21 JOURS pour des relations positives #13. Écoute empathique

Aujourd’hui, 13 novembre, jour de commémoration. « Com-mémoration » : le fait de se souvenir ensemble. Il ne s’agit pas de « mémoire », mais de « mémoration », mot qui paraît plus actif. On agit ensemble le fait de se souvenir ensemble. C’est important pour chacun·e de nous, c’est important pour la communauté : ça fait partie des éléments qui nous soudent les un·es aux autres.
Il est important d’ancrer ces souvenirs traumatiques dans nos mémoires autobiographiques, comme le faisait remarquer il y a deux jours Muriel Salmona, psychiatre spécialisée dans les troubles traumatiques dans un nouvel article du Nouvel Obs’.

Un traumatisme, en effet, s’inscrit directement dans nos mémoires traumatiques, sans passer par l’hippocampe, qui permettrait de le traiter et de l’envoyer dans notre mémoire autobiographique.
En parler, en reparler, revenir dessus, entendre les autres en parler… est certes douloureux, mais fait partie du chemin de résilience. Il nous faut nous accompagner les un·es les autres.

Une écoute empathique, active, me paraît un pré-requis d’une relation positive. L’empathie est la capacité à comprendre et ressentir ce que ressent quelqu’un·e d’autre, sans pour autant se laisser envahir par ses propres émotions.

Une écoute empathique est une écoute où on écoute l’autre, en recevant ce qu’ielle dit et exprime, sans chercher à intervenir, aider, ou conseiller. Juste être là, dans une présence bienveillante. Et c’est à la fois une des choses les plus simples et les plus difficiles à faire.

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J’ai vu il y a deux jours le film Le Client d’Asghar Farhadi, le réalisateur d’Une séparation, mais aussi du Passé et de À propos d’Elly, remarquables. L’histoire : une femme est agressée chez elle, dans l’appartement dans lequel elle vient tout juste de s’installer avec son compagnon. Lui est présenté comme un homme ouvert, intelligent émotionnellement, attentif à sa femme et aux émotions des autres : il est professeur, et comédien. Sauf que face au traumatisme qu’a subi sa femme, il est démuni, il ne sait plus faire, et il craque… parce qu’il ne connaît pas le fonctionnement du cerveau.
Il lui reproche notamment à un moment ce qu’il ressent de sa part comme une « incohérence » : elle refuse qu’il la touche la nuit… mais reste collée à lui la journée. Il l’interprète donc avec sa propre grille de lecture, par rapport à lui-même, et sans être attentif aux messages que elle lui envoie.
Car bien sûr, aucune « incohérence » dans son comportement dissocié : elle a été agressée et ne supporte donc plus le contact physique qui doit lui faire revivre l’agression… et par ailleurs, elle est terrifiée à l’idée de rester seule dans la journée, car vivant dans la peur que ça ne recommence.

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Seule solution dans ce cas, comme face à tout trauma : écouter, accompagner, entendre ses émotions à elle – et cela prendra du temps avant qu’elle ne puisse à nouveau se sentir en sécurité.
Quand il juge, prescrit, conseille, reproche… (tu pourrais ceci ou cela, prendre sur toi, faire des efforts…), elle se referme sur elle-même, repart dans la chambre, s’assoit sur le lit, lui tourne le dos. Ce n’est pas de la mauvaise volonté de sa part : elle n’a juste plus accès à ses fonctions cognitives habituelles, elle est comme un oiseau tombé du nid, en totale sidération, en panique.
Petit à petit, à ne pas être à l’écoute de sa femme, à faire passer ses priorités à lui avant celles de sa femme, à ne pas tenir compte de ce qu’elle lui demande, il se coupe d’elle et de leur relation.
Le Client est un film tragique… et poignant.

Aujourd’hui, 13 novembre, jour de commémoration et de souvenir. Partage, émotion, compassion, empathie, solidarité. Et résistance. Amour, tendresse, plaisir, célébration et présence à la vie.

Avec amour, compassion et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #12. Sécurité

Je parlais hier de besoin de sécurité dans une relation pour qu’elle puisse être considérée comme « positive ». Il se trouve que c’est aussi le premier des besoins fondamentaux selon William Glasser dont j’ai parlé dans mon article #4.

Se sentir en sécurité dans une relation, cela veut dire ne pas s’y sentir stressé·e, menacé·e ; sentir qu’elle est stable, qu’on peut compter dessus.

L’autre jour, j’ai assisté à une dispute entre deux amoureuxes. L’homme a dit quelque chose à la femme, qu’elle a mal vécu : ça l’a renvoyée – elle en avait conscience – à des relations antérieures abusives, et son corps s’est mis en résistance. Elle était en colère, mais cette colère cachait aussi la peur de se retrouver à nouveau dans une relation abusive.
Alors elle s’est défendue, du mieux qu’elle a pu sur le moment, en mettant en cause leur relation, afin de tenter de lui faire comprendre à quel point c’était important pour elle : « Si tu me parles sur ce ton, c’est fini entre nous. »
Sauf que lui, au lieu d’entendre sa peur, s’est à son tour senti menacé et a réagi sur le même mode de défense agressif« Vas-y, fais ta crise ! », dévalorisant sa réaction. Résultat : souffrance de part et d’autre. Que de gâchis.

On n’est pas très loin des extrêmes des enfants quand ils sont très en colère, dont on sait qu’on ne doit pas les prendre au premier degré : Elle m’a dit qu’elle n’était plus ma copine, ou Tu n’es plus ma mère ! Je ne suis plus ton fils ! 

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La première « règle » que l’on s’impose, mon aimé et moi-même, c’est précisément de ne pas remettre en cause notre relation sous le coup d’une émotion.

Si quelque chose ne nous convient pas, on exprime notre émotion : Je suis fâché·e ; j’ai peur ; voire : Quelque chose ne me convient pas et j’ai besoin qu’on en reparle, mais plus tard, car là je suis trop énervé·e… 
On sait qu’on tient l’un·e à l’autre, et que parfois, l’autre peut faire ou dire quelque chose qui nous insécurise… sans que cela remette pour autant en cause notre relation.

Il me semble que cette règle de respect et fiabilité de la relation peut aussi être valable dans des relations moins impliquantes, par exemple entre ami·es.

Il est important en effet de pouvoir dire les choses qui nous mettent mal à l’aise – sans que l’autre ne le « prenne mal » ou ne le prenne « personnellement », en se sentant visé·e en tant que personne.
C’est tout l’objet du 2nd accord toltèque : ne rien prendre personnellement.

Évidemment, il est important que nous soyons capables de nous exprimer en communication positive : parler de nos émotions, sensations, ressentis, sans faire des reproches ou des critiques à l’autre.
Dire par exemple : Quand tu arrives avec un quart d’heure de retard sans m’avoir prévenu·e, je me sens en colère, car j’ai un besoin de prévisibilité ;
et non : Comme d’habitude, tu ne fais pas attention aux autres ! Ou : Tu t’en fous de moi !

De manière générale… évitons les généralités ! Les jamais, toujours, comme d’habitude, une fois de plus… Évitons les TU et parlons au JE.

Si en revanche, alors que l’on s’exprime en communication non violente, la personne en face réagit « mal », se sent accusée injustement, et entre en défense ou en justification… alors ça peut devenir compliqué.

Avez-vous par exemple dans votre entourage des personnes avec lesquelles vous avez l’impression de « marcher sur des œufs » ?
Si on sait d’expérience qu’une personne peut facilement « prendre la mouche », et mal interpréter l’une de nos remarques, on va avoir tendance à éviter l’explication, pour ne pas envenimer la relation… et c’est la fuite en avant dans la non-communication : le malaise grandit, la personne en face va sentir notre réserve, et nous-même n’oserons plus aborder certains sujets.

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Prenons l’exemple d’un couple dans lequel l’un·e aimerait qu’ielles s’ouvrent à des relations tierces. S’ielle exprime son désir et que l’autre le prend comme une offense personnelle (Ça veut dire que tu ne m’aimes plus ?), il lui deviendra difficile de revenir sur le sujet… Ielle aura alors le choix de se résigner et se frustrer… ou bien de suivre son désir sans plus en parler à l’autre : nous voilà alors dans l’adultère classique, malheureusement si souvent induit par le fait que l’un·e des deux ne veut pas entendre parler d’ouvrir le couple.

