ÉTHIQUE RELATIONNELLE #11. Se faire du bien

Je parlais dans mon article #10 de « d’abord ne pas nuire« . Certes, c’est en effet une première règle de base et de bon sens. Mais de même que pour la communication dite « non-violente », il s’agit d’une intention en « ne pas », et non en positif. Et comme je le disais à propos des relations positives, il ne suffit pas qu’une relation soit « non toxique » ou « non abusive », pour qu’elle soit pour autant « positive » : une relation « neutre » pourra en effet être à 0 sur l’échelle de température des relations, là où une relation positive sera elle, possiblement à à 100. Et je préfère parler en positif.

D’où l’idée aujourd’hui d’aller plus loin que « seulement » ne pas faire du mal, en « faisant du bien ».

Je reprends ici une échelle créée par Michel Lacroix dans Paroles toxiques, paroles bienfaisantes : pour une éthique du langage. ll y a des relations ou des interactions qui ne nous font ni chaud ni froid (« neutres »), parmi lesquelles des « plutôt positives » (quand quelqu’un·e est « aimable », poli·e), d’autres « plutôt négatives » (imaginons un·e voisin·e que vous croisez devant chez vous et qui « oublie » de vous saluer). Et puis, de manière plus marquée, il y a des relations ou des interactions que l’on ressent comme carrément toxiques, voire abusives… (cf mon article #9 sur l’importance des limites psychiques et ces gen·te·s qui prétendent savoir mieux que nous ce qu’il se passe en nous ou diriger notre vie comme si ielles nous étaient supérieur·e·s), et inversement, d’autres qui nous font nous sentir bien, nous font pousser des ailes, nous mettent du baume au cœur… 
C’est de celles-ci dont je veux parler aujourd’hui. 
Ethique de la parole

Le langage est en effet une manière, même si évidemment le non-verbal est aussi fondamental, de créer du lien entre les personnes. Et des paroles positives, bienveillantes, encourageantes – si elles sont sincères et authentiques – peuvent faire autant de bien qu’à l’inverse, des paroles blessantes peuvent faire de mal.

Quand par exemple, je reçois, il y a deux jours, un commentaire sur l’un de mes articles me disant :

En ce moment où j’avance avec force mêlée d’incertitudes, c’est d’une salvatrice douceur que de pouvoir prendre appui sur tes écrits.

comment vous dire à quel point ça me touche, voire me bouleverse ? J’en ai le cœur qui fait des bonds, j’ai envie de le crier sur les toits, de l’afficher au-dessus de mon bureau : je n’écris pas dans le vide, il y a là, sur la toile, des gen·te·s qui me lisent, voire peut-être même des gen·te·s que je ne connais pas, et auxquel·lle·s, ne serait-ce que le temps d’un article, je fais du bien, pour lesquel·le·s, peut-être, je contribue à ouvrir des portes ?

J’écris ces articles parce que j’en ai besoin, parce que, d’une certaine manière, ce sont ceux que j’aurais aimé lire quand j’avais 15, 20 ou 25 ans… pour ne pas tomber dans les ornières dans lesquelles je suis tombée, ne pas accepter les relations toxiques voire abusives que j’ai pourtant tolérées pendant de nombreuses années en pensant que je ne « méritais pas mieux », et pour ressentir en moi bien plus tôt que, même si je n’étais pas « comme les autres », même si je me sentais « différente », moi aussi j’avais le droit d’être heureuse dans mes relations, de faire du bien et qu’on m’en fasse…
Et si je peux aider, ne serait-ce qu’une seule personne, à ouvrir les yeux un peu plus tôt que moi, à se poser des questions sur les illusions dont on nous berce dès notre enfance sur les mythes de l’amour romantique, sur le fait que pour « mériter » d’être en couple, il faut nécessairement faire des concessions et des compromis, à s’interroger sur le type de relations qu’elle souhaite pour elle-même… alors je serai amplement récompensée.
Et quand je reçois un tel message, alors des ailes me poussent, et je n’écris plus « au cas où », j’écris aussi pour cette personne en particulier, et comme elle me l’a écrit en retour :

Génial ! On s’entraide en fait ! Tu m’en vois ravie ! Alors oui, s’il te plait, continue !!!!

Voilà, c’est exactement ça : on s’entraide, c’est du gagnant-gagnant, l’amour et la bienveillance circulent, et c’est précisément ce que j’appelle une interaction positive par le langage.

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Et en réalité, même si certain·e·s d’entre nous savent spontanément comment entretenir avec les autres des interactions positives, la bonne nouvelle, c’est que… ça s’apprend !

Moi-même, je sais que j’ai incroyablement changé dans ma manière de m’exprimer depuis quelques années. Depuis que je sais que c’est possible de faire du bien avec des mots, qu’il est possible de vivre des interactions positives quasiment tout le temps, depuis que j’ai pris conscience que dans une relation, la moitié de cette relation dépend de moi, et que je peux (la plupart du temps, pas toujours) influer sur la manière dont va se dérouler l’interaction avec une autre personne, j’ai appris à observer les personnes autour de moi auprès desquelles je me sentais bien, les modéliser… et j’ai travaillé sur moi de manière à devenir une meilleure version de moi-même.

Fais de ton mieux

Autrement dit… communiquer, ça s’apprend. On peut choisir de se focaliser sur le bon en l’autre, sur le positif, sur ce qu’on aime en ellui, et lea valoriser, lea remercier, l’encourager. C’est ce que nous apporte notamment la pratique de la gratitude, un outil précieux.

