Note d’intentions LUTINE

NB. Cette note d’intention est celle que j’ai écrite AVANT le tournage pour présenter le projet de LUTINE à mes collaborateurs/trices et contributeurs/trices. 

LA GENESE DU PROJET

Ce film est né de trois « incidents déclencheurs » :

  • mon désir de redonner le premier tour de manivelle d’un nouveau long métrage avant la date anniversaire des dix ans de mon premier : TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI ;
  • l’écriture depuis quelques mois d’un projet de documentaire sur le lutinage ;
  • la rencontre avec un chef opérateur, Marc Tévanian, qui après deux expériences de films auto-fictionnels et auto-produits, dont AU CAS OÙ JE N’AURAIS PAS LA PALME D’OR de et avec Renaud Cohen, m’a encouragée à écrire un projet spécifiquement pour mon 5D, que je pourrais tourner avec une équipe légère.

Deux semaines après, naissait LUTINE.

LUTINE a donc été conçu pour être tourné dans ces conditions de production ultra-légères et souples : le tournage au 5D, avec des frontières volontairement floues entre la réalité et la fiction, est à la base même du désir d’écriture de ce projet.

OUI MAIS… POURQUOI NE PAS CHERCHER UN FINANCEMENT « CLASSIQUE » ?

Parce que la force et l’énergie de ce projet tiennent aussi en partie à ce temps réduit entre la conception et le tournage.

Celles et ceux d’entre vous qui me connaissent savent que je suis une « bosseuse », parfois « trop », au point de toujours reculer le moment où j’ose faire lire mes projets.
Alors, forte (entre autres) de la lecture de Tal Ben-Shahar, j’ai décidé de me lancer sans « trop » me poser de questions, et en me faisant confiance.

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Je veux croire en effet qu’une fois le projet initié, le reste suivra… parce que l’énergie et la confiance sont communicatives.

LA STRUCTURE DU FILM

Isa, réalisatrice, tourne un documentaire sur un sujet qui l’intrigue : le lutinage ( aussi appelé polyamorie ou  polyamour) : le fait de pouvoir vivre plusieurs histoires intimes en parallèle, et que tout le monde soit d’accord et au courant.

Par ailleurs, par honnêteté envers son spectateur, afin qu’il sache qui réalise, elle tourne le making of de son film : elle se filme avec son amoureux Gaël dans leur vie de tous les jours.

Sauf que Gaël, d’accord pour filmer et être filmé, pose une condition : qu’on ne puisse pas le reconnaître. Compliqué ! Isa décide alors d’embaucher un comédien, Philippe, pour jouer son rôle : le making of n’en est plus tout à fait un, et le film bascule vers la fiction.

A l’arrivée, dans le film, il y aura donc trois niveaux de réalité :

  • un vrai documentaire avec de vrais intervenants de la vraie vraie vie ;
  • le making of du documentaire : Isa et Gaël dans leur « vraie vie »
  • une fiction qui reprend avec un comédien (Philippe) les scènes du making of.

Ça, c’est la théorie…
… parce qu’au cinéma comme en amour, on ne peut pas toujours tout prévoir.

 

PLUSIEURS NIVEAUX DE RECIT 

LUTINE joue donc sur plusieurs niveaux de récit qui sont autant de mises en abyme et impliquent des modes de tournage différents :

1) Le making of : Isa, la réalisatrice, et Gaël, son amoureux, se filment dans leur « vie de tous les jours », dans ce qui prétend être le making of du documentaire qu’elle tourne sur le lutinage. Tous les plans sont « justifiés », le spectateur a conscience de la caméra : il sait qui filme, et comment (au 5D et parfois même à l’Iphone).
Faut-il préciser que si je  joue le rôle d’Isa dans le film, je ne suis pas elle, de même que le rôle de Gaël sera tenu par un comédien ?
Par ailleurs, dans un joyeux mélange entre réalité et fiction, des gens de la vraie vie « jouent » leur propre rôle dans des scènes fictives : c’est le cas par exemple avec Caroline, ma sœur, productrice de La Grande Table à France-Culture.

2) Le documentaire réalisé par Isa : c’est un vrai documentaire, qui met en scène, à l’intérieur même de la fiction, des vrais gens de la vraie vie, tels Françoise Simpère, Meta Tschiteya, ou Guilain Omont, qui parlent et répondent aux questions d’Isa en leur nom propre. Les dialogues écrits dans le scénario pour l’instant ne le sont qu’à titre indicatif : la partie documentaire du film sera une vraie partie documentaire. C’est à partir de certains de ces rushes-là que je peux imaginer tourner par la suite de nouvelles séquences qui me permettraient de monter un film documentaire de 52 mn.

3) La pure fiction, qui s’affiche fiction (dont le spectateur sait qu’elle est mise en scène par Isa, la réalisatrice dans le film) : ex. avec Philippe, le comédien qui joue le rôle de Gaël, son amoureux, mais aussi avec son ex ou sa mère.

4) Le faux documentaire, dont le spectateur sait que les textes sont dits par des comédiens (Laurent et Agathe), mais sont tirés de vraies interviews filmées à l’origine par Isa avec Pierre, un ami polyamoureux qui l’a plantée, et son amoureuse, Sophie (vous suivez toujours ?)

5) La fiction « classique » : le spectateur oublie la présence de la caméra, il a l’impression d’assister à des scènes de la vraie vie, alors que bien sûr, elles ont été filmées par une équipe de cinéma.
Autrement dit, on croit qu’on est dans la « vraie vie » comme au début (sauf que la caméra se fait oublier) alors qu’on est en réalité dans de la fiction mise en scène par Isa (comme en 3)) – et on n’en prend conscience qu’à la toute fin : car bien sûr, l’ensemble du film est une mystification, où tout ce qui est « histoire » est faux.

DEUX FILMS EN UN SEUL TOURNAGE

Dans mes fantasmes les plus fous, j’aimerais en réalité réaliser deux films :

  • LUTINE dont il est question ici : un long métrage mi-fiction, mi-documentaire, pour le cinéma ;
  • et un 52 minutes documentaire, à partir d’une partie des mêmes rushes, qui serait destiné principalement à la télévision.

MON AMBITION

Ce film a pour ambition, entre autres, de faire sauter quelques cases, ou d’éviter qu’on n’en crée de nouvelles. Il pose plus de questions qu’il ne donne de réponses : il interroge, questionne, invite à remettre en cause quelques « certitudes » qui ne sont en réalité peut-être que des « croyances » ou des habitudes. Il appelle à la tolérance, à la bienveillance et au non-jugement. 

Lutinage, polyamorie, polyfidélité, couple libre, non-exclusivité… peu importe le mot ou la case, du moment que chacun vit selon ses désirs et aussi, fondamentalement, dans le respect de ceux des autres.

Avec amour et bienveillance,
Isabelle