Quand, à 21 ans, mon partenaire d’alors m’a dit : Si j’apprends que tu m’as trompé, je te quitte, je me souviens avoir pensé : Tu me demandes donc de te mentir le jour où ça m’arrivera. 

Une relation « positive » est-elle possible dans le mensonge et la dissimulation ? 

Sans pour autant aller jusque-là, si quelque chose me blesse dans l’attitude ou le comportement d’un·e ami·e ou d’une relation et que je ne peux pas lui en parler car je crains sa réaction, alors je vais me sentir en porte-à-faux dans la relation, puis assez vite je vais me retrouver dans l’évitement, et petit à petit, la relation perdra son sens pour moi.

Une relation se fait à deux. On ne peut jamais changer l’autre, ni lea contrôler : on n’a de prise que sur sa moitié de la relation, comme si on était chacun·e à un bout de la corde.

Faisons en sorte

  • d’avoir nous-même une parole « impeccable », comme le dit le premier accord toltèque ;
  • de ne rien prendre personnellement (2ème) ;
  • de ne pas faire de supposition sur ce que pense l’autre : demandons-le lui si on a un doute (3ème) ;
  • et dans tous les cas, faisons de notre mieux (4ème).

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Et si, malgré tous nos efforts pour une communication positive, nous nous retrouvons dans une relation douloureuse, dans laquelle on a l’impression de ne pas pouvoir être sincère et authentique, alors parfois, il peut être nécessaire de mettre fin à une relation, ou de la faire évoluer vers une relation moins proche, moins impliquante.

Car à mon sens, une relation positive est une relation dans laquelle on sent qu’on peut être nous-même, et que si quelque chose nous pose problème, on pourra en parler, sans que l’autre ne se sente remis·e en cause personnellement et ne remette en cause notre relation.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

 

 

21 JOURS pour des relations positives #11. Paix

Entre les élections américaines le 9 et le premier anniversaire des attentats du 13 novembre, nous voici pile au milieu : le 11 novembre. Il y a pile cent ans, en 1916, on était au beau milieu de la guerre de 14-18.

Mes quatre arrière-grands-pères ont fait la guerre. Deux étaient originaires d’Ardèche, deux de l’Allier. Ils étaient nés en 1890, 1895, 1896,1899. Ils sont devenus instituteurs, percepteur des impôts, agriculteur.
Le premier a enchaîné trois ans de service militaire avec quatre ans de guerre. Il ne s’en est jamais remis, et a fait une tentative de suicide. C’est en lui faisant promettre que plus jamais il n’attenterait à ses jours que celle qui est devenue mon arrière-grand-mère lui a proposé de l’épouser.
Le deuxième a reçu un éclat d’obus dans le genou : il en a gardé une jambe raide toute sa vie, sur laquelle j’aimais m’asseoir quand il me racontait des histoires.
Le troisième a reçu un éclat d’obus dans son coude… et n’a jamais plus pu s’en servir.
Le quatrième, plus jeune, s’est enrôlé volontaire… et a été remobilisé en 1940.
Quelles vies !
Quand on les a enrôlés dans l’armée, ils avaient entre 18 et 21 ans.
Des enfants.

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Quel rapport avec les relations positives, me direz-vous ?
Ma certitude que c’est en travaillant chacun·e de nous sur nous-mêmes, en étant nous-mêmes des « role models » de communication non-violente et positive dans nos relations avec nos enfants, nos conjoint·es, nos collègues, nos voisin·es… qu’on a le plus de chances de, petit à petit, transformer la société autour de nous.

Un des credo de l’association ManKind Project (MKP, et en France mkpef.org) dont mon aimé fait partie est : changer le monde, un homme à la fois. Et j’ai en effet eu l’impression, le jour même où il a rencontré ces autres hommes qui travaillent sur eux-mêmes, dans la solidarité, la compassion et la bienveillance les uns envers les autres, insistant sur le non-jugement et la tolérance, que non seulement sa vision du monde avait changé, mais aussi ses relations avec les autres, et notamment les autres hommes.

Notre société élève les hommes dans la compétition les uns envers les autres, la rivalité :  « l’un… ou l’autre ».
Et si c’était « l’un ET l’autre » ? Et si, au lieu d’être rivaux, ennemis, concurrents, ils étaient compagnons, solidaires, frères ?

Si, au lieu de se comporter comme des gorilles, à qui sera le plus fort et remportera la femelle… les hommes se comportaient comme des bonobos, en partenariat, complicité, compassion ?

Henri Cartan, le doyen des mathématiciens européens quand je l’ai filmé en 1995, m’a raconté son souvenir de l’armistice de 1918 : le 11 novembre 1918, il avait 14 ans.

Plus jamais ça. Travaillons, chacun·e de nous, à la paix. Pour reprendre la citation de Gandhi : Soyons le changement que nous voulons voir.

ob_24935f_sois-le-changement-que-tu-veux-voir-daEt pour rendre cet article plus vrai, plus juste, plus fort… je vous glisse ci-dessous les livrets militaires de mes quatre arrière-grands-pères.

Hâte de lire vos commentaires.

Commémoration, amour et paix.
Isabelle

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21 JOURS pour des relations positives #10. Consentement

Le consentement est un sujet récurrent dans ma vie ces derniers temps. À plus d’un titre. Les premières qui m’ont fait prendre conscience de l’importance du consentement sont les créatrices de la « Conférence gesticulée sur le consentement », que j’ai eu la chance de voir à Paris il y a quelques mois. Depuis, tout m’y ramène.

Au mois de mai, à l’OpenCon en Catalogne où je présentais mon film LUTINE, j’ai assisté à un atelier qui m’a bouleversée, inspiré des travaux de Betty Martin sur « the Wheel of Consent » (la roue du consentement) : j’y reviendrai de manière plus détaillée, à coup sûr.

Dès que l’on commence à s’interroger sur les relations positives et sur quel type de relations on souhaite entretenir avec les personnes autour de nous, c’est évidemment une question que l’on est amené·e à se poser à chaque seconde, non seulement dans nos relations amoureuses, mais bien plus largement avec nos enfants, nos ami·es, nos voisin·es…

Si je te propose quelque chose et que tu réponds « oui », est-ce que c’est un « vrai oui » ? Ou est-ce que d’une manière ou d’une autre, tu t’y es senti.e obligé·e, contraint·e ? Est-ce que tu t’es senti·e piégé·e, coincé·e ? Est-ce que tu as eu peur des possibles conséquences ou « représailles » si tu disais non ?
T’es-tu même seulement senti·e autorisé·e à te demander à toi-même si tu avais « vraiment envie » de dire oui, ou si le non ne semblait tout simplement pas une option ?

À quel moment sort-on de la « roue du consentement » et franchit-on la limite qui nous fait basculer du côté de l' »abus », voire de l’agression, ou de la transgression ?

Quelqu’un·e qui « prend » quelque chose à quelqu’un·e d’autre qui le lui a librement et pleinement consenti, avec plaisir et enthousiasme… c’est super ! Les deux sont gagnant·es (case en haut à droite). Mais quelqu’un·e qui franchit la limite et sort de la roue du consentement, « prenant » sans que l’autre en face ne l’y ait totalement autorisé·e… passe dans la case hors de la roue : dans l’abus (j’y reviendrai dans un article qui sera consacré à cette roue, qui me paraît un outil fondamental depuis que je l’ai découvert).

En France, on entend souvent l’expression : « NON, c’est NON. »
Je l’ai par exemple souvent entendue scandée dans les manifestations contre les violences faites aux femmes, contre le viol ou toutes formes d’agressions sexuelles.
Ça nous vient peut-être aussi de souvenirs de notre enfance. Quand un enfant insiste : « Mais pourquoi ? », on lui répond souvent : « Parce que c’est comme ça ! » ou bien alors cette formule : « parce que NON, c’est NON ».

