur victoire, se félicitent de s’en être sortis, se disent que plus rien ne peut leur arriver. Ielles sont déjà sur les eaux territoriales de la Polyamorie.

Par exemple, ça peut être un·e solo-poly qui réussit à bien mener de front plusieurs relations. Ou un couple qui a noué une relation avec une 3ème personne, et qui vit heureusement en triade. Ou un couple où l’un·e et/ou l’autre vivent des relations extérieures principalement amicalo-sexuelles, sans beaucoup de sentiments forts ni d’implications émotionnelles. Ielles ont réussi à gérer les premières crises de jalousie, d’angoisses de l’un·e ou de l’autre, ont trouvé un équilibre, des arrangements, et le vivent tou·tes les deux plutôt pas mal.

Ielles se sentent peut-être forts, solides. Leur part masculine a affronté et remporté beaucoup d’épreuves, s’est enrichie de nombreux outils (#11, #12, #13).
Dans les cafés poly, ielles sont devenu.e.s des « ancien·nes », on s’adresse à elleux comme à des gens qui ont traversé quelques épreuves et s’en sont plutôt bien sorti·es.

C’est alors qu’au loin, arrive une tempête, qu’ielles n’ont pas vue venir, et qui risque fort de mettre à mal leur petite embarcation. Comment se préparer, de toute façon, contre une tempête ? Ce n’est en effet qu’en vivant les choses, qu’on découvre qui on est vraiment. Comme lorsqu’on écrit un scénario, un personnage ne se révèle que par ses actions.

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Le couple qui avait trouvé un arrangement en vivant une triade, se sent soudain menacé lorsque l’un·e des deux émet le vœu de vivre une relation à part, rien que pour ellui.
Le couple qui s’accommodait volontiers des relations amicalo-sexuelles de l’un·e ou de l’autre se met à tanguer dangereusement lorsque l’un·e des deux annonce à l’autre : J‘ai rencontré quelqu’un·e avec qui je sens qu’une histoire d’amour est possible.

Là, il est possible que son/sa partenaire se sente à nouveau totalement déstabilisé·e. Parce que la théorie, c’est une chose, mais vivre « pour de vrai » les émotions auxquelles nous confronte la polyamorie… c’en est une autre.

Certes, on a plein d’outils dans notre besace, et désormais, on sait parler ensemble. N’empêche : quand on est amoureuxe, on n’est parfois plus totalement soi-même. On peut vivre ce qu’en Polyamorie, on appelle la NRE, pour New Relationship Energy : l’énergie d’une nouvelle relation. La nouvelle relation prend soudain toute la place, on pense à la nouvelle personne tout le temps, on est scotché·e sur son portable, à envoyer des SMS.

Une amie me racontait qu’au début d’une certaine nouvelle relation, alors que son mari était pourtant bien tout à fait le même quand il était avec elle, il devenait uniquement préoccupé par sa nouvelle amoureuse si elle se trouvait dans la même pièce qu’eux. Et elle, mon amie, se sentait soudain transparente : son mari, l’homme qu’elle connaissait depuis vingt-ans, et avec lequel elle avait déjà partagé tant d’épreuves, son mari, soudain, ne la voyait plus. Et cette sensation de ne plus exister aux yeux de l’autre… la faisait complètement paniquer.

Une amie est partie quelques semaines en voyage, laissant derrière elle son mari et son amoureux de plusieurs années. Pendant qu’elle n’était pas là, son amoureux a noué une relation dont il n’a pas osé lui parler, puisqu’elle n’était pas là. Quand elle l’a découverte, elle s’est sentie trahie.

Un couple vivait plutôt sereinement en Polyamorie… quand tout d’un coup, l’un·e a trompé l’autre. Ça existe, l’adultère en Polyamorie ? Bien sûr ! Un adultère est une rupture de contrat. Si on a convenu qu’on était exclusif·ves, et que l’un·e a une relation avec quelqu’un·e d’autre, c’est un adultère. Si on s’est mis d’accord sur le fait qu’on est non-exclusif·ves, mais que le contrat est de se dire les choses, et que l’un·e commence une nouvelle relation en cachette, c’est un adultère.
Si on est d’accord sur le fait qu’on est libre d’avoir des relations avec qui on veut, mais pas avec des ami·es commun·es ou des voisin·es par exemple, et que l’un·e vit une relation cachée, c’est un mensonge, une tromperie : un adultère.

Et ce qui fait le plus mal dans l’adultère – c’est d’autant plus évident dans le cadre de relations poly – ce n’est pas nécessairement que l’autre ait envie d’aller voir ailleurs : c’est la rupture de contrat, la rupture de confiance. On se sent – à juste titre – trompé·e.

Mais admettons que notre tempête, alors que nos deux poly sont sur leur canot de sauvetage, ne les ait pas « surprises dans leur sommeil » : ielles la voient venir, il n’y a pas eu tromperie, pas de mensonge. Juste : l’un·e des deux a fait une rencontre, et en parle à l’autre, en disant : Cette fois-ci, je sens que c’est un peu plus que d’habitude, je sens que je pourrais être amoureuxe. 

À nouveau, on perd tous ses repères. On ne sait pas où on va. On peut paniquer. Ça peut réveiller des angoisses dont on ignorait même l’existence. On peut vouloir essayer de se protéger, de construire des barricades, de poser des règles. Par exemple : Tu peux coucher avec ellui, mais pas rester dormir.