Avoir confiance en l’autre parce qu’on a confiance en soi-même et en la relation, ça s’apprend aussi. Et se faire du bien et faire du bien autour de soi, plutôt que de se laisser ré-agir aux stimuli désagréables qui nous arrivent de l’extérieur parfois, c’est aussi un apprentissage conscient.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #10. Primum non nocere

Comme je l’ai développé dans mes articles #8 sur le droit inaliénable de chacun·e à se définir soi-même et #9 sur l’importance de nos limites psychiques, si quelqu’une prétend me définir ou me qualifier de l’extérieurprojetant en réalité sur moi son jugement, son point de vue, ses pensées… ielle est dans l’absurde, dans du non-sens, mais aussi déjà dans une forme d’abus, cherchant (même inconsciemment, bien sûr) à outrepasser mes limites psychiques.

Or c’est malheureusement l’un des modes de communication les plus répandus dans notre société et notre culture.

Quand quelque chose nous dérange, nous blesse, nous met mal à l’aise… on a appris à en chercher la cause à l’extérieur de nous, au lieu de la chercher à l’intérieur.

Un parent dont l’enfant chante et danse joyeusement autour de lui, s’il est fatigué, inquiet, pourra lui dire : Arrête de faire du bruit comme ça, tu m’énerves ! Ou tu me fatigues ! Alors qu’à un autre moment, de bonne humeur et en pleine forme, il aurait tout aussi bien pu se mettre à chanter et danser aussi !
La formule juste n’est donc pas Tu m’énerves ou Tu me fatigues, mais bien Je suis énervée ou Je suis fatiguée.
Et… ça change tout, évidemment, pour l’enfant.

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Dans le premier cas, l’enfant se sentira « responsable », voire « coupable » de l’état d’énervement ou de fatigue de son parent, puisque celui-ci le lui a dit – et que tout ce que dit son parent, l’enfant le croit, naturellement.
Dans le deuxième cas, l’enfant saura que les émotions ou l’état émotionnel de son parent lui appartient, et qu’en effet, parfois ielles réussissent à être en connexion positive… et parfois pas, mais que l’enjeu ne repose pas sur ses épaules.

D’ailleurs, l’avez-vous remarqué ? Souvent la première question qu’un enfant pose quand ielle nous sent énervé·e est : Est-ce que c’est à cause de moi ? Est-ce que j’ai fait quelque chose ?

Chacun·e a le devoir d’assumer la responsabilité de ses propres émotions – et réactions : ne pas chercher la cause de mon état émotionnel à l’extérieur, mais s’interroger sur quel besoin non satisfait en moi se révèle ainsi dans ce que je ressens en moi comme une émotion désagréable ou pénible à éprouver (tristesse, peur ou colère). 

Car si je cherche à projeter sur un·e autre la responsabilité de ce que je ressens, je vais aussi, à coup sûr, abîmer la relation entre nous.

Un des premiers préceptes que j’aime mettre en avant, qui nous arrive tout droit d’Hippocrate et me paraît encore incroyablement inspirant, est Primum non nocere : D‘abord… ne pas nuire !

Primum Non Nocere

Quand on le rapporte au langage et à la communication verbale, cela donne notamment… le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable.
On parle ici d’éthique du langage, ou d’éthique de la parole.

Accord #1

Avant de parler, se poser la question : à quoi ce que je m’apprête à dire va-t-il servir ? Vais-je améliorer la relation ? Faire du bien à la personne ? Comment se sentira-t-ielle après avoir entendu ce que je m’apprête à lui dire ?

C’est le fameux dicton de nos grands-parents : tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler !

Si j’éprouve le “besoin” d’émettre une critique ou un jugement à l’égard de quelqu’un·e d’autre… peut-être peut-il alors être utile d’appuyer sur le bouton STOP ? S‘arrêter et prendre le Temps d’Observer avant de Poursuivre : de quoi ce “besoin” – qui m’appartient – est-il révélateur ?

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C’est là où les outils développés par Marshall Rosenberg dans ce qu’il a appelé la communication non-violente (CNV) trouvent toute leur utilité.
En particulier lorsqu’il attire notre attention sur le fait qu’une attitude ou une parole agressive de la part de quelqu’un·e est le plus souvent ce qu’il nomme : “l’expression tragique d’un besoin non satisfait”.

Mon “devoir” alors, si je souhaite entretenir avec mes proches (ou moins proches) des relations harmonieuses, est de prendre conscience de ces besoins non satisfaits en moi… et d’apprendre à les exprimer de façon que l’autre puisse les entendre : sans le juger, le critiquer, le dévaloriser, ou l’accabler de reproches.

Car quand quelqu’un·e entend ce qui ressemble à un reproche, un blâme, ou un jugement, quelle est le plus souvent sa réaction ? C’est une ré-action, précisément, car comme elle se sent (à juste titre) « attaqué·e » – et donc, en danger -, instinctivement et de façon réflexe, son amygdale s’active, et la personne va chercher, pour se protéger, soit à se justifier, soit à attaquer en retour, soit à fuir la discussion, souvent par crainte de ne l’envenimer ou se disant que, de toute façon, cela ne servirait à rien d’entrer sur ce terrain.

Autrement dit, et dans tous les cas, s’adresser à quelqu’un·e sous la forme d’une fléche décochée à son encontre, est bien la meilleure manière de… nuire à la communication, et par là-même, à la relation.

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Que souhaite-t-on ? Souhaite-t-on maintenir le lien, aller dans le sens de la relation… ou avoir raison, et que l’autre se retire la queue basse en signe de soumission, ou bien encore que cela nous mène tout droit à un combat de coqs ?

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La véritable question que l’on a à se poser est en effet bien celle-ci : quel but poursuit-on ? Que souhaite-t-on pour la relation à court, moyen et long terme ? De quoi a-t-on envie ?

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #5. Règles générales et Cas particuliers

Je parlais dans mon article #4 de la différence qu’on pouvait être amené·e à faire entre la morale d’un côté, l’éthique de l’autre – sachant que les deux mots ont en réalité exactement la même origine étymologique, l’une en latin, l’autre en grec : comportement, mœurs, et ce qui fait qu’un être vit « bien » dans un milieu donné à une époque donnée.