Sauf que pour moi, « non, c’est non »… ne suffit pas. Et depuis que je l’ai découverte sur des sites de nos ami·es du Québec, j’ai faite mienne cette expression : SANS OUI, C’EST NON !

Sans oui c'est non

Si, quand vous posez une question à quelqu’un·e, la réponse ne vous apparaît pas explicitement positive (Oui bien sûr ! Avec plaisir ! Évidemment ! À ta disposition !), mais plutôt dans le genre « mou du genou » (Pourquoi pas ? Il faut que j’y réfléchisse. Ça pourrait se faire. On en reparle ?), alors appliquez cette règle : Sans OUI, c’est NON.

La manière dont on formule une demande est importante.
Quand j’ai un service à demander à ma voisine par exemple, je prends toujours la précaution de préciser : Sens-toi libre de dire nonOu Aucune obligation bien sûr : si ça t’embête, je trouverai une autre solution.

Je préfère sans aucune hésitation quelqu’un·e qui sait me dire « Non, pas aujourd’hui » ou « Je ne préférerais pas » plutôt que quelqu’un·e qui me dirait toujours « Oui », mais dont je sentirais qu’en réalité, ça l’embête… ou qui ne me demanderait jamais rien en échange.

L’idée est de faire en sorte que la personne à qui vous avez quelque chose à demander se sente toujours totalement libre de vous dire oui… ou non, sans conséquence aucune pour votre amitié, votre relation, ou la suite de vos échanges.

Et ce que je présente là comme un échange de services entre voisin·es vaut évidemment pour l’ensemble de nos relations, et notamment nos relations amoureuses… et sexuelles.

Il est temps, plus que temps, que l’on apprenne à demander explicitement avant de toucher quelqu’un·e d’autre. Et il est important que l’on fasse une demande de façon à ce l’autre se sente totalement libre de dire non… sans que ça ne remette en cause la relation.

Helping hands, male hand takes young female hand

Un exemple concret ? Il y a quelques mois, j’ai été confrontée au cas d’un homme, dans un cercle d’ami·es, qui, quand il me disait bonjour, me tenait par la taille un peu trop longtemps à mon goût. Ça ne me mettait pas très à l’aise, et je me suis dit que peut-être, j’avais pu lui laisser croire, par une attitude un peu « trop » ouverte (ah, le sentiment de culpabilité…) que j’étais disponible pour une relation qui dépasserait le cadre strictement amical. Alors j’ai essayé d’être plus distante, plus froide. Ça n’a pas suffit. Il me prenait par la main, parfois. Et je ne savais pas comment la retirer.
Je ne me suis jamais sentie en « danger » – aussi sans doute parce que je n’ai jamais eu l’occasion (je m’en serais bien gardée…) de me trouver dans une pièce seule avec lui : nous ne nous voyions que dans un cadre public, entouré·es de nombreuxes ami·es.

Malgré tout, je me demandais, semaine après semaine, comment faire en sorte qu’il ne me prenne plus la main, alors que je n’en avais, moi, pas envie. Et je n’osais pas le lui dire explicitement, de peur de le blesser : je me disais qu’il ne « pensait pas à mal », qu’il se sentirait mortifié de ne pas s’en être rendu compte lui-même, j’espérais qu’il saurait lire mes signaux non-verbaux. Mais non.

J’ai fini par faire part de mon malaise à des amis communs, afin qu’ils puissent me venir en « aide » s’ils me voyaient en difficulté. Ils ont pris sur eux de lui parler : ça a libéré ma parole, nous nous sommes expliqué·es, et tout s’est arrangé.

Au final : des semaines de malaise, au cours desquelles j’avais fini par adopter une stratégie d’évitement : j’y pensais à l’avance et me demandais comment faire pour éviter de me trouver « piégée ».

Comment cet homme aurait-il pu s’y prendre autrement ?
En me demandant : J’aimerais beaucoup te tenir la main, est-ce ok pour toi ?
J’aurais alors pu y penser, et me serais sentie « autorisée » à répondre non : Je suis heureuse que tu me poses la question, et justement, je ne préfère pas. Je t’aime beaucoup comme ami, mais je ne ressens aucune attirance physique envers toi.

Et pourquoi cet homme ne me l’a-t-il pas demandé ? Sans doute parce qu’il a eu peur de cette réponse ! Parce que, tant qu’il ne pose pas la question, il peut me tenir la main !
CQFD.

La question est bien alors : quel genre de relations voulons-nous ?
Cet homme a-t-il conscience même de mon malaise ? Ne serait-il pas plus satisfaisant pour lui de peut-être tenir la main à moins de femmes… mais qu’elles en aient elles aussi vraiment envie ?

Des relations contraintes, forcées, où dès qu’ielle en a la possibilité, l’autre s’échappe… sont-elles / peuvent-elles être satisfaisantes ?

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Nous devons apprendre à demander mais aussi apprendre à recevoir un non, sans pour autant le prendre personnellement (3ème accord toltèque) et sans en vouloir à la personne qui nous dit non, qui a sans doute tout plein de raisons – qui lui appartiennent – de nous dire non.

Par ailleurs et inversement, nous devons non seulement apprendre à dire non, mais aussi apprendre à dire oui. Pour que nos « oui » aient une vraie valeur de « oui », et pas ce côté « mou du genou ».

Sauf que, pour pouvoir dire non, on a besoin de se sentir… en sécurité !
Voilà, le mot est lâché : SÉ-CU-RI-TÉ !

À suivre… car j’ai l’impression, là, de seulement commencer à dérouler la pelote.
Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour, compassion pour celleux d’entre vous qui souffrez – je pense notamment à tou·tes mes ami·es américain·es chez qui des souffrances physiques refont surface depuis hier-, et bienveillance,
Isa

21 JOURS pour des relations positives #9. Le choc

Mes ami·es,

comme vous tou·tes, je suppose, comme tant de gens de par le monde, comme tant de nos ami·es américain·es, je suis depuis ce matin sous le choc. Littéralement sidérée. Anesthésiée. Je ne comprends pas. La nouvelle dépasse mon entendement. J’ai pleuré. Et puis je me suis roulée en boule, et j’ai attendu que la journée passe.

Comment vous parlez aujourd’hui des relations « positives », quand la personnalité de Donald Trump incarne précisément tant l’inverse ? La mauvaise foi, le mensonge, la domination patriarcale, le sexisme, le racisme, la suffisance, le mépris… les mots me manquent. Je suffoque.

Quel modèle donnons-nous à nos enfants quand un tel personnage peut ainsi accéder aux plus hautes fonctions du plus puissant pays du monde ? Que vont-ielles penser ? Qu’on peut impunément mentir, insulter, mépriser les autres ?

Je ne vois rien d’autre à partager avec vous que cette vidéo, et sa transcription, d’un discours de Michelle Obama qui m’a bouleversée il y a quelque temps. Voilà pour moi quelqu’un qui incarne un « role model » de relations positives. Qui nous tire vers le haut. Qui éveille en nous ce qu’on a de plus précieux, de plus riche, de plus militant. Qui nous donne envie d’avancer, de nous battre, d’agir. De changer le monde.

Résistance. Compassion. Combat. Espoir.

Avec amour et bienveillance,
Isabelle

[EDIT : la vidéo d’origine publiée sur Youtube a disparu, vous pourrez la retrouver sur le site du Guardian]

(Traduit en partie en français en-dessous)

« While I’d love nothing more than to pretend like this isn’t happening and come out here and do my normal campaign speech, it would be dishonest and disingenuous to me to just move on to the next thing like this was all just a bad dream. This is not something that we can ignore. It’s not something that we can sweep under the rug as just another disturbing footnote in a sad election season because this was not just a lewd conversation. This wasn’t just « locker room banter. » This was a powerful individual speaking freely and openly about sexually predatory behavior. And actually bragging about kissing and groping women, using language so obscene that many of us worried about our children hearing it when we turned on the TV. And to make matters worse it now seems very clear that this isn’t an isolated incident. It’s one of countless examples of how he has treated women his whole life.