Françoise Simpère, poly depuis plusieurs décennies, raconte en riant : la première fois, ce qui fait peur, c’est que l’autre ait du désir pour une autre, qu’il veuille coucher avec elle ; puis qu’il passe une soirée entière ; puis on est ok sur la soirée, mais pas sur la nuit ; puis on lâche sur la nuit et on dit : Ok pour la nuit, mais alors pas le petit-dejeuner ! Et puis après, on lâche sur le petit-déjeuner, mais on dit : Pas un week-end entier ! Et puis on lâche sur le week-end, puis sur les vacances…
En réalité, ce qu’on travaille, ce qu’on éprouve à chaque fois, c’est la force du lien qui nous lie l’un à l’autre. Ce qui fait peur, ce sont toujours les premières fois. Et puis comme on voit qu’on a survécu, alors on peut tenter une deuxième, et puis une troisième.

Mais à chaque fois qu’il va y avoir une première fois, on paniquera à nouveau…?

Personne n’est jamais à l’abri de ce que Franklin Veaux a appelé The Game Changer : cette nouvelle relation qui met à mal la précédente, qui pourtant paraissait solide, après vingt ans de mariage et de relations poly. Parce que soudain, lui a eu envie d’habiter au quotidien avec cette nouvelle amoureuse, remettant en cause les accords de vie qu’il avait avec son épouse.

Sachons-le cependant : ce n’est pas parce qu’on érige des barrières, des barricades, qu’on tente de se protéger – théoriquement – avec des règles ou des cadres plus ou moins rigides, que si la digue doit sauter, on l’empêchera de sauter. Au contraire, même.

Quand on vit dans la peur, on provoque souvent ce dont on a le plus peur.

Si par exemple, quand l’un·e a une nouvelle relation, celle-ci découvre des règles qui lui préexistent, parce qu’elles ont été mises en place lors d’une prédécente aventure, comment va-t-elle le vivre ? Peut-elle être sereine, a-t-elle l’impression qu’on tient compte d’elle, de ses émotions, de ses ressentis, de ses désirs, de ses besoins ?

En effet, s’il a été écrit avant même qu’ielle ne rencontre l’un·e des membres du couple, que : Ok la soirée, mais pas la nuit, peut-ielle se sentir en sécurité dans cette nouvelle relation ?
Car si l’autre a peur, et que son/sa partenaire cède à ses peurs en acceptant ses conditions, qui dit qu’ielle ne paniquera pas un jour et n’exigera pas que la relation ne cesse du jour au lendemain ?
C’est ce que Franklin Veaux raconte que sa femme a un jour exigé de lui… et lui s’est exécuté, brisant son propre cœur, et brisant celui de son amoureuse.
Ce jour-là, il s’est exécuté (le mot même en dit long…), mais il n’a jamais pardonné. Ce genre de situations, de sacrifices (au sens propre du terme), est durablement toxique pour la relation.

De manière générale, quand quelqu’un·e exige quelque chose de quelqu’un·e d’autre, quand on pose des conditions, quand on émet un chantage, quand soi-même on est mu·e par la peur et qu’on pousse l’autre à nous céder car ellui-même a peur des possibles conséquences s’ielle ne se plie pas à nos exigences… on s’expose à du ressentiment, à de la frustration, on fabrique une bombe à retardement. Un jour ou l’autre, ça aura un effet boomerang.

On ne peut pas, me semble-t-il, prétendre vouloir vivre libre et que l’autre vive libre… et poser des conditions, émettre des exigences.
Si on le fait malgré tout, c’est qu’on vit encore dans le royaume de la Peur. Et qu’on a encore du travail à faire sur soi.

Alors comment faire ? Comment avancer ?
Eh bien, on accueille ses peurs, on observe ses émotions, ses sensations, les pensées qui vont et viennent dans notre tête comme autant de fourmis dans une fourmilière, et lentement, on déconstruit, on essaie d’aller au fond des choses, tout au fond de la peur. On a encore de la route à faire

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? La tempête est-elle passée par vous ? Avez-vous tenté de résisté, ou avez-vous choisi de vous laisser porter par le courant ?
Hâte de lire vos commentaires dans l’espace réservé ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
Isabelle

Voyage en Polyamorie #14. Lâcher prise

Après avoir vécu un temps dans le monde ordinaire et sécurisant de la Monogamie (#2), on a soudain, suite à un accident, une maladie, une rencontre, une émission, un livre… fait face à la désillusion, comme une révélation (#3) : la société dans laquelle on a grandi et dont on a intégré sans même en avoir conscience les codes et les croyances, repose en réalité sur une vaste hypocrisie. Tout le monde fait mine d’adhérer au mythe de l’Amour romantique, l’Amour toujours, l’Amour qui conquiert tout et dure toute la vie pour une seule et unique personne (et si l’amour vient à disparaître, c’est que cette personne « n’était pas la bonne », et on s’emploie à passer à la suivante… enchaînant ainsi des monogamies sérielles)… et en même temps, dans la « vraie vie », rares sont les couples durables qui sont réellement heureux : combien de concessions, de compromis, jour après jour, qui sont autant de sacrifices ? Combien ont renoncé à exprimer leur véritable personnalité ? Combien sont frustré.e.s, ou tout simplement, comme je l’ai été si longtemps, « mort.e à l’intérieur » ? Et combien qui passent pour des conjoint.e.s « exemplaires »… sont en réalité adultères ?
Sauf que si tout le monde triche, et porte le masque du/de la partenaire exclusif/ve exemplaire – alors qu’il n’en est rien – comment les autres pourraient-ils savoir, quand arrive leur tour d’être confronté.e au désir extérieur, qu’ils ne sont pas seul.e.s à vivre ce dilemme, cette déchirure intérieure ? Pour quelques-un.e.s qui assument pleinement et absolument d’être adultères, parce qu’ielles assument d’être avant tout fidèles à eux/elles-mêmes… combien le vivent dans la honte et la culpabilité (deux sentiments qui sont des projections des règles de la société en nous et sont avant tout destructives – voir à ce propos ce qu’en écrit Yves-Alexandre Thalmann dans Au diable la culpabilité) ?