En simplifiant, la morale serait ce qui nous est « donné », par la société, la culture, transmis par les générations, ce qui est censé s’appliquer à tou·te·s et dans toutes les circonstances : les grandes « règles » universelles telles que « tu ne tueras point » ou  « tu ne voleras point » (car si on l’autorisait pour une seule personne, la société dans son entier ne pourrait pas fonctionner) ; et si on pousse la logique un peu plus loin : Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. 

Certes. Sauf que si – cas particulier – un parent n’a pas d’autre option sur le moment que de voler pour nourrir son enfant (sachant que par ailleurs, il ne met en danger la vie d’aucun autre enfant pour sauver le sien), qui songerait à le lui reprocher ?

Il y a donc bien d’un côté, les « règles générales » supposées s’appliquer et nous guider dans tous les cas… et de l’autre, des cas particuliers : d’où les questionnements sur « l’éthique ».

Qu’est-il « éthique » de faire ou pas ? Comment faire « au mieux », tant que ça ne fait de mal – ou le moins possible – à personne d’autre ?

C’est le fameux précepte : Ma liberté s’arrête là où commence celle de l’autre.
Cf l’article 4 de la  Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, adaptée à la mixité en 2015 Déclaration des Droits humains : 

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque être humain n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. »

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C’est en ce sens, et au nom de la liberté intrinsèque, absolue et inaliénable de chaque être humain à disposer de sa vie tant qu’ielle ne nuit pas à autrui, qu’une « norme » en termes de relations privées et intimes qui, au nom d’une certaine « morale », et sous prétexte qu’elle correspond à de nombreuses personnes, voire peut-être même à la majorité – et tant mieux pour elles – prétendrait s’appliquer à tou·te·s… me semble discutable.

Autrement dit, je réclame le droit pour chacun·e à dessiner pour soi des relations sur-mesure, qui lui conviennent, et non suivant des injonctions à un prétendu « prêt-à-porter ».

Je fais bien sûr ici référence à ce que les Anglo-Saxon·nes appellent l’escalator relationnel, que je choisis de « traduire » par « ascenseur relationnel » (car « escalator » est vraiment trop moche en français et escalier mécanique, euh… comment dire ?) : cf ce livre passionnant et inspirant de Amy Gahran, journaliste canadienne, sorti tout récemment, qui montre la réalité pratique de la myriade de modes relationnels possibles. 

Off the EscalatorL’idée, c’est que dans nos sociétés et notre culture, on se construit souvent avec des idées toutes faites – qui peuvent rapidement se transformer, si on n’y fait pas attention, en injonctions normatives – sur ce qu’est – ou doit être – une relation « réussie ».
En gros : on se rencontre, on se plaît, on tombe amoureuxe, on « sort » ensemble, on fait des projets, on s’installe ensemble, (on fait des enfants), on passe toute sa vie ensemble, jusqu’à ce que l’un·e des deux meurt.

Autrement dit, la « norme » de l’escalator relationnel nous dit qu’une « vraie » relation réussie, c’est :

  • un couple hétéro (je parle de « couple » au sens de : relation entre deux personnes, comme en physique ou en mécanique)
  • qui vit ensemble
  • fait des enfants
  • et reste ensemble jusqu’à ce que l’un·e des deux meurt
  • en étant exclusifve l’un·e envers l’autre toute leur vie.

(Walt Disney, quoi !).

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Sauf que… ça fait quand même un moment que c’est acquis que ça ne « marche » pas comme ça dans la vraie vie, non ? Prenons les « normes » une à une :

  • les couples homo sont aujourd’hui autant reconnus et légitimes que les couples hétéro ;
  • il y a de plus en plus de couples non-cohabitants, ou de couples « longue distance » ;
  • grâce à la contraception, on peut choisir – ou non – de faire des enfants ; et il ne viendrait à l’idée de personne de ne pas reconnaître comme légitime, par exemple, une union de deux personnes en « famille recomposée » ;
  • avec la multiplication des divorces et des séparations, la plupart des gen·te·s vivent aujourd’hui ce qu’on appelle des « monogamies sérielles » : des unions monogames (contractualisées légalement ou non) les unes derrière les autres.

La seule « norme » qui tienne encore serait donc celle de l’exclusivité ?

On entend en effet encore dire ici et là :  le « vrai » amour ne peut être qu’exclusif ; si on va voir ailleurs, c’est que quelque chose ne va pas dans son couple ; on ne peut aimer qu’une personne à la fois.

En réalité, il ne s’agit ici que de généralités et de croyances héritées des générations précédentes : la fameuse « morale » générale, censée s’appliquer à tou·te·s sous prétexte que ça correspond à la réalité que vivent certaines personnes – voire la majorité.
Il n’y a pas si longtemps – c’est malheureusement encore le cas dans certains pays – certain·e·s ne « croyaient » pas en un amour possible entre deux personnes du même genre.

J’ai vu il y a peu une émission de télé hilarante (ou effarante : c’est selon !) sur la bisexualité : un jeune homme prétendait mordicus que la bisexualité qu’assumaient un homme et une femme en face de lui n’était qu’illusion de leur part, et qu’en réalité, ielles « n’assumaient pas » leur homosexualité. Les deux personnes avaient beau lui dire : « La bisexualité existe puisque je suis là, je n’aurais aucun mal à assumer mon homosexualité si tel était le cas, sauf qu’en réalité je suis bisexuel·le et je l’assume« , il n’en démordait pas.

Autrement dit, il prétendait savoir mieux qu’elleux-mêmes ce qu’ielles ressentaient !
C’est intéressant, et instructif : comment qui que ce soit peut-ielle prétendre savoir ce qu’il se passe dans la tête, le corps ou le cœur de quelqu’un·e d’autre ?