And I have to tell you that I listen to all of this, and I feel it so personally. And I’m sure that many of you do, too, particularly the women. The shameful comments about our bodies, the disrespect of our ambitions and intellect, the belief that you can do anything you want to a woman? It is cruel. It’s frightening. And the truth is, it hurts. It hurts. It’s like that sick, sinking feeling you get when you’re walking down the street, minding your own business, and some guy yells out vulgar words about your body. Or when you see that guy at work that stands just a little too close, stares a little too long, and makes you feel uncomfortable in your own skin. It’s that feeling of terror and violation that too many women have felt when someone has grabbed them or forced himself on them, and they’ve said no, but he didn’t listen. Something that we know happens on college campuses and countless other places every single day. It reminds us of stories we’ve heard from our mothers and grandmothers about how back in their day, the boss could say and do whatever he pleased to the women in the office. And even though they worked so hard, jumped over every hurdle to prove themselves, it was never enough. We thought all of that was ancient history, didn’t we?

And so many have worked for so many years to end this kind of violence and abuse and disrespect but here we are: In 2016 and we’re hearing these exact same things every day of the campaign trail. We are drowning in it. And all of us are doing what women have always done: We’re trying to keep our heads above water. Just trying to get through it, trying to pretend like this doesn’t really bother us. Maybe because we think that admitting how much it hurts makes us as women look weak. Maybe we’re afraid to be that vulnerable. Maybe we’ve grown accustomed to swallowing these emotions and staying quiet because we’ve seen that people often won’t take our word over his. Or maybe we don’t want to believe that there are still people out there who think so little of us as women. Too many are treating this as just another day’s headline, as if our outrage is overblown or unwarranted, as if this is normal. Just politics as usual.

But New Hampshire, be clear: this is not normal. This is not politics as usual. This is disgraceful. It is intolerable, and it doesn’t matter what party you belong to—Democrat, Republican, Independent—no woman deserves to be treated this way. None of us deserve this kind of abuse. And I know it’s a campaign, but this isn’t about politics. It’s about basic human decency. It’s about right and wrong, and we simply cannot endure this or expose our children to this any longer. Not for another minute, let alone for four years. Now is the time for all of us to stand up and say « enough is enough. »

This has got to stop right now because consider this: If all of this is painful to us as grown women, what do you think this is doing to our children? What messages are our little girls hearing about, who they should look like, how they should act? What lessons are they learning about their value as professionals, as human beings? About their dreams and aspirations? And how is this affecting men and boys in this country because I can tell you that the men in my life do not talk about women like this, and I know that my family is not unusual. And to dismiss this as everyday locker room talk is an insult to decent men everywhere. The men that you and I know don’t treat women this way: they are loving fathers who are sickened by the thought of their daughters being exposed to this kind of vicious language about women. They are husbands and brothers and sons who don’t tolerate women being treated and demeaned and disrespected. And, like us, these men are worried about the impact this election is having on our boys who are looking for role models of what it means to be a man.

In fact, someone recently told me a story about their 6-year-old son who one day was watching the news, they were watching the news together, and the little boy out of the blue said, « I think Hillary Clinton will be president. » And his mom said, « well, why do you say that? » And this little 6-year-old said, « because the other guy called someone a piggy. » And he said, « you cannot be president if you call someone a piggy. » So even a 6-year-old knows better. A 6-year-old knows that this is not how adults behave, this is not how decent human beings behave, and this is certainly not how someone who wants to be president of the United States behaves.

Because let’s be very clear: strong men, strong men, men who are truly role models don’t need to put down women to make themselves feel powerful. People who are truly strong lift others up. People who are truly powerful bring others together and that is what we need in our next president. We need someone who is a uniting force in this country. We need someone who will heal the wounds that divide us. Someone who truly cares about us and our children. Someone with strength and compassion to lead this country forward. »

Retrouvez l’intégralité de l’article sur elle.com

Et en français dans le Huffington Post :

« J’aimerais tellement faire comme si rien ne s’était passé, mais ce n’est pas quelque chose que l’on peut ignorer. Ce n’était pas juste des ‘conversations de vestiaire’: c’était une personne de pouvoir parlant ouvertement d’agression sexuelle« , a dénoncé Michelle Obama en référence aux « excuses » de Donald Trump concernant la vidéo de 2005 où il est filmé en train de proférer de propos obscènes.

« Et comme si cela ne suffisait pas, il est maintenant très clair que ce n’était pas un simple accident mais que c’est l’un des innombrables exemples de son comportement avec les femmes« , a-t-elle estimé alors que les témoignages accusateurs contre le candidat républicain pleuvent depuis 48 heures .

« Je ne peux pas arrêter d’y penser. Ces propos m’ont glacée jusqu’à la moelle, m’ont bouleversée à un point que je n’aurais jamais imaginé. J’entends toutes ses remarques et elles me blessent, et je suis sûre qu’elles vous blessent aussi, surtout les femmes: on se sent aussi mal que quand on marche dans la rue et qu’un homme nous lance une remarque vulgaire, ou quand on est au travail et qu’on voit un collègue se tenir un peu trop près ou nous regarder avec insistance », a dénoncé la femme du président, la voix tremblante.

Ça nous rappelle ces histoires que nous ont racontées nos mères et grands-mères sur leur patron qui pouvait faire tout ce qu’il voulait aux femmes du bureau. On pensait que c’était de l’histoire ancienne, mais non, nous y revoilà: on est en 2016 et on entend exactement la même chose au quotidien pendant cette campagne, on s’y noie.

« Soyons très clair, ce n’est pas normal, ce ne sont pas ‘les travers habituels de la politique’. Quel que soit le parti auquel on appartient, démocrate, républicain ou indépendant, aucune femme ne mérite d’être traitée de cette façon. Personne ne mérite ce genre d’injures« , a-t-elle continué.

« Cela doit s’arrêter sur-le-champ. Pensez à ça un instant : si cela blesse des femmes, des adultes, quel effet cela-t-il sur nos enfants ? Qu’est-ce que cela inculque à nos filles ? Quelle idée cela leur donne-t-il de la valeur qu’elles ont ? Et nos garçons ? C’est ça l’exemple que l’on veut leur donner de ce que cela signifie d’être un homme ? »

On ne peut pas exposer nos enfants à cela une minute de plus, et encore moins pendant quatre ans. Le moment est arrivé de prendre les choses en main et de dire que trop, c’est trop.

« Soyons bien clair. Les hommes qui sont confiants, qui sont de vrais modèles, n’ont pas besoin de rabaisser les femmes. Les gens qui sont forts élèvent ceux qui les entourent. Les gens puissants rassemblent les autres. »

21 JOURS pour des relations positives #8. Accueil des émotions

Plutôt qu’un article de théorie sur la gestion des émotions (j’en ai déjà rédigé plusieurs et je vous invite à vous y reporter : « 13 JOURS de pensée positive #7« , « Nos émotions au cinéma« , « Voyage en Polyamorie #11. Spirale positive ; vous en trouverez d’autres en tapant « Émotions » dans l’onglet de recherche), j’ai envie aujourd’hui de donner un exemple concret d’une situation vécue il y a peu. Et pour que le lien avec ce que j’appelle une relation « positive » soit plus clair, il ne s’agira ni d’une situation en rapport avec la polyamorie, ni en rapport avec un enfant : on verra bien alors qu’il s’agit d’une posture générale d’accueil des émotions dans la vie, que ce soit avec un·e adulte, un·e enfant, dans un couple, une famille – ou même avec quelqu’un·e que vous ne connaissez pas dans la rue.