Un jour, donc, on s’est réveillé, et on a vu le monde autour de nous tel qu’il est vraiment. Et on a décidé – ou accepté – de suivre la petite lumière en nous, qui nous indiquait qu’il était possible de vivre autrement (#4). Alors on s’est renseigné, on a cherché, on a lu…: en un mot, on s’est préparé.e au voyage (#5). Et puis on est parti.e : on a largué les amarres, bravant nos peurs (#6).
Et pourtant, elles étaient grandes, nos peurs, et à juste titre : car on le sait au fond de nous, la société, nos pairs, notre famille… nous le feront payer très cher quand ils découvriront ce que eux, de leur point de vue, considèreront comme une trahison. On est sorti.e du jeu. On a choisi de devenir un électron libre, on s’est connecté.e à notre moi profond – tout ce qu’elles/eux n’ont jamais osé faire : remettre en cause les certitudes et croyances avec lesquelles on a toujours grandi.

Alors ça y est, on navigue en eaux inconnues. Et ça tangue, et on n’a pas (encore) le pied marin, on glisse, on manque de tomber, on a le mal de mer (#7). Et on rencontre, bien évidemment, les premiers obstacles (#8). On s’y attendait, on s’y est préparé.e. Ça remue, ça secoue… mais à chaque fois, on a décidé de vivre l’obstacle comme une opportunité qui s’offre à nous. On n’a plus de repères, et on est de plus en plus seul.e, car on ne correspond plus à notre monde d’avant (No Longer Fits Her World, propose Kim Hudson dans The Virgin’s Promise.)

Liiou - Bateau + requin

En réalité, le voyage du héros et celui de l’héroïne (entendre : le masculin en nous et le féminin en nous, l’extérieur et l’intérieur, le conscient et l’inconscient) sont complémentaires, à la fois symétriques et opposés.
Le héros part à l’horizontale, à la surface de la terre, à la conquête de nouveaux territoires (#6, #7, #8) , pour combattre le dragon au fond de sa caverne (#9) et en ramener l’élixir (#14) qui lui permettra, après une ultime bataille sur son chemin du retour (#15), de revenir sauver son village et sa communauté qui étaient en danger et le soutiennent depuis le début : il se bat pour eux, et à leur place, en représentant.

L’héroïne, elle, descend en elle-même et dans les profondeurs de la terre, à la recherche d’elle-même. Tandis qu’à chaque obstacle rencontré, le héros s’aguerrit, s’affermit, acquiert de nouveaux outils, qui le rendent de plus en plus expérimenté pour pouvoir vaincre le dragon… l’héroïne, elle, à chaque porte du jugement qu’elle franchit, se dépouille un à un de ses oripeaux, se coupant de plus en plus de sa communauté d’origine qui la juge très sévèrement, car, en remettant en cause les principes et les croyances du monde de dépendance dans laquelle ils vivent, elle les renvoie à leurs propres compromis, concessions et sacrifices, leur montrant qu’il est possible, si on le choisit en son âme et conscience, de vivre sa vie – ce qui est insupportable pour elles/eux, qui ont renoncé, ou bien qui n’en ont même pas l’idée.

C’est donc totalement nue qu’elle atteint le fond de la grotte, le fond du gouffre, le ventre de la baleine (#9). Là, sachant que tout ce qui l’avait aidée dans sa vie ne lui sert plus à rien, elle fait face à sa plus grande peur : elle est confrontée à la Grande Déesse, la Déesse de la destruction et de la créativité. Celle qui a le pouvoir de vie et de mort. La Mère, qui donne la vie, et peut vous la reprendre, la Mère dévoreuse. Le père TyranLiiou - Maman nue Elle lâche prise, elle n’a plus d’autre option. Elle renonce. Elle accepte de mourir. Elle devient humble. Et en devenant humble, en renonçant à se battre… elle se connecte à la part d’humanité en elle. Elle devient réellement elle-même, homme ou femme, ou ni homme, ni femme, queer, et se connecte à tous/tes les autres qui ont entrepris ce voyage avant elle et en sont revenu.e.s. Et ces autres lui tendent la main, et lui montrent la lumière à la sortie du tunnel (#10).

Le héros surmonte ses peurs pour acquérir des outils et franchir les obstacles qui, comme autant d’opportunités, le rendront plus fort pour affronter le dragon.
L’héroïne, elle, fait un chemin d’acceptation et de lâcher-prise. C’est parce qu’elle se dépouille de toutes ses certitudes et croyances, que chaque nouvelle étape de sa descente la rapproche d’elle-même.

Alors que le héros est tout du long soutenu par sa communauté, qui l’encourage au début et l’attend à l’arrivée… l’héroïne, elle, est lâchée par sa famille d’origine et la société qui la considèrent comme une traîtresse puisqu’elle a rompu le pacte. Ce n’est qu’au fond du ventre de la baleine, qu’elle découvrira sa nouvelle famille, celle qu’elle se sera choisie, sa nouvelle communauté, celle des gens éveillés, qui sont passés par là avant-elle, et lui tiennent la main pour remonter. Elle n’est plus seule. Elle n’est qu’un maillon parmi une longue chaîne d’électrons libres, qui, chacun.e différent.e les un.e.s ont malgré tout en commun ceci qu’ils ont rompu avec leur famille première, et ont choisi de vivre leur vie, en accord avec leur petite flamme intérieure – et en en payant malheureusement souvent le prix (ils y ont sacrifié leur confort, leur sécurité, parfois leur famille).

