Interview fantasmée

Certain(e)s d’entre vous le savent peut-être… ma (vraie !) sœur, Caroline Broué, est, comme on le dit dans le monde de la radio, « productrice » à France Culture (elle ne « produit » pas au sens où on l’entend dans le cinéma, mais a conçu et anime une émission quotidienne) : La Grande Table, le magazine culturel de la mi-journée (du lundi au vendredi de 12h à 13h30).

Et, à vous, je peux bien l’avouer : un de mes fantasmes est… qu’elle m’y interviewe.
Or ce fantasme – elle me l’a confirmé ! – est destiné à rester à tout jamais… un fantasme.

Seule option alors pour moi de le réaliser un jour : l’assumer en fiction !

C’est chose faite avec LUTINE, dans la séquence que je vous propose aujourd’hui…
Je fais un beau métier, quand même…;-)

Voilà deux « teasers » de la séquence, à partager sans modération :
dans le premier, Caroline interviewe Isa : « On peut dire polyamour, polyamorie ou lutinage, on ne sait plus bien à quel mot se vouer : au fond, de quoi s’agit-il ? »

Dans le second, Caroline s’adresse à Françoise Simpère : « C’est un concept, c’est un mode de vie, c’est un modèle ? »

Et voici la séquence entière :

(Pour avoir accès à l’intégralité de l’extrait, je vous invite à participer au financement du film : à partir de 1€ symbolique, vous obtiendrez le mot de passe nécessaire ici.
Pour toutes celles et tous ceux qui font déjà partie des souscripteurs, il vous suffit de vous reporter à la newsletter que vous recevez deux fois par mois.)

 

Et pour celles et ceux qui aiment l’écrit (j’en fais partie !), voici le texte retranscrit de la séquence – dont seule la toute dernière phrase d’Isa était écrite dans le scénario : tout le reste est du « documentaire ».

39A. INT. FRANCE-CULTURE / STUDIO – INT. JOUR

Caro, casque sur les oreilles, face à Isa et Françoise Simpère.

CARO
Bonjour Isabelle.

ISA
Bonjour.

CARO
Votre film Lutine – c’est votre deuxième long-métrage – il s’appelle Lutine, parce qu’il porte sur le lutinage. Mais en même temps, vous pouvez dire « polyamour », vous pouvez dire « polyamorie », alors on sait plus bien à quel mot se vouer : au fond, de quoi s’agit-il ?

ISA
Principalement, c’est des amours plurielles. « Polyamorie », c’est un mot que moi j’aime bien, qui vient de l’américain qui lui-même vient du grec et du latin, que je trouve plus clair, mais en France, on dit beaucoup « polyamour ». C’est joli parce qu’il y a le mot « amour », mais justement c’est pas très clair parce que il y a le mot « amour ». // Donc voilà, c’est pour ça que j’ai choisi d’appeler mon film LUTINE, d’après le mot « lutinage » (regardant Françoise) inventé par Françoise Simpère.

CARO
(Souriant à Françoise) Bonjour, Françoise Simpère.

FRANÇOISE SIMPÈRE
Bonjour.

CARO
Alors vous, ça fait quarante ans que vous vivez le polyamour dans votre couple, vous avez même écrit des livres. C’est un concept ? C’est un mode de vie ? C’est un modèle ?

FRANÇOISE SIMPÈRE
Ça n’est pas un modèle destiné à se substituer à un autre. Tous les gens ne vont pas quitter la monogamie pour devenir polyamoureux. La monogamie, c’est simple. On vous dit : « Dès que tu es en couple, c’est terminé, tu n’ouvres plus la porte, la porte est fermée. » Et comme toutes les lois qui interdisent, elle est restrictive. Le polyamour, ou le lutinage, ça veut dire qu’on laisse la porte ouverte, mais on n’est pas forcé de franchir la porte tous les jours non plus. C’est à chacun d’inventer ça en fonction de ce qu’il se passe dans sa vie.

CARO
(À Isa) Le polyamour « ouvre le champ des possibles », dit Françoise Simpère, Isabelle, en même temps, quand on voit que votre film a été auto-produit, on peut se demander si le sujet ne ferme pas la porte de la production ?

ISA
Non, pas spécialement. Je pense que le sujet se prêtait… le sujet et la manière dont j’avais envie de le traiter, se prêtaient à un tournage léger. J’ai écrit et tourné en même temps, les deux ensemble. Voilà. Il se trouve que en France, principalement, on est obligé d’écrire ses films si on veut tourner. Et… on passe plus de temps à « rêver » ses films qu’à les fabriquer. Voilà. Et le cinéma, c’est un métier d’artisan, et c’est pas en rêvant ses films qu’on apprend à les faire, c’est en les faisant.

 

Au plaisir et à la prochaine !
Isa

PS. Et en attendant LUTINE, précipitez-vous voir ou revoir (c’est encore mieux la 2ème fois !) CECI EST MON CORPS, ce film écrit, interprété et réalisé par Jérôme Soubeyrand dans des conditions de production similaires : si libre, vivant, joyeux, poly… mais qui, en même temps, nous aide et nous pousse à réfléchir, sur notre vie et notre manière de vivre l’amour et la sexualité…
Samedi 14 mars, nouvelle projection en présence de l’équipe au cinéma La Clef à Paris.