Pendant les vacances de la Toussaint (c’est donc vraiment récent), mon aimé et moi-même avons emmené ma fille, 7 ans, au jardin d’Acclimatation : elle avait envie d’une « fête foraine« . Un manège, deux manèges, trois manèges… tout allait plutôt bien. Ce n’était juste pas moi qui montait avec elle, car ces « trucs » qui secouent dans tous les sens pour créer des sensations – et spécifiquement des sensations de peur – dans le corps, ça fait bien longtemps que j’y ai renoncé…

(Parenthèse : je me souviens de la dernière fois où je suis montée dans un manège type montagne russe pour « faire comme les autres », et soi-disant « m’amuser » : c’était avec le père de mes enfants, sans doute au tout début de notre histoire, car je devais être dans la phase : « j’essaie de paraître cool« , au lieu de préférer être simplement moi-même. C’était donc… il y a vingt ans !
Sur le manège lui-même, j’ai cru… que j’allais mourir. Littéralement. Quand j’en suis descendue, j’ai vomi et pleuré, beaucoup. Dans le genre « cool », je pouvais repasser !
Ce jour-là, j’ai décidé qu’on ne m’y prendrait plus (comme le corbeau de La Fontaine) et que plus jamais, je ne monterais dans un manège que je ne « sens » pas. Fin de la parenthèse).

Retour au jardin d’Acclimatation, où ma fille, donc, s’éclatait avec son beau-père – qu’elle présente aussi souvent comme « l’amoureux de sa mère ». Jusqu’au moment où je les vois aller en direction d’un nouveau manège. Un truc euh… où des nacelles sont tenues par des chaînes…

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Quand on est dessus, ça donne ça : 
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Mais quand on est en-dessous, voilà ce qu’on voit :

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À vrai dire, je n’ai pas « réfléchi »… J’ai juste « vu » et senti monter lentement mais de manière inexorable en moi une bouffée d’angoisse : petit à petit, j’ai senti mes jambes flageoler, mon cœur s’accélérer, ma respiration se saccader… Rapidement, je n’ai plus pu parler, je suffoquais, j’étais en train de m’étouffer. Plus capable de prononcer un mot, bien incapable de dire : « Euh… je crois que je préférerais que vous ne montiez pas dans celui-ci… » Non, c’était bien plus radical que ça : une véritable « panic attack » – ça devait être ça.

C’est à ce moment-là que mon aimé, se retournant vers moi, m’a aperçue, me débattant avec mon corps envahi – j’imagine – de cortisol et d’adrénaline, au point où ils me paralysaient complètement. Je ne pouvais juste plus communiquer autrement que par des signaux physiques de détresse.
Il est aussitôt venu vers moi, a rassuré ma fille, soudain bien sûr un peu inquiète de me voir dans cet état, et c’est lui qui a prononcé les mots auxquels je n’avais plus accès : « Tu ne veux pas qu’on monte là-dedans, c’est ça ? Tu as peur ? »

Alors j’ai senti que, comme il semblait comprendre ce qui m’arrivait, je pouvais à nouveau contacter mon néo-cortex – mon cerveau rationnel – je pouvais « ré-intégrer » mon cerveau gauche et mettre des mots sur la panique de mon cerveau droit et j’ai réussi à dire : « J’ai peur que vous tombiez et que vous mourriez. »

Il n’a pas cherché à me rassurer, pas cherché à « rationaliser », à me dire : « Mais enfin, tu penses bien que ce n’est pas dangereux, ils ne laisseraient pas les gens monter dessus sinon » – ça aurait été bien inutile, et vous pensez bien que je me l’étais déjà dit. Aucune « rationalisation » ne pouvait m’empêcher de penser, moi : « Oui, mais si justement, aujourd’hui, il y a un accident ? »

Non, il a juste « accueilli » mon émotion, et il l’a « expliquée » à ma fille, qui, à son tour, commençait à pleurer : « Mais moi, je veux vraiment y aller sur ce manège… ».
Il lui a expliqué qu’une fois qu’elle était montée, il fallait juste que je laisse « redescendre » mon émotion, et qu’on allait trouver ensemble une solution : et faire une « résolution de problème« . Mais auparavant, il m’a juste prise contre lui, sans parler… et mes larmes ont alors pu sortir, en sanglots, me permettant d’évacuer les hormones de stress qui m’avaient envahie.
Une fois que j’ai pu retrouver une respiration à peu près normale, il m’a alors demandé si ça me paraissait possible, tout simplement, de ne pas regarder, pendant qu’ielles montaient sur le manège. J’ai accepté, en hochant la tête et tout en reniflant. J’avais vraiment la sensation d’avoir cinq ans.

Je me suis alors éloignée, dans la direction d’un rayon de soleil. J’ai trouvé un peu plus loin un petit point d’eau avec des canards, et j’ai regardé les canards, le soleil sur le pont, les gens avec leurs enfants. Je me suis réchauffée au soleil. Et j’ai attendu qu’ielles reviennent.
Au bout d’un moment, j’ai commencé à trouver le temps long… et à sentir à nouveau l’inquiétude remonter en moi : et si ielles ne revenaient pas ?
Alors je me suis concentrée sur ma respiration, en pleine conscience. Et j’ai attendu.
Et ielles sont revenus.

Et on a tou·tes les trois été fièr·es de nous, d’avoir su gérer cette crise. Moi, parce que j’avais réussi à surmonter ma peur qu’ils montent sur le manège et que je les avais laissé·es y aller ; ma fille parce qu’elle avait attendu que mes émotions redescendent sans faire de crise à son tour ; et mon aimé, parce qu’il avait brillamment géré ce moment délicat.

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Qu’aurait fait une personne avec laquelle j’aurais été dans une relation moins positive ? Elle se serait moquée de moi. Elle aurait haussé les épaules en disant : « Tu es vraiment ridicule. Quel âge tu as ? » ou bien encore : « Tu te donnes en spectacle, j’ai honte pour toi » ; ou bien encore : « Reprends-toi ! Tu imagines le modèle que tu donnes à ta fille ? » ; ou bien tout ça en même temps, sur le rythme d’une mitraillette : ta-ta-ta-ta-ta ! 

Et qu’est-ce que ça aurait provoqué en moi ? Une rage, une colère de ne pas être comprise, une humiliation, une rancœur. Est-ce que ça aurait contribué à apaiser mon émotion ? Certes non : ça aurait au contraire ajouté de la colère à ma peur. Et vraisemblablement, je me serais mise à crier ou à pleurer encore plus fort, pour les empêcher de monter sur le manège – à moins que je n’aie été complètement sidérée par la panique, en état de choc. Ma fille aurait paniqué à son tour, et l’après-midi, à coup sûr, aurait été gâché. On serait reparti·es du parc en étant tou·tes trois déçu·es et frustré·es, en colère et tristes. Et j’aurais entendu : « Il faut toujours que tu gâches tout. Tu es pire qu’un enfant ! Tu es ridicule, ma pauvre fille. Il faut te faire soigner, tu es pathétique. »
(Ça vous paraît exagéré comme dialogue ? C’est malheureusement du vécu…).

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Voilà donc ce que j’appelle l’accueil (positif) des émotions : les accueillir pour ce qu’elles sont – nos alliées. Les remercier (dans le cas de la peur par exemple) de nous alerter d’une situation potentiellement dangereuse. Et les accompagner, à leur rythme.

La méthode TIPI nous apprend qu’en deux minutes d’attention portée à la sensation physique d’une émotion, elle se modifie petit à petit… pour disparaître. À vrai dire, il me semble qu’il ne s’agit ni plus ni moins… que d’une attention au corps portée en pleine conscience. 

Au-delà de l’accueil des émotions, voilà ce qu’est pour moi une relation positive : une relation dans laquelle on se sent en sécurité. Dans laquelle on sait que nos émotions seront accueillies pour ce qu’elles sont : des vigies, des alliées, et non des ennemies. Et où la personne en face a suffisamment confiance en elle pour « ne rien prendre personnellement » (3e accord toltèque) : j’y reviendrai.

Pour aujourd’hui… hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #7. Température des relations

Avec de la neige à Paris un 7 novembre, je me dis que c’est le jour ou jamais de parler température !

Pas facile, je le vois jour après jour, de définir des relations positives en termes uniquement « positifs », et non par opposition à : ce que ça n’est pas.
Parce qu’en réalité, ce que j’ai en tête va bien au-delà de : ce que ne sont pas des relations positives.

En effet, pour moi, des relations « positives » ne sont pas seulement des relations « non-toxiques » ou « non-abusives ».