Ces autres vont partager avec elles tous les outils, toute la sagesse qu’ils ont acquis au cours des générations et des générations de créateurs/trices, d’inventeurs/ses, de pionnier.e.s, d’aventurier.e.s (#11, #12, #13) et dont elle ne sera, à son tour, qu’une courroie de transmission. Car sa mission, son chemin de vie, est de remonter à la surface, plus riche de tout ce savoir… et de le transmettre à son tour aux suivant.e.s.
Mais n’allons pas trop vite.

Le Voyage du héros et de l'héroïne

Nous voilà donc dans l’étape #14 de notre voyage. Notre héroïne / ou héros (rappelons que le féminin et le masculin ne sont utilisés que comme des archétypes, le yin et le yang), remonte donc à la surface en étant libéré.e, délesté.e de tout ce qui le/la rendait dépendant.e de son monde d’origine. Elle n’a plus peur. En acceptant, en accueillant ses peurs comme faisant partie d’elle… elle les a intégrées, et marche à leurs côtés. Au lieu de les combattre comme des ennemis, comme le fait la part masculine en elle, elle les accueille comme des alliées. Elle est réconciliée avec elle-même, et reconnaît ses peurs comme faisant partie d’elle-même : elle n’est pas ses peurs, mais ses peurs sont une partie d’elle, là pour l’alerter, la protéger, l’aider à avancer, pour aller plus loin, toujours plus loin.

Liiou - Maman nue de dos

Elle peut se réconcilier avec le féminin en elle, avec sa féminité. Elle pardonne à sa mère. Car le pardon est le plus puissant de tous les outils. Accepter l’autre pour ce qu’ielle est. Qui fait ce qu’ielle peut, du mieux qu’ielle peut sur le moment, avec ses propres peurs, failles, béances.

Elle lâche prise. Elle reconnaît que l’autre est autre. Libre comme elle est libre elle-même. Une personne autonome, avec ses failles et ses richesses. Qui fait de son mieux. Elle/lui aussi sur son propre chemin de découverte – ou pas (car certains vont accepter la mission qu’il leur est assignée par leur communauté d’origine (agir, conquérir, protéger) sans jamais se poser la question de ce qu’ils désirent eux… et ne jamais se connaître eux-mêmes, continuant la tradition, prisonniers des croyances des autres, restant à la surface de la terre.)

L’autre est libre. Comme je suis moi-même libre. Ielle ne m’appartient pas plus que je ne lui appartiens, moi. Nous vivons toutes et tous sur des petites embarcations différentes et séparées. Parfois nous choisissons de vivre un bout de chemin ensemble. Parfois cela dure longtemps. Parfois moins. Ce n’est pas la durée de la relation qui compte, mais la qualité de ce qu’elle nous apporte, sur le moment, pendant le temps où on la vit, pleinement, nous aidant à nous approcher de qui on est vraiment, et de qui on a envie d’être.

Quand vous êtes en relation avec quelqu’un.e, posez-vous la question : ce quelqu’un.e réveille-t-il le meilleur en vous… ou le pire ? Vous aimez-vous quand vous vous regardez en interaction avec lui/elle ? Vous reconnaissez-vous ? Avez-vous envie de vous prendre dans les bras et de vous dire à vous-même : je t’aime ?

Hier, chez mon coiffeur. Me découvrant en robe rouge, il me dit : Attention au loup. Je ne comprends pas. Je lui réponds : Le loup s’habille en noir, pas en rouge ! Je n’avais pas compris : je croyais qu’il me prenait moi, pour un loup.
Il précise : Tu es le Petit Chaperon rouge.
Je ris alors, et lui dis, comme ça vient et sans réfléchir : C’est incroyable que tu me dises ça, là, maintenant. Parce que justement, depuis ce matin, je n’ai plus peur.

Liiou - Maman petite en rouge

Dix minutes plus tard, son collègue, à qui je raconte que j’écris ce Voyage en Polyamorie sur mon blog, tout en finissant la deuxième version du scénario de mon troisième long-métrage (qui raconte l’histoire d’un couple qui s’ouvre à la Polyamorie), et à qui je dis : Je travaille mon thème ; me répond en souriant : Tu travailles ton t’aime.
J’aime mes coiffeurs…

J’ai écrit au début de ce voyage : Je ne sais pas où je vais… mais j’y vaisEt je commence simplement à entrevoir le sens de tout ça. Je lâche mes peurs. Je travaille mon m’aime.
Et si je peux aider certain.e.s d’entre vous à descendre en eux/elles-mêmes à leur tour, en leur tendant la main, en leur montrant qu’ielles ne sont pas seul.e.s sur le chemin de leur vie, qui ne ressemble à aucune autre et qui est la leur, la leur propre… alors j’en suis heureuse.

Et si j’écris seule et que personne ne descend avec moi… je suis heureuse aussi. Car ce voyage, je l’ai entrepris parce que j’en avais besoin. Parce que c’était le moment. Et que je sais qu’une fois que je serai remontée, quand j’aurais accueilli et regardé mes peurs en moi et que je pourrais marcher côte à côte avec elles, et non plus en craignant qu’elles ne me dévorent… alors je serai plus moi-même, plus forte, plus sereine – ou pas. Mais au moins, j’aurais fait quelque chose. Et déjà, j’en suis fière.

Et vous, où en êtes-vous de votre voyage ? Voyez-vous ou avez-vous vu la lumière au fond du tunnel ? Avez-vous trouvé des pairs, une communauté qui vous soutient ? Ou vous sentez-vous encore seul.e ? Hâte de lire vos récits dans les commentaires ci-dessous : vous y êtes les bienvenu.e.s.

