Ciné-rencontre avec Florence Montreynaud

Rencontre avec Florence Montreynaud, historienne et féministe, le 18 mai 2018.
À marquer d’une pierre blanche. Des étoiles plein les yeux.

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« On est au monde pour changer quelque chose, pour apporter quelque chose, et ce film, il apporte quelque chose au monde ! Ah, ça m’a énormément plu ! Moi je suis historienne à la base et ça m’a évoqué énormément de débats depuis le XIXème siècle, sur l’amour libre. (…) Et ça achoppe toujouts sur des bêtes questions de jalousie. »

« L’amour, c’est accueillir ton amour dans la réciprocité. La grande nouveauté du XXIème siècle, ça sera le désir féminin. Parce que le désir féminin, personne ne sait encore ce que c’est, puisque présentement, il est formaté par ce que les femmes croient qui va convenir au désir masculin. »

« J’ai étudié, dans mon livre sur l’amour au XXème siècle, les grands couples mythiques, d’égaux. Ils reposent fondamentalement sur un respect de l’autre réciproque. L’égalité, c’est un sentiment sur lequel on peut construire. Le respect, l’admiration. Avoir toujours du de l’admiration pour l’autre. Qu’il vous étonne toujours, et vous fasse rire. Quand on aime, on prend tout. On accepte l’autre tel qu’il est. Et on commence par s’accepter soi-même. L’amour, c’est une étincelle d’enthousiasme. »

« La descente dans les profondeurs et la remontée… ça s’appelle un processus initiatique. Un chemin initiatique, ça existe dans toutes traditions, dans toutes les religions, dans toutes les cultures. Approfondir. Méditation. Ne pas rester en surface des choses. C’est une démarche de longue haleine, humaniste. Trouver son humanité. Chaque être humain a ce parcours d’humanisation à faire. Petit à petit, on s’émancipe, on respire, on devient libre, on se trouve, on marche sur son chemin, seul·e. On est toujours seul·e sur son chemin, et on sera seule pour mourir. C’est à ça que sert l’amour. Ça rapproche. Ça fait des moments de fusion et d’émerveillement. On ne peut pas réunir dans le même être tout. Ç’est ça, le polyamour. J’espère que vous aimez plusieurs personnes dans votre vie. L’amour qui vous meut… c’est la force primitive du monde. Cet amour, il est le même, que vous aimiez un enfant, un ami, un amant, une amante… C’est une énergie qui vous amène vers l’autre dans une grande bienveillance, et le désir de réciprocité. Parce que l’amour, c’est si imposer mon amour, ce n’est pas ça l’amour. L’amour, c’est accueillir ton amour, dans une réciprocité. »

« Il y a un mot qui est très dangereux, c’est de dire « mon » : « mon » mari, « ma » femme, « ma » meuf, « mon » mec. On n’appartient pas l’un à l’autre. Pourquoi on s’approprie les choses ? Pourquoi on a besoin d’avoir plutôt que d’être ? »

« Est-ce que vous savez que le français est la seule langue où le couple est aussi dissymétrique ? Dans toutes les langues, on dit « amant » et « amante ». Savez-vous d’où vient ce mot « maîtresse » ? Du XIIème siècle, de l’amour courtois : la construction de la dame inaccessible avec « le ver de terre amoureux d’une étoile ». La maîtresse, la domina, c’est la femme du seigneur, inaccessible. L’amour ne sera jamais consommé. Alors que le mot « amante » est tellement beau. »

« Un truc fondamental qui a changé le monde, c’est la pilule, c’est la contraception moderne. Quand il n’y a plus de risque de grossesse non désirée, on est vraiment libre et à égalité. Moi j’ai connu avant la pilule. J’étais mariée en 68 ! J’ai connu quelques mois sans pilule. Le monde a basculé ! Ah, on a amorti ! C’était vraiment génial ! Enfin libres, de s’envoyer en l’air ! Ah oui, parce que les gens qui disent que les féministes sont des peine-à-jouir, oh la la ! »

« Plus je vieillis, et meilleur c’est. Quelle chance ! Enfin libre ! »

 

Isa : « Tout est vrai, tout est faux. Mon métier est d’écrire des scénarios, d’écrire et de fabriquer de l’illusion. »
Florence Montreynaud : « Ah, c’est ça ! C’est une leçon de cinéma, c’est pas sur le polyamour ! »

Isa : « Quand j’ai écrit cette réplique ‘je n’ai aucune idée de comment va se terminer ce film », au moment où j’écrivais le scénario, je n’avais réellement aucune idée de comment il allait se terminer. D’un point de vue scénaristique, il fallait que je comprenne comment ça fonctionnait. J’ai travaillé sur les constructions du voyage du héros… et donc du voyage de l’héroïne. Je ne me suis jamais reconnue dans le voyage du héros, avec son épée, au fond de la caverne. Alors que le voyage de l’héroïne… – je me moque de moi-même dans le film, mais c’est hyper sérieux – : plonger dans le fond de ses entrailles pour remonter en tant que femme… Ça, c’est quelque chose que j’ai découvert en écrivant. »

Isa : « C’est pas le film qui m’a fait changé, c’est la vie. J’ai grandi, j’ai changé. Est-ce que c’est le film qui m’a changée ? Oui et non. On a voyagé, on a présenté le film à Berkeley, on a montré le film en Inde, à Vienne, à Lisbonne, il a gagné un grand prix dans un festival au Canada, on a rencontré des gens dans le monde entier, on a découvert des ateliers, plein de choses qu’on ne connaissait pas. Alors oui, bien sûr, on a changé. La vie nous change, et heureusement. »