En réalité, vouloir imposer aux autres ce qui nous convient à nous-mêmes, sous prétexte qu’on « sait mieux » qu’elleux ce qui serait supposément bon pour elleux… n’est-il pas tout aussi « fou » ?
C'est pour ton bien

Et si on remplaçait la notion de « norme » par celle de « majorité » ?
Quand on dit d’une situation qu’elle est « normale » alors qu’en réalité, elle est juste « majoritaire », est-ce qu’en poussant le bouchon un peu plus loin, on ne projette pas que celleux qui ne se conformeraient pas à cette situation seraient « anormaux·les » ?

Et si on reconnaissait que le « modèle » du couple hétéro-mono-pour-la-vie hérité des générations qui nous ont précédé·e·s – parce que c’est ce qui marchait le mieux pour la majorité des gen·te·s à ce moment-là de leur histoire – n’est en réalité rien d’autre qu’un « mode » possible de relations… parmi d’autres qui existent déjà dans les faits aujourd’hui ?

Mon credo personnel est tout simplement qu’il n’y a pas de “règles” qui puissent s’appliquer à tou.te.s en termes de relations.  Et que les seules « règles » légitimes sont celles de l’éthique, à la fois générale, et en particulier : que chacun·e est libre aujourd’hui de dessiner pour soi-même les relations sur-mesure qui lui conviennent, tant qu’ielle ne nuit pas à autrui.

Autrement dit, quand j’entre en relation avec une personne, je m’engage à la respecter et à tenir compte de ses émotions, de ses sentiments, de ses besoins. De même que j’attends d’elle qu’elle respecte mes émotions, mes sentiments, mes besoins.
Ma liberté s’arrête là où commence celle de l’autre. Primum non nocere. 

En réalité, chacun·e fait du mieux qu’ielle peut, en fonction de qui ielle est et de qui est l’autre. Si la “norme” du couple hétéro-mono-pour-la-vie convient à certain·e·s : grand bien leur fasse. Mais pour les autres, je demande :  accueil, tolérance, bienveillance !

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Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #4. Qu’est-ce que l’éthique ?

À la fin de mon article #3 qui définissait la polyamorie comme « la possibilité de relations plurielles consensuelles et éthiques », Chloé m’a écrit en commentaire :

Pourrais tu définir le mot éthique de manière générale ? Pour moi, tu as écrit la définition pour toi de ce qu’est une relation éthique, mais je pense pour les lecteurs, il faudrait que ce mot soit clair pour que chacun ensuite puisse définir ce qu’est une relation éthique, vu qu’il y a plein de manière de vivre la polyamorie.

Merci Chloé ! Je crains en effet que, de parenthèse en parenthèse (#2. Pourquoi je choisis de parler de « polyamorie » plutôt que de « polyamour » ; #3. Qu’est-ce que la polyamorie ? Des relations consensuelles et éthiques »), je n’aie fini par perdre mes lecteurices !

Je propose donc un petit retour en arrière « logique », pour préciser ma démarche ici.

Il y a un an, j’ai écrit 21 articles d’un Voyage en Polyamorie : en m’inspirant de la structure du Voyage du héros et du Parcours de l’héroïne, deux livres essentiels pour moi en termes d’écriture dramaturgique, j’y explorais la polyamorie « de l’intérieur » – comment on peut y venir, et être amené·e à faire face aux défis que cela pose parfois, notamment d’un point de vue émotionnel.

YOU NEED GO SEARCH

Il y a six mois, j’ai éprouvé le besoin d’aller « plus loin » que la polyamorie, en travaillant sur ce que j’ai appelé des relations « positives » : m’inspirer des outils de communication et de gestion des émotions découverts en polyamorie, pour les appliquer à toutes nos relations.

J’ai alors soudain pris conscience qu’en choisissant de réaliser LUTINE plutôt que le documentaire sur les violences psychologiques sur lequel je travaillais en parallèle, j’avais choisi le verre à moitié plein, plutôt que le verre à moitié vide : le côté positif des relationsce qui fait du bien et vous pousse à devenir le meilleur de vous-même… plutôt que ce qui fait du mal, et vous mine de l’intérieur.

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Les « relations positives » ou en conscience, auxquelles j’étais arrivée par la polyamorie, seraient donc la face lumineuse, inversée, des relations abusives ?

Étant de nouveau malgré moi confrontée à des comportements que je considérais comme « abusifs », je me suis alors demandé :  qu’est-ce qui me fait dire que c’est « abusif » ? Qu’est-ce qu’une relation abusive verbalement, émotionnellement ou psychologiquement ? Comment la reconnaître, quels sont les « trucs » qu’on peut apprendre à repérer, comment y faire face ?

D’où cette idée de l’éthique : est-ce que réfléchir à l’éthique des relations, à ce mot « éthique » dans « des relations consensuelles et éthiques », pourrait m’aider à mieux comprendre ce que je suis en droit d’attendre d’une relation, et ce que je me dois d’y apporter moi aussi ?

C’est donc l’enjeu de ce nouveau voyage que j’entreprends. Et je n’ai évidemment pas, du moins pour l’instant, les réponses aux questions que je me pose : je me dis que, comme souvent, ce n’est pas la destination qui compte, mais le voyage lui-même !

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Donc : de quoi parle-t-on quand on parle d’éthique ? Quelle différence entre « l’éthique » et la « morale » ?

D’après Roger Pol-Droit, qui a écrit L’Éthique expliquée à tout le monde (je cite mes sources !), le mot « éthique » viendrait du grec ancien ἦθος, êthos, qui signifierait « étude du comportement dans un milieu donné », et par extension, « mœurs, coutumes » ; mais aussi, souci de l’autre : faire en sorte qu’un être vivant se sente « bien » dans un milieu donné.

Et le mot « morale » viendrait de l’équivalent en latin, mos, mores : les mœurs, là aussi.