Au plaisir et à demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

 

Voyage en Polyamorie #13. 8d. Communication compassionnelle

Après l’accueil des émotions en nous (quand on tente de les ignorer, voire de les refouler, quand on en a honte ou qu’elles nous culpabilisent… elles nous contrôlent d’autant plus que nous n’en avons pas conscience) et la psychologie positive (#11), après la mindsight (#12), l’art d’observer le fonctionnement de notre cerveau – et celui des autres – pour mieux avancer en harmonie avec nous-même, un autre outil remarquable – et pas seulement pour des relations en Polyamorie, mais plus largement pour des relations en conscience et dans le respect mutuel : la communication non-violente (CNV), développée par Marshall Rosenberg, et que je préfère appeler « communication compassionnelle » pour rester dans une définition positive et non en « non-quelque chose ».

Il ne s’agit bien sûr pas ici d’ériger ces outils en « modèles » ou « mode d’emploi » et on peut évidemment communiquer de manière plus spontanée dans une relation intime ou dans la vie de tous les jours : la CNV est simplement un outil de plus – un outil de choix – quand parfois les émotions sont fortes – ce qui est souvent le cas quand on voyage en Polyamorie et que l’on s’aventure vers des contrées inconnues et des situations inédites qui nous confrontent avec nos peurs parfois profondément ancrées et que notre vie en Monogamie ne nous avait jusqu’à présent pas permis d’explorer.

Voilà l’une de mes philosophie de vie : vivons chaque difficulté comme une expérience nous permettant de mieux nous connaître et de nous approcher de notre moi profond. Il n’y a pas/plus d’échecs : il n’y a que des expériences qui nous font avancer sur notre chemin. Comme un.e enfant qui apprend à marcher. Comme quand on apprend une langue étrangère ou à jouer d’un instrument de musique : il ne vous viendrait pas à l’idée de vous attendre à en maîtriser parfaitement toutes les subtilités du premier coup ?

Eh bien en Polyamorie, comme dans tout, c’est pareil : vous allez tomber, vous relever, tituber, vous rattraper, avoir le mal de mer, puis moins, puis avec un peu de chance, plus, et petit à petit, vous aurez le pied marin – ou pas. Car certaines personnes ne s’habituent jamais au tangage et aux roulis, et préfèrent la terre ferme. Et alors vous déciderez – en conscience, et fièr·e de vous d’avoir au moins essayé – de retourner au port, pour peut-être repartir une fois prochaine – ou pas.

J’aime beaucoup cette expression « – ou pas », qui me vient de Susan Jeffers, et permet souvent de relativiser une situation et d’éviter de s’accrocher à trop d’attentes, comme on s’arrimerait au bastingage en espérant que ça nous permettrait d’affronter la tempête : si on s’arrime au bastingage, quand le bateau coule… on coule avec !

En réalité, tant qu’on n’a pas essayé, on ne peut pas savoir comment on va réagir. Et il ne sert à rien d’anticiper ou de « faire des suppositions », selon l’expression de Miguel Ruiz dans La Maîtrise de l’amour : car, comme pour tout, ce n’est qu’en faisant qu’on apprend à faire.
Et à nouveau, au risque d’insister : si vous renoncez, ou mettez sur « pause » pour un temps, ce ne sera pas non plus un « échec » – juste une étape dans votre voyage.

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La communication compassionnelle nous donne des outils concrets, précis, pour nous aider à dénouer une situation possiblement conflictuelle, ou dans laquelle les émotions de l’un·e et de l’autre des partenaires sont tellement fortes, qu’ils n’arrivent pas toujours à s’entendre… ou même à s’écouter.

Elle nous apprend aussi à entendre et écouter l’autre… avec des oreilles nouvelles. Marshall Rosenberg parle d’enfiler nos oreilles de girafe ! Il aime en effet dire qu’il y a deux types de communication : celle qui parle en « langage chacal » (en critiques, accusations, jugements… dont on n’a même pas toujours conscience, celle qui dit « tu » (tu n’as pas fait ceci, tu as fait cela, tu ne me respectes pas… ou Je ne me sens pas respecté.e – ce qui en réalité, bien qu’on parle en « je », renvoie malgré tout à une critique de l’autre), et celle qui parle en « langage girafe », la girafe étant selon lui, l’animal qui a le plus gros cœur (plus gros qu’un éléphant ? m’a demandé ma fille : je ne sais pas, je n’ai pas vérifié…).

Marshall Rosenberg a (avait – il est malheureusement décédé il y a peu…) pour habitude de parler lors de ses conférences ou ateliers en utilisant deux marionnettes : l’une de girafe, l’autre de chacal. Et il jouait à tour de rôle les deux protagonistes d’une même discussion. Ou bien répondait en langage chacal ou en langage girafe aux remarques de ses interlocuteurs. Il est fascinant : si vous parlez un peu anglais, regardez une de ses vidéos (dont les propos sont retranscrits mot pour mot dans certains livres), c’est passionnant, drôle, et tellement instructif !

L’idée est d’écouter, d’écouter vraiment… avant de parler soi-même. D’écouter avec un esprit d’empathie. Et d’écouter jusqu’au moment où l’autre a reçu assez d’empathie… qu’il peut alors vous écouter à son tour. On rejoint bien évidemment ici les préceptes de l’accueil des émotions et de l’intégration chère à Dan Siegel quand il nous décrit ce qu’il se passe dans notre cerveau.

