Le consentement est un sujet récurrent dans ma vie ces derniers temps. À plus d’un titre. Les premières qui m’ont fait prendre conscience de l’importance du consentement sont les créatrices de la « Conférence gesticulée sur le consentement », que j’ai eu la chance de voir à Paris il y a quelques mois. Depuis, tout m’y ramène.
Au mois de mai, à l’OpenCon en Catalogne où je présentais mon film LUTINE, j’ai assisté à un atelier qui m’a bouleversée, inspiré des travaux de Betty Martin sur « the Wheel of Consent » (la roue du consentement) : j’y reviendrai de manière plus détaillée, à coup sûr.
Dès que l’on commence à s’interroger sur les relations positives et sur quel type de relations on souhaite entretenir avec les personnes autour de nous, c’est évidemment une question que l’on est amené·e à se poser à chaque seconde, non seulement dans nos relations amoureuses, mais bien plus largement avec nos enfants, nos ami·es, nos voisin·es…
Si je te propose quelque chose et que tu réponds « oui », est-ce que c’est un « vrai oui » ? Ou est-ce que d’une manière ou d’une autre, tu t’y es senti.e obligé·e, contraint·e ? Est-ce que tu t’es senti·e piégé·e, coincé·e ? Est-ce que tu as eu peur des possibles conséquences ou « représailles » si tu disais non ?
T’es-tu même seulement senti·e autorisé·e à te demander à toi-même si tu avais « vraiment envie » de dire oui, ou si le non ne semblait tout simplement pas une option ?
À quel moment sort-on de la « roue du consentement » et franchit-on la limite qui nous fait basculer du côté de l' »abus », voire de l’agression, ou de la transgression ?
Quelqu’un·e qui « prend » quelque chose à quelqu’un·e d’autre qui le lui a librement et pleinement consenti, avec plaisir et enthousiasme… c’est super ! Les deux sont gagnant·es (case en haut à droite). Mais quelqu’un·e qui franchit la limite et sort de la roue du consentement, « prenant » sans que l’autre en face ne l’y ait totalement autorisé·e… passe dans la case hors de la roue : dans l’abus (j’y reviendrai dans un article qui sera consacré à cette roue, qui me paraît un outil fondamental depuis que je l’ai découvert).
En France, on entend souvent l’expression : « NON, c’est NON. »
Je l’ai par exemple souvent entendue scandée dans les manifestations contre les violences faites aux femmes, contre le viol ou toutes formes d’agressions sexuelles.
Ça nous vient peut-être aussi de souvenirs de notre enfance. Quand un enfant insiste : « Mais pourquoi ? », on lui répond souvent : « Parce que c’est comme ça ! » ou bien alors cette formule : « parce que NON, c’est NON ».
Sauf que pour moi, « non, c’est non »… ne suffit pas. Et depuis que je l’ai découverte sur des sites de nos ami·es du Québec, j’ai faite mienne cette expression : SANS OUI, C’EST NON !
Si, quand vous posez une question à quelqu’un·e, la réponse ne vous apparaît pas explicitement positive (Oui bien sûr ! Avec plaisir ! Évidemment ! À ta disposition !), mais plutôt dans le genre « mou du genou » (Pourquoi pas ? Il faut que j’y réfléchisse. Ça pourrait se faire. On en reparle ?), alors appliquez cette règle : Sans OUI, c’est NON.
La manière dont on formule une demande est importante.
Quand j’ai un service à demander à ma voisine par exemple, je prends toujours la précaution de préciser : Sens-toi libre de dire non. Ou Aucune obligation bien sûr : si ça t’embête, je trouverai une autre solution.
Je préfère sans aucune hésitation quelqu’un·e qui sait me dire « Non, pas aujourd’hui » ou « Je ne préférerais pas » plutôt que quelqu’un·e qui me dirait toujours « Oui », mais dont je sentirais qu’en réalité, ça l’embête… ou qui ne me demanderait jamais rien en échange.
L’idée est de faire en sorte que la personne à qui vous avez quelque chose à demander se sente toujours totalement libre de vous dire oui… ou non, sans conséquence aucune pour votre amitié, votre relation, ou la suite de vos échanges.
Et ce que je présente là comme un échange de services entre voisin·es vaut évidemment pour l’ensemble de nos relations, et notamment nos relations amoureuses… et sexuelles.