Globalement, il explique que pendant des siècles, depuis les Grecs, Socrate et Platon, Aristote, les Épicuriens, les Stoïciens… jusqu’à Spinoza et son Éthique, réfléchir à l’éthique aurait correspondu à réfléchir au bonheur : qu’est-ce qui nous rend heureuxes, nous et l’autre ? Qu’est-ce qui nous fait du bien, par opposition à qu’est-ce qui nous fait du mal ?
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Ce n’est qu’avec Kant qu’en réalité, aurait été introduite l’idée de « devoir » : qu’est-ce que je « dois » faire, dans un sens qui pourrait s’appliquer à tout le monde de la même manière ?
(Que les vrai·es philosophes me pardonnent mes raccourcis, et n’hésitent pas à rectifier, préciser, amender… J’assume mon incompétence en me disant qu’après tout, ce qui compte, c’est ce que j’en ai retenu, et qui peut m’être utile dans ma vie de tous les jours).

Pour moi, le souci de l’autre et de son bien-être est donc présent dès le départ, car si je me fais du bien au détriment de quelqu’un·e d’autre, cela ne peut certes pas être généralisé à tout le monde.
L’enjeu devient donc rapidement : comment je dois me comporter pour faire du bien à l’autre, ou tout du moins, ne pas lui faire de mal, tout en étant heureuxe moi-même ?

On retrouve là le serment d’Hippocrate : primum non nocere : d’abord, ne pas nuire, ni à moi, ni à autrui.
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Par ailleurs, petit à petit, la différence entre la morale et l’éthique se serait posée entre d’un côté, la « morale » qui serait donnée par la société, la culture : ce qui serait transmis de génération en génération, qui existerait avant nous, et pour tout le monde pareil ; et de l’autre, l’éthique, au sens de ce qui serait plutôt à définir.

D’un côté, quelque chose d’un peu « rigide », donc, l’idée de « la norme », qui s’imposerait de l’extérieur ; de l’autre, quelque chose de plus complexe, plus souple aussi.

En complément, pour l’éthique, on aurait aussi d’un côté, le sens général, les grands principes (genre les « valeurs » ou les « vertus » : honnêteté, fidélité, fiabilité, souci de l’autre) ; et de l’autre, ce qui correspond plus à chacun·e d’entre nous, et va s’appliquer différemment selon chaque cas particulier.

C’est à cela que je réfléchirai demain : à la tension entre la « norme » et ce qui me rend heureuxe moi, en particulier, et qui ne correspond peut-être pas à la « morale » générale à laquelle l’ensemble de la société ou de la culture voudraient me faire adhérer…

Hâte de lire vos commentaires… Pas simple, tout ça…

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #3. Relations consensuelles et éthiques

Je termine ici en réalité mon article #2 sur la polyamorie définie comme : « la possibilité de vivre en parallèle plusieurs relations intimes consensuelles et éthiques« .

L’éthique fait pour moi partie intrinsèque de la polyamorie dès la création même du mot : en effet, si l’on en croit le récit de Deborah Anapol dans son livre Polyamory: The New Love Without Limits – repris par Alan McDonald sur son site polyinthemedia – le terme polyamory aurait été inventé par Oberon et Morning Glory Zell à la fin des années 80 pour remplacer en positif l’expression responsible non-monogamy.

L’idée était de définir les relations multiples possibles entre plusieurs partenaires adultes et librement consentants en un seul mot :

  • à la fois de manière positive, et non plus sous la forme d’un « non-quelque chose » (« non-monogamie ») ;
  • et en incluant leur côté « responsable », qu’on peut comprendre comme un équivalent de « éthique » – par opposition avec les formes de non-monogamie qui ne le sont pas.

Certes, nos relations devraient toujours être consensuelles et éthiques.

Oui, mais voilà, dans les faits, elles ne le sont pas, et insister sur le côté éthique des relations poly permet de les distinguer d’autres formes de non-monogamie :

  • la polyamorie n’est pas la polygamie : où il s’agit d’unions ou de mariages (du grec ancien γάμος, gámos : union, mariage), et qui est a priori, non égalitaire ;
    là où la polyamorie est égalitaire et féministe : chaque partenaire a les mêmes droits, quel que soit son genre, son âge, son orientation sexuelle ou relationnelle.
  • la polyamorie n’est pas de l’infidélité ou de l’adultère : puisque par définition, dans l’adultère, l’un·e des partenaires n’étant pas au courant, ielle ne peut pas être consentant·e.
  • enfin, la polyamorie n’est pas le libertinage, qui est une non-exclusivité consensuelle, certes, mais principalement liée à la sexualité ; là où la polyamorie insiste sur des relations entre les partenaires (qui peuvent d’ailleurs être asexuelles).

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J’insiste aussi sur le mot de « possibilité » – et non pratique dans les faits – de vivre des relations plurielles : comme le dit Françoise Simpère dans LUTINE, l’important est « que la porte soit ouverte, pas de la franchir tous les jours. »

Pour moi, la polyamorie comprend ainsi en réalité ce que j’ai défini comme une « monogamie positive« , qui serait choisie en conscience par deux partenaires qui décideraient d’être monogames tant que ça leur convient à l’un·e et à l’autre, tout en se mettant d’accord que si l’un·e des deux a un jour envie d’ouvrir leur relation, ielles pourront en parler, sans que cela ne la remette en question.

Quand on parle d’éthique, par définition, on tient compte du consentement de l’autre : libre, éclairé et révocable.

On parle ici de culture du consentement : chaque partenaire d’une relation est au courant, et d’accord, sur ses modalités.

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Pour moi, cette culture du consentement s’oppose à deux autres formes malheureusement trop souvent vécues, voire subies, dans les relations :

  • d’une part à ce qu’on appelle la « culture du viol », où l’un·e prend le pouvoir sur l’autre et nie son ressenti, l’accusant en miroir d’être responsable de la situation ;
  • d’autre part et plus largement, à la violence et aux relations abusives “ordinaires”. J’y reviendrai plus en détails : c’est en réalité une de mes motivations pour écrire ici.