J’ai parlé hier du cerveau dans la main (#12). Dan Siegel utilise une autre image que je trouve très parlante : celle d’une maison où le cerveau émotionnel serait représenté par le rez-de-chaussée (les fonctions essentielles, vitales : la cuisine, la salle de bains, la chambre à coucher, la salle à manger, la buanderie), et le cerveau rationnel par le 1er étage (le bureau, le salon, la bibliothèque, les pièces qui nourrissent notre « raison »).
Quand les émotions sont trop fortes, c’est comme si on coupait la communication entre le cerveau du haut et le cerveau du bas, comme si on fermait l’accès au 1er étage : les deux étages ne communiquent plus.
Rien ne sert alors, d’essayer de s’adresser à quelqu’un·e en langage qui se veut « raisonnable » ou rationnel : ielle ne vous entend / comprend pas. Il faut attendre que les émotions aient été accueillies, et entendues (c’est là que joue l’empathie de Marshall) jusqu’au moment où les deux parties du cerveau peuvent à nouveau communiquer, pour ensuite pouvoir parler de manière raisonnable ou rationnelle.
Dan Siegel, avec ses travaux sur le cerveau, nous explique scientifiquement ce que Marshall Rosenberg avait observé empiriquement.

Donner de l’empathie… jusqu’au moment où cellui qui en avait besoin, peut vous en donner à son tour, et vous écouter à son tour. Alors seulement, vous pouvez vous exprimer.

Et dans une relation, quand l’un·e et l’autre ont des enjeux forts (par exemple, l’un·e qui a envie de vivre une nouvelle relation, l’autre qui en a peur…), il n’est pas toujours facile de s’écouter, d’être capable d’écouter l’autre sans vouloir se faire entendre à son tour, là maintenant tout de suite.
Ou il n’est pas facile d’entendre l’autre nous faire des reproches sans céder à la tentation de nous « défendre » ou de nous « justifier ».

D’où l’intérêt d’apprendre déjà dans un premier temps à parler au « je », sans faire de reproches ou de critiques, sans rejeter la faute sur l’autre. Sans dire Je me sens mal parce que tu as fait ceci ou cela. C’est tout un changement de paradigme dans la communication traditionnelle, là encore.

Que nous apprend la communication non violente ? À parler au « je » : à exprimer nos émotions, nos sentiments, nos besoins, nos demandes.
Et à être capable d’entendre ceux de l’autre… même quand ielle ne s’exprime pas en langage « je » : être capable d’entendre le besoin non satisfait… derrière l’accusation, le jugement ou la critique !
Ouh la ! On met la barre haut ! Oui, et c’est bien cela qui est passionnant… et mind-blowing. 

Si je vous la fais courte (je vous encourage à dévorer ne serait-ce que le petit livre aux éditions Jouvence : 4,90€ qui les valent largement !), on communique en 4 points essentiels :

1) On observe : quand… tu fais ceci ou dis cela (précisément : pas quand tu rentres tard, mais quand tu arrives avec un quart d’heure de retard sur l’horaire convenu) : parler en langage scénario (des descriptions, des faits, pas de jugements ou de suppositions, pas de généralités ou d’approximations… comme lors d’une déposition au poste de police).

2) On décrit le sentiment ou l’émotion que cela éveille en nous : Je me sens… (en colère, triste, agacé.e, angoissé.e – pas pas respecté.e, pas entendu.e, pas aimé.e : ce sont des projections).

3) On exprime son besoin j’ai besoin que quand on se met d’accord sur le cadre, il soit respecté ; si tu es en retard, j’ai besoin que tu me préviennes.

4) On fait une demande précise : serais-tu d’accord pour...

D’où l’acronyme : OSBD ! (Il existe un groupe OSBD sur Facebook pour pratiquer au quotidien !)

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Essayez, juste pour voir : c’est puissant !

Justement, vous avez sûrement déjà entendu parler de la communication non violente : avez-vous déjà essayé de la pratiquer en conscience ? Racontez-nous vos expériences dans les commentaires ci-dessous, partageons ! J’aimerais organiser des ateliers de communication compassionnelle sur Paris : est-ce que cela pourrait vous intéresser ? Au plaisir de vous lire.

À demain et au plaisir,
avec amour et bienveillance,

Isabelle

Voyage en Polyamorie #12. 8c. Mindsight

Après souvent des années passées en Monogamie (réelle ou théorique) – ou non – (#2), on s’est rendu compte que l’hypocrisie générale dans laquelle vit la société, qui veut nous faire croire à ce que mon amie Elisende Coladan, anthropologue et sexothérapeute, a appelé dans son article #8, le « mythe de l’Amour romantique », ne nous correspondait plus (#3) et on a eu envie de suivre notre petite voix intérieure qui nous dit qu’une autre manière de vivre ses relations amoureuses – et peut-être ses relations tout court – est possible (#4) : en conscience, avec bienveillance, tolérance, et dans une communication compassionnelle. On a donc commencé à se préparer (#5), en en parlant autour de nous, voire avec notre partenaire, et en lisant quelques livres ou articles, puis, convaincu.e que rien ne vaut l’expérience, on s’est lancé dans l’inconnu (#6) en bravant nos peurs qui, malgré tout, nous disaient qu’on risquait peut-être gros. Partir à l’aventure comme ça dans des contrées dans lesquelles on n’a plus aucun repère, ni aucun soutien de notre entourage proche, demande beaucoup de courage (#7) et on fièrement franchi les premiers obstacles, les premiers doutes (#8) : Mon mari s’est inscrit sur Okcupid, écrivait l’une des contributrices dans les commentaires il y a deux jours, et je me suis réveillée avec la sensation d’une forte angoisse dans la poitrine. Mais voilà, maintenant elle est passée et aujourd’hui, on en rit.
Les expériences sont toutes nouvelles et on ne peut pas se rapporter à ce qu’on a déjà vécu auparavant, ni aux films qu’on a vus ou aux romans qu’on a lus : on a perdu tous nos repères, et c’est très déstabilisant.