Il est temps, plus que temps, que l’on apprenne à demander explicitement avant de toucher quelqu’un·e d’autre. Et il est important que l’on fasse une demande de façon à ce l’autre se sente totalement libre de dire non… sans que ça ne remette en cause la relation.
Un exemple concret ? Il y a quelques mois, j’ai été confrontée au cas d’un homme, dans un cercle d’ami·es, qui, quand il me disait bonjour, me tenait par la taille un peu trop longtemps à mon goût. Ça ne me mettait pas très à l’aise, et je me suis dit que peut-être, j’avais pu lui laisser croire, par une attitude un peu « trop » ouverte (ah, le sentiment de culpabilité…) que j’étais disponible pour une relation qui dépasserait le cadre strictement amical. Alors j’ai essayé d’être plus distante, plus froide. Ça n’a pas suffit. Il me prenait par la main, parfois. Et je ne savais pas comment la retirer.
Je ne me suis jamais sentie en « danger » – aussi sans doute parce que je n’ai jamais eu l’occasion (je m’en serais bien gardée…) de me trouver dans une pièce seule avec lui : nous ne nous voyions que dans un cadre public, entouré·es de nombreuxes ami·es.
Malgré tout, je me demandais, semaine après semaine, comment faire en sorte qu’il ne me prenne plus la main, alors que je n’en avais, moi, pas envie. Et je n’osais pas le lui dire explicitement, de peur de le blesser : je me disais qu’il ne « pensait pas à mal », qu’il se sentirait mortifié de ne pas s’en être rendu compte lui-même, j’espérais qu’il saurait lire mes signaux non-verbaux. Mais non.
J’ai fini par faire part de mon malaise à des amis communs, afin qu’ils puissent me venir en « aide » s’ils me voyaient en difficulté. Ils ont pris sur eux de lui parler : ça a libéré ma parole, nous nous sommes expliqué·es, et tout s’est arrangé.
Au final : des semaines de malaise, au cours desquelles j’avais fini par adopter une stratégie d’évitement : j’y pensais à l’avance et me demandais comment faire pour éviter de me trouver « piégée ».
Comment cet homme aurait-il pu s’y prendre autrement ?
En me demandant : J’aimerais beaucoup te tenir la main, est-ce ok pour toi ?
J’aurais alors pu y penser, et me serais sentie « autorisée » à répondre non : Je suis heureuse que tu me poses la question, et justement, je ne préfère pas. Je t’aime beaucoup comme ami, mais je ne ressens aucune attirance physique envers toi.
Et pourquoi cet homme ne me l’a-t-il pas demandé ? Sans doute parce qu’il a eu peur de cette réponse ! Parce que, tant qu’il ne pose pas la question, il peut me tenir la main !
CQFD.
La question est bien alors : quel genre de relations voulons-nous ?
Cet homme a-t-il conscience même de mon malaise ? Ne serait-il pas plus satisfaisant pour lui de peut-être tenir la main à moins de femmes… mais qu’elles en aient elles aussi vraiment envie ?
Des relations contraintes, forcées, où dès qu’ielle en a la possibilité, l’autre s’échappe… sont-elles / peuvent-elles être satisfaisantes ?
Nous devons apprendre à demander mais aussi apprendre à recevoir un non, sans pour autant le prendre personnellement (3ème accord toltèque) et sans en vouloir à la personne qui nous dit non, qui a sans doute tout plein de raisons – qui lui appartiennent – de nous dire non.
Par ailleurs et inversement, nous devons non seulement apprendre à dire non, mais aussi apprendre à dire oui. Pour que nos « oui » aient une vraie valeur de « oui », et pas ce côté « mou du genou ».
Sauf que, pour pouvoir dire non, on a besoin de se sentir… en sécurité !
Voilà, le mot est lâché : SÉ-CU-RI-TÉ !
À suivre… car j’ai l’impression, là, de seulement commencer à dérouler la pelote.
Hâte de lire vos commentaires.
Au plaisir,
avec amour, compassion pour celleux d’entre vous qui souffrez – je pense notamment à tou·tes mes ami·es américain·es chez qui des souffrances physiques refont surface depuis hier-, et bienveillance,
Isa