À retrouver sur le blog de Clarissa : Les Goûters de Clarissa
Depuis que j’écris des textes érotiques, je me suis peu à peu familiarisée avec les pratiques existantes : le libertinage, le BDSM, le candaulisme, le fétichisme… toutes mes fascinent, me questionnent, m’intéressent.
Un concept me restait étranger, je le croisais pourtant de plus en plus souvent sur les réseaux sociaux : le polyamour. Je me tenais à l’écart, car il ne s’agit pas d’érotisme, mais de relations amoureuses. Avec toutes les difficultés inhérentes à l’amour : les doutes, les jalousies, les « prises de tête »… Quelque chose de compliqué, puisque l’idée est de pouvoir aimer d’autres personnes, et pas seulement de « faire l’amour » comme dans le libertinage. Quand on est polyamoureux, on vit plusieurs relations simultanées, chacun connaît la situation, l’accepte, et vit de même de son côté.
J’étais de plus en plus intriguée, surtout depuis qu’une amie à qui j’avais confié certains fantasmes m’avait lancé, taquine : « Oh mais tu es une polyamoureuse toi en fait, tu devrais aller aux Cafés poly, c’est super ! »
Je suis donc ravie quand Nathalie Giraud, de Piment Rose, m’invite fin avril à la projection du film Lutine, qui présente le polyamour, les joies, les soucis, à travers le cheminement de l’héroïne.
Je suis d’emblée conquise par ce film incroyable, qui n’est ni un documentaire, ni une fiction. L’actrice principale est rayonnante, elle porte le film avec un humour, une autodérision irrésistible. Son film raconte le tournage d’un film, les difficultés de la metteur en scène, ses doutes, les réactions de son conjoint, de son entourage… et alterne avec les séquences du film effectivement tournées (je ne sais pas si je suis claire ! Il faut le voir ! Une mise en abyme extrêmement bien menée, un morceau de bravoure du début à la fin…), le tout entrecoupé de témoignages passionnants sur le sujet. J’ai bu les paroles de chacun des intervenants, une parole limpide, claire… ce qui n’est pas le cas de la narratrice qui semble se perdre de plus en plus dans son projet de film à mesure qu’il gagne sa vie privée et la chamboule, la faisant peu à peu basculer du côté des polyamoureux.
Tous les acteurs jouent juste, au point que les spectateurs se mélangent un peu les pinceaux entre la fiction et la réalité. Même l’actrice principale se pose la question à un moment donné ! Certains acteurs m’ont bien fait craquer (je ne vous dirai pas lesquels 😉 )
Maintenant, j’ai envie de le revoir. Je n’aurai plus l’effet de surprise, mais, connaissant « les ficelles », je me délecterai de chaque scène !
La projection est suivie d’un temps d’échanges avec l’équipe du film et Nathalie Giraud. Le public dans la salle est plus ou moins familier avec le polyamour et les discussions sont passionnantes. En résumé :
– Le postulat de départ du polyamour est simple, il est d’ailleurs rappelé dans le film : on a tous plusieurs amis, c’est normal ; pourquoi ne pourrait-on pas avoir plusieurs amours, qu’on aimerait différemment, à l’instar de l’amitié ?
– Au fil des échanges, je comprends que le plus difficile à gérer ce n’est pas de se lancer dans plusieurs relations amoureuses (ça, c’est la partie agréable du truc), mais de voir son conjoint le faire. Le sentiment de jalousie alors ressenti peut être très vif et tout gâcher. La clé : communiquer. S’assurer du consentement de l’autre, sans lequel rien ne peut se faire, écouter et témoigner lors des rencontres entre polyamoureux…
En France, le mouvement démarre. Isabelle Broué nous raconte que lorsque le film a été présenté à Berkeley (San Francisco), elle avait été surprise d’apprendre qu’apparemment les jeunes là-bas ont au moins entendu parler de la polyamorie, et du coup savent qu’ils ont le choix de vivre en monogamie OU en non-monogamie. Les gens sachent que c’est « possible » de vivre en polyamorie s’ils le souhaitent.
– Tout le monde est concerné. D’après ce qu’Isabelle Broué a pu observer, on trouve des gens déçus de la monogamie se tournant vers le polyamour après une première partie de vie et une séparation, mais aussi beaucoup de couples qui se lancent après quelques années, et de plus en plus de jeunes !
– Au-delà de l’aspect psychologique des choses, l’aspect logistique n’est pas neutre, surtout s’il y a des enfants dans le paysage ! A chacun de mettre en place l’organisation qui lui convienne.
Un modèle qui convainc de plus en plus de couples en tout cas, si l’on en juge au nombre de Cafés polys qui se lancent un peu partout en France. Ce n’est déjà plus un phénomène parisien. Peut-être qu’il deviendra la « norme » dans un futur proche, et que l’on regardera les couples exclusifs bizarrement ?
Je laisse le mot de la fin à Isabelle Broué :
Précisons aussi peut-être que la polyamorie est a priori, contrairement à ce que j’ai pu comprendre d’une certaine forme de libertinage, un mode de relations qui se détache de la référence au « couple ». Comme le dit Meta dans mon film : « le polyamour déconstruit l’idée même de couple ». On peut être poly en couple ou non, solo-poly ou même poly-célibataire. Ou bien en triade, ou plus. Il n’y a pas de règles, pas de normes.
La seule chose que signifie vivre en Polyamorie est accepter la possibilité de relations intimes (amoureuses ou non, sexuelles ou non) non exclusives consensuelles et éthiques : que tout le monde soit au courant ET d’accord, profondément !