 

Aujourd’hui plus que jamais, je souhaite parler ici d’éthique, de respect, et d’amour.

Avec amour, soutien, et bienveillance,
Isabelle

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #1. Intentions

Une nouvelle série d’articles de blog ? Eh bien, oui ! Ils m’aident à clarifier mes pensées, me procurent une gratification immédiate (objectif quotidien tenu !), je suis heureuse de les relire plus tard et de mesurer ainsi le chemin parcouru… Que du bon !

Donc après
13 jours devenus 21 de pensée positive, en novembre 2014
21 jours de Mindsight en novembre 2015
– 21 jours d’un Voyage en Polyamorie en mai 2016
21 jours + 1 pour des relations positives en novembre 2016

… me voici aujourd’hui repartie pour 21 articles à propos… d’éthique des relations.

« Éthique » ? Ouh là ! Kezako ? De la philo ?!
En partie, oui, mais pas seulement, et je ne manquerai pas d’y revenir.
Précisément, la question s’est posée il y a quelques mois au cours d’un café poly à Paris, et je me suis alors rendu compte que j’utilisais ce mot d' »éthique » pour décrire la polyamorie – la possibilité de vivre en parallèle plusieurs relations dans un cadre consensuel et « éthique » – sans peut-être y avoir suffisamment réfléchi de mon côté.

éthiqueParallèlement, je travaille depuis plusieurs mois sur ce qu’on appelle les relations « abusives », et notamment « verbalement abusives » (car il est souvent difficile de reconnaître qu’il s’agit d’abus quand ce ne sont « que des mots », alors même que des mots peuvent être autant dévastateurs que des coups).

En effet, alors que je pensais en avoir fait le tour il y a quelques années, ayant (beaucoup) lu à ce sujet en français (j’en ai même écrit un projet de documentaire, et créé un site pour répertorier des articles et liens), voici qu’une amie m’a mise sur la piste d’auteurices américain·es… qui ont bouleversé ma manière de voir – sans doute aussi grâce à mon travail autour de la Mindsight et de la Communication non-violente® : tout se recoupe, se connecte et, petit à petit, fait sens.

J’avais donc envie de transmettre tout ce que j’avais compris… sauf que l’idée de n’écrire que sur les relations abusives me déprimait d’avance.

Par ailleurs, moi qui ne suis ni psychologue, ni coache, professeure, chercheuse ou philosophe, je le sais, je tire ma « légitimité » pour écrire, des relations plurielles et de la polyamorie – grâce à LUTINE bien sûr, mon film, aux (très) nombreux livres que j’ai lus et groupes de discussion auxquels j’ai participé, mais aussi à mon expérience personnelle.

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Depuis quelques mois, je me surprenais à dire ou penser des choses telles que : On n’a pas le *droit* de traiter les gens comme ça, de parler comme ça ; Au nom de « quoi » je me permettrais de…? ; On peut dire des mots qui font plaisir, mais pas des mots qui blessent… 

D’où petit à petit, cette idée d’opposer les relations abusives aux relations positives et à la polyamorie… via une éthique des relations : Qu’est-ce qui fait du bien – ou pas ? Qu’est-ce qui permet de maintenir le lien – ou pas ? Qu’a-t-on a le « droit » de dire – ou pas ? Qu’est-ce qui a du sens – ou pas ?
Voici ce sur quoi je voudrais réfléchir dans ces articles. Le tout, mâtiné bien sûr de communication compassionnelle et d’accueil des émotions.

C’est avec cet objectif en tête que j’ai lu coup sur coup deux (courts) ouvrages qui m’ont confortée dans la direction que j’avais choisie : Paroles toxiques, paroles bienfaisantes : Pour une éthique du langage, et L’Éthique expliquée à tout le monde.
Ethique de la paroleEthique expliquée

Demain, je reviendrai sur la polyamorie : de quoi s’agit-il ? Pourquoi est-ce que je choisis de parler de « polyamorie » et non de « polyamour » ? Qu’est-ce que la polyamorie, et qu’est-ce que n’est pas la polyamorie ?

Au plaisir de lire vos commentaires… et vos questions, si vous en avez : je conçois ce blog comme un espace de dialogue, mes articles se nourrissent de vos retours.

Avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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Voyage en Polyamorie #19. Éthique de la Polyamorie

La position que j’ai adoptée au début de ce Voyage en Polyamorie (qui est la mienne et n’engage que moi !) est celle de ma désillusion à propos de l’idéal de la Monogamie, petit frère du mythe de l’Amour romantique, dont on nous rabat les oreilles à longueur de films et d’articles de journaux, et qui ne résiste pas, à mon sens, à un regard un peu critique sur ce qu’il se passe en réalité en coulisses, derrière les rideaux de la scène de théâtre sur laquelle nous jouons toutes et tous.

Qu’on ne se méprenne pas : je suis heureuse, profondément et sincèrement, pour les couples qui vivent heureux et épanouis en vraie Monogamie choisie en conscience, et renouvelée de leurs vœux jour après jour.
Ma motivation à entreprendre ce Voyage, et qui est, au fond je crois, la même que pour mon film LUTINE, est d’informer les autres, celles et ceux pour lesquel·les cet idéal inatteignable est écrasant et culpabilisant, qu’il existe d’autres manières de vivre les relations amoureuses que vivre en Monogamie hypocrite, frustrante ou résignée.

Si je ressens en moi ce besoin de transmettre, de créer les conditions pour des débats, c’est sans doute parce que, comme mon personnage au début de LUTINE : « je me dis que potentiellement, [le sujet de la polyamorie] peut intéresser tout le monde, et aider peut-être tout le monde… Parce que l’amour, les histoires d’amour, de couple, de fidélité, d’exclusivité ou pas, ça concerne tout le monde, et je crois en même temps que c’est facile pour personne… ».