Admettons par exemple qu’on crée une échelle de température en mettant les relations toxiques et abusives en-dessous de 0.
Ce que j’appelle des relations « positives » ne sont pas juste : toutes les relations qui se trouvent au-dessus de ce 0.

En effet, ce que je cherche à définir comme des relations « positives » sont au moins aussi haut dans l’échelle positive, que des relations abusives sont basses dans l’échelle négative : le -100 des secondes, correspond au +100 des premières.

Si on met à 0 les relations « neutres » – qui correspondent sans doute à la grande majorité des relations qu’on entretient dans la vie – et si on considère par exemple qu’en-dessous de 0, on entre dans la catégorie de ce que j’appelle des relations « abusives » (j’y reviendrai, notamment à propos de la « roue du consentement« , cet outil précieux que j’ai découvert il y a 6 mois et que je me propose de présenter en ateliers bientôt), des relations « positives » ne se situent pas à +10, mais bien à +100.

Et c’est bien cet écart entre le +10 et le +100 qui m’intéresse aujourd’hui. Car pendant plus de 40 ans, je n’en ai eu aucune conscience. Je pensais que des relations « positives », et notamment dans le cadre d’un « couple » (entendu comme une relation entre deux personnes de longue durée) se situaient en réalité à +10.
Je connaissais des relations « neutres », voire légèrement toxiques, puis j’ai connu une relation réellement abusive… mais je ne pensais pas qu’on pouvait vraiment dépasser le 0 ou le +10 dans des relations.
Alors à quoi bon tout remettre en cause, cesser une relation pour en recommencer éventuellement une autre… qui de toute façon, presque par définition, ne pourrait pas réellement être satisfaisante ?

Je pensais qu’il y avait peu d’espoir dans la relation amoureuse « de longue durée », que nécessairement, au bout de quelques mois, voire quelques années, elle se muait en « routine » : c’était la fameuse dé-cristallisation après la cristallisation, le moment où l’on voyait à nouveau l’autre tel·le qu’ielle était, et non tel·le que l’on aurait aimé qu’ielle soit ; je pensais que de toute façon, c’était la structure même de l’association de deux personnes sur le long terme qui posait problème. Du coup, je ne voyais pas bien la peine de me battre pour des relations meilleures : je ne savais juste pas que cela pouvait exister.

C’est bien précisément pour cela que j’écris cette série d’articles aujourd’hui : pour témoigner, donner de l’espoir, remonter le niveau d’exigence, pour aider à mieux relativiser. Tout dépend en effet, sur une échelle, de la référence.

Je me souviens d’une comédienne qui m’avait dit, me parlant de son compagnon de l’époque : « Au moins il ne me bat pas, et il ne se drogue pas. »
En effet, elle avait de drôles de références : à côté de ce qu’elle semblait avoir connu avant – et très certainement aussi dans son enfance – son compagnon lui paraissait « positif ». Pour autant, la manière dont elle en parlait ne donnait pas envie de le rencontrer. Et à côté d’elle, je me sentais, à l’époque, chanceuse.

À ce moment-là, la manière dont je voyais les « couples », dans leur grande majorité, était « plan-plan ». Je les voyais embrumés dans un quotidien sans relief, sans magie. Ennuyeux. Ennuyants. Ça ne m’attirait pas.
Alors certes, j’étais dans une relation qui ne me satisfaisait pas, mais je ne pensais pas « avoir droit » à beaucoup mieux… Je pensais que je pouvais tout juste remonter de -80 à 0, ou au mieux à +10.
Alors à quoi bon tout balayer, prendre le risque de repartir de 0, pour de toute façon, stagner à nouveau, quelques mois ou années après, au mieux +10 ?

J’étais résignée. Morte à l’intérieur. Ma vie était ailleurs que dans mon couple : je voulais créer, tourner, refaire du cinéma. Sauf que… difficile d’être créative, inventive, pleine de peps et de vie… quand la flamme intérieure vacille et lutte contre l’extinction.

Quand j’ai atteint le moment où le négatif a commencé à l’emporter systématiquement sur le positif, quand j’ai constaté que je ne croyais plus possible de raviver la flamme du positif, quand je ne suis même plus arrivée à profiter des bons moments parce que je savais, intérieurement, qu’ils allaient être suivis d’autres, douloureux et dévastateurs… alors j’ai accepté ce qu’au fond de moi, j’avais toujours su inéluctable un jour ou l’autre : la séparation.
Et j’étais résignée à ne plus jamais envisager une relation de « couple » : j’y voyais l’image d’une prison, d’un espace où je ne pourrais qu’étouffer, et en aucun cas, m’y épanouir.

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Cette série d’articles est une nouvelle déclaration d’amour à l’homme qui partage ma vie et mon quotidien depuis plus de cinq ans – comme l’est d’ailleurs mon film LUTINE.

Je ne savais pas qu’on pouvait être heureuxes, amoureuxe, passionné·es, fusionnel·les… tout en étant autonomes, indépendant·es, libres. Je ne savais pas que le couple pouvait être un lieu d’épanouissement personnel et réciproque. Je ne savais pas que je pourrais grandir comme je grandis jour après jour à ses côtés depuis cinq ans. Je suis une bien meilleure personne aujourd’hui que je ne l’étais quand je l’ai rencontré. J’apprends tous les jours à ses côtés, à l’observer, à vivre avec lui, de même que je crois que lui apprend et grandit à mes côtés. On s’accompagne, chacun·e sur le chemin de sa vie, et pour autant, aucun·e de nous ne se sent prisonnier·e ou « coincé·e », comme je croyais que nécessairement, on se sentait quand on est « en couple », comme je vois encore aujourd’hui tant de gens autour de moi sentir qu’ielles doivent « faire le choix » entre le couple ou la liberté d’être elleux-mêmes.

J’ai, quant à moi, l’impression de devenir, jour après jour et pas à pas, une meilleure version de moi-même, tout en vivant avec un homme tout aussi heureux de grandir à mes côtés vers une meilleure version de lui-même.

C’est pour témoigner de ce « possible » que j’ai entrepris l’écriture de cette série d’articles. Pour donner de l’espoir. Il y a un « après » des relations toxiques, voire abusives.

La vie est un voyage, et il nous appartient de le rendre le plus beau et le plus heureux possible.

Hâte de lire vos commentaires !

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #6. Harmonie

Voici ce que m’a écrit une lectrice et contributrice à mon blog hier dans les commentaires :

« Hier tu m’as répondu à ma dérive en « roue libre » par des métaphores musicales, notamment par les termes « résonner » et « sonner juste ». Je me suis rendue compte que j’utilisais régulièrement ces métaphores, et qu’il était également possible de les utiliser pour qualifier les relations.
Tu parles de relations positives, cela me fait penser à des relations harmonieuses.
Toute personne a un rythme qui lui est propre, un corps, un timbre, une voix.
Lorsque nous vivons une relation, nous devons nous accorder avec l’autre.
Trouver un accord qui sonne juste et qui nous permettra de vibrer avec nos partenaires, d’entrer en résonance.
Certain.e.s d’entre nous s’évertuent à suivre une partition, d’autres font de l’improvisation.
Parfois, lorsqu’un nouvel instrument entre dans la balade, il est nécessaire de se réaccorder, il peut y avoir des changements de rythme et de tempo.
Voilà, c’était ma petite réflexion musicale du matin. Je pense que l’on pourrait presque en faire de la poésie. »

J’ai trouvé ces quelques phrases remarquables. Et plutôt que d’en faire de la paraphrase, je préfère les citer in extenso. Merci, Céline, pour cette contribution à mes réflexions.

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Oui, je crois en effet qu’un autre nom pour des relations « positives » pourrait être des relations « harmonieuses », au sens aussi où il n’y aurait pas de « dissonance ».

Pas de dissonance, cela veut dire entre autres pour moi que la personne avec laquelle on est en relation exprime la même chose avec ses mots et son langage non verbal. Qu’on la sent « alignée ». Que l’ensemble des signaux qu’elle nous envoie nous semble en cohérence les uns avec les autres.