N’empêche, on est drôlement content.e de nous, parce qu’on s’en sort quand même pas mal dans l’ensemble. On commence à vivre de vrais moments chouettes, et si on est en couple, on a vraiment la sensation que l’amour que l’on partage, la confiance, sont renforcés. Parce que si l’autre va parfois voir « ailleurs », ielle « revient ». Et que ce qui compte, c’est précisément ce moment où ielle revient, par choix, par plaisir d’être avec nous, et non par contrainte ou obligation. Et que quand ielle revient, ielle nous dit : j’ai suivi mon désir et tu ne t’es pas senti.e rejeté.e ni nié.e, je sais que ça n’a pas nécessairement été facile pour toi, et je t’en remercie, car j’ai le sentiment que je peux explorer qui je suis, tout en gardant mon havre de sécurité auprès de toi – comme un enfant avec un attachement sécure – et je t’en aime d’autant plus. Je peux vivre ce que j’ai moi, à vivre, indépendamment de toi, parce que je suis moi et que je ne suis pas que la personne que je suis quand je suis en relation avec toi, et je peux explorer différentes facettes de ma personnalité, et je suis heureux.se que cela ne remette en rien en cause la relation que l’on a tous les deux. Je peux avoir une relation amoureuse avec toi, ET avoir une relation, possiblement aussi amoureuse – mais pas non plus nécessairement – avec quelqu’un d’autre. Comme on a plusieurs ami.e.s, ou comme on aime – différemment – chacun de nos enfants.

On commence à apprécier ce mode de vie, on avance pas à pas, étape par étape. Et puis à un moment, alors qu’on ne l’a pas vu venir, un tourbillon nous entraîne soudain vers les profondeurs. C’est la panique. (#9) Pourquoi cette personne-ci semble-t-elle nous insécuriser, alors qu’avec la précédente, tout s’était passé comme sur des roulettes ?

Parfois, cela tient à nous : on est dans une période un peu plus compliquée, professionnellement, ou avec notre ex, ou on est fatigué.e, malade… et soudain, plus sensible, plus fragile aussi, et on aurait besoin de voguer sur des eaux paisibles, plutôt que de repartir en remous. Sur une échelle émotionnelle de 1 à 10, on est déjà à un 5, par exemple. Et alors, au lieu de se laisser porter par le courant, on tente de résister… Et quand on résiste au courant, on s’épuise vite.

La Rivière du bien-être Parfois cela tient à notre partenaire : lui-même est dans une période différente, et pour des raisons qui lui sont propres, ielle a besoin d’un peu plus d’espace, d’intimité, ielle voudrait se ménager un jardin secret – et comme on ne fonctionnait pas comme ça jusque-là, cette situation nouvelle nous insécurise – comme toute situation nouvelle. On ne comprend pas pourquoi ielle, soudain, ne nous raconte plus comme ielle nous racontait avant. Alors on projette, on imagine, on anticipe… C’est toujours une mauvaise idée de « faire des suppositions » (Accord toltèque #3).
Parfois aussi, cela tient à la tierce personne : la précédente relation, tout roulait, la communication était fluide, un rendez-vous était pris, et tenu, le cadre pré-défini était clair pour tout le monde, et respecté par tout le monde, pas de débordement, on se sentait en sécurité. Et puis là, par exemple, alors qu’on a précisé que, pour se sentir en sécurité, on aimerait être tenu.e au courant d’un rendez-vous au moins trois jours avant, voilà que systématiquement, ielle propose un rendez-vous quasiment du midi pour le soir même. On n’a pas le temps de se poser la question si ça nous va ou pas, on doit répondre, là, maintenant, tout de suite. Et l’excitation, la spontanéité de la troisième personne, deviennent pour nous source de stress et de précipitation. Je dois donner une réponse là tout de suite ? Eh bien, alors, c’est non. Et si tu me poses la question, alors même que j’avais demandé trois jours d’anticipation et que donc tu sais d’avance que ça va faire monter d’un cran mon baromètre intérieur, c’est donc que c’est plus important pour toi que ce que tu veux bien me dire. Donc ça m’angoisse. Et je me sens coupable de ressentir au fond de moi cette angoisse. Et donc je lutte contre. Et donc elle redouble. Et donc… eh bien me voilà dans la spirale négative, entraîné.e vers le bas, et je ne sais plus comment m’en sortir. 

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Ce dispositif – moi, l’autre, la relation – est aussi celui que propose comme cadre de travail Daniel Siegel dans tous ses livres sur ce qu’il a appelé la mindsight. J’ai écrit un article par jour sur la mindsight et la méditation de pleine conscience pendant 21 jours, du 1er au 21 novembre 2015, et je ne peux que vous encourager à aller lire quelques articles.
L’idée est que nous apprenions à prendre conscience du fonctionnement de notre cerveau (insight), de celui de l’autre avec le/laquelle nous sommes en relation (empathie) et que nous en tirions des conséquences pour les relations que nous souhaitons entretenir – ce qu’il appelle « moralité », mais que nous pourrions appeler, nous, des relations éthiques et en conscience. 