Gardons nos yeux ouverts sur le monde !

Mes ami(e)s,

après ces jours de tourmente et de tumulte… je veux reprendre ici à mon compte les mots de François Morel dans sa lettre à Patrick Pellous le 9 janvier sur France Inter (*) :

« JE PENSE DE TOUTES MES FORCES QU’IL FAUT
S’AIMER À TORT ET À TRAVERS»

Alors je vous le dis comme je le pense :

Je vous aime. 

Et en attendant que vous puissiez – enfin – voir LUTINE en entier, je vous en propose un extrait, dans lequel Françoise Simpère, l’auteure du Guide des amours plurielles et de Aimer plusieurs hommes, répond à mes questions.

C’est dans cet extrait qu’elle a cette jolie formule :
« Je pense qu’aimer, c’est garder les yeux ouverts sur le monde. »

 

Pour celles et ceux d’entre vous qui n’auraient pas le mot de passe (**), je retranscris ici ses mots :

Françoise Simpère :
« Ce qui est difficile, c’est pas d’accepter pour soi des relations – parce que ça, tout le monde se dit : « Dans le fond, c’est super si on peut connaître plusieurs personnes…» – c’est effectivement la première fois qu’on s’aperçoit que un homme qu’on aime (une femme pour un homme) a des désirs ailleurs, de se remettre en question.

C’est-à-dire de se dire : « Ah bon, mais est-ce que j’existe ? Et pourquoi il a envie ? » Et comme on a plein d’idées reçues… On vous dit par exemple : on peut pas aimer plusieurs personnes. Donc on commence à se dire : « Ben alors, s’il aime cette personne, c’est qu’il ne m’aime plus. » Ce qui est faux !

Le lieu commun, c’est : « S’il va voir ailleurs, ou si elle va voir ailleurs, c’est que ça marche pas dans le couple. » C’est faux, c’est tout aussi faux ! On va voir ailleurs parce qu’on n’a pas envie d’être aveugle. Je pense qu’aimer, c’est aussi garder les yeux ouverts sur le monde. Donc, on ne va voir ailleurs parce que ça ne va pas, on va voir ailleurs parce qu’il y a autre chose à regarder, il y a autre chose à découvrir.

C’est un chemin solitaire, sur lequel on doit se dire : « Je veux construire ma vie, je veux en être à la fois le créateur, le réalisateur, trouver mes propres valeurs, connaître mes forces, mais connaître aussi mes faiblesses. » C’est-à-dire savoir admettre que parfois, il y a des choses que je ne suis pas capable de vivre, et le plus difficile : oser avouer à l’autre qu’on a des faiblesses. »

Photo Isa:Françoise

Alors oui, aimons-nous à tort et à travers, et gardons ouverts nos yeux et nos cœurs.

Au plaisir,

Isabelle

 

(*) Lettre de François Morel à Patrick Pellous
NB. Un ami m’écrit pour me signaler l’origine du texte cité par François Morel d’où il a tiré cette si belle phrase : « Je pense de toutes mes forces qu’il faut s’aimer à tort et à travers. » il s’agit d’une lettre ouverte écrite par Julos Beaucarne dans la nuit du 2 au 3 février 1975, alors que sa compagne, sa muse et mère de ses enfants, venait d’être assassinée.
Vous pouvez l’écouter dite par Claude Nougaro et en retrouver ici l’intégralité du texte dont voici quelques extraits :
 » C’est la société qui est malade, il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre par l’amour et la persuasion. (…) Ne perdons pas courage ni vous ni moi. (…) Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches ; le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. (…) Il n’est de vrai que l’amitié et l’amour. (…) À vous autres, mes amis d’ici-bas, face à ce qui m’arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu’un histrion, qu’un batteur de planches, qu’un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd’hui. Je pense de toutes mes forces qu’il faut s’aimer à tort et à travers. »

(**) Pour obtenir le mot de passe, il vous suffit, à partir de 1€ symbolique, de participer à la production de LUTINE.

 

PS. Dimanche 25 janvier, foncez voir au théâtre de la Reine blanche HÉÉÉ MARIAMOU !, la comédie musicale de Maïmouna, dont j’ai mis un court extrait du spectacle dans mon film : elle y raconte et joue l’histoire de sa vie, c’est drôle, vivant, ludique, touchant, courageux et engagé !

Et pour celles et ceux d’entre vous qui ne l’auraient pas encore vu, foncez voir CECI EST MON CORPSle film de Jérôme Soubeyrand (en 7ème semaine au cinéma La Clef à Paris, et dans quelques salles de province), fabriqué dans des conditions un peu semblables aux nôtres : en auto-production, hors des circuits habituels et balisés : un film libre, joyeux et… libérateur ! Un film poly. Un film d’amour. Et ça fait du bien.
Mardi 27 janvier après la projection de 19h50 : nouveau débat sur la sexualité transgénérationnelle : c’est passionnant.