J’ai lu (dans un livre de Dan Siegel sur le cerveau, je crois) que quand on parle avec quelqu’un, de manière automatique, inconsciente, notre cerveau droit se connecte à son cerveau droit, tandis que notre cerveau gauche se connecte à son cerveau gauche.
Même si aujourd’hui la plupart des chercheurs en neurosciences insistent sur le fait qu’on se sert à tout moment de l’ensemble de notre cerveau et que les deux hémisphères ne sembleraient pas aussi « spécialisés » qu’on l’a cru pendant quelques années, ils auraient quand même une préférence de fonctionnement.
Le cerveau gauche s’attacherait donc plus aux mots, au verbal, au sens logique du discours tenu, tandis que le cerveau droit, lui, serait plus sensible aux signaux non verbaux  (93% de la communication) : l’attitude du corps, le ton de la voix, la sincérité du sourire, les crispations ou non…

images-3Si quelqu’un nous dit « Quel plaisir de te voir » tout en nous envoyant des signaux contradictoires par son attitude corporelle, notre cerveau va le percevoir inconsciemment, et, sans toujours comprendre pourquoi, on peut soudain se sentir très mal à l’aise.
Si on le fait remarquer à la personne, et si elle est en effet de mauvaise foi et nie, on a toutes les chances alors de tenter de se rationaliser : « C’est moi qui ai rêvé, je vois le mal partout, je suis trop sensible. »

Sauf que non, on n’a pas « rêvé », et en effet, notre cerveau et notre corps émotionnel perçoivent bien plus de choses que les simples « mots » d’un discours.
C’est donc là qu’il est important de faire confiance à notre intuition.

Quand, en présence d’une personne, on ressent un sentiment de malaise, une constriction, du mal à respirer, des bourdonnements, ou tout autre symptôme qui nous signale qu’on n’est « pas bien »… soyons-y attentif·ves. Et attachons de l’importance à la cohérence entre les mots et les comportements, entre les promesses et les faits, émis par une personne.

Des relations positives, pour reprendre l’expression proposée par Céline hier, sont en effet pour moi des relations « harmonieuses » : qui sonnent « juste », en cohérence, en résonance – en lieu et place de « dissonance » -, des relations dans lesquelles on se sent à l’aise, où le verbal et le non-verbal sont « alignés », où les actes suivent les paroles, où la personne est fiable, digne de confiance. 

Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

21 JOURS pour des relations positives #5. Prendre le temps

Aujourd’hui, j’ai eu le plaisir et la joie de pouvoir observer une maman en interaction positive avec sa toute petite fille de 18 mois. Ou devrais-je écrire plutôt : une petite fille qui a la chance, l’immense privilège d’avoir une maman qui la laisse être qui elle est, et est à l’écoute de ses besoins et de ses désirs sans la juger, la presser, la critiquer, ou chercher à lui imposer son propre rythme – autrement dit, qui crée précisément ce que j’ai choisi d’appeler une relation « positive » entre elles.

Avez-vous remarqué comment, quand on dit à un enfant de se dépêcher… il a souvent tendance – intuitivement, pour se protéger ? – à au contraire, ralentir ? Il entre en « résistance », en se concentrant sur ses propres désirs…

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Un des (nombreux) livres que j’ai lus sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’éducation ou la discipline positives ou bienveillantes, s’intitule Nos enfants sont des merveilles.
C’est vraiment la sensation que j’ai eue tout l’après-midi : de m’émerveiller devant cette toute petite fille qui comprend tout, sait déjà tellement ce dont elle a envie et comment se faire comprendre… parce qu’elle se sent légitime, reconnue et entendue.

Yvane Wiart, qui a écrit sur l’attachement (mais aussi, ce n’est pas un hasard, à la fois sur la violence ordinaire dans les familles et à l’inverse, sur les couples heureux) parlerait sans aucun doute ici d’un attachement « sécure » (j’y reviendrai : la théorie de l’attachement me paraît en effet fondamentale pour comprendre nos relations).

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Si on fait confiance à nos enfants, ils se développent naturellement dans le sens de la vie, de l’apprentissage conscient, du plaisir.

Sauf handicap, connaissez-vous un enfant qui n’apprend pas à marcher ?
« Avez-vous déjà vu un adulte marcher à quatre pattes ? » faisait remarquer le papa de cette petite fille cet après-midi à mes propres enfants ? Un enfant sans handicap finira toujours par marcher sur ses deux pieds, qu’il commence dès 10 mois, ou aussi « tard » que 17, voire même plus… mais il finira toujours par marcher.
Pourquoi ? Parce qu’il en éprouve le besoin, pour explorer le monde différemment. Il regarde les adultes ou les autres enfants autour de lui… et très vite, dès que son corps le lui permet, il se met en tête de marcher à son tour, et il y arrivera.
Savez-vous combien de fois tombe un enfant avant de savoir marcher ? (J’en parlais justement ce matin avec mes enfants). 2000 fois !

Imaginez-vous un parent qui dirait à son enfant à chaque fois qu’il tombe : Décidément tu es trop nul, tu n’y arriveras jamais ! Si tu n’y mets pas du tien, dans un mois on y est encore ! C’est pour aujourd’hui ou pour demain ?
Vous souriez ? Ça vous paraît absurde ? Et pourtant, n’est-ce pas ce qu’on leur dit implicitement un peu plus tard, quand par exemple ils renversent un verre de jus d’orange sans le faire exprès : Tu pourrais faire attention ! Quel.le maladroit.e tu fais ! Combien de fois je t’ai dit de ne pas le mettre trop près du bord ?

IMG_0165La maman de cette petite fille est déjà pour beaucoup « différente » dans son rapport à sa fille : co-dodo, portage, allaitement à la demande, apprentissage de la langue des signes pour lui permettre d’avoir un « langage » avant que son système corporel ne lui permette de prononcer des mots… J’avais l’impression de me revoir il y a dix ans, quand mon fils avait son âge, et que je faisais déjà partie d’un groupe de parents « extra-terrestres »…

Mais tout ça n’est rien si on n’est pas concrètement, pratiquement, à l’écoute de la merveille que sont nos enfants, minute après minute. Et évidemment, cela demande du temps. Le temps du développement des enfants n’est pas celui que tente de nous imposer aujourd’hui la société, avec ses rythmes, ses horaires, ses carcans, ses habitudes, ses « tu devrais« , « il faut » et « parce que c’est comme ça »…

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Un exemple, un seul. Après avoir passé un bon moment dans un parc (à avancer à la vitesse d’une petite fille de 18 mois poussant sa poussette de poupée, tandis qu’il y a tant de choses passionnantes à observer à chaque pas : tous ces enfants, ces chiens, ces jeux… : autrement dit, quelques 50 mètres à l’heure, peut-être ?), nous décidons d’en partir, car il commençait à faire nuit et froid.

Après une heure dans le parc à être totalement libre de ses mouvements, la petite fille sort donc du parc toujours en poussant sa poussette… et soudain, sa maman l’arrête : on devait traverser une rue. Elle lui donne le choix : préfère-t-elle monter dans sa poussette (la grande) ou les bras ?
La petite fille s’exprime clairement : ni l’un, ni l’autre. Elle veut continuer à pousser sa poussette. Sauf que ce n’est pas possible : il y a désormais des voitures.

Alors la maman « négocie », typiquement en communication « positive » (appelée classiquement « non-violente », mais à vrai dire, je n’aime pas tellement la négative) – je la souligne avec les lettres OSBD :
– les faits (Observation) : Si tu traverses la rue toute seule…
– 
sa propre émotion (Sentiment) : … j’ai peur, car il y a des voitures…
– son Besoin : Mon besoin est que tu sois en sécurité et je n’ai pas envie qu’elles te roulent dessus.
– 
une proposition (Demande) : Est-ce que tu serais ok pour qu’on traverse ensemble ? Tu pousses ta poussette, et tu me donnes la main en même temps ?
Et la petite fille qui avait manifesté très clairement son désaccord pour les bras ou la poussette (la grande) a accepté de traverser la rue en donnant la main à sa maman…

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Clairement ça prend du temps… de même que ça avait pris du temps de lui faire accepter de mettre son manteau en sortant : le temps qu’elle-même se rende compte qu’en effet, il faisait frisquet. Et en arrivant au parc, c’est elle-même qui avait réclamé son bonnet à sa maman. Une merveille, je vous dis…

Si cette merveille peut se déployer ainsi sous nos yeux, c’est parce que ses parents créent pour elle cet espace de liberté, d’autonomie, d’indépendance. Cette petite fille se sent autorisée à exprimer ses besoins, ses désirs, ses désaccords. Elle sait qu’elle sera entendue, accueillie, acceptée, et que ses parents feront de leur mieux pour la satisfaire. Elle se sent en confiance.
Et quand sa maman lui exprime ses propres besoins, elle est en capacité de les entendre à son tour. Parce qu’un des plus beaux cadeaux qu’elle lui fait en étant attentive à ses besoins, c’est l’apprentissage de l’empathie.
Waouh !