Si je tente d’en résumer en quelques lignes les grands principes : il s’agit dans tous les cas, de connexion, de ce qu’il appelle « intégration« , entre les différentes parties de notre cerveau : maintenir la connexion entre notre cerveau du bas émotionnel, et notre cerveau du haut rationnel, comme on l’a vu dans notre article sur les émotions ; maintenir aussi la connexion entre notre cerveau droit plus intuitif, et notre cerveau gauche plus logique ; naviguer sur ce qu’il appelle la « rivière du bien-être« , entre la rive droite du chaos (quand on part en vrilles émotionnelles) et la rive gauche de la rigidité (quand on se tient à de grands principes, sans laisser la place à l’imprévu de la vie, au point où on en devient « psycho-rigide »). Dans tous les cas, maintenir le lien.
Si on bascule d’un côté ou de l’autre (trop rationnel ou trop émotionnel, trop logique ou trop intuitif, trop chaotique ou trop rigide), on n’est plus en lien avec la fluidité de la vie, et nos relations avec les autres se grippent.

Le Cerveau dans la main

Pour apprendre à repérer comment fonctionne notre cerveau, rien de tel que de l’observer. Et pour cela, apprendre à maintenir notre attention avec intention : sur quoi je décide de focaliser mon attention, et est-ce que j’y parviens ? Cela peut être sur mes sensations intérieures (et on rejoint la méthode Tipi par exemple), sur les bruits extérieurs, sur la sensation de la douche sur mon corps ; ça peut être de manger un carré de chocolat en pleine conscience, ou… pratiquer la méditation orgasmique !

Dans tous les cas, l’enjeu de l’exercice n’est pas « d’y parvenir », mais bien d’apprendre à repérer le moment où on décroche, et de ramener notre attention sur ce sur quoi on l’avait préalablement décidé. On entraîne ainsi petit à petit notre cerveau, et surtout on apprend à repérer ses chemins habituels. Ce qui fait que quand on part en vrilles, on ne peut pas nécessairement arrêter la vrille (si on ne s’en est pas rendu compte à temps), mais au moins, on peut avoir conscience qu’on est en vrilles, et donc plus du tout en état de discuter de manière rationnelle.

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J’ai assisté il y a quelques jours à une conférence de l’Atelier des parents donnée par Sophie Benkemoun qui donnait comme image que quand on était en colère, la seule chose qui allait sortir de notre bouche, c’était non pas des mots, mais des couteaux : et que les couteaux, ça coupe, ça fait mal, ça fait des dégâts.
Et elle proposait donc comme option, quand on est en colère et au moment où on en prend conscience, de « fermer notre bouche ».
Thich Nhat Hanh, l’auteur de La Colère, ne dit pas autre chose quand il propose, pour mieux avoir prise sur son comportement quand on sent qu’on est en colère, quand ce n’est plus nous qui parlons, mais la voix de la colère en nous, de (au choix) : s’éloigner, faire quelques mètres en marchant, boire un verre d’eau, faire 5 minutes de respiration en conscience.

518k9cxo4aL._SX303_BO1,204,203,200_Si vous comptez jusqu’à 5 en inspirant, puis jusqu’à 5 en expirant, et ainsi de suite pendant 3 minutes, vous pratiquez ce qu’on appelle la cohérence cardiaque. Ça vous remet rapidement d’aplomb.

Souvent, le simple fait de « reconnaître » qu’on est en train de partir en vrilles (la spirale négative de la descente dans le ventre de la baleine) nous permet déjà de prendre du recul… et de nous apaiser un peu. Parce que c’est le cerveau émotionnel (celui du bas) et le cerveau intuitif (le côté droit), qui basculent du côté de la rive du chaos, et rien que le fait de mettre des mots « logico-rationnels » dessus… permet de recréer la connexion entre les différentes parties de notre cerveau. 

Un des outils que propose Dan Siegel et dont je n’avais finalement pas pris le temps de parler pendant mes 21 jours de mindsight (qui avaient été assez colonisés, à partir du 13 novembre, par les émotions post-attentats) est ce qu’il appelle la roue de la conscience. Il en parle comme d’une roue de vélo, mais j’aime assez, moi, visualiser plutôt une horloge. Quand on prend conscience, par exemple, qu’on tourne en rond sur des pensées négatives, qui, petit à petit, nous entraînent de manière mécanique dans une spirale descendante, on peut imaginer qu’on est resté.e bloqué.e sur le 12 par exemple. Et alors, on peut choisir de focaliser notre attention sur le 3 ou le 4 : quand on a pris l’habitude de pratiquer des moments de pleine conscience, où on observe le fonctionnement de notre cerveau et où on ramène consciemment notre attention là où on l’avait décidé, il est plus facile de le faire quand on est en crise.
La Roue de la conscience C’est là que quand on se surprend par exemple à penser (notre cerveau, sur pilote automatique et ayant basculé en réactivité émotionnelle, s’engouffrant dans les schémas habituels du mythe de l’amour romantique) que s’ielle « préfère » passer cette soirée avec un.e autre plutôt qu’avec nous, c’est qu’ielle nous aime peut-être moins qu’avant (attention, mantra : Toute comparaison est toxique !), on peut décider de changer de braquet et de nous focaliser sur à quel point on est heureux qu’ielle soit dans notre vie depuis si longtemps, et de penser qu’ielle choisit en toute liberté de revenir nous voir après : c’est choisir en conscience la bouteille à moitié pleine plutôt que la bouteille à moitié vide dont je parlais dans l’article #11.

Un des articles que j’ai pu écrire en novembre et qui me paraît le mieux expliquer en réalité les enjeux de la mindsight est celui où mon fils de 10 ans 1/2 alors, m’a donné une leçon d’intelligence émotionnelle. Je vous invite à le lire.

Et vous, pratiquez-vous d’une manière ou d’une autre la méditation de pleine conscience ? La mindsight de Daniel Siegel vous inspire-t-elle ? Hâte de lire vos réactions et témoignages dans les commentaires ci-dessous.

Au plaisir et à demain,
avec amour et bienveillance,

Isabelle