Et aussi parce qu’ayant entrepris le voyage moi-même il y a quelques années, grâce à un ami qui m’a fait découvrir le concept alors que je sortais de plus de vingt ans de relations de couples décevantes et douloureuses, me permettant de me réconcilier avec l’Amour et d’envisager à nouveau des relations heureuses, éthiques et en conscience ; parce qu’étant passée par le ventre de la baleine (#9), et étant remontée grâce au soutien constant et bienveillant de nombreuxes ami·es autour de moi et de toute une communauté dont j’ai découvert, en présentant LUTINE à l’étranger (Lisbonne, Barcelone, Rome, Vienne, San Francisco, bientôt New York, Montréal) qu’elle était encore plus riche que je ne l’imaginais, car internationale, je me sens aujourd’hui dans cette position de l’héroïne – en toute modestie ! – qui ayant « choisi sa lumière » (#17), tend à son tour la main à celles et ceux qui seraient curieuxes d’entreprendre le voyage.

Aussi vraisemblablement, je l’avoue, parce qu’ayant écrit et conçu LUTINE à la fois comme une comédie, un divertissement, mais aussi un outil pédagogique, qui donne des éléments et des clés pour des débats après les projections, je me sens une forme de responsabilité vis-à-vis de tou·tes ces spectateurices qui vont découvrir la Polyamorie à travers mon film… afin de les mettre en garde contre des tentatives de se lancer dans l’aventure qui n’auraient pas été suffisamment préparées et réfléchies.
Aussi enfin, parce qu’en démocratisant, vulgarisant, médiatisant le sujet (je ne suis évidemment pas seule, c’est dans « l’air du temps », il y a de plus en plus d’articles ou de reportages), j’ai tout à fait conscience que la Polyamorie risque d’attirer de nombreux profiteurs, pour ne pas dire « prédateurs », des gens qui penseraient trouver parmi la « communauté » de la chair fraîche et disponible, tel le producteur joué par Philippe Rebbot dans LUTINE qui demande  : « Est-ce que quand on est polyamoureuse, on couche plus facilement ?
J’ai l’intuition que risquent de débarquer dans les cafés poly, qui font des petits un peu partout en France, dans les groupes Facebook ou sur le forum de polyamour.info, tout un tas de « faux-poly » ou de poly-fakes, qui auront intégré le discours et viendront « chasser de la meuf ».
C’est pourquoi il me paraît important, fondamental même, de dire, écrire, répéter, marteler, encore et encore, que vivre en Polyamorie, ça ne veut pas seulement dire pouvoir vivre en parallèle plusieurs histoires intimes (sexo-affectives, comme on dit en Espagne), mais avant tout, les vivre de façon éthique et consensuelle.
Qu’il est essentiel que toutes les personnes concernées soient non seulement au courant, mais aussi d’accord, profondément ; et qu’il s’agisse d’un consentement enthousiaste (d’un Fuck yes !), et non d’un consentement mou, ou qui aurait été concédé sous une quelconque pression ou contrainte.
 Il me paraît tout aussi important de former les gens aux différents outils d’accueil des émotions, mais surtout de communication, et en particulier à la communication non violente, aussi appelée communication compassionnelle.

Quand on pratique la Polyamorie — comme on pratiquerait un art martial — on se rend vite compte, confronté·e à des peurs dont on est habituellement épargné·e en Monogamiequ’on a tout intérêt à développer des outils spécifiques pour faire face aux émotions qu’elles réveillent en nous, et qui peuvent parfois être violentes ou bouleversantes.

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La CNV (communication non-violente : cf mon coin-lecture) nous apprend que nos émotions et nos réactions nous appartiennent : l’autre ne peut pas être tenu·e pour responsable de notre colère par exemple, ce qu’ielle a fait n’est qu’un « déclencheur ».

Si maon partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux : soit le vivre comme un manque de respect ; soit en être content·e parce que j’ai grappillé un quart d’heure de travail ; soit être en panique parce que j’ai peur qu’ielle n’ait eu un accident.

Ce qui me met en colère n’est donc pas que l’autre arrive en retard, mais ce que je projette sur son comportement. Si pour moi, sa ponctualité est un signe que je compte pour ellui (ou pas) et que je manifeste ma colère quand ielle arrive en retard, ce qui est en jeu – mon besoin derrière cette colère – est mon besoin de réassurance, qui n’a pas été satisfait ; si c’était un rendez-vous de travail et que je comptais dessus pour avancer, alors c’est ma frustration qui s’exprime.

Marshall Rosenberg nous invite à chercher le besoin non satisfait derrière nos émotions, et particulièrement de notre colère.

Certes. Mais quelqu’un.e qui appliquerait la CNV de manière abusive, pourrait chercher à imposer à l’autre ses manières de voir, en lui disant : Si tu es en colère, c’est ton problème. Mon besoin à moi était d’arriver en retard.

La Polyamorie n’est pas seulement une manière différente de vivre ses relations amoureuses, c’est aussi une philosophie de vie. Qui peut être évidemment totalement pervertie, si elle n’est pas pratiquée de façon éthique.

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Je pense qu’à titre personnel, je suis d’autant plus entrée de manière enthousiaste en Polyamorie il y a quelques années qu’à l’époque, j’y voyais un moyen de me protéger des personnes toxiques et manipulatrices. Je n’avais en effet plus confiance dans mon instinct, qui m’avait déjà trompée par le passé, et je craignais, si je renouais une relation amoureuse, de ne pas repérer d’emblée un comportement toxique. Le fait de pouvoir vivre plusieurs relations en parallèle me donnait l’impression d’être protégée d’un manipulateur qui ne pourrait alors pas me couper des autres sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Aujourd’hui, je ne pense plus qu’il suffise de vivre en Polyamorie pour être protégé·e des relations toxiques. Et je pense au contraire précisément qu’il est urgent de développer dans la société – pas seulement pour les polyamoristes, mais pour tou·tes — et ce, le plus tôt possible, dès l’enfance, des outils afin que chacun·e puisse développer des antennes qui l’alertent contre des comportements qui ne sont pas acceptables.

On n’a pas le droit – PAS LE DROIT ! – de critiquer, juger, dévaloriser, humilier, rabaisser l’autre, de faire du chantage, de menacer de représailles si quelqu’un·e ne fait pas ce qu’on souhaite. On n’a pas le droit de læ contraindre d’une quelconque manière, de minimiser ses émotions : Tu es trop sensible, tu fais des histoires pour rien, tout ça n’est pas très grave.

C’est la logique, la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO) dans laquelle on a grandi. On y est tellement habitué·e que si on ne nous apprend pas à en repérer des symptômes, les « trucs », on peut très bien ne même pas en avoir conscience.
Et pour peu qu’un·e manipulateurice ait parfaitement intégré le discours poly, les outils, les codes, le vocabulaire, ielle peut très bien renverser les outils de CNV pour son intérêt propre.

La CNV nous apprend à entendre les besoins non satisfaits derrière ce que Marshall Rosenberg appelle de manière très émouvante, je trouve, des tentatives d’expression « tragiquement suicidaires ». Mais il ne s’agit pas non plus, en contrepartie, d’offrir de l’empathie à quelqu’un·e qui en abuserait et ne ferait pas preuve de la même empathie envers nous.

Pour développer des relations saines et équilibrées entre deux personnes, il est nécessaire que les deux soient sur la même longueur d’ondes. Une des règles de base d’une relation équilibrée, écrit Michel Bozon dans La Pratique de l’amour, est la réciprocité. Au début d’une relation, je me livre, l’autre se livre, puis moi, puis ellui. Chacun·e donne de soi, s’offre en cadeau, se confie, à tour de rôle. Si une relation n’est que dans un sens, si l’un·e donne et l’autre pas, c’est très vite déséquilibré.

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Il me semble qu’il est du devoir – moral et impératif – de l’ensemble de nous tou·tes, de transmettre ces outils, ces expériences, de raconter nos balbutiements, nos plantages, nos galères…

La Polyamorie est un mode de relations qui insiste sur le côté éthique des relations à l’autre : égalitaire, féministe par définition, compassionel. Ce n’est pas pour rien si le bouquin de référence mondial (jusqu’à More Than Two) était La Salope éthique : éthique, la salope !

Il s’agit de faire attention à l’autre, pas d’utiliser les outils développés en CNV pour lui faire avaler des couleuvres.
Quand le personnage d’Isa dans LUTINE, découvrant un article sur la jalousie dans La Salope éthique, le traduit par  : « Ta jalousie t’appartient, tu ne peux pas m’en tenir pour responsable », son partenaire lui répond à juste titre : « Si tu couchais pas avec ton comédien dans ton lit pendant que je suis au bureau, j’aurais pas de problème à gérer. »
Chacune des phrases commençant par « tu » ou « ta », ceci n’est typiquement pas un dialogue en CNV : en CNV, on parle de soi, de son ressenti, de ses besoins.

IMG_5108Notons aussi que la CNV est avant tout une invitation à travailler sur soi-même et non une exigence à ce que les autres travaillent sur elleux-mêmes !

La polyamorie, contrairement à ce que pense ma grand-mère, ce n’est pas « coucher avec n’importe qui n’importe comment« . Il s’agit de relations éthiques, en conscience. On choisit de vivre dans l’honnêteté (ce qui ne veut pas dire « transparence »), sans tricher, sans mentir, sans tromper. Et dans l’écoute et l’accueil compassionnel des émotions des un·es et des autres.

Ce que l’on dit souvent à l’intention des « débutant·es » ou des poly-curieuxes, c’est : Prenez votre temps. Avancez à votre rythme, et singulièrement, au rythme de la personne la plus lente (formule qui nous vient de More Than Two). Ne forcez pas les choses, ne passez pas en force, vous créeriez des précédents traumatiques, qui rendraient les choses encore plus compliquées par la suite.

À nous tou·tes d’être vigilant·es et de dénoncer les comportements abusifs, les chasseurs dans les cafés poly ou dans les groupes Facebook. Si quelqu’un.e vous importune, vous demande en MP alors que vous ne læ connaissez pas, dénoncez-læ, aux modérateurices des groupes, aux organisateurices des événements publics.
Ne subissez pas en pensant que ce sont des comportements normaux. Ne banalisons pas la violence.

Depuis quelques jours, les voix s’élèvent dans la société – des femmes, mais aussi des hommes féministes – pour dénoncer le harcèlement et les violences sexuelles. Osons parler ! C’est important, aussi dans les milieux poly. Nous ne sommes pas plus épargné·es que partout ailleurs dans la société, et nous le serons d’autant moins que nous sommes de plus en plus exposé·es. Sachons nous montrer exemplaires et préserver nos lieux de vie poly de manière à ce qu’ils restent sécures.

Et vous, quelle est votre expérience des cafés poly ou des groupes Facebook ? Y avez-vous déjà rencontré des poly-fakes ou faux-poly ? Racontons nos expériences ! Libérons la parole !
L’espace des commentaires ci-dessous vous est réservé : vous y êtes les bienvenu·es !

À demain, avec amour et bienveillance,
Isabelle

 (*) Je vous encourage à lire dans les commentaires à la suite de chacun de mes articles, ceux de mon amie Elisende Coladan : ils se répondent, se complètent, d’une manière que je trouve réjouissante et fort inspirante, montrant par l’exemple ce que nous avançons, je crois, l’une et l’autre : qu’il y a autant de façon de vivre la Polyamorie que de polyamoristes ; et qu’il est avant tout important pour chacun·e de vous / nous, de savoir ce qu’ielle attend de la vie et des relations, et de les définir pour soi en fonction.