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J’ai tout appris avec mes enfants. Dès la seconde, presque, où j’ai su que j’étais enceinte de ma fille, alors que je venais d’avoir 40 ans, j’ai senti intuitivement que sa naissance serait une « re-naissance » pour moi, comme une « 2ème naissance ». Et en effet, depuis qu’elle est arrivée parmi nous, j’ai l’impression d’avoir, émotionnellement, « l’âge de ma fille ». Je (ré)apprends la vie et les relations avec elle. J’apprends à ressentir, accueillir, mieux canaliser mes émotions.
J’ai encore tant appris cet après-midi. J’ai réalisé que si je devais aujourd’hui avoir un 3ème enfant, je ferais encore tant de choses différemment… On apprend tous les jours.

Comme nous le faisaient remarquer Gervais Sirois et Sylvie Dubé avec lesquels j’ai suivi cette semaine une formation intitulée Cerveau et Apprentissage avec L’Atelier des Parents  : le cerveau est fait pour apprendre.
Oui, ça paraît une évidence. Et en même temps, le dire et en prendre conscience paraît révolutionnaire dans notre société qui semble si souvent marcher à l’envers…

Une après-midi comme celle d’aujourd’hui passée à partager l’intimité douce et positive d’une maman et d’un papa avec leur petite fille de 18 mois… est un cadeau de la vie qui me redonne espoir dans l’avenir : je ne suis pas seule à me sentir parfois « extra-terrestre ».

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

21 JOURS pour des relations positives #4. Besoins fondamentaux

Vous connaissez sûrement les besoins de base définis par ce qu’on appelle la « pyramide de Maslow » : d’abord les besoins « physiologiques » (boire, manger, dormir), puis les besoins de sécurité (avoir un abri, se sentir sans danger), ensuite les besoins d’appartenance et d’amour (l’importance du réseau social, de « compter » pour les autres), et seulement ensuite les besoins d’estime et d’accomplissement de soi.
pyramide-de-maslowJ’ai découvert cette semaine, en suivant une formation sur « Cerveau et Apprentissage » avec Gervais Sirois et Sylvie Dubé, qui nous sont venus tout droit du Québec grâce à une invitation de l’Atelier des parents, une autre théorie, d’un autre psychologue : la « théorie du choix » de William Glasser. Et intuitivement, elle me correspond mieux.

En effet, pour lui, les besoins fondamentaux sont tout aussi importants les uns que les autres, sans ordre de priorité.
Et si je les ai découverts cette semaine en rapport avec l’apprentissage, j’ai le sentiment qu’ils vont aussi m’aider pour mieux définir ce que j’appelle une relation « positive » : une relation dans laquelle chacun·e se sent en sécurité, en confiance, où ielle peut déposer ses craintes et ses faiblesses, où chacun·e sent qu’ielle compte pour l’autre et peut compter sur l’autre.

Ces besoins fondamentaux seraient – pour Glasser – au nombre de cinq :

  1. Survie (sécurité)

    L’enjeu étant d’assurer un environnement qui protège la sécurité et la dignité des personnes, il s’agit avant tout de réduire les sources de stress, et notamment les menaces et les coercitions : que chacun·e se sente en sécurité et ait le choix de vivre comme ielle l’entend, sans se sentir jugé·e, critiqué·e ou menacé·e (de perdre quelque chose par exemple, que ce soit la relation, l’amour, la sécurité, la confiance).

  2. Amour et Appartenance 
    Il est fondamental que l’on puisse compter les un·es sur les autres : dans un couple, une famille, une classe, dans des relations de voisinage, de bureau… On n’insistera jamais assez sur l’importance du réseau social : l’être humain est un animal social, qui ne peut pas survivre seul, et tout passe par la relation. D’où l’importance bien sûr de la communication positive, et de se former à la résolution de conflits. Important aussi de célébrer les moments de réussite, de partage, de créer du lien.
  3. Pouvoir (compétence)
    Il est important de pouvoir sentir qu’on a du contrôle sur sa vie. L’un des plus grands facteurs de stress est la sensation d’être à la merci d’autres ou des événements. Et comme on ne contrôle pas les autres, commençons par nous contrôler nous-mêmes en faisant en sorte que nos émotions et nos pulsions ne nous débordent pas.
    Chacun·e a besoin de se sentir autonome, de pouvoir fixer son cadre, ses limites, d’être responsable. Il est important aussi que chacun·e puisse s’auto-évaluer, par opposition avec un jugement extérieur qui viendrait valider ou invalider un comportement. On apprend de ses erreurs, qu’on transforme alors en expériences (les récompenses extérieures sont le pendant positif des punitions, en fonctionnant sur le même principe : une autorité extérieure prétend nous « juger » valable ou non).
  4. Liberté 
    De choisir, de prendre des risques, de penser et agir autrement, d’en assumer les conséquences. Si quelqu’un·e se sent enfermé·e, piégé·e, coincé·e dans un couple, pas libre de choisir ses activités, ses sorties, ses fréquentations… on ne peut pas dire que la relation soit « positive ».
  5. Plaisir
    C’est peu dire que j’ai été heureuse de voir apparaître ici le plaisir comme un des « besoins fondamentaux » de l’être humain. En effet, pour moi, le plaisir a toujours été central – et le titre de mon premier long-métrage, Tout le plaisir est pour moi, n’est en rien le fait du hasard. Le plaisir à vivre, à faire, à apprendre, à jouer, à travailler, à aimer, à partager… m’a toujours semblé être l’un des éléments-clés, moteurs de la vie. Sans plaisir, pas d’apprentissage, pas de curiosité, pas de partage spontané.
    Si on ne doit faire les choses que parce que l’on « doit » les faire, précisément, si on sent qu’on n’a « pas le choix », si on ne maîtrise pas les éléments de sa vie, si on se sent « coincé·e », alors pas de plaisir, qui est au cœur même de la motivation de l’être humain pour avancer dans la vie.

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Une relation positive, pour moi, répond au minimum à ces cinq besoins fondamentaux : on doit s’y sentir bien, libre d’être soi-même, de pouvoir explorer, on doit éprouver du plaisir à passer du temps, à échanger avec l’autre, on doit aussi pouvoir se sentir libre de lui dire : « Ce soir (ou ces quelques jours, cette semaine), j’ai besoin / envie d’être seul·e, ou je préfère ne pas te voir » (pour telle ou telle raison) sans que l’autre ne se sente directement remis·e en cause ou ne se mette en position de nous faire du chantage affectif (« Je suis puni·e ?« , « Si tu m’aimais, tu ne me demanderais pas une telle chose« ) : on doit avoir envie de partager, on doit pouvoir se sentir libre d’exprimer ses émotions, ses faiblesses, ses failles, sans crainte d’être jugé·e, critiqué·e, dévalorisé·e, voire attaqué·e ou blessé·e.

Gardons peut-être en tête ces cinq besoins « fondamentaux » de l’être humain, à chaque fois que nous avons besoin d’évaluer une relation : est-ce que chacun de ces cinq besoins est satisfait ?

Hâte de lire vos commentaires et ce que cela vous inspire : l’espace ci-dessous vous est réservé, ça compte vraiment pour moi d’avoir vos retours et vos questionnements, qui m’encouragent à aller plus loin, et à approfondir mes réflexions.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle